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24/05/2012 | FRANCE | N°10PA04096

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 5ème chambre, 24 mai 2012, 10PA04096


Vu la requête, enregistrée le 10 août 2010, présentée pour la société FONCIERE DELUC, dont le siège est 6, rue du Parc à Annemasse (74100), par Me Durrafourd ; la société FONCIERE DELUC demande à la Cour :

1°) d'annuler l'article 4 du jugement n°s 0706539, 0706581, 0706586 et 0706588/2 du 21 juin 2010 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté le surplus de sa demande tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et de contributions additionnelles à cet impôt, ainsi que des pénalités correspondantes, auxquelles elle a

été assujettie au titre des années 2001, 2002 et 2003, et rejeté ses demandes...

Vu la requête, enregistrée le 10 août 2010, présentée pour la société FONCIERE DELUC, dont le siège est 6, rue du Parc à Annemasse (74100), par Me Durrafourd ; la société FONCIERE DELUC demande à la Cour :

1°) d'annuler l'article 4 du jugement n°s 0706539, 0706581, 0706586 et 0706588/2 du 21 juin 2010 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté le surplus de sa demande tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et de contributions additionnelles à cet impôt, ainsi que des pénalités correspondantes, auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2001, 2002 et 2003, et rejeté ses demandes tendant respectivement au remboursement de la retenue à la source à laquelle elle a été assujettie au titre des années 2002 et 2003, à la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été réclamés au titre de la période du 1er janvier 2001 au 31 décembre 2003, ainsi que des pénalités correspondantes, et enfin à la décharge des rappels d'imposition forfaitaire annuelle mis à sa charge au titre des années 2002 et 2003 ;

2°) de prononcer la décharge des impositions restant en litige et des pénalités correspondantes ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

.....................................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 10 mai 2012 :

- le rapport de Mme Merloz, rapporteur,

- et les conclusions de M. Gouès, rapporteur public ;

Sur la régularité du jugement attaqué :

Considérant que comme le soutient la société FONCIERE DELUC, les premiers juges n'ont pas répondu au moyen qui leur était soumis, commun aux quatre demandes de la société requérante, tirés de la mise en oeuvre du droit d'enquête et de ses conséquences sur la durée de la vérification de comptabilité ; que ce moyen n'étant pas inopérant, le jugement attaqué est irrégulier ; que, dès lors, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens relatifs à la régularité du jugement attaqué, il y a lieu d'annuler son article 4 et de statuer par voie d'évocation sur le surplus de la demande relative à l'impôt sur les sociétés et les contributions additionnelles à cet impôt ainsi que sur les autres demandes de la société FONCIERE DELUC ;

Sur la régularité de la procédure d'imposition :

Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article 350 terdecies de l'annexe III au code général des impôts dans sa rédaction applicable en l'espèce : " (...) II. Les fonctionnaires mentionnés au premier alinéa du I peuvent exercer les attributions que ces dispositions leur confèrent à l'égard des personnes physiques ou morales ou groupements de personne de droit ou de fait qui ont déposé ou auraient dû déposer dans le ressort territorial du service déconcentré ou du service à compétence nationale dans lequel ils sont affectés une déclaration, un acte ou tout autre document ainsi qu'à l'égard des personnes ou groupements qui, en l'absence d'obligation déclarative, y ont été ou auraient dû y être imposés ou qui y ont leur résidence principale, leur siège ou leur principal établissement / III. Les fonctionnaires mentionnés au premier alinéa du I et compétents territorialement pour procéder aux contrôles visés à l'article L. 47 du livre des procédures fiscales d'une personne physique ou morale ou d'un groupement peuvent exercer les attributions définies à cet alinéa pour l'ensemble des impositions, taxes et redevances, dues par ce contribuable, quel que soit le lieu d'imposition ou de dépôt des déclarations ou actes relatifs à ces impositions, taxes et redevances. / V. Sans préjudice des dispositions des II, III et IV, les fonctionnaires mentionnés au premier alinéa du I peuvent exercer leurs attributions à l'égard des personnes physiques ou morales et des groupements liés aux personnes ou groupements qui relèvent de leur compétence. Les liens existant entre les personnes ou groupements s'entendent de l'appartenance ou du rattachement à un même foyer fiscal, de l'exercice d'un rôle de direction de droit ou de fait, d'une relation d'association, de subordination ou d'interposition, ou de l'appartenance à un même groupe d'intérêts. Les arrêtés d'attributions des services déconcentrés et des services à compétence nationale définissent, s'il y a lieu, la compétence des agents au regard des personnes unies par ces liens. "

Considérant qu'il est constant que la société FONCIERE DELUC détenait, au moment de la vérification de comptabilité dont elle a fait l'objet, 98% du capital de la SNC Financière du Drac dont le siège social était situé à Meylan (Isère) ; qu'il résulte des dispositions précitées de l'article 350 terdecies du code général des impôts que, dans ces conditions, la direction de contrôle fiscal Rhône-Alpes-Bourgogne pouvait, en vertu de son droit de suite, procéder au contrôle de la société FONCIERE DELUC, alors même que son siège social était situé à Paris ; que la circonstance, qui, au demeurant, manque en fait, qu'aucun contrôle n'aurait été exercé à l'encontre de la SNC Financière du Drac est sans incidence sur la régularité de l'exercice de son droit de suite par le vérificateur ; que, par suite, la société requérante n'est pas fondée à soulever l'incompétence territoriale de la direction de contrôle fiscal Rhône-Alpes-Bourgogne ;

Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article L. 52 du livre des procédures fiscales : " Sous peine de nullité de l'imposition, la vérification sur place des livres ou documents comptables ne peut s'étendre sur une durée supérieure à trois mois en ce qui concerne : 1° Les entreprises industrielles et commerciales ou les contribuables se livrant à une activité non commerciale dont le chiffre d'affaires ou le montant annuel des recettes brutes n'excède pas les limites prévues au I de l'article 302 septies A du code général des impôts ... " ; qu'aux termes du I de l'article 302 septies A du code général des impôts applicable en l'espèce : " Il est institué par décret en Conseil d'Etat un régime simplifié de liquidation des taxes sur le chiffre d'affaires dues par les personnes dont le chiffre d'affaires n'excède pas 763 000 euros, s'il s'agit d'entreprises dont le commerce principal est de vendre des marchandises, objets, fournitures et denrées à emporter ou à consommer sur place ou de fournir le logement, ou 230 000 euros, s'il s'agit d'autres entreprises. Ces limites s'apprécient en faisant abstraction de la taxe sur la valeur ajoutée et des taxes assimilées " ;

Considérant que la vérification de comptabilité de la société FONCIERE DELUC a débuté le 18 mars 2004, pour les exercices clos en 2001 et 2002, et le 24 mai 2004 pour l'exercice clos en 2003 ; qu'il ressort des propositions de rectification des 6 et 7 décembre 2004 que la dernière intervention sur place a eu lieu le 17 juin 2004 ; que la seule présence du vérificateur dans les locaux du principal établissement de la société FONCIERE DELUC le 21 septembre 2004 ne suffit pas à établir que les opérations de contrôle se seraient poursuivies au-delà du délai de trois mois fixé par les dispositions précitées de l'article L. 52 du livre des procédures fiscales, alors que sa comptabilité ne s'y trouvait pas et que l'administration soutient sans être sérieusement contestée qu'il s'y est rendu dans le cadre du contrôle d'une autre société ; que, par ailleurs, il ne résulte pas de l'instruction que le vérificateur aurait consulté des documents comptables de la société requérante lors des interventions qui se sont déroulées du 30 juin au 14 octobre 2004 dans le cadre de la vérification de comptabilité dont a fait l'objet la SNC Deluc Conseils ; qu'il ressort notamment des propositions de rectification des 6 et 7 décembre 2004 que l'analyse des mouvements financiers entre les deux sociétés a conduit l'administration à notifier des redressements non à la société FONCIERE DELUC, mais à son dirigeant, dans la catégorie des revenus distribués ; que s'agissant enfin du rendez-vous proposé le 22 novembre 2004 dans les locaux de l'administration, il n'a, en tout état de cause, pas eu lieu ;

Considérant, en troisième lieu, que dans le cas où la vérification de comptabilité d'une entreprise a été effectuée, soit, comme il est de règle, dans ses propres locaux, soit, si son dirigeant ou représentant l'a expressément demandé, dans les locaux du comptable auprès duquel sont déposés les documents comptables, c'est au contribuable qui allègue que les opérations de vérification ont été conduites sans qu'il ait eu la possibilité d'avoir un débat oral et contradictoire avec le vérificateur de justifier que ce dernier se serait refusé à un tel débat ;

Considérant que la charge de la preuve incombe à la société requérante, dès lors que la vérification de comptabilité dont elle a fait l'objet s'est effectuée, à sa demande, dans les locaux de son expert-comptable ; qu'il résulte de l'instruction, et n'est d'ailleurs pas contesté, qu'au cours de ce contrôle, le vérificateur a rencontré M. A, administrateur de la société qui avait reçu pouvoir de la représenter, à trois reprises les 18 mars, 3 juin et 17 juin 2004 ; que la société requérante n'établit pas que ces trois entretiens auraient été insuffisants pour mener un dialogue contradictoire avec le vérificateur sur les éléments recueillis au cours des investigations sur place ; que, dans ces conditions, la circonstance que le rendez-vous proposé le 22 novembre 2004 dans les locaux de l'administration après la fin des opérations de contrôle sur place n'ait pas eu lieu est, et en tout état de cause, sans incidence ;

Considérant, par ailleurs, que l'administration n'était pas tenue de soumettre l'examen des éléments recueillis dans le cadre de la vérification de comptabilité de la SNC Deluc Conseils à un débat oral et contradictoire avec la contribuable, dès lors qu'ils ne présentaient pas le caractère de pièces comptables ; qu'il ressort des propositions de rectifications des 6 et 7 décembre 2004 que l'administration a toutefois informé la société FONCIERE DELUC de l'origine et de la teneur des renseignements ainsi obtenus et ayant fondé les redressements, comme il le lui appartenait, avant la mise en recouvrement des impositions litigieuses ;

Considérant qu'il suit de là que le moyen tiré de ce que la société aurait été privée de la garantie tenant à la possibilité d'avoir avec le vérificateur un débat oral et contradictoire doit être écarté ;

Considérant, en quatrième lieu, qu'aux termes de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales : " L'administration adresse au contribuable une proposition de rectification qui doit être motivée de manière à lui permettre de formuler ses observations ou de faire connaître son acceptation / (...) Lorsque l'administration rejette les observations du contribuable sa réponse doit également être motivée. " ;

Considérant, d'une part, qu'il résulte de l'instruction que, contrairement à ce que soutient la société requérante, les propositions de rectification des 6 et 7 décembre 2004 mentionnent de manière précise, s'agissant des frais d'utilisation privative du véhicule C5, les motifs de droit et de fait sur lesquels se fondent les rehaussements envisagés et, notamment, la méthode utilisée concernant l'évaluation à 40% de l'utilisation privative du véhicule ; que, par ailleurs, l'administration n'était pas tenue d'indiquer les raisons pour lesquelles la direction Rhône-Alpes- Bourgogne était compétente ; qu'il suit de là que le moyen tiré du défaut de motivation des propositions de rectification des 6 et 7 décembre 2004 manque en fait ;

Considérant, d'autre part, que l'administration, qui n'était pas tenue de répondre à tous les arguments du contribuable formulés sur les redressements notifiés les 6 et 7 décembre 2004, a motivé de manière claire et suffisante les réponses aux observations du contribuable du 30 mai 2005 tant en ce qui concerne les dépenses de missions et de réception que le versement de commissions à la société DT Finances, dès lors que les explications fournies par la société FONCIERE DELUC n'étaient étayées par aucune pièce justificative ou éléments nouveaux ;

Considérant, enfin, qu'aux termes de l'article L. 80 F du livre des procédures fiscales : " Pour rechercher les manquements aux règles de facturation auxquelles sont soumis les assujettis à la taxe sur la valeur ajoutée en application du code général des impôts ainsi qu'aux dispositions adoptées par les Etats membres pour l'application de l'article 22-3 de la sixième directive (CEE) n° 77-388 du 17 mai 1977, les agents des impôts ayant au moins le grade de contrôleur peuvent se faire présenter les factures, la comptabilité matière ainsi que les livres, les registres et les documents professionnels pouvant se rapporter à des opérations ayant donné ou devant donner lieu à facturation et procéder à la constatation matérielle des éléments physiques de l'exploitation / Ils peuvent recueillir sur place ou sur convocation des renseignements et justifications. Ces auditions donnent lieu à l'établissement de comptes rendus d'audition ... " ; et qu'aux termes de l'article L. 80 H du même livre : " A l'issue de l'enquête prévue à l'article L. 80 F, les agents de l'administration établissent un procès-verbal consignant les manquements constatés ou l'absence de tels manquements / Les constatations du procès-verbal ne peuvent être opposées à cet assujetti ainsi qu'aux tiers concernés par la facturation que dans le cadre des procédures de contrôle mentionnées à l'article L. 47 au regard des impositions de toute nature et de la procédure d'enquête prévue à l'article L. 80 F ... " ;

Considérant qu'il résulte de l'instruction que l'administration a mis en oeuvre une enquête, sur le fondement des articles L. 80 F et L. 80 H précités du livre des procédures fiscales, auprès de la SCI Foncière 1 et de la SA Slibail immobilier à l'occasion de transactions immobilières réalisées respectivement avec la SCI Valois et la SNC Financière du Drac, filiales de la société FONCIERE DELUC ;

Considérant que la mise en oeuvre par l'administration d'une enquête, sur le fondement de ces dispositions, pour rechercher des manquements aux règles de facturation, ne peut être regardée comme le prolongement de la vérification de comptabilité dont la société FONCIERE DELUC a fait l'objet, dès lors qu'il ne résulte pas de l'instruction que l'administration aurait examiné dans ce cadre des documents comptables de cette société ;

Considérant toutefois, qu'au cours de cette enquête, l'administration a notamment demandé aux représentants de la SCI Foncière 1 et de la SA Slibail immobilier quelles personnes, physiques ou morales, étaient intervenues au cours de ces transactions immobilières et s'ils connaissaient la société Tecafin ; que les réponses à ces questions ont révélé que la société Tecafin n'était pas intervenue en qualité d'intermédiaire dans les transactions immobilières en cause ; que l'administration s'est fondée sur les informations ainsi recueillies pour notifier à la société FONCIERE DELUC la remise en cause du caractère déductible des commissions qu'elle avait versées à la société Tecafin ; qu'il ressort de l'ensemble de ces circonstances que la mise en oeuvre par l'administration du droit d'enquête prévu aux articles L. 80 F à L. 80 H du livre des procédures fiscales à l'encontre de ces deux sociétés avait pour finalité non de rechercher des manquements aux règles de facturation auxquelles étaient soumises la SCI Foncière 1 et de la SA Slibail immobilier en tant qu'assujetties à la taxe sur la valeur ajoutée, mais en réalité d'établir le caractère fictif des prestations réalisées par la société Tecafin au profit de la société FONCIERE DELUC ; qu'il est d'ailleurs constant qu'à la suite de cette enquête, aucune poursuite n'a été engagée à l'encontre de la SCI Foncière 1 et de la SA Slibail immobilier pour des manquements aux règles de facturation ; que, par suite, l'administration doit être regardée comme ayant commis un détournement de procédure qui entache d'irrégularité la procédure d'imposition à la suite de laquelle les commissions versées à la société Tecafin ont été réintégrées dans le résultat imposable de la société requérante au titre des années 2001, 2002 et 2003 et ont donné lieu à l'application d'une retenue à la source au titre des années 2002 et 2003 ; qu'il y a donc lieu de prononcer la décharge la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et de contribution additionnelle à cet impôt auxquelles la société FONCIERE DELUC a été assujettie au titre des années 2001 à 2003 ainsi que, par voie de conséquence, des pénalités pour manoeuvres frauduleuses correspondantes, et des rappels de retenue à la source auxquels elle a été assujettie au titre des années 2002 et 2003 ;

Sur le bien-fondé des impositions restant en litige :

En ce qui concerne l'impôt sur les sociétés :

Considérant qu'aux termes du 1 de l'article 39 du code général des impôts applicable à l'impôt sur les sociétés en vertu de l'article 209 de ce même code : " Le bénéfice net est établi sous déduction de toutes charges, celles-ci comprenant (...) notamment : 1° Les frais généraux de toute nature ... " ; que si, en vertu des règles gouvernant l'attribution de la charge de la preuve devant le juge administratif, applicables sauf loi contraire, il incombe, en principe, à chaque partie d'établir les faits qu'elle invoque au soutien de ses prétentions, les éléments de preuve qu'une partie est seule en mesure de détenir ne sauraient être réclamés qu'à celle-ci ; qu'il appartient, dès lors, au contribuable, pour l'application des dispositions précitées du code général des impôts, de justifier tant du montant des charges qu'il entend déduire du bénéfice net défini à l'article 38 du code général des impôts que de la correction de leur inscription en comptabilité, c'est-à-dire du principe même de leur déductibilité ; que le contribuable apporte cette justification par la production de tous éléments suffisamment précis portant sur la nature de la charge en cause, ainsi que sur l'existence et la valeur de la contrepartie qu'il en a retirée ; que dans l'hypothèse où le contribuable s'acquitte de cette obligation, il incombe ensuite au service, s'il s'y croit fondé, d'apporter la preuve de ce que la charge en cause n'est pas déductible par nature, qu'elle est dépourvue de contrepartie, qu'elle a une contrepartie dépourvue d'intérêt pour le contribuable ou que la rémunération de cette contrepartie est excessive ; qu'en vertu de ces principes, lorsqu'une entreprise a déduit en charges une dépense réellement supportée, conformément à une facture régulière relative à un achat de prestations ou de biens dont la déductibilité par nature n'est pas contestée par l'administration, celle-ci peut demander à l'entreprise qu'elle lui fournisse tous éléments d'information en sa possession susceptibles de justifier la réalité et la valeur des prestations ou biens ainsi acquis ;

Considérant, en premier lieu, que l'administration a réintégré dans le résultat imposable de la société FONCIERE DELUC des années 2002 et 2003 une partie des charges relatives à la location et à l'entretien d'un véhicule C5, au motif que ce véhicule, affecté aux besoins généraux de l'entreprise, avait été utilisé le week-end ainsi que des jours fériés, sans qu'aucun avantage en nature n'ait été déclaré pour cette utilisation personnelle ; que si la société requérante conteste cette réintégration, elle ne produit toutefois aucun élément de nature à établir que la part d'utilisation professionnelle de ce véhicule était supérieure à celle de 60 % retenue par l'administration, conformément à l'évaluation adoptée par la société pour un autre véhicule ;

Considérant, en deuxième lieu, que la société requérante ne justifie pas de l'intérêt qu'elle avait à prendre à sa charge, au titre des années 2001, 2002 et 2003, les dépenses relatives à une ligne téléphonique installée au domicile de Mme B, compagne de M. A, qui détenait seulement deux actions dans le capital de la société et n'exerçait aucune fonction au sein de celle-ci ; que, de même, elle ne produit aucun justificatif démontrant que les voyages effectués par M. A et Mme B à La Baule et à Londres en 2002 ainsi qu'en Corse en 2003 constituaient, comme elle le prétend, des voyages professionnels ;

Considérant, en troisième lieu, que, contrairement à ce qu'elle soutient, la société FONCIERE DELUC, qui est une holding et n'a pas, en dehors de ses propres filiales, de clients directs, n'a pas produit d'éléments suffisamment circonstanciés permettant de démontrer le caractère professionnel des frais de repas et de réception ainsi que des achats de vins effectués au titre des années 2001, 2002 et 2003 ;

Considérant, en quatrième lieu, que la société requérante a déduit au titre des années 2001 et 2002 des honoraires de négociations versés à la société DT Finances, qui était dirigée par la compagne de M. A, pour son intermédiation dans des dossiers de crédit-bail concernant plusieurs filiales de la société FONCIERE DELUC ; qu'il est constant que ces commissions ont été versées sur la base de factures régulièrement établies ; que l'administration a toutefois relevé que ces interventions, qui n'ont pas été refacturées, ne concernaient pas directement la société FONCIERE DELUC mais ses filiales, que la société n'avait produit aucun élément permettant d'apprécier la matérialité des prestations effectuées et que la plupart des règlements ont été libellés en faveur de tiers, et non de la société DT Finances, sans que l'existence de dettes et de créances entre ces entités soit établie ; que, dans ces conditions, l'administration doit être regardée comme établissant que la société FONCIERE DELUC a commis un acte anormal de gestion en prenant à sa charge les honoraires en cause ;

En ce qui concerne la taxe sur la valeur ajoutée :

Considérant qu'en vertu des dispositions combinées des articles 271, 272 et 283 du code général des impôts et de l'article 230 de l'annexe II à ce code, un contribuable n'est pas en droit de déduire de la taxe sur la valeur ajoutée dont il est redevable à raison de ses propres opérations la taxe mentionnée sur une facture établie à son nom par une personne qui ne lui a fourni aucun bien ou aucune prestation de services ; que dans le cas où l'auteur de la facture était régulièrement inscrit au registre du commerce et des sociétés et assujetti à la taxe sur la valeur ajoutée, il appartient à l'administration, si elle entend refuser à celui qui a reçu la facture le droit de déduire la taxe qui y était mentionnée, d'établir qu'il s'agissait d'une facture fictive ou d'une facture de complaisance ; que si l'administration apporte des éléments suffisants permettant de penser que la facture ne correspond pas à une opération réelle, il appartient alors au contribuable d'apporter toutes justifications utiles sur la réalité de cette opération ;

Considérant que, comme indiqué précédemment, pour rejeter le droit à déduction de la société requérante au titre de la taxe sur la valeur ajoutée mentionnée sur des factures afférentes aux commissions versées à la société DT Finances, l'administration a relevé que ces interventions, qui n'ont pas été refacturées, ne concernaient pas directement la société FONCIERE DELUC mais ses filiales, que la société n'avait produit aucun élément permettant d'apprécier la matérialité des prestations effectuées et que la plupart des règlements ont été libellés en faveur de tiers, et non de la société DT Finances, sans que l'existence de dettes et de créances entre ces entités soit établie ; que compte tenu de ces éléments et en l'absence de justification de la société requérante sur la réalité des prestations facturées, c'est à bon droit que l'administration a refusé la déduction de la taxe sur la valeur ajoutée portée sur les factures délivrées à la société requérante par la société DT Finances au cours des années 2001 et 2002 ;

En ce qui concerne l'imposition forfaitaire annuelle :

Considérant qu'il est constant que la société FONCIERE DELUC n'a pas acquitté spontanément l'imposition forfaitaire annuelle au titre de l'année 2003 et a fait l'objet d'un redressement à ce titre ; que l'imposition restant en litige s'élève à 2 317 euros ; que l'imposition forfaitaire annuelle étant fondée sur le chiffre d'affaires réalisé, lequel n'a pas été modifié par le contrôle dont la société requérante a fait l'objet, son argumentation relative au montant des charges déductibles et à la détermination du bénéfice imposable sont sans influence sur le bien-fondé de cette imposition ;

Sur les pénalités :

Considérant qu'aux termes de l'article 1729 du code général des impôts dans sa rédaction alors applicable : " 1. Lorsque la déclaration ou l'acte mentionnés à l'article 1728 font apparaître une base d'imposition ou des éléments servant à la liquidation de l'impôt insuffisants, inexacts ou incomplets, le montant des droits mis à la charge du contribuable est assorti de l'intérêt de retard visé à l'article 1727 et d'une majoration de 40 p. 100 si la mauvaise foi de l'intéressé est établie ou de 80 p. 100 s'il s'est rendu coupable de manoeuvres frauduleuses ou d'abus de droits au sens de l'article L. 64 du livre des procédures fiscales " ;

Considérant que pour justifier l'application des pénalités de mauvaise foi aux rehaussements relatifs aux dépenses à caractère personnel, aux voyages, aux dépenses de mission et de réception et aux commissions versées à la société DT Finances, l'administration s'est fondée sur la nature de ces rehaussements, leur caractère répété, les fonctions exercées par les bénéficiaires des dépenses personnelles ou d'agrément et les liens personnels existant entre les personnes physiques à la tête de la société FONCIERE DELUC et la société DT Finances ; que l'administration doit ainsi être regardée comme apportant la preuve qui lui incombe de l'intention délibérée de la contribuable d'éluder l'impôt ; qu'elle a, dès lors, assorti à bon droit les compléments d'imposition litigieux des pénalités exclusives de bonne foi prévues à l'article 1729 précité du code général des impôts ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la société FONCIERE DELUC est seulement fondée à demander la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et de contribution additionnelle à cet impôt correspondant à une réduction en base d'imposition de 75 846 euros au titre de l'année 2001, de 119 670 euros au titre de l'année 2002 et de 2 650 euros au titre de l'année 2003, correspondant aux commissions versées à la société Tecafin, et des pénalités correspondantes, ainsi que des rappels de retenue à la source auxquels elle a été assujettie au titre des années 2002 et 2003 ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

DÉCIDE :

Article 1er : L'article 4 du jugement du Tribunal administratif de Paris en date du 21 juin 2010 est annulé.

Article 2 : Les bases de l'impôt sur les sociétés et de contribution additionnelle à cet impôt assignées à la société FONCIERE DELUC sont réduites des sommes respectives de 75 846 euros au titre de l'année 2001, de 119 670 euros au titre de l'année 2002 et de 2 650 euros au titre de l'année 2003 correspondant aux commissions versées à la société Tecafin.

Article 3 : La société FONCIERE DELUC est déchargée des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et de contribution additionnelle à cet impôt correspondant à la réduction des bases d'imposition définies à l'article 2 ainsi que des pénalités correspondantes.

Article 4 : La société FONCIERE DELUC est déchargée des rappels de retenue à la source auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices 2002 et 2003 ainsi que des pénalités correspondantes.

Article 5 : Les demandes n°s 0706586 et 0706588 et le surplus de la demande n° 0706539 présentés par la société FONCIERE DELUC devant le Tribunal administratif de Paris ainsi que les conclusions présentées devant la Cour au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetés.

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N° 10PA04096

Classement CNIJ :

C


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 10PA04096
Date de la décision : 24/05/2012
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

Contributions et taxes - Généralités - Règles générales d'établissement de l'impôt - Contrôle fiscal.

Contributions et taxes - Règles de procédure contentieuse spéciales - Demandes et oppositions devant le tribunal administratif - Régularité du jugement.


Composition du Tribunal
Président : Mme HELMHOLTZ
Rapporteur ?: Mme Marie-Gabrielle MERLOZ
Rapporteur public ?: M. GOUES
Avocat(s) : DURRAFOURD

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2012-05-24;10pa04096 ?
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