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22/06/2012 | FRANCE | N°11PA00935

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 7ème chambre, 22 juin 2012, 11PA00935


Vu le recours, enregistré par télécopie le 21 février 2011 et confirmé par courrier le 23 février 2011, présenté par le MINISTRE DU BUDGET, DES COMPTES PUBLICS ET DE LA REFORME DE L'ETAT qui demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0720407 du 22 octobre 2010 par lequel le Tribunal administratif de Paris a prononcé la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée et des pénalités correspondantes mises à la charge de la société LTHT " Le Chant des Voyelles " au titre des périodes couvertes par les années 2001, 2002, 2003 et 2004 ;

2°) de remettre

ces impositions à la charge de la société LTHT "Le Champ de Voyelles" ;

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Vu le recours, enregistré par télécopie le 21 février 2011 et confirmé par courrier le 23 février 2011, présenté par le MINISTRE DU BUDGET, DES COMPTES PUBLICS ET DE LA REFORME DE L'ETAT qui demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0720407 du 22 octobre 2010 par lequel le Tribunal administratif de Paris a prononcé la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée et des pénalités correspondantes mises à la charge de la société LTHT " Le Chant des Voyelles " au titre des périodes couvertes par les années 2001, 2002, 2003 et 2004 ;

2°) de remettre ces impositions à la charge de la société LTHT "Le Champ de Voyelles" ;

.........................................................................................

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la note en délibéré, enregistrée le 12 juin 2012, présentée par la société LTHT " Le Champ de Voyelles " ;

Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 8 juin 2012 :

- le rapport de M. Ladreit de Lacharrière, premier conseiller,

- les conclusions de M. Blanc, rapporteur public

- et les observations de Me Tachnoff Tzarowsky, avocat de la société LTHT ;

Considérant qu'à l'issue de deux vérifications de comptabilité de la société LTHT, qui exploite un fonds de commerce de restaurant sous l'enseigne " Le Champ de Voyelles ", portant sur les année 2001, 2002, 2003 et 2004, l'administration a reconstitué les recettes de cette société et l'a assujettie à des droits supplémentaires de taxe sur la valeur ajoutée au titre des périodes couvertes par ces quatre années ; que le Tribunal administratif de Paris a, par un jugement n° 0720407 du 22 octobre 2010, prononcé la décharge de ces impositions et des pénalités correspondantes ; que le MINISTRE DU BUDGET, DES COMPTES PUBLICS ET DE LA REFORME DE L'ETAT relève appel de ce jugement ;

Sur le moyen de décharge retenu par le Tribunal :

Considérant, d'une part, qu'aux termes de l'article L. 16 B du livre des procédures fiscales, dans sa rédaction applicable à la procédure de visite en litige : " I. Lorsque l'autorité judiciaire, saisie par l'administration fiscale, estime qu'il existe des présomptions qu'un contribuable se soustrait à l'établissement ou au paiement des impôts sur le revenu ou sur les bénéfices ou de la taxe sur la valeur ajoutée en se livrant à des achats ou à des ventes sans facture, en utilisant ou en délivrant des factures ou des documents ne se rapportant pas à des opérations réelles ou en omettant sciemment de passer ou de faire passer des écritures ou en passant ou en faisant passer sciemment des écritures inexactes ou fictives dans des documents comptables dont la tenue est imposée par le code général des impôts, elle peut, dans les conditions prévues au II, autoriser les agents de l'administration des impôts, ayant au moins le grade d'inspecteur et habilités à cet effet par le directeur général des impôts, à rechercher la preuve de ces agissements, en effectuant des visites en tous lieux, même privés, où les pièces et documents s'y rapportant sont susceptibles d'être détenus et procéder à leur saisie, quel qu'en soit le support./ II. Chaque visite doit être autorisée par une ordonnance du juge des libertés et de la détention du tribunal de grande instance dans le ressort duquel sont situés les lieux à visiter (...) L'ordonnance mentionnée au premier alinéa n'est susceptible que d'un pourvoi en cassation selon les règles prévues par le code de procédure pénale ; ce pourvoi n'est pas suspensif. Les délais de pourvoi courent à compter de la notification ou de la signification de l'ordonnance (...) " ;

Considérant, d'autre part, qu'aux termes du IV de l'article 164 de la loi susvisée n° 2008-776 du 4 août 2008 : " 1. Pour les procédures de visite et de saisie prévues à l'article L. 16 B du livre des procédures fiscales pour lesquelles le procès-verbal ou l'inventaire mentionnés au IV de cet article a été remis ou réceptionné antérieurement à la date d'entrée en vigueur de la présente loi, un appel contre l'ordonnance mentionnée au II de cet article, alors même que cette ordonnance a fait l'objet d'un pourvoi ayant donné lieu à cette date à une décision de rejet du juge de cassation, ou un recours contre le déroulement des opérations de visite ou de saisie peut, dans les délais et selon les modalités précisés au 3 du présent IV, être formé devant le premier président de la cour d'appel dans les cas suivants : (...) d) Lorsque, à partir d'éléments obtenus par l'administration dans le cadre d'une procédure de visite et de saisie, des impositions ont été établies ou des rectifications ne se traduisant pas par des impositions supplémentaires ont été effectuées et qu'elles font ou sont encore susceptibles de faire l'objet, à la date de l'entrée en vigueur de la présente loi, d'une réclamation ou d'un recours contentieux devant le juge, sous réserve des affaires dans lesquelles des décisions sont passées en force de chose jugée (...) 3. Dans les cas mentionnés aux 1 et 2, l'administration informe les personnes visées par l'ordonnance ou par les opérations de visite et de saisie de l'existence de ces voies de recours et du délai de deux mois ouvert à compter de la réception de cette information pour, le cas échéant, faire appel contre l'ordonnance ou former un recours contre le déroulement des opérations de visite ou de saisie. Cet appel et ce recours sont exclusifs de toute appréciation par le juge du fond de la régularité du déroulement des opérations de visite et de saisie (...) " ;

Considérant qu'il résulte de l'instruction que, par une ordonnance du 5 octobre 2004, le juge des libertés et de la détention du tribunal de grande instance de Paris a autorisé l'administration des impôts, conformément aux dispositions précitées de l'article L. 16 B du livre des procédures fiscales, à visiter certains lieux qu'il a désignés et à saisir les pièces et documents s'y trouvant et de nature à démontrer l'existence d'agissements frauduleux de la part de M. A...; qu'il résulte de l'ordonnance n° 357 (RG 09/08101) du 12 octobre 2010 par laquelle le Premier président de la Cour d'appel de Paris a rejeté les recours formés contre les opérations de visite domiciliaire et de saisies du 7 octobre 2004 autorisées par l'ordonnance susmentionnée en date du 5 octobre 2004 prise par le juge des libertés et de la détention, que celui-ci a " autorisé la visite des locaux susceptibles d'être occupés par les sociétés LHT, Saint Valentin et JAS qui, même si elles ne sont pas visées par les présomptions de fraude, sont en relation d'affaires avec les personnes suspectées de fraude ainsi que la saisie de tous documents utiles à la preuve des agissements soupçonnés dans les locaux qu'elles occupent sans être limitée aux seuls documents appartenant à la SARL Domino et à M. A..." ; qu'ainsi, c'est régulièrement que les services des impôts ont visités les locaux occupés par M. A...et par la société LTHT, dont M. A...était le gérant et dont il détenait la totalité des parts avec son épouse, même si cette société n'était pas directement visée par les présomptions de fraude ; que, dans ces conditions, le MINISTRE DU BUDGET, DES COMPTES PUBLICS ET DE LA REFORME DE L'ETAT est fondé à soutenir que c'est à tort que les premiers juges se sont fondés sur l'irrégularité de la procédure des opérations de visite et de saisie, qu'ils n'étaient pas compétents pour apprécier, pour prononcer la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée et des pénalités correspondantes mises à la charge de la société LTHT ;

Considérant, toutefois, qu'il appartient à la Cour administrative d'appel, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par la société LTHT tant en première instance qu'en appel ;

Sur la régularité de la procédure d'imposition :

Considérant que s'il incombe à l'administration, quelle que soit la procédure de redressement mise en oeuvre, d'informer le contribuable dont elle envisage soit de rehausser, soit d'arrêter d'office les bases d'imposition, de l'origine et de la teneur des renseignements recueillis dans l'exercice de son droit de communication afin que l'intéressé soit mis à même de demander, avant la mise en recouvrement des impositions, que les documents qui contiennent ces renseignements soient mis à sa disposition, elle n'est tenue à cette obligation qu'en ce qui concerne ceux des renseignements qu'elle a effectivement utilisés pour procéder aux redressements ; que, si le vérificateur a demandé à la société Metro la communication des documents relatifs aux achats effectués au moyen de la carte " SCPA...", la reconstitution des recettes de la société LTHT est exclusivement fondée sur la comptabilité occulte saisie dans les locaux occupés par M. A... ; qu'ainsi, la société LTHT n'est pas fondée à soutenir que c'est irrégulièrement que le service a refusé de lui communiquer les documents obtenus de la société Metro à la suite de sa demande en date du 18 mai 2006 ; que si la société LTHT soutient également qu'elle n'a pas eu communication des documents saisis par l'administration, il résulte de l'instruction que le vérificateur a annexé à la proposition de rectification les documents saisis au domicile de M. A...sur lesquels il s'est fondé pour écarter la comptabilité et procéder à la reconstitution des recettes ; qu'au surplus, la société LTHT n'établit ni même n'allègue avoir demandé la communication de l'ensemble des pièces saisies ;

Sur le bien fondé des impositions en litige :

Considérant qu'aux termes de l'article L. 192 du livre des procédures fiscales : " Lorsque l'une des commissions visées à l'article L. 59 est saisie d'un litige ou d'un redressement, l'administration supporte la charge de la preuve en cas de réclamation, quel que soit l'avis rendu par la commission. Toutefois, la charge de la preuve incombe au contribuable lorsque la comptabilité comporte de graves irrégularités et que l'imposition a été établie conformément à l'avis de la commission. La charge de la preuve des graves irrégularités invoquées par l'administration incombe, en tout état de cause, à cette dernière lorsque le litige ou le redressement est soumis au juge " ;

Considérant qu'il résulte de l'instruction que la société LTHT n'a pas pu présenter les tickets Z journaliers pour l'année 2001 et que ceux qui ont été présentés au titre des années 2002 à 2005 ne sont pas détaillés et ne permettent pas d'opérer une ventilation selon les modes de règlement des clients ; que les documents comptables présentés dans le cadre de la vérification de comptabilité font apparaître des résultats très largement minorés par rapport aux pièces comptables saisies dans le bureau de M.A... ; que, dans ces conditions, l'administration était fondée à regarder la comptabilité comme dépourvue de valeur probante ; que, par suite, la charge de la preuve du caractère infondé ou exagéré des impositions incombe à la société LTHT ; que, si la société invoque l'instruction 4 G-3342 du 15 mai 1993 selon laquelle le service peut écarter une comptabilité comme non probante en cas notamment d'une insuffisance du taux de bénéfices bruts calculés à partir des données de comptabilité ou au regard du train de vie et de l'enrichissement de l'exploitant, il ne résulte en tout état de cause pas des termes de cette instruction qu'elle ait entendu limiter le rejet d'une comptabilité à ces deux seules situations ;

Considérant que le service a reconstitué le chiffre d'affaires des années 2001, 2002 et 2003 à partir des tableaux récapitulatifs du chiffre d'affaires et des agendas, qui retraçaient les résultats hebdomadaires de l'exploitation, saisis dans les locaux de M.A... ; que, si la société LTHT soutient que ces documents aurait été fabriqués par un ancien salarié malveillant qui l'a dénoncé à l'administration des impôts, elle ne l'établit pas ; que la société critique la méthode d'évaluation du bénéfice pour l'année 2004 en soutenant que les éléments d'appréciation dont disposait l'administration du fait de l'existence d'une comptabilité occulte ne portaient que sur les vingt-six premières semaines de l'année ; qu'il résulte toutefois de l'instruction que l'administration a reconstitué la chiffre d'affaires en estimant, par comparaison avec les résultats des deux années précédentes tels qu'ils ressortaient de la comptabilité saisie, que les résultats pour la période restante correspondaient à la moitié des recettes de l'année ; que la société n'établit pas que la répartition de son chiffre d'affaires entre les deux semestres de l'année 2004 a été sensiblement différente de celle constatée lors des deux années précédentes et que la méthode de reconstitution serait en conséquence trop sommaire ; que la société LTHT n'est pas fondée à soutenir que le vérificateur devait calculer les recettes selon une seconde méthode et, en particulier, en suivant la méthode des vins et champagnes qui a été utilisée lors d'une précédente vérification de comptabilité au titre des années 1998 et 1999, dès lors que, contrairement à ce qu'elle soutient, l'application de cette méthode de reconstitution lors d'un précédent contrôle portant sur des exercices différents ne constitue pas une prise de position du service opposable sur le fondement de l'article L. 80 B du livre des procédures fiscales ; qu'elle n'établit pas que les résultats calculés selon la méthode qu'elle propose seraient plus précis que ceux résultant de la méthode utilisée par l'administration qui, ainsi qu'il a été dit ci-dessus, se fonde sur des documents de la comptabilité occulte saisie lors de la visite des locaux de M.A... ; que, dès lors, la société LTHT n'apporte pas la preuve qui lui incombe de l'exagération des impositions qui lui ont été réclamées ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le MINISTRE DU BUDGET, DES COMPTES PUBLICS ET DE LA REFORME DE L'ETAT est fondé à soutenir que c'est tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a prononcé la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée et des pénalités correspondantes mises à la charge de la société LTHT " Le Chant des Voyelles " au titre des périodes couvertes par les années 2001, 2002, 2003 et 2004 ;

Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement d'une somme au titre des frais exposés par la société LTHT et non compris dans les dépens ;

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Paris en date du 22 octobre 2010 est annulé.

Article 2 : Les droits de taxe sur la valeur ajoutée et des pénalités correspondantes au titre des périodes couvertes par les années 2001, 2002, 2003 et 2004 sont remise à la charge de la société LTHT " Le Chant des Voyelles ".

Article 3 : Les conclusions de la société LTHT tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

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N° 11PA00935


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 7ème chambre
Numéro d'arrêt : 11PA00935
Date de la décision : 22/06/2012
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

19-01-03-01 Contributions et taxes. Généralités. Règles générales d'établissement de l'impôt. Contrôle fiscal.


Composition du Tribunal
Président : M. COUVERT-CASTERA
Rapporteur ?: M. Pierre LADREIT DE LACHARRIERE
Rapporteur public ?: M. BLANC
Avocat(s) : TACHNOFF TZAROWSKY

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2012-06-22;11pa00935 ?
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