Vu la requête, enregistrée le 27 septembre 2011, présentée pour la COMMUNE DE VINCENNES, (94300), par Me Sevino ; la COMMUNE DE VINCENNES demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1100991/4 en date du 15 juillet 2011 par lequel le Tribunal administratif de Melun, sur la demande de la société FAMCA, a annulé la décision en date du 10 janvier 2011 par laquelle le maire de Vincennes a exercé le droit de préemption de la commune sur l'ensemble immobilier sis 1, rue Gilbert Clerfayt, et a enjoint à la commune de proposer la rétrocession du bien préempté à la société FAMCA ;
2°) de rejeter la demande formée par la société FAMCA auprès du Tribunal administratif de Melun ;
3°) et de mettre à la charge de la société FAMCA la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
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Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code général des collectivités territoriales ;
Vu le code de l'urbanisme ;
Vu le code de la construction et de l'habitation ;
Vu la loi n° 2009-323 du 25 mars 2009 de mobilisation pour le logement et la lutte contre l'exclusion ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 9 février 2012 :
- le rapport de M. Bergeret, rapporteur,
- les conclusions de Mme Vidal, rapporteur public,
- et les observations de Me Giroud pour la société FAMCA ;
Considérant que la COMMUNE DE VINCENNES relève appel du jugement en date du 15 juillet 2011 par lequel le Tribunal administratif de Melun, faisant droit à la demande de la société FAMCA, bénéficiaire d'une promesse de vente sur un ensemble immobilier sis à Vincennes au 1, rue Gilbert Clerfayt, a annulé la décision du maire de Vincennes en date du 10 janvier 2011 en tant qu'elle portait exercice du droit de préemption de la commune sur cet ensemble immobilier ;
Sur les conclusions aux fins d'annulation :
Considérant qu'aux termes de l'article L. 210-1 du code de l'urbanisme : " Les droits de préemption institués par le présent titre sont exercés en vue de la réalisation, dans l'intérêt général, des actions ou opérations répondant aux objets définis à l'article L. 300-1, à l'exception de ceux visant à sauvegarder ou à mettre en valeur les espaces naturels, ou pour constituer des réserves foncières en vue de permettre la réalisation desdites actions ou opérations d'aménagement. / Toute décision de préemption doit mentionner l'objet pour lequel ce droit est exercé (...) " ; qu'il résulte de ces dispositions que les collectivités titulaires du droit de préemption urbain peuvent légalement exercer ce droit, d'une part, si elles justifient, à la date à laquelle elles l'exercent, de la réalité d'un projet d'action ou d'opération d'aménagement répondant aux objets mentionnés à l'article L. 300-1 du code de l'urbanisme, alors même que les caractéristiques précises de ce projet n'auraient pas été définies à cette date et, d'autre part, si elles font apparaître la nature de ce projet dans la décision de préemption ; que parmi les actions et opérations d'aménagement mentionnées à l'article L. 300-1 figure notamment celles ayant pour objet la mise en oeuvre d'une politique locale de l'habitat ;
Considérant, d'une part, qu'en mentionnant qu'elle est prise pour " la réalisation de logements sociaux dans le cadre de la mise en oeuvre de la politique de mixité sociale dans l'habitat menée par la commune, en permettant notamment d'élargir le parc social par la réalisation de petites opérations intégrées dans le tissu urbain ", la décision de préemption litigieuse, s'agissant d'une opération d'acquisition/amélioration d'un immeuble d'habitation existant, satisfait à l'obligation de motivation prescrite par les dispositions précitées de l'article L. 210-1 du code de l'urbanisme ;
Considérant, d'autre part, qu'il résulte des pièces du dossier que la société Valophis Habitat OPH du Val-de-Marne, qui avait été pressentie par la commune pour réaliser elle-même, après délégation du droit de préemption urbain, l'opération d'acquisition de l'ensemble immobilier pour y réaliser des logements sociaux dans les appartements existants, avait établi une étude de faisabilité, transmise au maire par lettre en date du 23 décembre 2010, faisant état, notamment, de la nature des travaux nécessaires pour la rénovation des onze logements existants ; que les modalités financières prévisionnelles de l'opération étaient détaillées dans une note annexée à cette lettre ; que les précisions ainsi données, sur les modalités techniques et financières de l'opération envisagée, établissent que le maire de Vincennes a pris la décision de préemption litigieuse, qui vise explicitement et donc s'approprie l'étude de faisabilité établie pour cette opération, au vu d'un projet réel ; qu'il résulte par ailleurs des pièces du dossier que cette opération, qui faisait suite à plusieurs décisions de préemption ayant également pour objet la création de logements sociaux dans cette commune souffrant d'un déficit avéré en ce domaine, et dont le plan d'aménagement et de développement durable de son plan local d'urbanisme précise, dans ses orientations générales, " qu'il convient d'élargir le parc social par la réalisation de petites opérations intégrées dans le tissu urbain ", s'inscrit dans la politique de l'habitat de la commune qui, aux termes de l'article L. 300-1 du code de l'urbanisme, constitue une action ou opération d'aménagement justifiant ainsi légalement, en application des dispositions précitées de l'article L. 210-1 du même code, l'exercice du droit de préemption urbain ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que c'est à tort que, pour prononcer l'annulation contestée, le Tribunal administratif de Melun a estimé que la décision de préemption litigieuse était illégale au regard des dispositions des articles L. 210-1 et L. 300-1 du code de l'urbanisme ;
Considérant, toutefois, qu'il appartient à la Cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par la société FAMCA devant le Tribunal administratif de Melun ;
Considérant, en premier lieu, qu'il résulte des pièces du dossier que, par lettre en date du 22 décembre 2010 reçue le lendemain par les services de la ville de Vincennes, le directeur départemental des finances publiques du Val-de-Marne, saisi pour avis par le maire en application de l'article R. 213-21 du code de l'urbanisme, l'a informé que le prix de 1 300 000 euros, hors commission d'agence, stipulé dans la déclaration d'intention d'aliéner, n'était pas supérieur à la valeur vénale de l'ensemble immobilier en cause et n'appelait pas d'observations ; que la société FAMCA n'est donc pas fondée à soutenir que la décision de préemption litigieuse serait irrégulière du fait du non-respect de la procédure de consultation préalable prescrite par l'article R. 213-21 du code de l'urbanisme ;
Considérant, en deuxième lieu, que pour soutenir que le maire n'était pas compétent pour prendre la décision de préemption contestée en date du 10 janvier 2011, la société FAMCA fait valoir qu'il était à cette date dessaisi de sa compétence pour préempter l'ensemble immobilier en cause, dès lors qu'il avait délégué le 3 janvier ce droit de préemption à la société Valophis Habitat OPH du Val-de-Marne et que cette délégation n'avait pu être rapportée, ni par sa décision ultérieure du 7 janvier 2011 abrogeant celle précitée du 3 janvier, ni par celle du 10 janvier 2011 retirant la décision du 7 janvier 2011 et abrogeant à nouveau celle du 3 janvier 2011, ces deux décisions des 7 et 10 janvier 2011 n'ayant pas acquis de caractère exécutoire à la date de la préemption faute d'affichage en mairie comme prescrit par l'article L. 2131-1 du code général des collectivités territoriales ; que si la COMMUNE DE VINCENNES confirme l'absence d'affichage de ces deux décisions des 7 et 10 janvier 2011, elle fait toutefois valoir que la décision du 3 janvier 2011 portant délégation du droit de préemption n'ayant pas davantage fait l'objet d'un affichage en mairie, elle n'avait pas davantage acquis de caractère exécutoire à la date du 10 janvier 2011 à laquelle le maire n'était donc pas dessaisi de sa compétence ; qu'en l'état des pièces du dossier, qui ne font d'ailleurs pas état d'une acceptation de la délégation donnée le 3 janvier 2011 par le maire à Valophis Habitat OPH du Val-de-Marne, l'absence d'affichage de cette décision, et par suite son absence de caractère exécutoire, doit être regardée comme établie, alors même que son ampliation produite au dossier comporte un cachet faisant état, par erreur, de son caractère exécutoire, de même que l'ampliation de la décision du 7 janvier 2011 dont il est constant qu'elle n'a pas été affichée ; qu'ainsi, le maire ne pouvant être regardé, à la date du 10 janvier 2011, comme s'étant dessaisi de sa compétence au profit de Valophis Habitat OPH du Val-de-Marne par l'effet de sa décision du 3 janvier 2011, c'est à tort que la société FAMCA soutient qu'il n'était pas compétent pour prendre à cette date la décision de préemption contestée ;
Considérant, en troisième lieu, que la société FAMCA soutient que le maire n'a pu légalement décider, le 10 janvier 2011, de préempter l'ensemble immobilier au prix de 1,1 million d'euros, dès lors qu'à la même date il n'avait pu légalement procéder au retrait de sa décision antérieure en date du 7 janvier 2011 qui portait préemption du même bien, la décision ainsi retirée devant être regardée comme une décision créatrice de droits et comme telle insusceptible de retrait sauf en cas d'illégalité et dans un délai de quatre mois ; que, toutefois, aux termes de cette première décision en date du 7 janvier 2011, dont il n'est d'ailleurs pas allégué qu'elle aurait été notifiée au vendeur, la préemption a été décidée " aux prix et conditions indiquées dans la déclaration d'intention d'aliéner, soit 1 100 000 euros net vendeur, commission en sus de 77 740 euros maximum à la charge de l'acquéreur " ; que le prix indiqué dans la déclaration d'intention d'aliéner étant de 1 300 000 euros outre commission, cette décision est ainsi entachée d'une contradiction interne quant au prix proposé, qui l'entache d'illégalité ; que par suite, la société FAMCA ne peut en tout état de cause faire valoir pour le motif analysé ci-dessus qu'elle n'avait pu être légalement retirée par le maire, et par suite remplacée à la date du 10 janvier 2011 par la décision litigieuse ; que, par ailleurs, contrairement à ce que soutient la société FAMCA, la nature même d'une décision de préemption, qui diffère de celle par laquelle l'autorité détentrice de ce droit décide de n'en pas faire usage, ne fait pas obstacle par elle-même à son retrait ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la COMMUNE DE VINCENNES est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Melun a annulé la décision de préemption du maire de Vincennes en date du 10 janvier 2011 ;
Sur l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant qu'en vertu des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, la Cour ne peut pas faire bénéficier la partie perdante du paiement par l'autre partie des frais qu'elle a exposés à l'occasion du litige soumis au juge ; que les conclusions présentées à ce titre par la société FAMCA doivent dès lors être rejetées ; qu'il y a lieu, en revanche, en application de ces dispositions de mettre à la charge de la société FAMCA une somme de 2 500 euros au titre des frais exposés par la COMMUNE DE VINCENNES et non compris dans les dépens ;
D E C I D E :
Article 1er : Le jugement n° 1100991/4 du 15 juillet 2011 du Tribunal administratif de Melun est annulé.
Article 2 : La demande de la société FAMCA présentée au Tribunal administratif de Melun est rejetée.
Article 3 : La société FAMCA versera une somme de 2 500 euros à la COMMUNE DE VINCENNES en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
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N° 11PA04281