Vu la requête et le mémoire complémentaire, respectivement enregistrés les 8 et 17 août 2011, présentés pour M. Recep A, demeurant chez M. B, ..., par Me Jove Dejaiffe ; M. A demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1101256/1 du 10 juin 2011 par lequel le Tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 4 février 2011 par lequel le préfet de Seine-et-Marne a refusé de renouveler son titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire et a fixé le pays de destination de cette mesure d'éloignement ;
2°) d'annuler pour excès de pouvoir cet arrêté ;
3°) d'enjoindre au préfet de Seine-et-Marne de lui délivrer une carte de séjour " vie privée et familiale " dans un délai d'un mois suivant la notification du présent arrêt, sous astreinte de 50 euros par jour de retard ou de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour dans les mêmes conditions ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
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Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 24 mai 2011 :
- le rapport de M. Vincelet, rapporteur,
- et les conclusions de M. Gouès, rapporteur public ;
Considérant que M. A, ressortissant, turc, a demandé le renouvellement du titre de séjour qui lui avait été attribué pour raison médicale ; que par arrêté du 4 février 2011, le préfet de Seine-et-Marne a rejeté sa demande, lui a fait obligation de quitter le territoire et a fixé la destination de son éloignement ; que M. A fait appel du jugement du 10 juin 2011 par lequel le Tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté ;
Considérant, en premier lieu, que par arrêté du 1er juillet 2010 régulièrement publié au recueil des actes de la préfecture le 2 juillet suivant, le préfet de Seine-et-Marne a donné à Mme Martine Maligne, chef du bureau des étrangers, délégation de signature à l'effet de signer notamment les refus de titre de séjour assortis d'une obligation de quitter le territoire ; qu'ainsi, le moyen tiré de l'incompétence du signataire de l'arrêté manque en fait ;
Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dans sa rédaction en vigueur à la date de l'arrêté litigieux ; " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 11° A l'étranger résidant habituellement en France dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve qu'il ne puisse effectivement bénéficier d'un traitement approprié dans le pays dont il est originaire, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée. La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative, après avis du médecin de l'agence régionale de santé de la région de résidence de l'intéressé, désigné par le directeur général de l'agence, ou, à Paris, du médecin, chef du service médical de la préfecture de police.(...) " ; qu'aux termes de l'article R.313-22 du même code : " Pour l'application du 11° de l'article L. 313-11 le préfet délivre la carte de séjour temporaire au vu d'un avis émis par le médecin de l'agence régionale de santé compétente au regard du lieu de résidence de l'intéressé, désigné par le directeur général. (...) L'avis est émis dans les conditions fixées par arrêté du ministre chargé de l'immigration et du ministre chargé de la santé au vu, d'une part, d'un rapport médical établi par un médecin agréé ou un médecin praticien hospitalier et, d'autre part, des informations disponibles sur les possibilités de traitement dans le pays d'origine de l'intéressé (...) " ;
Considérant qu'il résulte de ces dispositions, éclairées par les travaux parlementaires qui ont précédé l'adoption de la loi du 11 mai 1998, dont sont issues les dispositions précitées de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, qu'il appartient à l'autorité administrative, lorsqu'elle envisage de refuser la délivrance d'un titre de séjour à un étranger qui en fait la demande au titre des dispositions du 11° de l'article
L. 313-11, de vérifier, au vu de l'avis émis par le médecin mentionné à l' article R. 313-22 précité, que cette décision ne peut avoir de conséquences d'une exceptionnelle gravité sur l'état de santé de l'intéressé et, en particulier, d'apprécier, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, la nature et la gravité des risques qu'entraînerait un défaut de prise en charge médicale dans le pays dont l'étranger est originaire ; que lorsque le défaut de prise en charge risque d'avoir des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur la santé de l'intéressé, l'autorité administrative ne peut légalement refuser le titre de séjour sollicité que s'il existe des possibilités de traitement approprié de l'affection en cause dans son pays d'origine ; que si de telles possibilités existent mais que l'étranger fait valoir qu'il ne peut en bénéficier, soit parce qu'elles ne sont pas accessibles à la généralité de la population, eu égard notamment aux coûts du traitement ou à l'absence de modes de prise en charge adaptés, soit parce qu'en dépit de leur accessibilité, des circonstances exceptionnelles tirées des particularités de sa situation personnelle l'empêcheraient d'y accéder effectivement, il appartient à cette même autorité, au vu de l'ensemble des informations dont elle dispose, d'apprécier si l'intéressé peut ou non bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans son pays d'origine ;
Considérant que, consulté sur la demande de renouvellement de son titre de séjour présentée par M. A, le médecin inspecteur de la santé publique de la délégation territoriale de Seine-et-Marne de l'agence régionale de la santé a estimé, le 25 novembre 2010, que si l'état de santé du demandeur nécessitait une prise en charge médicale, le défaut de prise en charge ne devrait pas entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité en cas de retour dans son pays d'origine ; qu'il a ajouté que son état de santé lui permettait de voyager sans risque vers son pays d'origine ;
Considérant, toutefois, que M. A souffre d'une coronaropathie à raison de laquelle il est régulièrement suivi au Centre hospitalier de Meaux et qui a nécessité des examens coronarographiques, ainsi qu'une angioplastie et la mise en place d'un stent ; qu'il doit effectuer des bilans périodiques, en particulier des échographies cardiaques et des épreuves d'effort ; qu'il est astreint au suivi d'un traitement médicamenteux, à base de Kardegic 75, Plavix 75, Tahor 40, Aténolol 50, Clopidogrel 75, Coversyl ainsi qu'en attestent les ordonnances produites, en date du 27 octobre 2009, 9 septembre 2010, 27 octobre 2010 et 8 novembre 2010 ; que selon les certificats médicaux établis par son cardiologue les 27 octobre 2010 et 16 février 2011 " M. A doit impérativement poursuivre son traitement médical, sous peine d'engager son pronostic vital " ; qu'enfin le certificat médical établi le 12 mai 2011 par un médecin du Centre hospitalier de Montereau-Fault-Yonne certifie que M. A, chez qui un angor spastique a été diagnostiqué en mai 2010, est venu ultérieurement en consultation pour des douleurs thoraciques avec irradiation brachiale et fait état des nombreux antécédents familiaux de l'intéressé ; que ce certificat ajoute que l'état du patient requiert impérativement un traitement permanent ; que ces éléments établissent que, contrairement à ce qu'a estimé le médecin de l'administration, le défaut de prise en charge de la pathologie du demandeur pourrait avoir des conséquences d'une exceptionnelle gravité ;
Mais considérant que M. A, qui ne conteste pas la disponibilité du traitement dans son pays d'origine, soutient que faute de disposer de ressources suffisantes et de bénéficier d'une couverture sociale, il n'aura pas un accès effectif à ce traitement en Turquie, alors que le coût total de son traitement en France est pris en charge par l'aide médicale d'Etat ; que, cependant, il ne conteste pas les affirmations en défense du préfet de Seine-et-Marne selon lesquelles, d'une part, tout travailleur bénéficie du régime de protection sociale turc à la seule condition d'avoir cotisé durant une période de 90 jours au cours des 12 mois précédant le début de la maladie, d'autre part, il satisfait à cette condition dès lors qu'avant sa venue en France il a personnellement bénéficié de la couverture de ce régime à l'occasion d'une angioplastie pratiquée et de la pose d'un stent ; qu'au surplus le requérant ne conteste pas davantage les affirmations du préfet selon lesquelles en Turquie les malades dépourvus de couverture maladie peuvent bénéficier d'une protection spéciale du risque maladie qui permet un accès gratuit aux soins ; que, dans ces conditions, contrairement à ce que soutient M. A, l'impossibilité pour lui, faute de ressources suffisantes, d'avoir un accès effectif au traitement requis par sa pathologie n'est pas établie ; que, par suite, le refus de titre n'a pas méconnu les dispositions précitées du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
Considérant, en troisième lieu, qu'aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit (...) 7°) A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial , dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L 311-7 soit exigée ; (...) " ; et qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales: " 1°) Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2°) Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui " ;
Considérant que M. A, né le 10 juin 1975, est arrivé en France le 1er juillet 2008, soit moins de trois ans avant l'intervention de l'arrêté attaqué ; qu'il n'a pas de charges de famille et qu'il n'est pas dépourvu d'attaches en Turquie, où résident son épouse et ses trois enfants et où il a personnellement vécu jusqu'à l'âge de 33 ans ; que, dans ces conditions, le refus de titre n'a pas méconnu le droit de l'intéressé au respect de sa vie privée et familiale ; que ce refus n'a en conséquence pas méconnu les dispositions et stipulations précitées ; que, pour le même motif, ledit refus ne procède pas d'une appréciation manifestement erronée de ses conséquences sur la situation du requérant ;
Considérant, en quatrième lieu, que le préfet n'est tenu de saisir la commission du titre de séjour que du seul cas des étrangers qui remplissent effectivement les conditions permettant l'obtention d'un titre ; que tel n'est pas le cas du requérant ; qu'ainsi cette commission n'avait pas à être saisie ;
Considérant, en cinquième lieu, que le requérant reprend, à l'encontre de l'obligation qui lui est faite de quitter le territoire, les mêmes moyens que ceux invoqués à l'encontre du refus de titre ; que, pour les mêmes motifs, ces moyens doivent être écartés ;
Considérant, enfin, qu'en mentionnant dans l'arrêté que l'intéressé n'établissait pas qu'en Turquie sa vie ou sa liberté sont menacées ou exposées à des traitements contraires à l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, le préfet de Seine-et-Marne, alors que M. A n'apportait pas de commencement de preuve de ses affirmations sur ce point, a suffisamment motivé la décision fixant le pays de renvoi ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M.A n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet de Seine-et-Marne du 4 février 2011 ; que, par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction et à fin d'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées ;
D E C I D E :
Article 1er : La requête de M. A est rejetée.
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