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24/05/2012 | FRANCE | N°10PA01551

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 5ème chambre, 24 mai 2012, 10PA01551


Vu la requête, enregistrée le 26 mars 2010, présentée pour M.et Mme Jean-Marc A, demeurant ..., par Me Aubaniac ; M. et Mme A demandent à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n°0606399/2 du 25 janvier 2010 en tant que le Tribunal Administratif de Paris, après avoir constaté un non-lieu partiel, a rejeté leur demande en décharge du supplément d'impôt sur le revenu auquel ils ont été assujettis au titre de l'année 2001 à concurrence de 36 205 euros ;

2°) de prononcer la décharge de l'imposition contestée ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de

3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

.........

Vu la requête, enregistrée le 26 mars 2010, présentée pour M.et Mme Jean-Marc A, demeurant ..., par Me Aubaniac ; M. et Mme A demandent à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n°0606399/2 du 25 janvier 2010 en tant que le Tribunal Administratif de Paris, après avoir constaté un non-lieu partiel, a rejeté leur demande en décharge du supplément d'impôt sur le revenu auquel ils ont été assujettis au titre de l'année 2001 à concurrence de 36 205 euros ;

2°) de prononcer la décharge de l'imposition contestée ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

.....................................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Vu la décision n°2010-88 QPC du 21 janvier 2011 du Conseil constitutionnel ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 10 mai 2012 :

- le rapport de Mme Sanson, rapporteur,

- les conclusions de M. Gouès, rapporteur public,

- et les observations de Me Aubaniac, avocat de M. et Mme A ;

Considérant que M. et Mme A ont fait l'objet en 2004 d'un examen de leur situation fiscale personnelle portant sur les années 2001 et 2002,à l'issue duquel leurs revenus imposables au titre de ces deux années ont été évalués forfaitairement d'après certains éléments de leur train de vie par application de l'article 168 du code général des impôts ; que les requérants font appel du jugement par lequel le Tribunal administratif de Paris après avoir constaté un non-lieu partiel, a rejeté le surplus de la demande des requérants concernant l'année 2001 ;

Sur la régularité du jugement attaqué :

Considérant que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif a écarté le moyen soulevé par les requérants selon lequel le recours à la procédure de l'article 168 du code général des impôts aurait dû être motivé par le vérificateur ; que, dès lors, M. et Mme A ne sont pas fondés à soutenir que le tribunal, qui n'était pas tenu de répondre expressément à l'argument, invoqué à l'appui de ce moyen, tiré de l'absence de mention par l'administration de la condition de continuité posée à l'article 168, n'aurait pas répondu à l'ensemble des moyens soulevés devant lui ;

Sur la décision de rejet de la réclamation préalable :

Considérant que les irrégularités qui peuvent entacher les décisions prises par l'administration sur les réclamations dont elle est saisie sont sans influence sur la régularité de la procédure d'imposition ou sur le bien-fondé des impositions ; qu'ainsi, le moyen tiré par M. et Mme A de ce que la décision de rejet de leur réclamation comporte un calcul inexact est, en tout état de cause, inopérant ;

Sur la régularité de la procédure d'imposition :

Considérant qu'aux termes de l'article 168 du code général des impôts, dans sa rédaction applicable à l'année d'imposition : " 1. En cas de disproportion marquée entre le train de vie d'un contribuable et ses revenus, la base d'imposition à l'impôt sur le revenu est portée à une somme forfaitaire déterminée en appliquant à certains éléments de ce train de vie le barème ci-après, compte tenu, le cas échéant, de la majoration prévue au 2, lorsque cette somme est supérieure ou égale à 287 750 F ; cette limite est relevée chaque année dans la même proportion que la limite supérieure de la première tranche du barème de l'impôt sur le revenu :/ ELEMENTS DU TRAIN DE VIE / BASE./ 1. Valeur locative cadastrale de la résidence principale, déduction faite de celle s'appliquant aux locaux ayant un caractère professionnel / cinq fois la valeur locative cadastrale./ 2. Valeur locative cadastrale des résidences secondaires, déduction faite de celle s'appliquant aux locaux ayant un caractère professionnel / cinq fois la valeur locative cadastrale. (...) / 2 bis. La disproportion marquée entre le train de vie d'un contribuable et ses revenus est établie lorsque la somme forfaitaire qui résulte de l'application du barème et de la majoration prévus aux 1 et 2 excède d'au moins un tiers, pour l'année de l'imposition et l'année précédente, le montant du revenu net global déclaré y compris les revenus exonérés ou taxés selon un taux proportionnel ou libérés de l'impôt par l'application d'un prélèvement. / 3. Le contribuable peut apporter la preuve que ses revenus ou l'utilisation de son capital ou les emprunts qu'il a contractés lui ont permis d'assurer son train de vie. " ;

Considérant ,en premier lieu, qu'il ressort des dispositions précitées de l'article 168 qu'au cas de disproportion marquée entre le train de vie d'un contribuable et les revenus qu'il déclare, la base d'imposition à l'impôt sur le revenu est portée à une somme forfaitaire déterminée en appliquant à certains éléments de ce train de vie un barème déterminé par ce texte ; que toutefois la " disproportion marquée " ainsi visée n'est établie que lorsque la somme forfaitaire qui résulte de l'application du barème excède d'au moins un tiers, pour l'année de l'imposition et l'année précédente, le montant du revenu net global déclaré ; qu'il en résulte qu'avant d'appliquer les dispositions ci-dessus au calcul de l'impôt sur le revenu mis à la charge de M. et Mme A au titre de l'année 2001, l'administration, comme elle y était tenue, a comparé le revenu déclaré au titre de l'année 2000 et la somme forfaitaire correspondant aux éléments dont ils avaient disposé la même année ; que la mention de ces éléments de comparaison sur la proposition de rectification, qui avait pour objet de permettre aux contribuables de contester la mise en oeuvre de l'article 168 pour le calcul de leurs revenus de l'année 2001 et non, ainsi que le soutiennent les requérants, d'inclure l'année 2000 dans la période vérifiée, n'était pas irrégulière ;

Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article L. 63 du livre des procédures fiscales : " Lorsque les agents des impôts constatent une disproportion marquée entre le train de vie d'un contribuable et les revenus qu'il déclare, ils peuvent modifier la base d'imposition dans les conditions prévues à l'article 168 du code général des impôts. " ; qu'aux termes de son article R. 63-1 : " La décision de mettre en oeuvre les dispositions prévues à l'article L. 63 est prise par un agent ayant au moins le grade d'inspecteur départemental qui vise à cet effet la notification de la proposition de rectification " ; que la lettre du 23 septembre 2004 informant les requérants de la décision de mise en oeuvre de la procédure prévue à l'article 168 du code général des impôts comporte le visa d'un agent ayant le grade d'inspecteur principal ; qu'ainsi, la circonstance que lors des opérations de contrôle, le vérificateur aurait indiqué que la mise en oeuvre de la procédure prévue à l'article 168 précité du code général des impôts était envisagée est sans incidence sur la décision de mise en oeuvre de cet article qui a été prise par un agent compétent en vertu des dispositions de l'article R.63-1 du livre des procédures fiscales;

Considérant en troisième lieu, qu'il résulte de l'instruction que lors des opérations de contrôle, les requérants ont eu deux entretiens les 8 mars et 5 août 2004 avec la vérificatrice ; qu'à l'occasion de ce second entretien, un formulaire leur a été remis qu'ils ont renvoyé à l'administration après l'avoir renseigné ; qu'au vu des éléments recueillis, le vérificateur a, par lettre du 9 septembre proposé de rencontrer les intéressés le 22 septembre 2004 pour leur faire part de ses conclusions ; que, dans ces conditions, le moyen tiré de ce que le vérificateur n'a pas engagé de débat contradictoire dont aucune disposition ni légale ni réglementaire n'impose qu'il soit oral sur les éléments de train de vie qu'il envisageait de retenir ne peut qu'être écarté ;

Considérant ,en quatrième lieu, que l'établissement d'impositions fondées sur les dispositions de l'article 168 du code général des impôts doit être précédé de la mise en oeuvre de la procédure contradictoire prévue à l'article L. 55 du livre des procédures fiscales ; qu'aux termes de l'article L. 57 du même livre : "L'administration adresse au contribuable une proposition de rectification qui doit être motivée de manière à lui permettre de formuler ses observations ou de faire connaître son acceptation..(...) " ;

Considérant qu'il résulte de l'instruction que l'administration a notifié aux requérants, par lettres du 23 septembre 2004, l'évaluation forfaitaire minimale du revenu imposable d'après certains éléments du train de vie sur le fondement de l'article 168 du code général des impôt et la proposition de rectification ; que pour motiver les redressements litigieux, l'administration a indiqué les éléments de calcul de la somme forfaitaire résultant de l'application du barème de cet article aux éléments du train de vie du contribuable en donnant des indications semblables en ce qui concerne l'année 2000, année précédant la première année d'imposition ; qu'ainsi, cette proposition de rectification permettait au contribuable de contester en connaissance de cause l'existence de l'écart d'un tiers qui, en vertu du 2 bis de l'article 168, doit être constaté tant pour l'année d'imposition que pour l'année précédente ; que, par suite, contrairement à ce que soutiennent M. et Mme A, l'administration a suffisamment motivé la mise en oeuvre des dispositions de l'article 168 du code général des impôts ; qu'aucune disposition légale ni réglementaire n'impose à l'administration l'obligation d'indiquer les raisons pour lesquelles elle ne met pas en oeuvre l'application des articles L. 16, L. 16 A et L. 69 du livre des procédures fiscales ou de justifier du caractère exceptionnel de la situation des contribuables ; que M. et Mme A ne peuvent utilement se prévaloir de la documentation administrative référencée 5 B-524 du 1er août 2001 qui se borne à faire des recommandations et ne contient aucune interprétation de la loi fiscale opposable à l'administration ;

Considérant, en cinquième lieu, que, contrairement à ce que soutiennent les requérants, la proposition de rectification en date du 23 septembre 2004, mentionnait, pour l'année 2000, une base forfaitaire de 136 865 euros, somme supérieure au plafond de la dernière tranche du barème de l'impôt sur le revenu et dépassant de plus d'un tiers le montant du revenu global déclaré, de 24 373 euros ; que, par suite, le moyen tiré de ce que l'administration n'aurait pas fait apparaître de disproportion marquée entre les revenus déclarés et la somme forfaitaire résultant de l'application du barème manque en fait ;

Sur l'avis d'imposition :

Considérant, d'une part, qu'il n'est pas contesté que la mise en recouvrement des impositions a été fixée au 31 décembre 2004, date figurant sur l'avis d'imposition ; que, dès lors, le moyen tiré de ce que cet avis aurait été envoyé et reçu par les requérants antérieurement à cette date n'a aucune incidence sur la régularité de la procédure et ne peut qu'être écarté ;

Considérant, d'autre part, que si la base d'imposition qui a été en définitive retenue figurant sur l'avis d'imposition a été inférieure à la base qui a été notifiée, cette circonstance qui n'obligeait pas l'administration à procéder à une nouvelle notification est sans incidence sur la régularité de la procédure d'imposition ;

Sur le bien-fondé de l'imposition :

Considérant que la base forfaitaire de l'année 2001 a été fixée en retenant la résidence principale de Paris et la résidence secondaire de Nîmes ;

Considérant que, pour tenir compte du fait que les requérants ne disposaient plus de leur appartement parisien à compter du 26 octobre 2001, l'administration a ramené la base d'imposition à 118 115 euros ; que cette somme reste sensiblement supérieure aux seuils définis à l'article 168 du code général des impôts ; que, dès lors, les requérants ne sont, en tout état de cause, pas fondés à soutenir que le dégrèvement prononcé aurait dû conduire à l'abandon de la procédure prévue à cet article ;

Considérant s'agissant de la résidence principale, que M. A, médecin dermatologue, fait valoir qu'une partie de l'appartement était consacrée à son activité professionnelle ; que, toutefois, il est constant qu'en 2001 il avait changé sa pratique professionnelle, ayant abandonné son activité de soins dermatologiques pour se consacrer à une activité de conférencier en France et à l'étranger ; que s'il soutient qu'il utilise le même pourcentage d'occupation professionnelle de son appartement pour l'élaboration d'articles médicaux, l'organisation des conférences et des congrès ainsi que la réception des orateurs et des visiteurs médicaux, il n'apporte aucun élément de nature à justifier cette allégation ; qu'il n'établit pas que cette activité aurait nécessité l'usage d'un local professionnel ; que, par suite, M. et Mme A ne sont pas fondés à soutenir que l'administration aurait dû appliquer un abattement de 50 % sur la valeur locative de leur appartement pour tenir compte de la destination professionnelle d'une partie de leur domicile ;

Considérant que, pour contester la prise en compte de sa résidence secondaire à Nîmes, M. A se prévaut de la donation qu'il a consentie à ses enfants par un acte du 26 octobre 1993 ; qu'il ressort toutefois de cet acte que la donation n'a porté que sur la nue-propriété de la maison, M. A et son épouse en conservant l'usufruit leur vie durant ; que, dès lors, c'est à bon droit que l'administration fiscale a inclus dans l'évaluation forfaitaire de leurs revenus cet élément de leur train de vie dont les intéressés avaient la jouissance ;

Considérant, enfin, que les dispositions du 3 de l'article 168 du code général des impôts ne font pas obstacle à ce que le contribuable, pour contester les bases d'imposition retenues par l'administration, apporte la preuve que le financement des éléments de train de vie qui ont été retenus pour l'application du barème n'implique pas la perception des revenus définis forfaitairement, ainsi qu'il résulte de la réserve d'interprétation dont la décision du Conseil constitutionnel n°2010-88 QPC du 21 janvier 2011 a assorti sa déclaration de conformité à la Constitution des dispositions litigieuses ;

Considérant que M. et Mme A n'établissent pas avoir vendu le 11 février 2001 240 disques pour un montant de 90 000 F par la seule production d'un reçu de la somme en espèces et des attestations manuscrites de l'acquéreur postérieures à la vente alléguée ; que les pièces produites sont également insuffisantes à établir que les économies de leur fils Fabien, d'un montant total de 10 925 euros, auraient été employées pour faire face aux dépenses quotidiennes de la famille ; que l'existence d'un report de solde bénéficiaire du bilan comptable de M. A, attestée par les seules écritures de l'intéressé, n'est pas davantage établi, pas plus que les dons en nature que les requérants auraient reçu de leurs proches ; qu'il suit de là que M. et Mme A n'apportent pas la preuve qu'ils ont pu financer en tout ou partie, le train de vie correspondant à cette évaluation ; qu'ils ne sauraient dès lors et en tout état de cause invoquer la documentation administrative référencée 5 B 525 du 1er août 2001 et la réponse ministérielle du 20 janvier 1997 à M. Bousquet, député ;

Sur les pénalités :

Considérant qu'aux termes de l'article 1730 du code général des impôts : " 1. Tout retard dans le paiement de tout ou partie des impositions qui doivent être versées aux comptables du Trésor donne lieu à l'application d'une majoration de 10 %.(...) " ; que cette majoration s'applique à toutes les sommes non réglées dans le délai légal, quel que soit le motif du retard ; que, par suite, le moyen tiré de ce que ladite majoration ne serait pas due pour la période séparant leur réclamation, le 7 mars 2005, de son rejet, le 21 février 2006 au motif que le retard de paiement serait entièrement imputable à l'administration, doit être écarté ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. et Mme A ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal Administratif de Paris a rejeté leur demande tendant à la décharge de l'impôt sur le revenu de l'année 2001 ; que, par voie de conséquence, les conclusions de la requête tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. et Mme A est rejetée.

Article 2: Le présent arrêt sera notifié à M. et Mme Jean-Marc A et au ministre de l'économie, des finances et du commerce extérieur.

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N° 10PA01551

Classement CNIJ :

C


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 10PA01551
Date de la décision : 24/05/2012
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

19-04-01-02-03-05 Contributions et taxes. Impôts sur les revenus et bénéfices. Règles générales. Impôt sur le revenu. Détermination du revenu imposable. Évaluation forfaitaire du revenu.


Composition du Tribunal
Président : Mme HELMHOLTZ
Rapporteur ?: Mme Michelle SANSON
Rapporteur public ?: M. GOUES
Avocat(s) : AUBANIAC

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2012-05-24;10pa01551 ?
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