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08/03/2012 | FRANCE | N°09PA05626

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 3 ème chambre, 08 mars 2012, 09PA05626


Vu l'arrêt avant dire droit en date du 31 décembre 2010 par lequel la Cour de céans, sur la requête de la SOCIETE MANPOWER FRANCE, enregistrée au greffe le 11 septembre 2009 sous le n° 09PA05626 et tendant à ce que la Cour, d'une part, annule le jugement

n° 0703048/3-3 en date du 30 juin 2009 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision implicite par laquelle le ministre de l'emploi, de la cohésion sociale et du logement a rejeté sa demande préalable d'indemnisation ainsi qu'à la condamnation de l'Etat à répare

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Vu l'arrêt avant dire droit en date du 31 décembre 2010 par lequel la Cour de céans, sur la requête de la SOCIETE MANPOWER FRANCE, enregistrée au greffe le 11 septembre 2009 sous le n° 09PA05626 et tendant à ce que la Cour, d'une part, annule le jugement

n° 0703048/3-3 en date du 30 juin 2009 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision implicite par laquelle le ministre de l'emploi, de la cohésion sociale et du logement a rejeté sa demande préalable d'indemnisation ainsi qu'à la condamnation de l'Etat à réparer son préjudice subi du fait du refus illégal du ministre de l'emploi et de la solidarité de conclure avec elle une convention relative à la réduction du temps de travail dans l'entreprise, et, d'autre part, annule pour excès de pouvoir ladite décision et condamne l'Etat à lui verser les sommes de 14 435 934 euros, assortie des intérêts au taux légal à compter du 14 novembre 2006 et de la capitalisation de ces intérêts, et 2 000 000 euros à titre de dommages et intérêts, a ordonné une expertise en vue de déterminer le préjudice de cette société ;

.....................................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code du travail ;

Vu le code de la sécurité sociale ;

Vu la loi n° 98-461 du 13 juin 1998 d'orientation et d'incitation relative à la réduction du temps de travail ;

Vu la loi n° 2000-37 du 19 janvier 2000 relative à la réduction négociée du temps de travail ;

Vu la loi n° 2003-47 du 17 janvier 2003 relative aux salaires, au temps de travail et au développement de l'emploi ;

Vu le décret n° 98-494 du 22 juin 1998 relatif à l'incitation financière à la réduction du temps de travail portant application de l'article 3 de la loi n° 98-461 du 13 juin 1998 d'orientation et d'incitation relative à la réduction du temps de travail ;

Vu le décret n° 2000-73 du 28 janvier 2000 relatif à l'allégement de cotisation prévu à l'article L. 241-13-1 du code de la sécurité sociale et modifiant ce code (troisième partie : Décrets) ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 23 février 2012 :

- le rapport de Mme Renaudin, rapporteur,

- les conclusions de M. Jarrige, rapporteur public,

- et les observations de Me Clerc et Me Uzan Sarano, pour la SOCIETE MANPOWER FRANCE ;

Considérant que la SOCIETE MANPOWER FRANCE a signé le 22 septembre 1999, avec quatre organisations syndicales, un accord d'entreprise prévoyant une réduction du temps de travail d'au moins 10% ; qu'elle a demandé à l'Etat, le 30 novembre 1999, de conclure une convention de réduction collective de la durée du travail sur le fondement des dispositions de l'article 3 de la loi du 13 juin 1998 d'orientation et d'incitation relative à la réduction du temps de travail susvisée ; que par décision du 13 décembre 1999, le ministre de l'emploi et de la solidarité a refusé la signature de cette convention ; que par jugement en date du 8 janvier 2003, le Tribunal administratif de Paris a rejeté la demande de la SOCIETE MANPOWER FRANCE tendant à l'annulation de la décision ministérielle susmentionnée ; que sur appel de la SOCIETE MANPOWER FRANCE, la Cour de céans a, par un arrêt du 24 mai 2006, annulé ledit jugement du Tribunal administratif de Paris, estimant la SOCIETE MANPOWER FRANCE fondée à conclure un accord collectif prévoyant que les cadres et attachés commerciaux bénéficieraient de l'accord de réduction du temps de travail dans les mêmes conditions que les autres salariés, sauf en ce qui concerne le mode de décompte du temps de travail effectif et jugeant que l'accord collectif n'entraînait pas pour les personnels à temps partiel une modification de l'horaire contractuel de travail qui aurait supposé la signature d'avenants à leur contrat de travail ; que la SOCIETE MANPOWER FRANCE a alors demandé au ministre de l'emploi, de la cohésion sociale et du logement, le 10 novembre 2006, la réparation du préjudice qu'elle estimait avoir subi du fait du refus illégal du ministre de signer ladite convention ; que sa demande a fait l'objet d'un rejet implicite ; que la SOCIETE MANPOWER FRANCE a saisi le Tribunal administratif de Paris d'une demande tendant à l'annulation de cette décision implicite et à la condamnation de l'Etat à réparer son préjudice ; que par le jugement attaqué du 30 juin 2009, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande ; que par un arrêt avant dire droit en date du 31 décembre 2010, la Cour de céans a, d'une part, annulé le jugement du Tribunal administratif de Paris du 30 juin 2009 en tant qu'il avait rejeté la demande de la SOCIETE MANPOWER FRANCE tendant à être indemnisée de la perte de chances d'obtenir le bénéfice des aides incitatives à la réduction du temps de travail, considérant que l'entreprise remplissait les conditions fixées par la loi du 13 juin 1998 pour obtenir le bénéfice des aides incitatives, notamment le maintien de l'effectif de référence et l'effectivité de la réduction du temps de travail, d'autre part, ordonné une expertise en vue de fixer le montant des aides incitatives auxquelles la SOCIETE MANPOWER FRANCE aurait eu droit pour la période d'octobre 1999 à mars 2004 et la minoration qui aurait été déduite du montant de ces aides en fonction des allègements de cotisations dont cette dernière a bénéficié en application de la loi du 19 janvier 2000 relative à la réduction négociée du temps de travail, et enfin, a rejeté la demande de dommages et intérêts compensatoires formulée par la SOCIETE MANPOWER FRANCE ;

Sur l'évaluation du préjudice de la SOCIETE MANPOWER FRANCE :

Considérant qu'aux termes de l'article 1er de la loi n° 98-461 du 13 juin 1998 modifiée susvisée : " Après l'article L. 212-1 du code du travail, il est inséré un article L. 212-1 bis ainsi rédigé : Article L. 212-1 bis - Dans les établissements ou les professions mentionnés à l'article L. 200-1 ainsi que dans les établissements agricoles, artisanaux et coopératifs et leurs dépendances, la durée légale du travail effectif des salariés est fixée à trente-cinq heures par semaine à compter du 1er janvier 2002. Elle est fixée à trente-cinq heures par semaine à compter du 1er janvier 2000 pour les entreprises dont l'effectif est de plus de vingt salariés (...). " ; qu'aux termes de l'article 3 de ladite loi : " Les entreprises ou établissements qui réduisent la durée du travail avant le 1er janvier 2000 ou pour les entreprises de vingt salariés ou moins avant le 1er janvier 2002 en application d'un accord collectif et qui procèdent en contrepartie à des embauches ou préservent des emplois peuvent bénéficier d'une aide dans les conditions définies ci-après. I.- (...) / La réduction du temps de travail doit être d'au moins 10% de la durée initiale et porter le nouvel horaire collectif au plus au niveau de la durée légale fixée par l'article

L. 212-1 bis du code du travail. (...) / L'aide est attribuée par convention entre l'entreprise et l'Etat pour une durée de cinq ans à compter de la date d'entrée en vigueur de la réduction du temps de travail prévue par l'accord, après vérification de la conformité de l'accord collectif aux dispositions légales. (...) / VI.- L'aide est attribuée pour chacun des salariés auxquels s'applique la réduction du temps de travail, ainsi que pour ceux embauchés dans le cadre du dispositif prévu au IV du présent article. Elle vient en déduction du montant global des cotisations à la charge de l'employeur pour la période considérée au titre des assurances sociales, accidents du travail et maladies professionnelles et allocations familiales assises sur les gains et rémunérations des salariés de l'entreprise ou de l'établissement concerné. " ; qu'aux termes de l'article 5 du décret du 22 juin 1998 susvisé, relatif à l'incitation financière à la réduction du temps de travail portant application de l'article 3 de la loi n° 98-461 du 13 juin 1998 : " I. - Le montant de l'aide prévue au VI de l'article 3 de la loi du 13 juin 1998 susvisée, ainsi que celui de chacune des majorations, est forfaitaire et fixé, par salarié, pour chaque année d'exécution de la convention. Un barème annexé au présent décret fixe les montants de l'aide et de chacune des majorations. " et qu'aux termes de l'article 6 du même décret : " I. - L'entreprise détermine mensuellement le montant de l'aide donnant lieu à déduction, augmenté le cas échéant des majorations, auquel elle a droit pour chaque salarié. Ce montant est égal à un douzième du montant annuel de l'aide applicable à la convention, arrondi au franc immédiatement supérieur. / Pour les salariés à temps partiel ouvrant droit au bénéfice de l'aide, le montant de l'aide ainsi déterminé est réduit au prorata du nombre d'heures inscrit au contrat de travail des intéressés rapporté à l'horaire collectif conventionnel. / II. - L'entreprise calcule le montant mensuel total de la déduction de cotisations sociales à laquelle elle a droit en multipliant le montant de l'aide par salarié ainsi déterminé par le nombre de ses salariés visés au premier alinéa du VI de l'article 3 de la loi du 13 juin 1998 susvisée dont le contrat de travail est en cours d'exécution ou suspendu au dernier jour du mois. Toutefois, les salariés dont le contrat de travail est suspendu depuis plus de six mois n'ouvrent pas droit à l'aide. " ; qu'aux termes de l'article 19 relatif à l'allégement des cotisations sociales de la loi du 19 janvier 2000 susvisée relative à la réduction négociée du temps de travail : " IX. - Bénéficient également de l'allégement (...) : / - Les entreprises qui ont réduit ou réduisent leur durée du travail en application d'une convention ou d'un accord collectif étendu ou agréé ou d'une convention ou d'un accord d'entreprise ou d'établissement conclu dans les conditions prévues à l'article 3 de la loi n° 98-461 du 13 juin 1998 d'orientation et d'incitation relative à la réduction du temps de travail ; (...) : / XI. - L'allégement résultant de l'application des dispositions de l'article L. 241-13-1 du code de la sécurité sociale prend effet le premier jour du mois qui suit la date à laquelle est entrée en vigueur la durée du travail fixée dans les limites définies au I " ; qu'enfin, aux termes de l'article L. 241-13-1 du code de la sécurité sociale dans sa rédaction issue de la loi n° 2000-1257 du 23 décembre 2000 de financement de la sécurité sociale pour 2001 : " VI. - Le bénéfice des dispositions du présent article est cumulable : / a) Avec l'aide prévue à l'article 3 de la loi n° 98-461 du 13 juin 1998 d'orientation et d'incitation relative à la réduction du temps de travail (...) : / Dans le cas prévu au a) ci-dessus, le montant de l'allégement est minoré d'un montant forfaitaire fixé par décret. " et qu'aux termes de l'article D. 241-17 du code de la sécurité sociale dans sa rédaction issue du décret n° 2000-73 du 28 janvier 2000 relatif à l'allégement de cotisation prévu à l'article L. 241-13-1 du code de la sécurité sociale et modifiant ce code : " La minoration prévue au deuxième alinéa du VI de l'article L. 241-13-1 applicable aux entreprises bénéficiant soit de l'aide prévue à l'article 3 de la loi n° 98-461 du 13 juin 1998 d'orientation et d'incitation relative à la réduction du temps de travail, (...) est fixée à un douzième de 4 000 F. Cette minoration est applicable à l'allégement calculé selon les modalités fixées aux articles D. 241-13 à D. 241-16. " ;

Considérant que l'expert a évalué le nombre de salariés ouvrant droit aux aides Aubry I pour la période d'octobre 1999 - soit la date d'application, prévue par ce dernier, de l'accord de réduction du temps de travail signé par la SOCIETE MANPOWER FRANCE à mars 2004 inclus - date, non contestée, postérieurement à laquelle la société requérante a opté pour le bénéfice de l'allègement Fillon qui n'était plus cumulable avec les aides précitées ; qu'il a retenu, conformément aux dispositions des anciens articles L. 620-10 et L. 620-11 du code du travail, actuellement codifiés aux articles L. 1111-2 et L. 1111-3 de ce code, tel que l'impose l'article 3 du décret susvisé du 22 juin 1998 relatif à l'incitation financière à la réduction du temps de travail, les salariés à temps plein et à temps partiel, en excluant les contrats des alternants ; qu'il a extrait du nombre de ces salariés les cadres dirigeants de niveau 7 qui ne peuvent bénéficier des aides à la réduction du temps de travail, ainsi que les contrats suspendus depuis plus de six mois qui n'ouvrent pas non plus droit à l'aide aux termes des dispositions précitées de l'article 6 de la loi du 13 juin 1998 ;

Considérant que, pour évaluer ainsi le nombre des salariés susceptibles de bénéficier de l'aide Aubry I, et compte tenu de l'ampleur de la tâche d'exploitation des fichiers de l'entreprise, l'expert a, au cours de l'expertise, arrêté en concertation avec les parties une méthode de contrôle par sondages, que celles-ci n'ont pas contestée et permettant de vérifier la conformité des données calculées par la société requérante elle-même ; qu'ainsi s'il a, pour le mois d'octobre 1999, procédé à une analyse exhaustive des fichiers à sa disposition, soit les fiches de paie, le registre unique du personnel et les déclarations annuelles de données sociales, portant sur 3 881 salariés, il a pour le mois de novembre 1999 porté ses vérifications, à partir de ces mêmes sources, sur un échantillon de 350 personnes et pour chaque mois ultérieur sur un échantillon de 150 personnes ; que selon l'expert, pour des tailles d'échantillon allant de 150 à 350 salariés pris au hasard, le niveau de risque et de précision sont tous deux, pour chaque mois vérifié, proches de 1%, représentant un degré de confiance et une précision très élevés ; que la plupart des sondages ainsi réalisés par l'expert à partir d'échantillons représentatifs ont montré que tous les salariés sur lesquels la vérification avait porté ouvraient droit au dispositif des aides en cause ; que quelques salariés seulement ont fait l'objet d'un rejet en raison de suspensions de leur contrat de travail supérieures à six mois ; que les chiffres mensuels avancés par la SOCIETE MANPOWER FRANCE concernant le nombre de salariés ouvrant droit aux aides et le montant global consécutif de ces aides ont par conséquent été estimés conformes par l'expert ou ont le cas échéant été diminués par l'application du coefficient correspondant au rejet de certains salariés ; que compte tenu du risque statistique de 1% affectant selon l'expert la méthode par sondages mise en oeuvre, celui-ci a appliqué aux chiffres mensuels avancés par la SOCIETE MANPOWER FRANCE un coefficient de plus ou moins 1% pour obtenir une fourchette haute et basse des montants d'aide mensuels auxquels l'entreprise aurait pu prétendre ; qu'il y aura lieu en l'occurrence de retenir, compte tenu de cette marge d'erreur potentielle, la fourchette basse chiffrée par l'expert à la somme de 16 127 572 euros pour l'estimation de ces aides ;

Considérant que le ministre du travail, de l'emploi et de la santé se borne à faire valoir que l'entreprise requérante n'a pas produit les fiches de paie archivées sur microfilms datant de la période 1999 à 2004 qu'elle avait pourtant annoncées, mais des données répertoriées sur un support DVD ; que, toutefois, rien au dossier ne permet de penser que les fiches de paie ainsi enregistrées sur support numérique aient pu faire l'objet de falsifications ; que la confusion sur ces supports, entretenue par la SOCIETE MANPOWER FRANCE au cours de l'expertise, n'est pas de nature à démontrer l'absence de véracité du contenu des données numérisées ; que l'expert a pu sans méconnaître sa mission se fonder sur les justificatifs ainsi produits par la société requérante pour forger son analyse ; que le ministre du travail, de l'emploi et de la santé n'est donc pas fondé à soutenir que l'expertise réalisée est dénuée de pertinence ;

Considérant que la somme de 16 127 572 euros, estimée par l'expert comme montant des aides Aubry I auxquelles l'entreprise aurait pu prétendre pour ses salariés sur la période d'octobre 1999 à mars 2004 inclus doit donc être retenue ;

Considérant que selon les dispositions précitées de l'article L. 241-13-1 du code de la sécurité sociale, le montant de l'allégement institué par la loi du 19 janvier 2000 susvisée relative à la réduction négociée du temps de travail, soit l'aide Aubry II, qui deviendra l'allègement Fillon à partir du 1er juillet 2003, date d'entrée en vigueur de ce dispositif prévu par la loi du 17 janvier 2003 susvisée, est minoré d'un montant forfaitaire, lorsque l'entreprise cumule cet allégement avec l'aide prévue à l'article 3 de la loi n° 98-461 du 13 juin 1998 ; qu'il résulte de l'instruction que la SOCIETE MANPOWER FRANCE a perçu l'allégement Aubry II, puis Fillon à compter du 1er janvier 2000 ; que l'expert a, sur le fondement de plusieurs sources de données, dont les bordereaux récapitulatifs de cotisations, les fiches de paie et les états de contrôles des bandes URSSAF internes à l'entreprise, vérifié la véracité du montant des aides Aubry II que la SOCIETE MANPOWER FRANCE annonce avoir perçu pour la période considérée d'octobre 1999 à mars 2004 ; que si pour la période de juin à décembre de l'année 2000, la société requérante n'a pas été en mesure de fournir de données individuelles détaillées et si les bordereaux récapitulatifs de cotisations n'ont pu être retrouvés pour cette même année, l'expert a tout de même, en procédant par comparaison avec les autres années et au vu de documents partiels, été en mesure d'évaluer l'aide Aubry II perçue par l'entreprise au titre de l'année 2000 ; qu'en dépit de l'absence de bordereaux récapitulatifs de cotisations pour les années 2002 et 2004, il a cependant pu, par recoupement entre différentes sources, dont les tableaux internes de réduction des cotisations, procéder à un calcul du montant de l'allègement qu'il estime fiable ; que pour l'ensemble de la période considérée, l'expert estime le montant des allégements Aubry II et Fillon à la somme totale de 12 459 000 euros ; que l'expert a, à juste titre, vérifié le calcul de la minoration appliquée par la SOCIETE MANPOWER FRANCE en utilisant la méthode par sondages déjà retenue sur un échantillon de 50 salariés pour lequel il admet un niveau de risque de 1% et une précision de 0,4%, duquel il a exclu les salariés ne pouvant prétendre à la fois aux aides Aubry I et Aubry II puis Fillon, en raison d'une différence dans le champ d'application de ces aides, soit les salariés ne faisant pas l'objet d'un cumul de ces aides sur lequel porte la minoration ; que les chiffres avancés par la SOCIETE MANPOWER FRANCE ont été jugés conformes par l'expert après les vérifications effectuées par ces sondages ; qu'il y a donc lieu de retenir la somme de 5 289 650 euros correspondant à la minoration annoncée par la SOCIETE MANPOWER FRANCE, à laquelle ont été ajoutées les données calculées par l'expert pour les mois de janvier à mai 2000 qui avaient été exclues de manière erronée par l'entreprise ; que cette somme doit être déduite de la somme de 16 127 572 euros correspondant au montant des aides Aubry I auxquelles l'entreprise aurait pu prétendre pour ses salariés sur la période d'octobre 1999 à mars 2004 ; qu'il en résulte que le préjudice subi par l'entreprise requérante peut être estimé, d'une manière suffisamment fiable, à la somme de 10 837 922 euros, qui doit donc être mise à la charge de l'Etat ;

Sur la demande de dommages et intérêts compensatoires :

Considérant que la SOCIETE MANPOWER FRANCE ne peut utilement demander le versement par l'Etat de dommages et intérêts compensatoires dès lors que cette demande a été rejetée par l'arrêt avant dire droit en date du 31 décembre 2010 de la Cour de céans ;

Sur les intérêts :

Considérant que la SOCIETE MANPOWER FRANCE a droit, comme elle le réclame, aux intérêts de la somme de 10 837 922 euros à compter de la réception de sa demande préalable d'indemnisation par le ministre de l'emploi, soit le 14 novembre 2006 ;

Sur les intérêts des intérêts :

Considérant qu'aux termes de l'article 1154 du code civil : " Les intérêts échus des capitaux peuvent produire des intérêts, ou par une demande judiciaire, ou par une convention spéciale, pourvu que, soit dans la demande, soit dans la convention, il s'agisse d'intérêts dus au moins pour une année entière " ;

Considérant que la SOCIETE MANPOWER FRANCE a demandé la capitalisation des intérêts dès sa demande préalable d'indemnisation, le 14 novembre 2006 ; que la capitalisation des intérêts, si elle peut être demandée à tout moment devant le juge, ne peut toutefois prendre effet que lorsque les intérêts sont dus pour une année entière ; que la capitalisation s'accomplit ensuite de nouveau à chaque échéance annuelle ultérieure sans qu'il soit besoin de formuler une nouvelle demande ; qu'il y a lieu, dès lors, de faire droit à la demande de la SOCIETE MANPOWER FRANCE à compter du 14 novembre 2007 ;

Sur les frais d'expertise :

Considérant qu'il résulte de l'instruction que la SOCIETE MANPOWER FRANCE a rendu les opérations d'expertise plus difficiles, compte tenu d'imprécisions sur les données qu'elle fournissait et d'absence de certains justificatifs ; qu'il y a lieu, dans ces circonstances, de mettre à la charge définitive de la SOCIETE MANPOWER FRANCE la moitié des frais d'expertise liquidés et taxés par ordonnance du président de la Cour en date du 20 décembre 2011 à la somme de 110 749, 60 euros et avancés par cette dernière, soit la somme de 55 374, 80 euros ; que l'autre moitié des frais d'expertise sera supportée par l'Etat ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros au titre des frais exposés par la SOCIETE MANPOWER FRANCE et non compris dans les dépens ;

D E C I D E :

Article 1er : L'Etat est condamné à verser à la SOCIETE MANPOWER FRANCE une indemnité de 10 837 922 euros. Cette somme portera intérêts au taux légal à compter du 14 novembre 2006. Les intérêts échus à la date du 14 novembre 2007 seront capitalisés à cette date et à chaque échéance annuelle ultérieure pour produire eux-mêmes intérêts.

Article 2 : L'Etat versera la somme de 5 000 euros à la SOCIETE MANPOWER FRANCE au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Les frais de l'expertise ordonnée le 4 février 2011 en application de l'arrêt avant dire droit en date du 31 décembre 2010 de la Cour de céans, liquidés et taxés par ordonnance du président de la Cour en date du 20 décembre 2011 à la somme de 110 749, 60 euros, sont mis à la charge définitive de la SOCIETE MANPOWER FRANCE, pour la moitié de cette somme, et à celle de l'Etat pour l'autre moitié, soit la somme de 55 374, 80 euros chacun.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la SOCIETE MANPOWER FRANCE est rejeté.

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N° 10PA03855

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N° 09PA05626


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 3 ème chambre
Numéro d'arrêt : 09PA05626
Date de la décision : 08/03/2012
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme VETTRAINO
Rapporteur ?: Mme Mathilde RENAUDIN
Rapporteur public ?: M. JARRIGE
Avocat(s) : ADER JOLIBOIS

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2012-03-08;09pa05626 ?
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