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07/06/2012 | FRANCE | N°10PA05344

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 5ème chambre, 07 juin 2012, 10PA05344


Vu la requête, enregistrée le 10 novembre 2010, présentée pour la société GIONNANI SPA, dont le siège est Via G Lopardi à Milan (Italie), par Me Jaillais et Sappey, avocats ; la société GIONNANI SPA demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement du n° 0613548/2 du 21 septembre 2010 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant au remboursement de la moitié de l'avoir fiscal afférent aux dividendes qui lui avaient été versés en 2004 par sa filiale française, la société Giannoni France ;

2°) de lui accorder le remboursement de la m

oitié de cet avoir fiscal ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de ...

Vu la requête, enregistrée le 10 novembre 2010, présentée pour la société GIONNANI SPA, dont le siège est Via G Lopardi à Milan (Italie), par Me Jaillais et Sappey, avocats ; la société GIONNANI SPA demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement du n° 0613548/2 du 21 septembre 2010 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant au remboursement de la moitié de l'avoir fiscal afférent aux dividendes qui lui avaient été versés en 2004 par sa filiale française, la société Giannoni France ;

2°) de lui accorder le remboursement de la moitié de cet avoir fiscal ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 15 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

...................................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentale et son premier protocole additionnel ;

Vu la convention fiscale conclue entre la France et l'Italie le 5 octobre 1989, ensemble la loi du 1er juin 1990 qui l'a approuvée et le décret du 4 mai 1992 qui en a autorisé la publication ;

Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 24 mai 2012 :

- le rapport de M. Vincelet, rapporteur,

- et les conclusions de M. Gouès, rapporteur public ;

Considérant qu'au cours de l'année 2004, la société italienne GIANNONI SPA, a bénéficié de la part de sa filiale française, la société Gionnani France, de distribution de dividendes d'un montant brut de 5 995 800 euros, diminué de la retenue à la source de 5 pour cent prévue par la convention fiscale franco-italienne du 5 octobre 1989 ; qu'elle a vainement demandé à l'administration, sur le fondement de l'article 10-3-b de cette convention, le remboursement de la moitié de l'avoir fiscal attaché à ces dividendes, soit la somme de 1 124 212 euros ; que la société GIANNONI SPA demande l'annulation du jugement du 21 septembre 2010 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à au remboursement de cette somme ;

Sur la régularité du jugement attaqué :

Considérant que devant le tribunal, la requérante avait fait valoir que dès lors qu'en sa qualité de société non résidente elle ne pouvait satisfaire aux conditions auxquelles la loi interne subordonnait le remboursement de l'avoir fiscal, elle devait être assimilée aux personnes physiques au sens et pour l'application des stipulations de la convention franco-italienne du 5 octobre 1989 ; qu'en s'abstenant de répondre à ce moyen, qui n'était pas inopérant, le tribunal a entaché son jugement d'irrégularité ; que le jugement attaqué doit être annulé et qu'il y a lieu pour la Cour de statuer immédiatement, par évocation, sur la demande présentée par la société GIANNONI SPA devant le Tribunal administratif de Paris ;

Sur le remboursement de la moitié de l'avoir fiscal attachés aux dividendes perçus en 2004 :

Considérant qu'aux termes de l'article 10 de la convention fiscale franco-italienne du 5 octobre 1989 : " 1 Les dividendes payés par une société qui est résident d'un Etat à un résident de l'autre Etat sont imposables dans cet autre Etat. 2) Toutefois, ces dividendes sont aussi imposables dans l'Etat dont la société qui paie les dividendes est un résident, et selon la législation de cet Etat, mais si la personne qui reçoit les dividendes en est le bénéficiaire effectif, l'impôt ainsi établi ne peut excéder : a) 5% du montant brut des dividendes si le bénéficiaire effectif est une société passible de l'impôt sur les sociétés (...) b) Une société résidente d'Italie, visée au paragraphe 2 a), ou relevant de la législation italienne applicable aux sociétés mères, qui reçoit d'une société résidente de France des dividendes qui donneraient droit à un " avoir fiscal " s'ils étaient reçus par un résident de France, a droit à un paiement du Trésor français d'un montant égal à la moitié de cet " avoir fiscal " diminuée de la retenue à la source prévue au paragraphe 2 (...) " ;

Considérant que ces stipulations conventionnelles n'ouvrent droit aux sociétés mères non résidentes soumises, comme la requérante, à la législation italienne, au paiement de la moitié de l'avoir fiscal attaché aux dividendes qu'elles reçoivent d'une société résidente de France que dans la mesure où une société mère résidente de France bénéficierait du même droit au paiement de la moitié de cet avoir sur le fondement du droit interne ;

Considérant que, par le 1° du A du I de l'article 93 de la loi de finances pour 2004 du 30 décembre 2003, entré en vigueur à compter du 1er janvier 2004 en vertu de l'article 1er de cette loi, le législateur a notamment abrogé, d'une part, l'article 158 bis du code général des impôts selon lequel les personnes percevant des dividendes distribués par des sociétés françaises disposaient à ce titre d'un revenu constitué par les sommes reçues de la société et par un avoir fiscal représenté par un crédit ouvert sur le Trésor, ainsi que les articles 158 ter et 158quater et, d'autre part, l'article 209 bis qui rendait applicables aux personnes morales ayant leur siège social en France les dispositions des articles 158 bis et 158 ter, dans la mesure où le revenu distribué est compris dans la base de l'impôt sur les sociétés, et disposait que le crédit d'impôt était reçu en paiement de cet impôt, ainsi que l'article 209 ter; qu'il résulte du D du I de l'article93 de la même loi que cette abrogation est applicable, pour les personnes physiques, aux revenus distribués ou répartis qu'elles ont perçus à compter du 1er janvier 2005 et, pour les personnes autres que les personnes physiques, aux crédits d'impôt utilisables à compter du 1er janvier 2005 ;

Considérant, en premier lieu, que l'avoir fiscal constituait un crédit d'impôt qui devait être utilisé au paiement, par son bénéficiaire, de l'impôt sur le revenu ou de l'impôt sur les sociétés auquel il devait être assujetti, au titre de l'année de perception des dividendes ; que le paiement de l'impôt intervenant l'année suivant celle de l'imposition, les " crédits d'impôt utilisables à compter du 1er janvier 2005 " visés par les dispositions précitées concernent les dividendes perçus durant l'année 2004 ; que, dans ces conditions, les sociétés domiciliées en France ne bénéficiaient plus, à compter de l'année 2004, d'un avoir fiscal à raison des dividendes qui leur avaient été distribués par des sociétés qui y étaient également domiciliées ; que, par suite, la société requérante, ne tenait plus de la convention fiscale franco italienne de droit au paiement, en 2005, de la moitié de l'avoir fiscal afférent aux distributions dont elle avait bénéficié en 2004 ;

Considérant, en deuxième lieu, que la requérante, société mère de droit italien, est une personne morale ; qu'elle ne peut dès lors sérieusement soutenir que, pour le paiement de l'avoir fiscal, elle devrait être assimilée à une personne physique et par suite être en droit de bénéficier du paiement, en 2005, d'un avoir fiscal attaché aux dividendes qu'elle avait perçus en 2004 ; que par ailleurs, l'imputation de l'avoir fiscal durant l'année suivant celle des distributions est seulement imputable au différé du paiement de l'impôt et ne résulte pas, contrairement à ce qui est allégué, de formalités imposées par l'administration ;

Considérant, en troisième lieu, que la requérante, qui a bénéficié de distributions de bénéfices en 2004, ne peut utilement se prévaloir de l'article 95 de la loi de finances du 30 décembre 2003 qui a institué un prélèvement exceptionnel sur lequel peut s'imputer l'avoir fiscal afférent aux distributions de bénéfices prélevés sur des résultats non soumis à l'impôt au taux normal , dès lors que ces dispositions sont réservées aux distributions mises en paiement en 2005 ; que cet article ne peut dès lors concerner la requérante, qui a bénéficié de distributions en 2004 ; que, par suite, le moyen tiré de ce que cet article créerait une discrimination entre sociétés, selon qu'elles sont ou non résidentes de France, est inopérant en l'espèce ;

Considérant, en quatrième lieu, que contrairement aux allégations de la requérante, l'instruction de la direction générale des impôts 4 J 2 05 du 28 avril 2005 est applicable dans les mêmes conditions aux sociétés mères résidentes de France et aux sociétés mères non résidentes soumises au droit italien ; que cette instruction ne contient aucune condition restreignant l'application de la convention franco-italienne ;

Considérant, en quatrième lieu, qu'aux termes de l'article 1er du premier protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales: " Toute personne physique ou morale a droit au respect de ses biens. Nul ne peut être privé de sa propriété que pour cause d'utilité publique et dans les conditions prévues par la loi et les principes généraux du droit international. / Les dispositions précédentes ne portent pas atteinte au droit que possèdent les Etats de mettre en vigueur les lois qu'ils jugent nécessaires pour réglementer l'usage des biens conformément à l'intérêt général ou pour assurer le paiement des impôts ou d'autres contributions ou des amendes " ; qu'à défaut de créance certaine, l'espérance légitime d'obtenir la restitution d'une somme d'argent doit être regardée comme un bien, au sens de ces stipulations;

Considérant qu'en décidant que les personnes morales ne pourraient utiliser en 2005 les crédits d'impôt résultant de l'avoir fiscal attaché aux dividendes distribués en 2004, le législateur a entendu mettre fin, pour l'avenir, au dispositif en vigueur et notamment au bénéfice de l'avoir fiscal auquel les sociétés mères résidentes d'Italie pouvaient prétendre depuis l'entrée en vigueur de la convention franco-italienne ; qu'ainsi, dès le 1er janvier 2004, la société GIANNONI SPA ne pouvait plus se prévaloir de l'espérance légitime de bénéficier, en 2005, des crédits d'impôt attachés au régime de l'avoir fiscal, à raison des dividendes qui lui seraient servis en 2004 ; que, dès lors, elle n'est pas fondée à soutenir que le D du I de l'article 93 de la loi précitée du 30 décembre 2003 aurait porté atteinte au droit au respect de ses biens, en méconnaissance des stipulations précitées ; que la société requérante ne pouvant, ainsi qu'il a été dit, se prévaloir d'un droit protégé par l'article 1er du premier protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, elle ne saurait invoquer les stipulations de l'article 14 de la même convention prohibant les discriminations dans la jouissance des droits et libertés que cette convention reconnaît;

Sur les conclusions tendant au remboursement de la retenue à la source :

Considérant qu'aux termes de l'article 119 ter du code général des impôts, dans sa rédaction applicable au litige: "1. La retenue à la source prévue au 2 de l'article 119 bis n'est pas applicable aux dividendes distribués à une personne morale qui remplit les conditions énumérées au 2 du présent article par une société ou un organisme soumis à l'impôt sur les sociétés au taux normal. 2. Pour bénéficier de l'exonération prévue au 1, la personne morale doit justifier auprès du débiteur ou de la personne qui assure le paiement de ces revenus qu'elle est le bénéficiaire effectif des dividendes et qu'elle remplit les conditions suivantes : a) Avoir son siège de direction effective dans un Etat membre de la Communauté européenne et n'être pas considérée, aux termes d'une convention en matière de double imposition conclue avec un Etat tiers, comme ayant sa résidence fiscale hors de la Communauté ; b) Revêtir l'une des formes énumérées sur une liste établie par arrêté du ministre chargé de l'économie conformément à l'annexe à la directive du Conseil des communautés européennes n° 90-435 du 23 juillet 1990 modifiée par la directive 2003/123/CE du Conseil, du 22 décembre 2003 ; c) Détenir directement, de façon ininterrompue depuis deux ans ou plus, 25 % au moins du capital de la personne morale qui distribue les dividendes, ou prendre l'engagement de conserver cette participation de façon ininterrompue pendant un délai de deux ans au moins et désigner, comme en matière de taxes sur le chiffre d'affaires, un représentant qui est responsable du paiement de la retenue à la source visée au 1 en cas de non-respect de cet engagement ; Le taux de participation prévu à l'alinéa précédent est ramené à 20 % pour les dividendes distribués entre le 1er janvier 2005 et le 31 décembre 2006, à 15 % pour les dividendes distribués entre le 1er janvier 2007 et le 31 décembre 2008 et à 10 % pour les dividendes distribués à compter du 1er janvier 2009 ; d) Etre passible, dans l'Etat membre où elle a son siège de direction effective, de l'impôt sur les sociétés de cet Etat, sans possibilité d'option et sans en être exonérée" ;

Considérant qu'il est constant que la société GIANNONI SPA remplissant les conditions prévues par les dispositions susmentionnées du 2 de l'article 119 ter du code général des impôts, la retenue à la source était, en vertu du 1 du même article, inapplicable aux dividendes qui lui ont été distribués en 2004 par la société Giannoni France ; que la société GIANNONI SPA est donc fondée à demander le remboursement de la retenue à la source au taux de 5 %, acquittée sur les dividendes versés en 2004 par la société Giannoni France ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la société GIANNONI SPA est seulement fondée à obtenir le remboursement de la retenue à la source au taux de 5% qui a grevé les honoraires qu'elle a perçus en 2004 de sa filiale, la société Giannoni France ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire application de ces dispositions et de mettre à la charge de l'Etat la somme que la société GIANNONI SPA demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;

DECIDE :

Article 1er : Le jugement du Tribunal administratif de Paris n° 0613548/2 du 21 septembre 2010 est annulé.

Article 2 : L'Etat remboursera à la société GIANNONI SPA la retenue à la source au taux de 5% qu'elle a acquittée sur les dividendes versés en 2004 par la société Giannoni France.

Article 3 : Le surplus des conclusions de la demande de la société GIANNONI SPA ainsi que ses conclusions devant la Cour tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetés.

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N° 10PA05344

Classement CNIJ :

C


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 10PA05344
Date de la décision : 07/06/2012
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

19-04-02-03-01-02 Contributions et taxes. Impôts sur les revenus et bénéfices. Revenus et bénéfices imposables - règles particulières. Revenus des capitaux mobiliers et assimilables. Revenus distribués. Avoir fiscal.


Composition du Tribunal
Président : Mme HELMHOLTZ
Rapporteur ?: M. Alain VINCELET
Rapporteur public ?: M. GOUES
Avocat(s) : CMS BUREAU FRANCIS LEFEBVRE

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2012-06-07;10pa05344 ?
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