Vu la requête, enregistrée le 21 janvier 2010, présentée pour la SOCIÉTÉ PEARLY INVESTISSEMENTS, dont le siège est au 9 rue Paul Gauguin, BP 40167 Fare Tony, à Papeete (98713), en Polynésie française, par Me Usang ;
la SOCIÉTÉ PEARLY INVESTISSEMENTS demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 0900113 du 20 octobre 2009 par lequel le Tribunal administratif de la Polynésie Française a rejeté sa demande tendant à la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée auxquels elle a été assujettie au titre des années 2004, 2005 et 2006, au remboursement d'un crédit de taxe sur la valeur ajoutée au titre du deuxième trimestre de l'année 2007 ainsi qu'à l'annulation de la décision du 1er juillet 2008 par laquelle le chef du service des contributions de la Polynésie française a rejeté sa réclamation ;
2°) de faire droit aux conclusions de sa demande ;
3°) de mettre à la charge de la Polynésie française le paiement de la somme de 4 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
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Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la Constitution du 4 octobre 1958, et notamment son préambule ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, et le premier protocole additionnel à cette convention, notamment l'article 1er ;
Vu la loi organique n° 2004-192 du 27 février 2004, modifiée, relative au statut d'autonomie de la Polynésie française ;
Vu le code des impôts de Polynésie française ;
Vu l'arrêté n° 1175 CM du Président du gouvernement de la Polynésie française en date du 27 octobre 1997 portant définition du régime des ventes hors taxes ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 6 janvier 2012 :
- le rapport de M. Couvert-Castéra, président-assesseur,
- et les conclusions de M. Blanc, rapporteur public ;
Sur la régularité du jugement attaqué :
Considérant qu'aux termes de l'article R. 711-2 du code de justice administrative : Toute partie est avertie, par une notification faite par lettre recommandée avec demande d'avis de réception ou par la voie administrative mentionnée à l'article R. 611-4, du jour où l'affaire sera appelée à l'audience. / (...). / L'avertissement est donné sept jours au moins avant l'audience. (...) et qu'aux termes de l'article R. 613-2 du même code : Si le président de la formation de jugement n'a pas pris une ordonnance de clôture, l'instruction est close trois jours francs avant la date de l'audience indiquée dans l'avis d'audience prévu à l'article R. 711-2. Cet avis le mentionne (...) ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction que, par lettre recommandée avec demande d'avis de réception en date du 27 août 2009, le greffe du Tribunal administratif de la Polynésie française a informé la gérante de la SOCIÉTÉ PEARLY INVESTISSEMENTS que l'affaire serait appelée à l'audience du 22 septembre 2009 et que l'instruction de cette affaire serait close trois jours francs avant cette date à défaut d'adoption d'une ordonnance fixant une date différente de clôture d'instruction ; que cette lettre doit être regardée comme ayant été notifiée à sa destinataire le 31 août 2009, date de la première présentation du pli à son domicile, faute pour celle-ci de l'avoir réclamée dans le délai imparti ; que, si la société requérante fait valoir que les heures de retrait des lettres recommandées sont très limitées en Polynésie française et qu'elle aurait pu être informée de la date d'audience et de la clôture de l'instruction par lettre simple ou par un appel téléphonique, ces circonstances sont sans incidence sur la régularité du jugement attaqué dès lors que ladite société doit être regardée comme ayant été régulièrement avertie de la date d'audience et de la date de clôture de l'instruction dans les conditions prescrites par les dispositions précitées du code de justice administrative ;
Sur la recevabilité de la demande de première instance :
Considérant que la SOCIÉTÉ PEARLY INVESTISSEMENTS a saisi le Tribunal administratif de la Polynésie française d'une demande tendant non seulement à la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée auxquels elle a été assujettie au titre des années 2004, 2005 et 2006 ainsi qu'au remboursement d'un crédit de taxe sur la valeur ajoutée au titre du deuxième trimestre de l'année 2007, mais aussi à l'annulation pour excès de pouvoir de la décision du 1er juillet 2008 par laquelle le chef du service des contributions de la Polynésie française a rejeté sa réclamation ;
Considérant que les décisions par lesquelles l'administration statue sur la réclamation du contribuable qui entend contester la créance du trésor, en tout ou en partie, en ce qui concerne les impositions auxquelles il a été assujetti, ne constituent pas des actes détachables de la procédure d'imposition ; qu'elle ne peuvent, en conséquence, être déférées a la juridiction administrative par la voie du recours pour excès de pouvoir ; que, dès lors, la Polynésie française est fondée à soutenir que la demande présentée par la SOCIÉTÉ PEARLY INVESTISSEMENTS n'était pas recevable en tant qu'elle tendait à l'annulation pour excès de pouvoir de la décision susmentionnée du 1er juillet 2008 ;
Sur les conclusions tendant à la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée :
En ce qui concerne la régularité de la décision du 1er juillet 2008 :
Considérant que les vices qui peuvent entacher la décision par laquelle le directeur des services fiscaux rejette la réclamation dont il est saisi par un contribuable sont sans influence sur la régularité ou sur le bien-fondé des impositions contestées ; qu'ainsi, est inopérant le moyen tiré par la SOCIÉTÉ PEARLY INVESTISSEMENTS de ce que la décision du 1er juillet 2008 portant rejet de sa réclamation à l'encontre des rappels de taxe sur la valeur ajoutée auxquels elle a été assujettie au titre des années 2004, 2005 et 2006 aurait été signée par une autorité incompétente ;
En ce qui concerne le moyen tiré de l'exception d'illégalité des dispositions sur lesquelles se fondent les impositions en litige :
Considérant qu'aux termes de l'article 354-4 du code des impôts de Polynésie française dans sa rédaction applicable aux années d'imposition en litige, issue de la délibération n°97-24 du 11 février 1997 et de la délibération n°97-151 du 13 août 1997 de l'assemblée de la Polynésie française : Il est institué un régime de vente hors taxes. Les livraisons de biens effectuées par des assujettis sous le régime du bordereau de détaxe expédiés ou transportés hors de Polynésie française par un acheteur non établi en Polynésie française, sont exonérées de la taxe sur la valeur ajoutée à l'exportation ; qu'aux termes de l'article 5 de l'arrêté susvisé du 27 octobre 1997: Le recours à la procédure des bordereaux de vente à l'exportation n'est pas obligatoire. Il appartient au vendeur assujetti à la T.V.A. de décider si la vente sera faite aux conditions de l'exportation, à laquelle la vente sous bordereau est assimilée, ou aux conditions du marché intérieur. L'acheteur ne peut donc pas imposer la procédure des bordereaux de vente (...) A- Obligations du vendeur (...) b) Informer l'acheteur (...) Le vendeur n'est exonéré définitivement de la T.V.A., au titre de l'exportation, que lorsqu'il entre en possession du bordereau de vente visé par le service des douanes dans le délai de six mois à compter de la date des achats. Toutefois, il peut accorder la détaxe : soit, dès la livraison au moment de l'achat et, dans ce cas, il prend le risque de perdre le bénéfice de l'exonération de T.V.A. si son client ne conforme pas à ses obligations décrites ci-après (...) B- Obligations de l'acheteur a) Formalités à effectuer ... l'acheteur ... doit : (...) - présenter lui-même avant l'expiration du délai de six mois à compter de la date des achats, les marchandises et les bordereaux de détaxe au visa du bureau des douanes de sortie de la Polynésie française ; qu'enfin, aux termes de l'article 7 dudit arrêté : Certains voyageurs ne peuvent, faute de justificatif de l'exportation, bénéficier de la détaxation (...). Tel est le cas, lorsque le bordereau de vente n'est pas présenté à la douane lors de la sortie définitive du territoire ou lorsque les formalités ne peuvent être accomplies du fait de l'absence momentanée du service. Dans les cas repris ci-dessus, l'acheteur doit adresser à la direction des douanes de Polynésie (...) avant l'expiration d'un délai de six mois à compter de la date des achats, une demande de régularisation dûment motivée (la simple négligence ne peut être retenue) (...) ;
Considérant que la SOCIÉTÉ PEARLY INVESTISSEMENTS excipe de l'illégalité des dispositions précitées en faisant valoir, en premier lieu, que ces dispositions méconnaissent l'objectif constitutionnel de clarté et d'intelligibilité de la norme ; que, d'une part, la société requérante ne peut utilement invoquer à l'appui de ce moyen le caractère arbitraire selon elle de la procédure de régularisation que l'article 7 de l'arrêté susvisé du 27 octobre 1997 institue en cas d'absence du service des douanes lors de la sortie de l'acquéreur du territoire, un tel argument portant sur l'opportunité de la règle fixée par ces dispositions et non sur la clarté et l'intelligibilité de celles-ci ; que, d'autre part, si la société requérante soutient que les dispositions qui instituent cette procédure de régularisation sont excessivement complexes, lesdites dispositions, qui sont destinées à permettre à l'administration de vérifier que sont exonérées de la taxe sur la valeur ajoutée à l'exportation les seules opérations de vente de biens effectivement expédiés ou transportés hors de Polynésie française par un acheteur non établi en Polynésie française, ne sont pas, compte tenu de leur rédaction claire et intelligible, contraire à l'objectif constitutionnel susmentionné, nonobstant la circonstance, invoquée par la société requérante, que le modèle de bordereau de vente à l'exportation qui figure à l'annexe de l'arrêté susvisé du 27 octobre 1997 ne rappelle pas à l'acheteur l'existence de la procédure de régularisation prévue par l'article 7 de cet arrêté ;
Considérant, en deuxième lieu, que la société requérante soutient qu'une discrimination a été établie entre, d'une part, les contribuables qui bénéficient, en vertu des articles 340-10, 354-1, 354-2 et 354-3 du code des impôts de Polynésie française, de l'exonération de taxe sur la valeur ajoutée en cas d'exportation ou de réalisation d'une opération internationale ou assimilée et, d'autre part, les commerçants qui pratiquent le régime de la vente hors taxe institué par l'article 354-4 de ce code et qui ne sont exonérés définitivement de la taxe au titre de ces ventes que lorsqu'ils entrent en possession du bordereau de vente visé par le service des douanes ; que, toutefois, ni les principes d'égalité devant l'impôt et devant les charges publiques, garantis par les articles 6 et 13 de la déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789, ni le principe de non discrimination dans le droit au respect des biens, garanti par les stipulations combinées de l'article 14 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article 1er du premier protocole additionnel à cette convention, invoqués par la requérante, ne s'opposent à ce que, comme en l'espèce, des dispositions différentes s'appliquent à des personnes qui ne se trouvent pas dans la même situation ; que, en tout état de cause, l'article 345-3 du code des impôts de Polynésie française impose aux exportateurs des formalités similaires à celles qui pèsent sur les commerçants qui pratiquent le régime de la vente hors taxe, dans la mesure où cet article subordonne l'exonération de taxe sur la valeur ajoutée relative aux livraisons à l'exportation au visa par le service des douanes de la déclaration d'exportation ;
Considérant, en troisième lieu, que les formalités imposées au vendeur et à l'acheteur par les dispositions précitées de l'arrêté susvisé du 27 octobre 1997 pour pouvoir bénéficier du régime de vente hors taxes institué par l'article 354-4 du code des impôts de Polynésie française ne portent pas atteinte au principe de liberté contractuelle ou au principe de sécurité juridique ;
Considérant, en quatrième lieu, que doit être écarté comme inopérant le moyen tiré par la société requérante de ce que les dispositions précitées du code des impôts de Polynésie française seraient contraires au principe de proportionnalité ;
Sur les conclusions tendant à la décharge des intérêts de retard appliqués aux rappels de taxe sur la valeur ajoutée :
Considérant, d'une part, qu'aux termes de l'article 511-1 du code des impôts de Polynésie française : Tout défaut ou retard dans le dépôt des déclarations exigées par le code des impôts, toute insuffisance dans les déclarations susvisées, toute opposition au contrôle fiscal, tels que prévus aux articles 511-4, 511-5 et 511-10 donnent lieu au versement d'un intérêt de retard qui est dû indépendamment de toutes sanctions. Cet intérêt n'est cependant pas dû lorsque sont applicables les dispositions de l'article 511-6. (...) ;
Considérant que l'intérêt de retard institué par les dispositions précitées de l'article 511-1 du code des impôts de Polynésie française vise essentiellement à réparer les préjudices de toute nature subis par la Polynésie française à raison du non-respect par les contribuables de leurs obligations de déclarer et payer l'impôt aux dates légales ; que si l'évolution des taux du marché a conduit à une hausse relative de cet intérêt depuis son institution, cette circonstance ne lui confère pas pour autant la nature d'une sanction, dès lors que son niveau n'est pas devenu manifestement excessif au regard du taux moyen pratiqué par les prêteurs privés pour un découvert non négocié ;
Considérant que, dès lors que l'intérêt de retard institué par les dispositions précitées de l'article 511-1 du code des impôts de Polynésie française ne constitue pas une sanction, doivent être écartés comme inopérants les moyens tirés par la SOCIÉTÉ PEARLY INVESTISSEMENTS de la méconnaissance du principe de nécessité et de proportionnalité des peines issu de l'article 8 de la déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 ainsi que du principe non bis in idem ; que la société requérante ne peut davantage utilement invoquer la méconnaissance des stipulations de l'article 6-1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales dès lors que les intérêts de retard qui lui ont été appliqués ne résultent ni d'une accusation en matière pénale ni d'une contestation sur des droits et obligations de caractère civil et n'entrent dès lors pas dans le champ d'application de ces stipulations ;
Considérant que, contrairement à ce que soutient la société requérante, les dispositions précitées de l'article 511-1 du code des impôts de Polynésie française ne méconnaissent pas le respect dû aux biens du contribuable en vertu des stipulations du premier protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Considérant, d'autre part, qu'aux termes de l'article 511-6 du code des impôts de Polynésie française : Lorsqu'un contribuable fait connaître, par une indication expresse portée sur la déclaration, ou dans une note y annexée, les motifs de droit ou de fait pour lesquels il ne mentionne pas certains éléments d'imposition en totalité ou en partie, ou donne à ces éléments une qualification qui entraînerait, si elle était fondée, une taxation atténuée, ou fait état de déductions qui sont ultérieurement reconnues injustifiées, les redressements opérés à ces titres n'entraînent pas l'application de l'intérêt de retard visé à l'article 511-1 ;
Considérant qu'en l'absence de mention expresse portée sur les déclarations souscrites par la SOCIÉTÉ PEARLY INVESTISSEMENTS, dans les conditions prévues par les dispositions précitées, les rappels de taxe sur la valeur ajoutée en litige entraînent l'application de l'intérêt de retard mentionné à l'article 511-1 du même code ; que la circonstance, alléguée par la société requérante, que l'administration n'a pas mis en cause sa bonne foi, est sans incidence sur l'application de l'intérêt de retard ;
Sur les conclusions tendant au remboursement d'un crédit de taxe sur la valeur ajoutée :
Considérant que si la SOCIÉTÉ PEARLY INVESTISSEMENTS demande le remboursement d'un crédit de taxe sur la valeur ajoutée d'un montant de 1 144 292 francs CFP dont elle soutient disposer au titre des années 2008 et 2009, elle n'invoque, pour justifier l'existence d'un tel crédit, aucun autre moyen que celui tiré de ce que cette somme est retenue par la Polynésie française en raison du redressement injustifié dont elle a fait l'objet ; qu'il résulte de ce qui a été dit ci-dessus qu'un tel moyen ne peut qu'être écarté ; que, au demeurant, les conclusions susanalysées sont irrecevables, faute pour la requérante d'avoir soumis à l'administration et aux premiers juges une demande de remboursement d'un crédit de taxe sur la valeur ajoutée au titre de ces deux années ;
Sur les conclusions tendant au paiement de dommages-intérêts :
Considérant que la société requérante demande la condamnation de la Polynésie française à lui verser une somme de 2 000 euros à titre de dommages intérêts en réparation du préjudice que lui a causé l'inconventionnalité de l'arrêté susvisé du 27 octobre 1997 ; qu'il résulte de ce qui a été dit plus haut que, contrairement à ce que soutient la société requérante, cet arrêté n'a pas été adopté en méconnaissance des stipulations combinées de l'article 14 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article 1er du premier protocole additionnel à cette convention ; qu'il s'ensuit que les conclusions de la SOCIÉTÉ PEARLY INVESTISSEMENTS tendant au paiement de dommages-intérêts, qui sont au demeurant irrecevables car nouvelles en appel, ne peuvent qu'être rejetées ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la SOCIÉTÉ PEARLY INVESTISSEMENTS n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de la Polynésie française a rejeté sa demande ;
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la Polynésie française, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que la SOCIÉTÉ PEARLY INVESTISSEMENTS demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ; qu'il y a lieu, en revanche, de mettre à la charge de ladite société la somme de 600 euros que demande la Polynésie française sur le fondement des mêmes dispositions ;
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de la SOCIÉTÉ PEARLY INVESTISSEMENTS est rejetée.
Article 2 : La SOCIÉTÉ PEARLY INVESTISSEMENTS versera la somme de 600 euros à la Polynésie française au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
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N° 10PA00386