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02/03/2012 | FRANCE | N°10PA05771

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 1ère chambre, 02 mars 2012, 10PA05771


Vu la requête, enregistrée le 8 décembre 2010, présentée pour ELECTRICITE DE FRANCE (EDF) ayant son siège 22-30 avenue de Wagram à Paris (75008), par Me Guillaume ; EDF demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0816696/7-2 du 12 octobre 2010 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à la condamnation de l'Etat à l'indemniser à hauteur de 5 806 000 euros, outre intérêts au taux légal et capitalisation des intérêts, en réparation des préjudices subis du fait de l'entrée en vigueur du décret n° 2006-1557 du 8 décembre 2006 app

rouvant l'avenant n° 1 au cahier des charges spécial des chutes de Salon et de...

Vu la requête, enregistrée le 8 décembre 2010, présentée pour ELECTRICITE DE FRANCE (EDF) ayant son siège 22-30 avenue de Wagram à Paris (75008), par Me Guillaume ; EDF demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0816696/7-2 du 12 octobre 2010 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à la condamnation de l'Etat à l'indemniser à hauteur de 5 806 000 euros, outre intérêts au taux légal et capitalisation des intérêts, en réparation des préjudices subis du fait de l'entrée en vigueur du décret n° 2006-1557 du 8 décembre 2006 approuvant l'avenant n° 1 au cahier des charges spécial des chutes de Salon et de Saint-Chamas sur la Durance ;

2°) de condamner l'Etat à lui verser la même somme de 5 806 000 euros, outre intérêts au taux légal et capitalisation éventuelle des intérêts ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, ainsi que les dépens ;

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Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la Constitution du 4 octobre 1958, ensemble le préambule de la Constitution du 27 octobre 1946 et la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen ;

Vu le code de l'environnement ;

Vu le code de l'énergie ;

Vu la loi du 16 octobre 1919 relative à l'utilisation de l'énergie hydraulique ;

Vu la loi n° 55-6 du 5 janvier 1955 relative à l'aménagement de la Durance ;

Vu la loi n° 92-3 du 3 janvier 1992 sur l'eau ;

Vu le décret du 6 avril 1972 approuvant la convention et le cahier des charges spécial des chutes de Salon et de Saint-Chamas, sur la Durance (départements des Bouches-du-Rhône, de Vaucluse et du Gard) ;

Vu le décret n° 94-894 du 13 octobre 1994 relatif à la concession et à la déclaration d'utilité publique des ouvrages utilisant l'énergie hydraulique ;

Vu le décret n° 99-872 du 11 octobre 1999 approuvant le cahier des charges type des entreprises hydrauliques concédées ;

Vu le décret n° 2005-378 du 20 avril 2005 relatif au programme national d'actions contre la pollution des milieux aquatiques par certaines substances dangereuses ;

Vu le décret n° 2006-1557 du 8 décembre 2006 approuvant l'avenant n° 1 au cahier des charges spécial des chutes de Salon et de Saint-Chamas, sur la Durance (départements des Bouches-du-Rhône, de Vaucluse et du Gard) ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 9 février 2012 :

- le rapport de M. Bergeret, rapporteur,

- les conclusions de Mme Vidal, rapporteur public,

- et les observations de Me Guillaume pour EDF ;

Considérant que par le décret susvisé du 8 décembre 2006, le cahier des charges spécial des installations de production d'énergie hydroélectrique des chutes de Salon et Saint-Chamas, exploitées par Electricité de France (EDF) en vertu d'une concession approuvée par décret du 6 avril 1972, a été modifié pour limiter les volumes d'eau douce rejetées par ces installations dans l'étang de Berre à 1 200 milliards de m3 par an et les apports de limons à 60 000 tonnes ; que EDF, faisant valoir que ces restrictions unilatéralement décidées lui avaient porté préjudice en entraînant une diminution de la production d'électricité de ses installations, a demandé au Tribunal administratif de Paris de condamner l'Etat à l'indemniser en conséquence à hauteur de 5 806 000 euros, pour les pertes subies sur la période courant du 9 décembre 2006 au 31 octobre 2007 ; qu'il relève appel du jugement en date du 12 octobre 2010 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté cette demande ;

Sur les conclusions indemnitaires :

Considérant que la concession d'énergie hydroélectrique précitée a été accordée sur le fondement de l'article 10 de la loi susvisée du 16 octobre 1919 relative à l'utilisation de l'énergie hydraulique, laquelle ne comporte pas de dispositions prévoyant ou excluant l'indemnisation du concessionnaire en cas de modification unilatérale des conditions d'exploitation, et de la loi susvisée du 5 janvier 1955 relative à l'aménagement de la Durance qui a déclaré d'utilité publique, par application de l'article 5 de la loi du 16 octobre 1919, les ouvrages d'aménagement hydraulique de la Durance concédés à EDF ; que le cahier des charges spécial annexé à ladite concession, modifié par le décret du 8 décembre 2006, ne prévoyait pas, dans sa version en vigueur au cours de la période litigieuse, de dispositions prévoyant ou excluant l'indemnisation du concessionnaire en cas de modification unilatérale du règlement d'eau, hors le cas, non applicable en l'espèce, de réglementation " des éclusées des usines ", qui aux termes de son article 15 ne donne pas lieu à indemnité ; que la concession litigieuse étant par ailleurs soumise aux dispositions du code de l'environnement issues de la loi du 3 janvier 1992 susvisée sur l'eau, le Tribunal administratif de Paris, s'est pour rejeter la demande indemnitaire d'EDF fondé sur les dispositions de l'article L. 214-4 II de ce code, qui dispose que : " L'autorisation peut être retirée ou modifiée, sans indemnité de la part de l'Etat exerçant ses pouvoirs de police, dans les cas suivants : (...) en cas de menace majeure pour le milieu aquatique, et notamment lorsque les milieux aquatiques sont soumis à des conditions hydrauliques critiques non compatibles avec leur préservation (...) " ; que cependant, aux termes de l'article L. 214-5 du même code, régissant également la concession en cause, dont les dispositions sont actuellement codifiées à l'article L. 521-2 du code de l'énergie : " Les règlements d'eau des entreprises hydroélectriques (...) peuvent faire l'objet de modifications, sans toutefois remettre en cause l'équilibre général de la concession " ; qu'il résulte de la combinaison de ces dispositions légales, telles qu'interprétées par le Conseil constitutionnel dans sa décision susvisée du 24 juin 2011, qu'une modification unilatérale des conditions d'exploitation d'une installation d'énergie hydroélectrique concédée par l'Etat, même lorsqu'elle porte sur le règlement d'eau annexé au cahier des charges et constitue ainsi une mesure de police, et qu'elle est motivée, comme en l'espèce, par une menace majeure pour le milieu aquatique, ouvre droit à indemnisation lorsqu'elle emporte une rupture de l'équilibre général de l'exploitation, voire une charge spéciale et exorbitante, hors de proportion avec l'objectif d'intérêt général qu'elle poursuit ; qu'en conséquence, EDF est fondé à soutenir qu'en jugeant qu'il ne pouvait prétendre à une indemnité du seul fait que par sa nature, la mesure prise par le décret du 8 décembre 2006 entrait dans le champ d'application des dispositions précitées de l'article L. 214-4 II du code de l'environnement, le Tribunal administratif de Paris a commis une erreur de droit ;

Considérant qu'il appartient à la Cour, saisie de l'entier litige par l'effet dévolutif de l'appel, de statuer sur les conclusions indemnitaires présentées par EDF à l'encontre de l'Etat ;

Considérant que le ministre de l'écologie, du développement durable, des transports et du logement fait valoir que sur l'exercice courant du 1er novembre 2006 au 31 octobre 2007, de même que sur les deux exercices précédents, les rejets d'eau douce et de limons en provenance des installations concernées sont restés largement inférieurs aux plafonds fixés par le décret du 8 décembre 2006, en raison d'une carence hydrique durable du bassin de la Durance ; que EDF, qui ne conteste pas les chiffres avancés par le ministre et se borne à affirmer que les rejets, au cours de l'exercice concerné par sa demande et au cours des deux exercices précédents, sont restés très inférieurs aux plafonds applicables à compter de l'entrée en vigueur du décret du 8 décembre 2006 en raison de l'application stricte des normes de rejets autorisés, ne peut être ainsi regardé comme démontrant la réalité de pertes de production imputables aux plafonds fixés par ce décret du 8 décembre 2006, seul fait générateur allégué à l'appui de sa demande indemnitaire ; que, dans ces conditions, EDF, qui ne fonde sa demande que sur un calcul des pertes de production basé sur une utilisation maximale théorique de la capacité des installations dans la seule limite du respect des normes antérieures à celles résultant du décret du 8 décembre 2006, ne démontre pas avoir subi sur la période litigieuse un préjudice réel, de nature à constituer une remise en cause ou une rupture de l'équilibre de la concession, ni, a fortiori, un préjudice de nature à constituer une charge spéciale et exorbitante hors de proportion avec l'objectif d'intérêt général poursuivi ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que EDF n'est pas fondé à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande ;

Sur l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que l'Etat n'étant pas la partie perdante à l'instance, les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soient accueillies les conclusions formées à son encontre sur ce fondement par EDF ;

D E C I D E :

Article 1er : La requête de EDF est rejetée.

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N° 10PA05771


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 10PA05771
Date de la décision : 02/03/2012
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. EVEN
Rapporteur ?: M. Yves BERGERET
Rapporteur public ?: Mme VIDAL
Avocat(s) : BAKER et MACKENZIE

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2012-03-02;10pa05771 ?
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