Vu la requête, enregistrée le 11 octobre 2010, présentée pour la SOCIETE QUADRIGA FRANCE, dont le siège est Parc des activités des Petits Carreaux 2 avenue des Coquelicots à Bonneuil-sur-Marne (94380), par Me Le Blanc ; la SOCIETE QUADRIGA FRANCE demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 0806258/1 en date du 2 juillet 2010 par lequel le Tribunal administratif de Melun a annulé la décision du 21 juillet 2005 par laquelle le ministre de l'emploi, de la cohésion sociale et du logement, d'une part, a annulé la décision du 16 février 2005 de l'inspecteur du travail de la 3ème section d'inspection de la direction départementale du travail, de l'emploi et de la formation professionnelle du Val-de-Marne autorisant la SOCIETE QUADRIGA FRANCE à procéder au transfert du contrat de travail de M. Adonis A vers la société Codiam SA, d'autre part, a autorisé ledit transfert ;
2°) de rejeter la demande présentée par M. A devant le Tribunal administratif de Melun ;
3°) de mettre à la charge de M. A la somme de 3 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
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Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code du travail ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 8 mars 2012 :
- le rapport de Mme Folscheid, rapporteur,
- les conclusions de M. Jarrige, rapporteur public,
- et les observations de Me Chabanne, pour la SOCIETE QUADRIGA FRANCE et celles de M. A ;
Considérant que la SOCIETE QUADRIGA FRANCE, qui exerce une activité de location notamment de matériels audiovisuels à des hôtels, cliniques et hôpitaux, a sollicité le 17 décembre 2004, à la suite de la perte de la délégation de service public de location de téléviseurs et de téléphones aux patients du centre hospitalier Simone Veil d'Eaubonne, l'autorisation de transférer le contrat de travail de M. A, délégué syndical et membre du comité d'entreprise, à la société Codiam, nouvelle entreprise titulaire de cette délégation ; que l'inspecteur du travail de la 3ème section de la direction départementale du travail, de l'emploi et de la formation professionnelle du Val-de-Marne a fait droit à sa demande en autorisant le transfert sollicité par une décision du 16 février 2005 ; que, saisi d'un recours hiérarchique présenté par M. A, le ministre de la cohésion sociale et du logement, par une décision du 21 juillet 2005, a annulé la décision de l'inspecteur du travail au motif qu'elle ne mentionnait pas le mandat de délégué du personnel suppléant acquis par l'intéressé à la suite des élections professionnelles du 1er février 2005, mais a néanmoins autorisé le transfert du contrat de travail de M. A ; que, par jugement en date du 2 juillet 2010, le Tribunal administratif de Melun, après avoir rejeté les conclusions de M. A dirigées contre la décision de l'inspecteur du travail comme dépourvues d'objet au motif que la décision du ministre avait eu pour effet de se substituer à cette décision initiale, a annulé la décision ministérielle en date du 21 juillet 2005 ; que la SOCIETE QUADRIGA FRANCE relève régulièrement appel de ce jugement ; qu'elle doit être regardée comme demandant l'annulation du jugement en tant seulement que le tribunal a annulé la décision ministérielle du 21 juillet 2005 ;
Considérant qu'en vertu des articles L. 236-11, L. 412-18, L. 425-1 et L. 436-1 du code du travail en vigueur à la date des décisions litigieuses, lorsqu'un membre du comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail, un délégué syndical, un membre du comité d'entreprise, un représentant syndical au comité d'entreprise ou un délégué du personnel est compris dans un transfert partiel d'entreprise ou d'établissement, par application du deuxième alinéa de l'article L. 122-2, le transfert de son contrat de travail doit être soumis à l'autorisation préalable de l'inspecteur du travail qui s'assure que le salarié ne fait pas l'objet d'une mesure discriminatoire ;
Considérant que les premiers juges ont annulé la décision ministérielle du 21 juillet 2005 au motif que le comité d'entreprise n'avait pas, avant la saisine de l'inspecteur du travail, été informé de la perte du contrat de délégation de service public et du transfert partiel d'activité et d'effectifs subséquent en violation des dispositions de l'article L. 432-1 du code du travail ;
Considérant qu'aux termes de l'article L. 432-1 du code du travail alors en vigueur : " Dans l'ordre économique, le comité d'entreprise est obligatoirement informé et consulté sur les questions intéressant l'organisation, la gestion et la marche générale de l'entreprise et, notamment, sur les mesures de nature à affecter le volume ou la structure des effectifs, la durée du travail, les conditions d'emploi, de travail et de formation professionnelle du personnel. / Le comité d'entreprise est obligatoirement saisi en temps utile des projets de compression des effectifs ; il émet un avis sur l'opération projetée et ses modalités d'application. Cet avis est transmis à l'autorité administrative compétente. / Le comité est informé et consulté sur les modifications de l'organisation économique ou juridique de l'entreprise, notamment en cas de fusion, de cession, de modification importante des structures de production de l'entreprise ainsi que lors de l'acquisition ou de la cession de filiales au sens de l'article L. 233-1 du code de commerce. Le chef d'entreprise doit indiquer les motifs des modifications projetées et consulter le comité sur les mesures qui sont envisagées à l'égard des salariés lorsque ces modifications comportent des conséquences pour ceux-ci. Il est également tenu de consulter le comité d'entreprise lorsqu'il prend une participation dans une société et de l'informer lorsqu'il a connaissance d'une prise de participation dont son entreprise est l'objet. " ;
Considérant que s'il résulte de ces dispositions que tout transfert partiel d'activité, fût-il de peu d'importance, doit être soumis au comité d'entreprise, la méconnaissance desdites dispositions, qui est sans effet sur le transfert d'un contrat de travail opéré de plein droit en vertu de l'article L. 122-2, ne saurait constituer, pour l'autorité administrative, un motif lui permettant de refuser d'autoriser le transfert d'un contrat de travail ; que, par suite c'est à tort que les premiers juges ont estimé que l'absence de saisine du comité d'entreprise par la SOCIETE QUADRIGA FRANCE, nonobstant la portée très limitée du transfert d'activité en cause et de ses conséquences sur ses effectifs, deux salariés seulement sur quatre-vingts étant concernés, entachait d'irrégularité l'autorisation de transférer le contrat de travail de M. A ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la SOCIETE QUADRIGA FRANCE est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Melun a annulé pour ce motif la décision ministérielle attaquée ;
Considérant toutefois qu'il appartient à la Cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les moyens soulevés par M. A tant devant elle que devant le Tribunal administratif de Melun à l'encontre de la décision ministérielle en tant qu'elle autorise le transfert de son contrat de travail ;
Considérant, en premier lieu, que si pour opérer les contrôles auxquels elle est tenue de procéder lorsqu'elle statue sur une demande d'autorisation de transfert d'un salarié protégé, l'autorité administrative doit prendre en compte toutes les fonctions représentatives du salarié et s'il appartient, par suite, à l'employeur de porter à sa connaissance l'ensemble des mandats détenus par l'intéressé, en revanche aucune disposition législative ou réglementaire ne fait obligation à l'employeur de saisir l'administration d'une nouvelle demande d'autorisation après l'obtention d'un nouveau mandat par le salarié concerné ; qu'en l'espèce, il ressort des motifs mêmes de la décision attaquée que le ministre avait connaissance, à la date à laquelle il a statué sur le recours hiérarchique de M. A, du nouveau mandat de délégué du personnel obtenu par l'intéressé le 1er février 2005 ; que, par suite, le moyen tiré de ce que l'autorité administrative n'aurait pas été saisie d'une nouvelle demande d'autorisation après l'obtention du nouveau mandat doit être écarté ;
Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article L. 122-12 alinéa 2 du code du travail alors en vigueur, devenu l'article L. 1224-1 de ce code : " S'il survient une modification dans la situation juridique de l'employeur, notamment par succession, vente, fusion, transformation du fonds, mise en société, tous les contrats de travail en cours au jour de la modification subsistent entre le nouvel employeur et le personnel de l'entreprise. " ; que ces dispositions s'appliquent en cas de transfert d'une entité économique autonome ayant conservé son identité et dont l'activité est poursuivie ou reprise ;
Considérant que M. A, qui ne conteste pas l'existence d'une unité économique, soutient qu'il n'y a pas eu conservation de l'identité de l'entité économique transférée dès lors que la nouvelle délégation de service public a un objet différent de la précédente dont bénéficiait la SOCIETE QUADRIGA FRANCE depuis le 13 juin 1995 ; que s'il résulte de la nouvelle convention que celle-ci va concerner, outre le centre hospitalier d'Eaubonne, le centre hospitalier de Montmorency, par suite de la fusion des deux centres, et si une modernisation des installations est prévue, il ressort du rapport de l'inspecteur du travail dans le cadre de l'instruction du recours hiérarchique de M. A et de la confrontation des deux conventions successives que le nouveau délégataire devait, pour le centre hospitalier d'Eaubonne, reprendre les installations et matériels existants en l'état, que les deux salariés affectés jusque là sur ce site devaient y être maintenus dans les mêmes fonctions, que l'activité de location devait se poursuivre pour l'essentiel dans les mêmes conditions et, enfin, qu'était prévue, à terme non fixé, une simple réhabilitation et mise à niveau des équipements ainsi que des installations ; que, dans ces conditions, M. A n'est pas fondé à soutenir que l'entité économique transférée de la SOCIETE QUADRIGA FRANCE à la société Codiam ne constituait pas une entité économique ayant un objectif propre et dont l'identité s'est conservée et poursuivie ;
Considérant, en troisième et dernier lieu, qu'il résulte de ce qui a été dit que le transfert litigieux entrait dans le champ d'application de l'article L. 122-2 précité du code du travail ; qu'il devait par suite intervenir de plein droit en application des dispositions dudit article ; qu'il ressort des pièces du dossier que la SOCIETE QUADRIGA FRANCE a bien été candidate à l'attribution de la nouvelle délégation ; qu'il ne peut être sérieusement soutenu qu'elle a renoncé à celle-ci afin de se séparer de son salarié ; que M. A ne justifie pas, par les documents qu'il produit à l'appui de ses écritures, d'un traitement discriminatoire en termes de déroulement de carrière, de rémunération ou de conditions de travail ; que le moyen tiré du caractère discriminatoire de la mesure de transfert concernant M. A doit, par suite, être écarté ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la SOCIETE QUADRIGA FRANCE est fondée à demander l'annulation du jugement attaqué en tant qu'il a annulé la décision ministérielle du 21 juillet 2005 en ce qu'elle a accordé à la SOCIETE QUADRIGA FRANCE l'autorisation de transférer le contrat de travail de M. A ; que la demande de première instance de M. A dirigée contre ladite décision doit, par suite, être rejetée ;
Sur l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant que les dispositions susvisées font obstacle à ce que soit mise à la charge de la SOCIETE QUADRIGA FRANCE, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, les frais exposés par M. A et non compris dans les dépens ; qu'il y lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de M. A la somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par la SOCIETE QUADRIGA FRANCE et non compris dans les dépens ;
D E C I D E :
Article 1er : Le jugement du Tribunal administratif de Melun en date du 2 juillet 2010 est annulé en tant qu'il a annulé la décision ministérielle du 21 juillet 2005 en ce qu'elle a accordé à la SOCIETE QUADRIGA FRANCE l'autorisation de transférer le contrat de travail de M. A.
Article 2 : La demande de M. A dirigée contre la décision ministérielle du 21 juillet 2005 en ce qu'elle a accordé à la SOCIETE QUADRIGA FRANCE l'autorisation de transférer son contrat de travail présentée devant le Tribunal administratif de Melun et ses conclusions d'appel en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : M. A versera à la SOCIETE QUADRIGA FRANCE la somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
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N° 10PA03855
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N° 10PA04976