Vu I), enregistrée le 2 juin 2010 sous le n° 10PA02683, la requête présentée pour la société à responsabilité limitée REGIE NATIONALE DE PUBLICITE ET D'ORGANISATION (R.N.P.O.), dont le siège est 3, rue des Pyramides à Paris (75001), par Me Bonzom ; la société R.N.P.O. demande à la Cour :
1°) de réformer le jugement n°s 0603735 et 0613009 du 6 avril 2010 par lequel le Tribunal Administratif de Paris n'a que partiellement fait droit à ses demandes qui tendaient, d'une part, à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et de contribution additionnelle à cet impôt, ainsi que des pénalités correspondantes, auxquelles elle avait été assujettie au titre des années 2001 à 2003, d'autre part, à la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée, ainsi que des pénalités correspondantes, mis à sa charge au titre de la période du 1er janvier 2001 au 31 décembre 2003 ;
2°) de prononcer la décharge des impositions restant en litige et des pénalités correspondantes ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 10 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Vu II), le recours, enregistré par télécopie le 28 juillet 2010 et régularisé par la production de l'original le 30 juillet 2010 sous le n° 10PA03796, présentée par le MINISTRE DU BUDGET, DES COMPTES PUBLICS ET DE LA REFORME DE L'ETAT ; le MINISTRE DU BUDGET, DES COMPTES PUBLICS ET DE LA REFORME DE L'ETAT demande à la Cour :
1°) d'annuler les articles 2, 3, 4, 5 et 6 du dispositif du jugement n°s 0603735 et 0613009 du 6 avril 2010 par le Tribunal Administratif de Paris a fait partiellement droit aux demandes de la société R.N.P.O. tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et de contribution additionnelle à cet impôt auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2001 à 2003 ainsi que des rappels de taxe sur la valeur ajoutée mis à sa charge au titre de la période correspondante ;
2°) de remettre à la charge de la société R.N.P.O. les cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et de contribution additionnelle à cet impôt et des pénalités correspondantes, initialement mis à sa charge au titre des années 2002 et 2003 mises en recouvrement le 26 septembre 2005, sur les bases respectives de 611 473 et 122 226 euros, ainsi que les rappels de taxe sur la valeur ajoutée correspondants, et les pénalités correspondantes, mis à sa charge pour la période du 1er janvier 2002 au 31 décembre 2003 par avis de mise en recouvrement du 9 mars 2006 pour un montant de 302 198 euros ;
..................................................................................................................
Vu le jugement attaqué ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 21 juin 2012 :
- le rapport de M. Vincelet, rapporteur,
- les conclusions de M. Gouès, rapporteur public,
- et les observations de Me Angotti, avocat de la société R.N.P.O. ;
Considérant qu'à l'issue d'une vérification de comptabilité, ayant porté sur les années 2001 à 2003, de la société anonyme REGIE NATIONALE DE PUBLICITE ET D'ORGANISATION (R.N.P.O.), qui exerce une activité de prospection et de démarchage de professionnels aux fins d'insertion de messages et d'encarts publicitaires dans diverses revues, l'administration a assujetti cette société à des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et de contribution exceptionnelle à cet impôt au titre de ces trois années en conséquence de la remise en cause d'un déficit des années antérieures et de la réintégration dans ses bases d'imposition, d'une part de provisions injustifiées et de commissions versées à des intermédiaires sans contrepartie établie ainsi que de redevances d'exploitation versées à une société tierce, d'autre part de suppléments de rémunération versées à son dirigeant ; qu'elle a également mis à la charge de la société, au titre de la période correspondante, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui procédaient, en premier lieu, de la remise en cause de la déduction de la taxe sur la valeur ajoutée qui grevait les commissions et les redevances versées, en deuxième lieu, du rehaussement de son chiffre d'affaires soumis à la taxe en conséquence de la correction d'une discordance constatée entre les déclarations de taxe et les déclarations de résultats de la société, et en troisième lieu de la soumission à la taxe sur la valeur ajoutée d'une indemnité perçue et que la société avait déclarée comme produit exceptionnel ; qu'elle a enfin notifié à la société, au titre au titre de l'année 2002, un profit sur le Trésor égal à la taxe sur la valeur ajoutée non déclarée ; que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a partiellement fait droit aux demandes en décharge de ces impositions dont l'avait saisi la société R.N.P.O., en lui accordant la décharge partielle des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et des rappels de taxe sur la valeur ajoutée afférents aux années 2002 et 2003 ; que la société R.N.P.O. et le MINISTRE DU BUDGET, DES COMPTES PUBLICS ET DE LA REFORME DE L'ETAT font respectivement appel de ce jugement en tant qu'il leur est défavorable ;
Considérant que la requête de la société R.N.P.O. et le recours du MINISTRE du BUDGET, DES COMPTES PUBLICS ET DE LA REFORME DE L'ETAT, respectivement enregistrés sous les numéros 10PA02683 et 10PA03796, sont dirigés contre le même jugement et sont relatifs aux mêmes impositions ; qu'il y a par suite lieu de les joindre pour y statuer par un seul arrêt ;
Sur la requête de la société R.N.P.O. :
En ce qui concerne l'étendue du litige :
Considérant que par décision du 15 avril 2011 postérieure à l'introduction de la requête de la société R.N.P.O., le directeur du contrôle fiscal d'Ile de France Est a prononcé, au profit de cette société, un dégrèvement en principal et pénalités de 56 855 euros au titre de la cotisation supplémentaire d'impôt sur les sociétés de l'année 2002 et de la cotisation de contribution sur cet impôt de l'année 2003 ; qu'à concurrence du montant de ce dégrèvement, les conclusions en décharge de la société R.N.P.O. sont devenues sans objet ;
En ce qui concerne les impositions demeurant en litige :
S'agissant des redevances versées à la société France Magazine :
Considérant qu'au cours des années 2001 et 2002, la société R.N.P.O. a déduit des ses résultats imposables à l'impôt sur les sociétés le montant des redevances d'exploitation de la marque France Magazine versées à la société France Magazine et de la taxe sur le chiffre d'affaires dont elle était redevable à raison de ses propres opérations, la taxe sur la valeur ajoutée qui grevait ces redevances ; que l'administration n'a pas admis ces déductions au motif que la requérante était propriétaire de la marque, en sorte que la société France Magazine n'était pas en droit de lui en concéder l'exploitation ;
Considérant que les redevances en litige ont été versées en exécution d'un contrat conclu le 15 décembre 2000 entre la société requérante et la société France Magazine, selon lequel cette société a accordé à la requérante le droit d'exploiter les dix marques de la société France Magazine, de les éditer et d'y inclure toute publicité commerciale de son choix, pour une période de 5 ans, moyennant le versement d'une redevance égale à 5% du chiffre d'affaires obtenu par les recettes commerciales provenant de l'exploitation des marques faisant l'objet du contrat ; que ce contrat garantissait à la société France Magazine le versement d'un minimum forfaitaire de 20 000 F par mois et que les redevances en cause ont été facturées sur la base de ce forfait minimum ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction que le dépôt, effectué le 29 juin 1983 et renouvelé le 24 juin 1993, auprès de l'Institut National de la Propriété Intellectuelle (I.N.P.I.), par la société France Magazine de la marque France Magazine, ne concernait que le produit appelé " Le Livre d'Or du département " et son exploitation dans les classes 16 et 35 ; qu'aucune autre pièce du dossier n'établit l'existence d'un dépôt, au profit de cette société, de la marque pour l'exploitation d'un autre produit ; que les clauses du contrat du 15 décembre 2000 font au demeurant état de ce que les produits de la marque portant les numéros 5 à 9 n'étaient plus protégés depuis le mois de juin 1998 en l'absence de renouvellement du dépôt ; qu'il est en outre constant que la société R.N.P.O. avait elle-même déposé, le 27 mai 1997, la marque France Magazine auprès de l'INPI, en vue de l'exploiter dans la classe 36 ; que, dans ces conditions, alors qu'il n'est ni établi ni même allégué que les recettes de la société R.N.P.O. auraient été retirées de l'exploitation dans les classes 16 et 35 du produit le " Livre d'Or du département ", déposé au nom de la société France Magazine, c'est à bon droit que l'administration avait refusé la déduction des redevances en litige et de la taxe sur la valeur ajoutée qui les grevait ;
S'agissant de la réintégration de la rémunération du gérant :
Considérant qu'aux termes du 1 de l'article 39 du code général des impôts, applicable à l'impôt sur les sociétés en vertu de l'article 209 du même code : " Le bénéfice net est établi sous déduction de toutes charges, celles-ci comprenant (...) notamment : 1° Les frais généraux de toute nature, les dépenses de personnel et de main-d'oeuvre, le loyer des immeubles dont l'entreprise est locataire. Toutefois les rémunérations ne sont admises en déduction des résultats que dans la mesure où elles correspondent à un travail effectif et ne sont pas excessives eu égard à l'importance du service rendu. Cette disposition s'applique à toutes les rémunérations directes ou indirectes, y compris les indemnités, allocations, avantages en nature et remboursements de frais. "
Considérant que le vérificateur a réintégré, dans la base imposable de la société R.N.P.O. de l'année 2001, la somme de 42 716 euros correspondant au supplément de rémunération du gérant, au motif que ce supplément, qui n'avait pas été décidé par l'assemblée des associés, correspondait à la prise en charge, par la société requérante, de dépenses personnelles de l'intéressé ;
Considérant qu'à supposer même que, comme la requérante le soutient, ce supplément de rémunération ait reçu l'accord tacite des autres associés lors de l'assemblée annuelle postérieure à la clôture de l'exercice 2001 statuant sur les comptes, il résulte néanmoins de l'instruction que ce supplément correspond aux prélèvements du gérant lors d'un voyage aux Etats-Unis et dont le caractère privé n'est pas sérieusement contesté, à des prélèvements en espèce sur le compte de la société R.N.P.O. ainsi qu'aux charges afférentes à l'occupation, par le gérant, d'un appartement, propriété de la société et mis à la disposition gérant ; que, par suite, ce supplément de rémunération, qui ne correspond à aucun travail effectif du gérant, n'était pas déductible des résultats imposables de la société requérante ; que, dès lors, la société n'est pas fondée à contester la réintégration de la somme de 42 716 euros dans ses résultats imposables au titre de l'année 2001 ;
S'agissant des rappels de taxe sur la valeur ajoutée impliqués par la correction de la discordance constatée entre les déclarations de taxe sur la valeur ajoutée et les déclarations de résultats de l'année 2002 :
Considérant qu'après avoir comparé les déclarations de taxe sur la valeur ajoutée et de résultats de la société R.N.P.O., le vérificateur a constaté une insuffisance de taxe déclarée ; qu'après l'avoir corrigée par la prise en compte de la variation des comptes clients entre le 31 décembre 2001 et le 31 décembre 2002, il a assigné à la contribuable un rappel de taxe sur la valeur ajoutée de 244 850 euros au titre de la période du 1er janvier au 31 décembre 2002 ; que, par le jugement attaqué, le tribunal a estimé qu'à hauteur de la seule somme de 104 788 euros, ce rappel n'était pas justifié et en a accordé décharge à la requérante ;
Considérant que, pour justifier l'insuffisance de déclaration relevée par le service, la société R.N.P.O. fait valoir qu'elle correspond à des créances sans contrepartie sur des " clients douteux " au nombre desquels la société Aventis, et produit devant la Cour les notes d'avoir d'un montant total de 1 618 810,30 euros hors taxes qu'elle avait adressées à cette société avant le début de la vérification et qui se rapportaient à l'ensemble des prestations dont la société Aventis l'avait initialement chargée, avant de dénoncer ultérieurement le contrat ; que, l'administration fait valoir que le total des avoirs produits ne correspond pas exactement aux sommes contractuellement dues par la société Aventis ainsi qu'aux sommes effectivement payées par cette société en exécution de la transaction ultérieure ; que, toutefois, la société R.N.P.O., qui fait à juste titre valoir que cette différence est particulièrement minime, ajoute qu'elle a pour causes le passage à l'euro et le changement de taux de la taxe ; que l'administration, qui ne conteste pas le caractère minime de la différence, se borne à affirmer que le changement de monnaie et de taux de la taxe ne peuvent à eux seuls l'expliquer ; que, dans ces conditions, et alors que la requérante a en outre produit un relevé exhaustif et non contesté par le service de l'ensemble de ses encaissements soumis à la taxe au titre de la période en cause, elle établit que l'insuffisance déclaration en cause correspond aux sommes qu'elle avait reçues de la société Aventis et qui n'ont pas donné lieu à la réalisation d'une prestation de service ; que, c'est en conséquence à tort que par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris n'a que partiellement fait droit aux conclusions en décharge de la société R.N.P.O. de ce chef de redressement ;
S'agissant du profit sur le Trésor ajouté aux bases de l'impôt sur les sociétés de l'année 2002 :
Considérant que lorsqu'un contribuable a fait l'objet de redressements en matière d'impôts sur les bénéfices et de taxe sur la valeur ajoutée, ses bases d'imposition à l'impôt sur les sociétés peuvent être rehaussées d'un " profit sur le Trésor " chaque fois que le droit qui lui est ouvert, de déduire de ces bases la taxe sur la valeur ajoutée rappelée aboutirait, à défaut de la constatation à due concurrence d' un tel profit, à ce que le contribuable soit imposé à l'impôt sur les sociétés sur une assiette plus réduite que celle sur laquelle il aurait été imposé s'il avait acquitté régulièrement la taxe sur la valeur ajoutée ;
Considérant que le profit sur le Trésor en litige concerne les rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui résultaient, d'une part, de la soumission à la taxe pour un montant de 197 410 euros, de l'indemnité de 1 204 608 euros perçue de la société Aventis, d'autre part, de la correction de l'écart constaté entre les déclarations de taxe et les déclarations de résultats souscrites par la société ; que, devant la Cour, l'administration a dégrevé le profit sur le Trésor résultant de l'inclusion dans les bases de l'impôt sur les sociétés, de la taxe sur la valeur ajoutée (197 410 euros), qui grevait l'indemnité perçue de la société Aventis ; qu'elle a limité le dégrèvement prononcé à l'imposition d'un montant de taxe de 105 588 euros au motif que le surplus de la demande excédait le total des impositions mises en recouvrement au titre de l'année concernée ; que, si la société soutient qu'elle serait en droit de bénéficier d'un déficit reportable sur l'année 2003, il résulte de l'instruction qu'elle n'avait pas fait une telle demande de report dans sa réclamation préalable à l'administration ; qu'ainsi la requérante n'est pas en droit d'obtenir un dégrèvement supplémentaire ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la société R.N.P.O. est seulement fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté le surplus de ses demandes en décharge des impositions restant en litige, en tant que ces demandes concernaient la fraction non déchargée des rappels de taxe sur la valeur ajoutée de l'année 2002 qui résultaient de la correction de la différence constatée entre ses déclarations d'impôt sur les sociétés et ses déclarations de taxe sur la valeur ajoutée ; que le surplus des conclusions de sa requête doit être rejeté ;
Sur le recours du MINISTRE DU BUDGET, DES COMPTES PUBLICS ET DE LA REFORME DE L'ETAT :
S'agissant de la remise en cause de l'imputation, sur les résultats imposables à l'impôt sur les sociétés de l'année 2003, d'un déficit afférent aux années antérieures ;
Considérant que le jugement attaqué a estimé que le redressement afférent à l'absence de prise en compte par le service dans les résultats de l'année 2003 d'un déficit de 67 715 euros afférent aux années antérieures n'était pas motivé et a en conséquence déchargé la société de la cotisation d'impôt sur les sociétés de ladite année en tant qu'elle était fondée sur l'imposition de cette somme ;
Considérant, toutefois, que devant la Cour le MINISTRE fait valoir que le déficit des années antérieures à prendre en compte doit être limité à la somme de 14 715 euros qui correspond au montant de la déclaration modificative déposée par le dirigeant de la société R.N.P.O. ; que, dans son mémoire en défense, la société a expressément admis le bien-fondé de la position de l'administration et a renoncé à poursuivre la contestation de ce chef de redressement ; que, dans ces conditions, c'est à tort que le jugement attaqué a admis l'imputation sur les résultats de l'année 2003, non de la seule somme de 14 715 euros, mais de celle de 67 715 euros ;
S'agissant des commissions versées à la société Retail Press LTD en 2002 :
Considérant qu'aux termes du 1 de l'article 39 du code général des impôts, applicable à l'impôt sur les sociétés en vertu de l'article 209 du même code : " Le bénéfice net est établi sous déduction de toutes charges, celles-ci comprenant (...) notamment, les frais généraux de toute nature (...) " ; que si, en vertu des règles gouvernant l'attribution de la charge de la preuve devant le juge administratif, applicables sauf loi contraire, il incombe, en principe, à chaque partie d'établir les faits qu'elle invoque au soutien de ses prétentions, les éléments de preuve qu'une partie est seule en mesure de détenir ne sauraient être réclamés qu'à celle-ci ; qu'il appartient, dès lors, au contribuable, pour l'application des dispositions précitées du code général des impôts, de justifier tant du montant des charges qu'il entend déduire du bénéfice net défini à l'article 38 du code général des impôts que de la correction de leur inscription en comptabilité, c'est-à-dire du principe même de leur déductibilité; que le contribuable apporte cette justification par la production de tous éléments suffisamment précis portant sur la nature de la charge en cause, ainsi que sur l'existence et la valeur de la contrepartie qu'il en a retirée ; que dans l'hypothèse où le contribuable s'acquitte de cette obligation, il incombe ensuite au service, s'il s'y croit fondé, d'apporter la preuve de ce que la charge en cause n'est pas déductible par nature, qu'elle est dépourvue de contrepartie, qu'elle a une contrepartie dépourvue d'intérêt pour le contribuable ou que la rémunération de cette contrepartie est excessive ;
Considérant qu'en vertu de ces principes, lorsqu'une entreprise a déduit en charges une dépense réellement supportée, conformément à une facture régulière relative à un achat de prestations ou de biens dont la déductibilité par nature n'est pas contestée par l'administration, celle-ci peut demander à l'entreprise qu'elle lui fournisse tous éléments d'information en sa possession susceptibles de justifier la réalité et la valeur des prestations ou biens ainsi acquis ; que la seule circonstance que l'entreprise n'aurait pas suffisamment répondu à ces demandes d'explication ne saurait suffire à fonder en droit la réintégration de la dépense litigieuse, l'administration devant alors fournir devant le juge tous éléments de nature à étayer sa contestation du caractère déductible de la dépense ; que le juge de l'impôt doit apprécier la valeur des explications qui lui sont respectivement fournies par le contribuable et par l'administration ;
Considérant que la société R.N.P.O. avait signé le 1er février 1997 avec la société britannique Retail Press Ltd une convention par laquelle elle donnait à cette société mandat de vendre pour son compte à des annonceurs des espaces publicitaires dans des revues spécialisées ; qu'elle a produit la facture émise le 16 mai 2002 par cette société, d'un montant de 611 473 euros et honorée par elle ; que, selon la requérante, cette commission rémunérait l'entremise de la société Retail Press Ltd, d'une part, pour la conclusion avec la société Rhône-Poulenc devenue Aventis d'une campagne de publicité d'une durée de quatre ans et la réservation d'espaces par cette dernière société dans le cadre de cette campagne, d'autre part, pour le paiement par la société Aventis d'une indemnité de 1 204 608 euros pour rupture de ses engagements contractuels ; que, pour s'opposer à la déduction de cette commission des bases d'imposition à l'impôt sur les sociétés de la société R.N.P.O. de l'année 2002, l'administration fait valoir que la société R.N.P.O. entretenait depuis l'année 1990 des relations commerciales avec la société Rhône-Poulenc devenue Aventis et que le recours à un intermédiaire pour traiter avec cette société n'apparaissait dès lors pas nécessaire ; qu'elle ajoute que la société Retail Press Ltd qui a émis la facture n'existait pas légalement en 1997 et qu'elle n'est donc pas la signataire de la convention du 1er février 1997, qu'elle n'a été enregistrée au registre du commerce et des sociétés d'Angleterre et du Pays de Galles que le 14 mai 2002, soit deux jours avant l'émission de la facture, que son siège social était situé à une adresse de domiciliation, qu'elle était inconnue de l'administration britannique et qu'elle ne disposait d'aucun personnel ; qu'enfin elle fait valoir que la facture ne comporte pas le numéro d'identification intracommunautaire de l'émetteur, que le mode de calcul de la commission n'est pas conforme aux stipulations de la convention du 1er février 1997 et que cette commission a été payée sur le compte bancaire ouvert au nom d'une société tierce dans une banque située au Luxembourg ;
Mais considérant que la société R.N.P.O., dont il n'est pas sérieusement contesté qu'elle devait impérativement recourir aux services d'intermédiaires pour trouver des annonceurs, fait valoir qu'elle n'avait pas de contact direct avec la société Rhône-Poulenc devenue Aventis ; qu'elle établit que la société Retail Press Ltd avait effectivement une existence légale lors de la signature de la convention du 1er février 1997, mais que son siège social a changé d'adresse, en sorte qu'elle est bien la société émettrice de la facture ; qu'elle ajoute que les recherches qu'elle a effectuées ont confirmé l'existence légale de cette société et son inscription au registre du commerce et des sociétés ; qu'au demeurant, contrairement aux observations du MINISTRE, il résulte des termes mêmes de la notification de redressements adressée à la requérante que la société Retail Press Ltd était connue de l'administration fiscale britannique ; que la société R.N.P.O. fait également valoir que l'intermédiation de cette société a permis d'obtenir la conclusion d'accords contractuels avec la société Aventis ainsi qu'un début d'exécution de ces accords sous la forme de réservation d'espaces publicitaires par cette société, puis, après que celle-ci eût renoncé à poursuivre l'exécution de ces accords, la conclusion, le 10 avril 2002, d'une transaction avec la société Aventis, en exécution de laquelle cette dernière lui a versé une indemnité de 1 204 608 euros ; qu'elle produit au demeurant la copie d'une assignation en justice préalable à la transaction du 10 avril 2002 par laquelle le conseil de la société Retail Press Ltd poursuit la société Aventis en exécution de ses obligations contractuelles envers la requérante ; qu'enfin cette dernière établit par la production des copies des deux chèques de montants respectifs de 313 311,10 euros et de 300 000 euros, que le bénéficiaire de la commission est effectivement la société Retail Press Ltd ; que la circonstance invoquée par le service, selon laquelle le siège de cette société était situé à une adresse de domiciliation et qu'elle n'aurait pas disposé de personnel ne faisait par elle-même pas obstacle à l'accomplissement des prestations immatérielles en cause ; qu'il en va de même du fait que le montant de la commission n'était pas calculé conformément aux clauses de la convention de 1997, dès lors que cette convention n'avait prévu la rémunération de la société Retail Press Ltd que pour son entremise dans le démarchage d'annonceurs et non pour l'obtention d'une indemnité de rupture de contrat ; qu'enfin la circonstance que la facture ne comporte pas le numéro d'identification intracommunautaire de l'émetteur est dépourvue d'incidence s'agissant de la déduction d'une charge des bases de l'impôt sur les sociétés ; que, compte tenu de ces éléments, la société RNPO doit être regardée comme établissant l'existence pour elle d'une contrepartie au versement de la commission et, en conséquence, la déductibilité de la charge correspondante ; que c'est en conséquence à juste titre que le jugement attaqué a fait droit aux conclusions sur ce point de la société R.N.P.O. en lui accordant décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et de contribution sur cet impôt auxquelles elle avait été assujettie en conséquence de la réintégration dans ses bases imposables de la commission de 611 473 euros ;
S'agissant du bien-fondé de l'assujettissement à la taxe sur la valeur ajoutée de l'indemnité de 1 204 608 euros perçue en 2002 par la société R.N.P.O. :
Considérant qu'aux termes du I de l'article 256 du code général des impôts : " Sont soumises à la taxe sur la valeur ajoutée les livraisons de biens meubles et les prestations de services effectuées à titre onéreux par un assujetti agissant en tant que tel " et qu'aux termes de l'article 266 du même code : " 1. La base d'imposition est constituée : a. pour les livraisons de biens et les prestations de services, par toutes les sommes, valeurs, biens ou services reçus ou à recevoir par le fournisseur ou le prestataire en contrepartie de la livraison ou de la prestation " ;
Considérant qu'au cours des années 1998 et 1999, la société Rhône-Poulenc devenue Aventis, a, ainsi qu'il a été dit, confié à la société R.N.P.O. la réalisation d'une campagne de publicité d'une durée de quatre ans ; que cette campagne concernait quatre revues et que son coût était de 12 803 779 francs (1 951 924 euros) ; qu'après avoir réglé les factures émises par la société R.N.P.O. pour un montant de 4 024 099 francs (613 470 euros) correspondant aux prestations effectuées par cette dernière en 1998 et 1999, la société Aventis a, par lettre du 12 novembre 1999, informé la société R.N.P.O. qu'elle ne souhaitait plus poursuivre la campagne de publicité ; qu'après avoir assigné en justice la société Aventis en paiement du reliquat des sommes contractuellement dues, les deux sociétés ont conclu, le 10 avril 2002, une transaction en exécution de laquelle la société Aventis a versé à la société R.N.P.O. une somme de 1 204 608 euros, en contrepartie de l'abandon, par la société R.N.P.O., de l'instance engagée et de sa renonciation à toutes poursuites ultérieures ; que l'administration a assujetti cette somme à la taxe sur la valeur ajoutée, alors que la société R.N.P.O. l'avait simplement comptabilisée et incluse dans sa déclaration de résultats en tant que produit exceptionnel ;
Considérant que le versement en cause, qui, bien que représentant environ 90% des sommes restant contractuellement dues, ne résultait pas des modalités dont les parties étaient convenues pour assurer l'équilibre économique du contrat, ne constituait pas la contrepartie directe et la rémunération d'une prestation individualisable de réservation d'espaces publicitaires, mais avait pour objet de réparer le préjudice subi par la société R.N.P.O. du fait de la rupture unilatérale du contrat par la société Aventis ; que, dans ces conditions, c'est à bon droit que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a considéré que l'indemnité de 1 204 608 euros n'était pas passible de la taxe sur la valeur ajoutée et a en conséquence accordé à la société R.N.P.O. la décharge du rappel de taxe sur la valeur ajoutée correspondant, d'un montant en droits de 197 410 euros ;
S'agissant de la provision de 107 551 euros déduite des résultats de l'année 2003 :
Considérant qu'aux termes de l'article 39 du code général des impôts, rendu applicable à l'impôt sur les sociétés par l'article 209 du même code : " 1. Le bénéfice net est établi sous déduction de toutes charges, celles-ci comprenant (...) notamment : (...) 5° les provisions constituées en vue de faire face à des pertes ou charges nettement précisées et que des évènements en cours rendent probables, à conditions qu'elles aient été effectivement constatées dans les écritures de l'exercice (...) " ;
Considérant qu'à la clôture de l'exercice 2003, la société R.N.P.O. a comptabilisé une provision " pour impôts et taxes " d'un montant de 107 551 euros ;
Considérant que si la société requérante établit que le montant de cette provision correspond aux rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été assignés au titre de la période du 1er avril 1987 au 31 décembre 1992 par deux notifications de redressements des 17 décembre 1991 et 21 octobre 1992, il résulte toutefois de ces notifications que les rappels de taxe sur la valeur ajoutée en cause ont été déduits de l'assiette de l'impôt sur les sociétés de l'intimée en application de l'article L. 77 du livre des procédures fiscales ; qu'ainsi ces rappels ne pouvaient plus donner lieu ultérieurement à la constitution de provisions ; que dans ces conditions, c'est à tort que le jugement attaqué, a accordé à la société R.N.P.O. la décharge, en droits et pénalités, des suppléments d'impôts sur les sociétés et de contribution additionnelle qui procèdent de la réintégration dans ses résultats imposables de l'année 2003, de cette provision de 107 511 euros ;
S'agissant des rappels de taxe sur la valeur ajoutée impliqués par la correction de la discordance constatée entre les déclarations de taxe sur la valeur ajoutée et les déclarations de résultats de l'année 2002 :
Considérant qu'il résulte de ce qui a été dit ci-dessus que ces rappels de taxe ne sont pas fondés et sont totalement déchargés par le présent arrêt ; que le MINISTRE ne peut en conséquence utilement soutenir que le jugement attaqué aurait du rejeter en totalité la demande en décharge de la société sur ce point ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le MINISTRE DU BUDGET, DES COMPTES PUBLICS ET DE LA REFORME DE L'ETAT est seulement fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a déchargé la société R.N.P.O. des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et de contribution à cet impôt mises à sa charge au titre de l'année 2003 en conséquence de la réintégration dans ses bases d'imposition de ladite année, de la provision pour " impôts et taxes " d'un montant de 107 511 euros ainsi que du refus d'imputation sur les résultats déclarés d'un déficit antérieur de plus de 14 715 euros ; que le surplus du recours du MINISTRE DU BUDGET, DES COMPTES PUBLICS ET DE LA REFORME DE L'ETAT doit être rejeté ;
Sur les conclusions de la société R.N.P.O. tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant qu'il y a lieu, en l'espèce, de faire application de ces dispositions et de mettre à la charge de l'Etat le versement à la société R.N.P.O.d'une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;
DECIDE :
Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de la requête de la société R.N.P.O. à hauteur des dégrèvements prononcés en cours d'instance par l'administration pour des montants, en droits et pénalités, de 55 609 euros s'agissant de l'impôt sur les sociétés et de 1 246 euros s'agissant de la contribution additionnelle à cet impôt dus au titre des années 2002 et 2003.
Article 2 : Il est accordé décharge à la société R.N.P.O., en droits et pénalités, des suppléments de droits de taxe sur la valeur ajoutée restant à sa charge au titre de la période relative à l'année 2002 qui résultaient de la correction de la différence constatée entre ses déclarations de résultats et de taxe sur la valeur ajoutée.
Article 3 : Les droits supplémentaires d'impôt sur les sociétés et de contribution additionnelle à cet impôt de l'année 2003 et les pénalités correspondantes de l'année 2003 qui procédaient de la réintégration dans les résultats imposables de la société R.N.P.O. d'une provision de 107 551 euros sont remis à la charge de cette société.
Article 4 : Les surplus des conclusions de la requête de la société R.N.P.O. et du recours du MINISTRE DU BUDGET, DES COMPTES PUBLICS ET DE LA REFORME DE L'ETAT sont rejetés.
Article 5 : Le jugement du Tribunal administratif de Paris n°s 0603735, 0613009 du 6 avril 2010 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.
Article 6 : L'Etat versera à la société R.N.P.O. la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
''
''
''
''
2
N°s 10PA02683, 10PA03796
Classement CNIJ :
C