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26/01/2012 | FRANCE | N°11PA00612

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 9ème chambre, 26 janvier 2012, 11PA00612


Vu la requête sommaire, enregistrée le 3 février 2011, et le mémoire complémentaire, enregistré le 24 février 2011, présentés par le PREFET DE POLICE ; le PREFET DE POLICE demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0920172 du 31 décembre 2010 par lequel le Tribunal administratif de Paris a annulé son arrêté du 18 novembre 2009 refusant à Mme Sophat A la délivrance d'une carte de séjour, lui faisant obligation de quitter le territoire en fixant le pays de destination et lui a enjoint de délivrer à l'intéressée un titre de séjour dans un délai de trois mois

à compter de la notification du jugement ;

2°) de rejeter la demande présenté...

Vu la requête sommaire, enregistrée le 3 février 2011, et le mémoire complémentaire, enregistré le 24 février 2011, présentés par le PREFET DE POLICE ; le PREFET DE POLICE demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0920172 du 31 décembre 2010 par lequel le Tribunal administratif de Paris a annulé son arrêté du 18 novembre 2009 refusant à Mme Sophat A la délivrance d'une carte de séjour, lui faisant obligation de quitter le territoire en fixant le pays de destination et lui a enjoint de délivrer à l'intéressée un titre de séjour dans un délai de trois mois à compter de la notification du jugement ;

2°) de rejeter la demande présentée par Mme A devant le Tribunal administratif de Paris ;

.....................................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu le code de justice administrative ;

Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique et son décret d'application n° 91-1266 du 19 décembre 1991 ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 12 janvier 2012 :

- le rapport de Mme Samson,

- les conclusions de Mme Bernard, rapporteur public,

- et les observations de Me Guleria pour Mme A ;

Considérant que le PREFET DE POLICE relève appel du jugement du 31 décembre 2010 par lequel le Tribunal administratif de Paris a fait droit à la demande de Mme A tendant à l'annulation de la décision du 18 novembre 2009 lui refusant la délivrance d'un titre de séjour et lui faisant obligation de quitter le territoire français ;

Sur les fins de non-recevoir opposées par Mme A :

Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article R. 775-10 du code de justice administrative applicable aux appels dirigés contre les jugements statuant sur les demandes tendant à l'annulation des décisions relatives au séjour assorties d'une obligation de quitter le territoire français : Le délai d'appel est d'un mois. Il court contre toute partie à l'instance à compter du jour où la notification a été faite ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que le jugement attaqué du 31 décembre 2010 a été notifié au PREFET DE POLICE le 3 janvier 2011 ; que le délai d'un mois dont il disposait pour interjeter appel expirait le 4 février 2011 ; que la requête, transmise par télécopie, a été enregistrée au greffe de la Cour la veille puis a été régularisée par l'envoi de l'original, reçu le 9 février 2011 ; qu'ainsi, Mme A n'est pas fondée à soutenir que la requête du PREFET DE POLICE est tardive ;

Considérant, en second lieu, qu'aux termes de l'article R. 411-1 du code de justice administrative : La juridiction est saisie par requête. La requête indique les nom et domicile des parties. Elle contient l'exposé des faits et moyens, ainsi que l'énoncé des conclusions soumises au juge. L'auteur d'une requête ne contenant l'exposé d'aucun moyen ne peut la régulariser par le dépôt d'un mémoire exposant un ou plusieurs moyens que jusqu'à l'expiration du délai de recours ;

Considérant que si seule une requête sommaire a été présentée par le PREFET DE POLICE dans le délai de recours, celle-ci comporte toutefois un exposé suffisamment précis et circonstancié des faits ainsi que des motifs de contestation du jugement rendu par le Tribunal administratif de Paris ; que, par suite, la requête du PREFET DE POLICE, qui, contrairement à ce que soutient Mme A, était accompagnée de la copie intégrale dudit jugement, n'a pas méconnu les dispositions précitées ;

Sur la régularité du jugement attaqué :

Considérant qu'aux termes de l'article R. 611-1 du code de justice administrative : (...) La requête, le mémoire complémentaire annoncé dans la requête et le premier mémoire de chaque défendeur sont communiqués aux parties avec les pièces jointes (...) / Les répliques, autres mémoires et pièces sont communiqués s'ils contiennent des éléments nouveaux. ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier qu'après l'audience tenue devant le Tribunal administratif de Paris le 6 juillet 2010, Mme A a produit, les 6 et 16 juillet 2010, deux mémoires dont l'un consistait en la production d'un document émanant du groupe de recherche et d'échanges technologiques (GRET) qui n'a pas été communiqué au PREFET DE POLICE ; qu'en se fondant notamment sur cette pièce qui apportait des éléments nouveaux sur le système de couverture sociale du Cambodge pour juger que l'arrêté litigieux était entaché d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur la situation personnelle de Mme A, le jugement attaqué est intervenu à la suite d'une procédure irrégulière et doit, pour ce motif, être annulé ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, d'évoquer et de statuer sur la demande présentée par Mme A devant le Tribunal administratif de Paris ;

Sur la légalité de l'arrêté du 18 novembre 2009 :

Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention vie privée et familiale est délivrée de plein droit : [...]11° A l'étranger résidant habituellement en France dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve qu'il ne puisse effectivement bénéficier d'un traitement approprié dans le pays dont il est originaire, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée. La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative, après avis du médecin inspecteur de santé publique compétent au regard du lieu de résidence de l'intéressé ou, à Paris, du médecin, chef du service médical de la préfecture de police. Le médecin inspecteur ou le médecin chef peut convoquer le demandeur pour une consultation médicale devant une commission médicale régionale dont la composition est fixée par décret en Conseil d'Etat ;

Considérant qu'il appartient à l'autorité administrative, lorsqu'elle envisage l'éloignement d'un étranger du territoire national, de vérifier, au vu de l'avis émis par le médecin mentionné à l'article 7-5 du décret du 30 juin 1946, que cette décision ne peut avoir de conséquences d'une exceptionnelle gravité sur l'état de santé de l'intéressé et, en particulier, d'apprécier, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, la nature et la gravité des risques qu'entraînerait un défaut de prise en charge médicale dans le pays de renvoi : que lorsque le défaut de prise en charge risque d'avoir des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur la santé de l'intéressé, l'autorité administrative ne peut légalement décider l'éloignement de l'étranger que s'il existe des possibilités de traitement approprié de l'affection en cause dans le pays de renvoi ; que si de telles possibilités existent, mais que l'étranger fait valoir qu'il ne peut en bénéficier, soit parce qu'elles ne sont pas accessibles à la généralité de la population, eu égard notamment aux coûts du traitement ou à l'absence de modes de prise en charge adaptés, soit parce qu'en dépit de leur accessibilité, des circonstances exceptionnelles tirées des particularités de sa situation personnelle l'empêcheraient d'y accéder effectivement, il appartient à cette même autorité, au vu de l'ensemble des informations dont elle dispose, d'apprécier si l'intéressé peut ou non bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans le pays de renvoi ;

Considérant que pour rejeter la demande de titre de séjour que Mme A a présentée pour des raisons de santé, le PREFET DE POLICE s'est notamment fondé sur l'avis du 27 octobre 2009 du médecin, chef du service médical de la préfecture de police, qui a estimé que si l'état de santé de l'intéressée nécessitait une prise en charge médicale de longue durée, le défaut de cette prise en charge ne devrait pas entraîner de conséquences d'une exceptionnelle gravité et que l'intéressée peut effectivement bénéficier d'un traitement approprié dans son pays d'origine ;

Considérant que si Mme A soutient qu'elle souffre de diabète non insulino-dépendant et d'apnée du sommeil et que sa pathologie nécessite un suivi médical en France qui n'est pas susceptible de lui être dispensé dans son pays d'origine, elle ne conteste pas que le défaut de prise en charge ne devrait pas entraîner de conséquences d'une exceptionnelle gravité ; qu'en outre, la prescription d'un équipement d'aide respiratoire ainsi que les certificats médicaux, dont deux postérieurs à l'arrêté contesté, qu'elle produit ne sont pas suffisamment circonstanciés en ce qui concerne tant les conséquences d'un défaut de prise en charge médicale que les soins, traitements ou médicaments qui ne seraient pas disponibles au Cambodge et ne permettent pas de remettre en cause l'avis du médecin, chef du service médical de la préfecture de police ; que si, par ailleurs, Mme A soutient qu'elle est démunie de moyens financiers pour se faire soigner, il n'est pas établi, par la seule production d'une attestation du responsable local de la société des missions étrangères de Paris et d'un document établi par le groupe de recherche et d'échanges technologiques -GRET qu'elle ne pourrait bénéficier dans son pays d'origine d'un accès effectif aux soins que nécessite son état ; que dans ces conditions, Mme A n'est pas fondée à soutenir qu'en refusant de lui délivrer un titre de séjour pour raisons médicales, le PREFET DE POLICE aurait méconnu les dispositions précitées du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui ; et qu'aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention vie privée et familiale est délivrée de plein droit : [...] 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République ;

Considérant que Mme A fait valoir qu'entrée en France en mai 2007 sous couvert d'un visa Schengen elle se maintient sur le territoire depuis cette date auprès de l'une de ses deux filles résidant régulièrement en France, qu'elle n'a plus de nouvelles de ses quatre autres enfants dont deux sont partis vivre en Thaïlande ; qu'il ressort toutefois des pièces du dossier que les éléments dont se prévaut Mme A ne suffisent pas à lui ouvrir un droit au séjour ; qu'elle n'apporte pas la preuve qu'elle n'a plus d'attaches fortes dans son pays d'origine où elle a vécu jusqu'à l'âge de 58 ans et où résident au moins deux de ses enfants ; que dans ces conditions, l'arrêté contesté n'a pas porté au droit de l'intéressée au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels il a été pris ; qu'il n'a, dès lors, méconnu ni les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ni les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; qu'il ne ressort pas davantage des pièces du dossier que l'arrêté contesté serait entaché d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur la situation personnelle et familiale de Mme A ;

Considérant, en troisième lieu, que Mme A, qui n'a pas demandé la délivrance d'une carte de séjour temporaire sur le fondement de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ne peut utilement invoquer la méconnaissance de ce texte par le PREFET DE POLICE, qui n'était pas tenu de vérifier si elle remplissait les conditions auxquelles est subordonnée la possibilité de délivrer une carte de séjour temporaire à l'étranger qui invoque des considérations humanitaires ou des motifs exceptionnels ;

Considérant, enfin que si, pour contester la décision fixant le pays à destination duquel la mesure d'éloignement doit être exécutée, Mme A soutient que le PREFET DE POLICE a méconnu les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des libertés fondamentales et des droits de l'homme, il ne ressort pas des pièces du dossier que Mme A ne pourrait bénéficier des soins appropriés à son état de santé en cas de retour au Cambodge ; que, dès lors, le moyen tiré de la violation des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des libertés fondamentales et des droits de l'homme ne peut qu'être écarté ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la demande de Mme A tendant à l'annulation de l'arrêté du 18 novembre 2009 du PREFET DE POLICE doit être rejetée ; que par voie de conséquence, les conclusions tendant au bénéfice de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être également rejetées ;

D E C I D E :

Article 1er : Le jugement du Tribunal administratif de Paris du 31 décembre 2010 est annulé.

Article 2 : La demande présentée devant le Tribunal administratif de Paris par Mme A et ses conclusions d'appel sont rejetées.

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N° 11PA00612


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 9ème chambre
Numéro d'arrêt : 11PA00612
Date de la décision : 26/01/2012
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01-03 Étrangers. Séjour des étrangers. Refus de séjour.


Composition du Tribunal
Président : Mme MONCHAMBERT
Rapporteur ?: Mme Dominique SAMSON
Rapporteur public ?: Mme BERNARD
Avocat(s) : GULERIA

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2012-01-26;11pa00612 ?
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