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08/06/2012 | FRANCE | N°11PA00907

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 7ème chambre, 08 juin 2012, 11PA00907


Vu le recours, enregistré le 18 février 2011, présenté par le MINISTRE DE L'INTERIEUR, DE L'OUTRE-MER, DES COLLECTIVITES TERRITORIALES ET DE L'IMMIGRATION, qui demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n°0805877/5-3 en date du 20 décembre 2010 par lequel le Tribunal administratif de Paris a annulé sa décision du 28 novembre 2007 refusant d'assigner M. A à résidence ;

2°) de rejeter les conclusions de la demande de M. A devant le Tribunal administratif de Paris tendant à l'annulation de cette décision ;

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Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le cod...

Vu le recours, enregistré le 18 février 2011, présenté par le MINISTRE DE L'INTERIEUR, DE L'OUTRE-MER, DES COLLECTIVITES TERRITORIALES ET DE L'IMMIGRATION, qui demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n°0805877/5-3 en date du 20 décembre 2010 par lequel le Tribunal administratif de Paris a annulé sa décision du 28 novembre 2007 refusant d'assigner M. A à résidence ;

2°) de rejeter les conclusions de la demande de M. A devant le Tribunal administratif de Paris tendant à l'annulation de cette décision ;

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Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet1991 ;

Vu le décret n°2005-850 du 27 juillet 2005 ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 25 mai 2012 :

- le rapport de M. Couvert-Castéra, président-assesseur,

- les conclusions de M. Blanc, rapporteur public,

- et les observations de Me Costamagna, avocat de M. A ;

Considérant que M.A, ressortissant sénégalais né le 23 juillet 1962, condamné les 19 juillet 1991 et 19 juin 2002 par le tribunal correctionnel de Paris à deux peines accessoires d'interdiction définitive du territoire français, a demandé le 15 juin 2006 au ministre chargé de l'intérieur son assignation à résidence en invoquant la nécessité de demeurer en France en raison de son état de santé ; que, par décision en date du 28 novembre 2007 le ministre chargé de l'intérieur a rejeté cette demande ; que le MINISTRE DE L'INTERIEUR, DE L'OUTRE-MER, DES COLLECTIVITES TERRITORIALES ET DE L'IMMIGRATION relève appel du jugement du 20 décembre 2010 par lequel le Tribunal administratif de Paris a annulé cette décision ;

Sur le moyen d'annulation retenu par le tribunal administratif :

Considérant qu'aux termes de l'article L. 513-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction en vigueur à la date de la décision attaquée : " L'étranger qui est obligé de quitter le territoire français ou qui doit être reconduit à la frontière et qui justifie être dans l'impossibilité de quitter le territoire français en établissant qu'il ne peut ni regagner son pays d'origine, ni se rendre dans aucun autre pays peut, par dérogation aux dispositions du titre V du présent livre, être astreint à résider dans les lieux qui lui sont fixés, dans lesquels il doit se présenter périodiquement aux services de police et de gendarmerie (...) " ;

Considérant qu'il appartient à l'étranger qui, à la suite d'un arrêté d'expulsion ou d'une décision de reconduite à la frontière prise à l'initiative de l'administration ou pour l'exécution d'une décision judiciaire d'interdiction du territoire, demande à être assigné à résidence en application des dispositions précitées de l'article L. 513-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, de justifier soit qu'il se trouve dans l'impossibilité matérielle ou juridique de quitter le territoire français soit que sa vie ou sa liberté sont menacées dans le pays de destination qui lui est assigné ou qu'il est exposé dans ce pays à des traitements contraires à l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Considérant que M. A fait valoir qu'il souffre depuis plusieurs années d'un diabète insulinodépendant, compliqué de rétinopathie nécessitant un suivi ophtalmologique spécialisé, d'un syndrome d'apnée du sommeil, d'hypertension artérielle, ainsi que d'une pathologie psychiatrique ayant des conséquences graves sur le plan somatique ; qu'il soutient que l'interruption des traitements dont il bénéficie en France au titre de ces différentes pathologies entraînerait pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et que ces traitements ne sont pas disponibles au Sénégal ; que, toutefois, il ne ressort pas des certificats médicaux qu'il produit que son état de santé ne lui permettait pas de voyager sans risque à la date de la décision attaquée ; qu'ainsi, il ne justifiait, à l'appui de sa demande d'assignation à résidence, d'aucune impossibilité de quitter le territoire français ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que c'est à tort que le Tribunal administratif de Paris s'est fondé sur l'erreur manifeste commise par le ministre chargé de l'intérieur dans l'appréciation de la gravité des risques que M. A encourrait pour sa santé en cas d'éloignement de la France pour annuler la décision en date du 28 novembre 2007 refusant d'assigner l'intéressé à résidence ;

Considérant, toutefois, qu'il appartient à la Cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. A devant le tribunal administratif et devant la Cour ;

Sur les autres moyens invoqués par M. A :

Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article R. 541-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction en vigueur à la date de la décision attaquée : " L'autorité administrative compétente pour prononcer par arrêté, sur le fondement de l'article L. 513-4, l'assignation à résidence d'un étranger faisant l'objet de la peine d'interdiction du territoire français prévue à l'article L. 541-1 est le ministre de l'intérieur. " ; qu'aux termes de l'article 1er du décret susvisé du 27 juillet 2005 relatif aux délégations de signature des membres du Gouvernement : " A compter du jour suivant la publication au Journal officiel de la République française de l'acte les nommant dans leurs fonctions ou à compter du jour où cet acte prend effet, si ce jour est postérieur, peuvent signer, au nom du ministre ou du secrétaire d'Etat et par délégation, l'ensemble des actes, à l'exception des décrets, relatifs aux affaires des services placés sous leur autorité : 1° Les secrétaires généraux des ministères, les directeurs d'administration centrale (...) " et qu'aux termes de l'article 3 du même décret : " Les personnes mentionnées aux 1° et 3° de l'article 1er peuvent donner délégation pour signer tous actes relatifs aux affaires pour lesquelles elles ont elles-mêmes reçu délégation : 1° Aux magistrats, aux fonctionnaires de catégorie A et aux agents contractuels chargés de fonctions d'un niveau équivalent, qui n'en disposent pas au titre de l'article 1er (...) " ; que, par une décision du 25 octobre 2007 régulièrement publiée au Journal officiel de la République française du 31 octobre 2007, le directeur des libertés publiques et des affaires juridiques, lui-même titulaire d'une délégation de signature du ministre de l'intérieur conformément aux articles 1er et 3 du décret du 27 juillet 2005, cités ci-dessus, a donné délégation de signature à M. Rémy-Charles Marion, administrateur civil, adjoint au sous-directeur des étrangers et de la circulation transfrontalière, pour signer les actes, arrêtés et décisions relevant de la sous direction des étrangers et de la circulation transfrontalière ; que le moyen tiré de l'incompétence de l'auteur de la décision attaqué manque donc en fait ;

Considérant, en deuxième lieu, qu'aucune disposition du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile n'impose au ministre de l'intérieur, avant de statuer sur le fondement de l'article L. 513-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, sur la demande d'assignation à résidence présentée par un étranger faisant l'objet de la peine d'interdiction du territoire français, de recueillir préalablement l'avis du médecin inspecteur départemental de santé publique compétent au regard du lieu de résidence de l'intéressé ; qu'il s'ensuit que M. A ne peut en tout état de cause utilement soutenir, à l'appui de ses conclusions tendant à l'annulation de la décision en date du 28 novembre 2007 refusant de l'assigner à résidence, que l'avis rendu le 10 août 2007 par le médecin inspecteur de santé publique des Hauts-de-Seine serait incomplet ;

Considérant, en troisième lieu, que M. A n'allègue ni n'établit que sa vie ou sa liberté seraient menacées au Sénégal ; que les certificats médicaux qu'il produit ne suffisent pas à établir que son retour dans ce pays aurait entraîné, à la date du 28 novembre 2007 à laquelle a été prise la décision attaquée, des conséquences pour son état de santé telles que son éloignement à destination de ce pays pouvait être regardé comme entraînant une violation des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Considérant, en quatrième lieu, que les conséquences d'un éloignement du territoire sur la vie privée et familiale de M. A résultent des décisions judiciaires d'interdiction du territoire dont il a été l'objet et non de la décision du 28 novembre 2007 par laquelle le ministre chargé de l'intérieur s'est borné à prendre les mesures qu'implique l'exécution des décisions de l'autorité judiciaire ; que M. A ne peut donc utilement invoquer à l'appui de ses conclusions tendant à l'annulation de cette dernière décision la présence en France de sa compagne, de nationalité française ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le MINISTRE DE L'INTERIEUR, DE L'OUTRE-MER, DES COLLECTIVITES TERRITORIALES ET DE L'IMMIGRATION est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a annulé sa décision du 28 novembre 2007 refusant d'assigner M. A à résidence ; que le présent arrêt ne fait toutefois pas obstacle à ce que ce dernier, s'il s'y croit fondé, saisisse à nouveau le ministre d'une demande d'assignation à résidence en produisant notamment tout élément relatif à la dégradation de son état de santé et de nature à établir qu'il se trouve dans l'impossibilité de quitter le territoire français ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 :

Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, le versement de la somme de

2 000 euros que Me Costamagna, avocat de M. AA. Kane, demande sur le fondement de l' article 37 de la loi du 10 juillet 1991 au titre des frais que ce dernier aurait exposés s'il n'avait pas bénéficié de l'aide juridictionnelle ;

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n°0805877/5-3 du Tribunal administratif de Paris en date du

20 décembre 2010 est annulé.

Article 2 : La demande présentée par M. A devant le Tribunal administratif de Paris et les conclusions présentées devant la Cour par Me Costamagna au titre des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 sont rejetées.

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N° 11PA00907


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 7ème chambre
Numéro d'arrêt : 11PA00907
Date de la décision : 08/06/2012
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01-04-01 Étrangers. Séjour des étrangers. Restrictions apportées au séjour. Assignation à résidence.


Composition du Tribunal
Président : Mme DRIENCOURT
Rapporteur ?: M. Olivier COUVERT-CASTERA
Rapporteur public ?: M. BLANC
Avocat(s) : COSTAMAGNA

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2012-06-08;11pa00907 ?
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