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05/12/2011 | FRANCE | N°09PA03742

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 6ème chambre, 05 décembre 2011, 09PA03742


Vu la requête, enregistrée le 19 juin 2009, présentée pour M. Benjamin A, demeurant ..., par Me Dufour ; M. A demande à la Cour :

1°) d'annuler l'ordonnance n° 0617507 du 17 avril 2009 par laquelle le vice-président de la 6ème section du Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation des décisions du ministre de l'intérieur lui retirant l'ensemble des points de son permis de conduire suite aux infractions commises successivement les 3 octobre 2002, 10 avril et

29 mai 2003, à l'injonction de restitution de l'ensemble des points de son per

mis et à la condamnation de l'Etat à lui verser une somme de 1 000 euros ...

Vu la requête, enregistrée le 19 juin 2009, présentée pour M. Benjamin A, demeurant ..., par Me Dufour ; M. A demande à la Cour :

1°) d'annuler l'ordonnance n° 0617507 du 17 avril 2009 par laquelle le vice-président de la 6ème section du Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation des décisions du ministre de l'intérieur lui retirant l'ensemble des points de son permis de conduire suite aux infractions commises successivement les 3 octobre 2002, 10 avril et

29 mai 2003, à l'injonction de restitution de l'ensemble des points de son permis et à la condamnation de l'Etat à lui verser une somme de 1 000 euros au titre des frais irrépétibles ;

2°) d'annuler les décisions de retrait de points de son permis prises par le ministre de l'intérieur ;

3°) d'enjoindre au ministre de l'intérieur de lui restituer l'ensemble des points dans un délai de trois mois à compter de la notification de l'arrêt ;

......................................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de la route ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 4 octobre 2011 ;

- le rapport de Mme Sirinelli, rapporteur,

- et les conclusions de M. Dewailly, rapporteur public ;

Considérant que M. A fait appel de l'ordonnance du 17 avril 2009 par laquelle le vice-président de la 6ème section du Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation des décisions de retrait de points opérés suite aux infractions des 3 octobre 2002,

10 avril et 29 mai 2003 ; qu'il résulte des termes du débat porté devant le tribunal, puis devant la Cour, que le requérant doit être regardé comme ayant demandé, en première instance comme en appel, outre l'annulation de chacune des décisions de retrait de point, l'annulation de la décision du ministre chargé de l'intérieur récapitulant ces retraits de points et l'informant de la perte de validité de son permis de conduire pour solde de points nul ;

Sur la régularité de l'ordonnance attaquée :

Considérant qu'aux termes de l'article R. 222-1 du code de justice administrative : (...) les présidents de formation de jugement des tribunaux (...) peuvent, par ordonnance : (...) /4°Rejeter les requêtes manifestement irrecevables, lorsque la juridiction n'est pas tenue d'inviter leur auteur à les régulariser (...) ; qu'aux termes de l'article R. 421-1 du code précité : Sauf en matière de travaux publics, la juridiction ne peut être saisie que par voie de recours formé contre une décision, et ce, dans les deux mois à partir de la notification ou de la publication de la décision attaquée ; qu'aux termes de l'article R. 421-5 du même code : Les délais de recours contre une décision administrative ne sont opposables qu'à la condition d'avoir été mentionnés ainsi que les voies de recours, dans la notification de la décision ;

Considérant que les conditions de la notification au conducteur des retraits de points de son permis de conduire, prévue par les dispositions de l'article L. 223-3 du code de la route, ne conditionnent pas la régularité de la procédure suivie et partant, la légalité de ces retraits ; que cette notification a pour seul objet de rendre ceux-ci opposables à l'intéressé et de faire courir le délai dont il dispose pour en contester la légalité devant la juridiction administrative ; que la circonstance que le ministre ne soit pas en mesure d'apporter la preuve que la notification des retraits successifs, effectuée par lettre simple, a bien été reçue par son destinataire, ne saurait lui interdire de constater que le permis a perdu sa validité, dès lors que, dans la décision procédant au retrait des derniers points, il récapitule les retraits antérieurs et les rend ainsi opposables au conducteur qui demeure recevable à exciper de l'illégalité de chacun de ces retraits ;

Considérant, toutefois, qu'il incombe à l'administration, lorsqu'elle oppose une fin de non-recevoir tirée de la tardiveté de l'action introduite devant un tribunal administratif, d'établir que le requérant a reçu notification régulière de la décision contestée ; qu'en cas de retour à l'administration du pli contenant la notification, cette preuve peut résulter, soit des mentions précises, claires et concordantes portées sur l'enveloppe et l'avis de réception, soit, à défaut d'une attestation de la Poste ou d'autres éléments de preuve établissant la première présentation du pli et la délivrance, par le préposé du service postal, conformément à la réglementation en vigueur, d'un avis d'instance prévenant le destinataire que le pli était à sa disposition au bureau de poste ;

Considérant, en l'espèce, que le ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales soutient que la décision référencée 48S , récapitulant l'ensemble des retraits de points dont a fait l'objet M. A, a été notifiée à ce dernier par lettre recommandée présentée le 4 juin 2004 à son domicile ; qu'il ressort des pièces du dossier que le pli recommandé a été renvoyé à l'administration, assorti de la mention non réclamé, retour à l'envoyeur , sans toutefois qu'il apparaisse que l'intéressé aurait été avisé de sa mise en instance au bureau de poste par le dépôt à son domicile d'un avis de passage ; qu'ainsi, il n'est pas établi que la décision lui a été régulièrement notifiée le 4 juin 2004 ; que, dans ces conditions, cette présentation n'a pas fait courir le délai de recours contentieux de deux mois contre la décision ministérielle 48S ni contre les décisions successives de retraits de point qu'elle récapitulait ; que, par suite, la demande de M. A dirigée contre ces dernières décisions et contre la décision 48S récapitulant ces retraits de points successifs n'était pas tardive ; que, dès lors, l'ordonnance du vice-président de la sixième section du Tribunal administratif de Paris en date du 17 avril 2009 a été prise en méconnaissance des dispositions précitées de l'article R. 222-1 du code de justice administrative et doit être annulée ;

Considérant qu'il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par M. A devant le Tribunal administratif de Paris ;

Sur la légalité du retrait de points consécutif à l'infraction commise le

3 octobre 2002 :

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que la réalité de l'infraction commise le 3 octobre 2002 est établie par une condamnation, devenue définitive, prononcée le

6 janvier 2003 par la juridiction de proximité de Boulogne-Billancourt, de sorte que le moyen tiré du manquement à l'obligation d'information préalable ne saurait, en tout état de cause, être utilement invoqué à l'encontre du retrait de points correspondant à cette infraction ; que,

M. A n'est donc pas fondé à contester la réalité de l'infraction commise le 3 octobre 2002, ni à soutenir qu'il n'aurait pas reçu l'information exigée par les dispositions des articles L. 223-3 et R. 223-3 du code de la route ;

Sur la légalité des retraits de points consécutifs aux infractions commises les

10 avril et 29 mai 2003 :

Considérant, d'une part, qu'en vertu de l'article L. 223-1 du code de la route, le nombre de points dont est affecté le permis de conduire est réduit de plein droit lorsque est établie, par le paiement d'une amende forfaitaire ou par une condamnation définitive, la réalité de l'infraction donnant lieu à retrait de points ; que l'article L. 223-3 du même code dispose : Lorsque l'intéressé est avisé qu'une des infractions entraînant retrait de points a été relevée à son encontre, il est informé du retrait de points qu'il est susceptible d'encourir, de l'existence d'un traitement automatisé de ces points et de la possibilité pour lui d'exercer le droit d'accès. Ces mentions figurent sur le formulaire qui lui est communiqué. Le retrait de points est porté à la connaissance de l'intéressé par lettre simple quand il est effectif , et qu'aux termes de l'article R. 223-3 de ce code : I. - Lors de la constatation d'une infraction, l'auteur de celle-ci est informé que cette infraction est susceptible d'entraîner le retrait d'un certain nombre de points si elle est constatée par le paiement d'une amende forfaitaire ou par une condamnation définitive. II. - Il est informé également de l'existence d'un traitement automatisé des retraits et reconstitutions de points et de la possibilité pour lui d'accéder aux informations le concernant. Ces mentions figurent sur le document qui lui est remis par l'agent verbalisateur ou communiqué par les services de police ou de gendarmerie. Le droit d'accès aux informations ci-dessus mentionnées s'exerce dans les conditions fixées par les articles L. 225-1 à L. 225-9 (...) ; qu'il résulte des dispositions précitées que l'administration ne peut légalement prendre une décision retirant des points affectés à un permis de conduire à la suite d'une infraction que si l'auteur de l'infraction s'est vu préalablement délivrer par elle un document lui permettant de constater la réalité de l'infraction et d'en mesurer les conséquences sur la validité de son permis ; qu'il appartient à l'administration d'apporter la preuve, par tous moyens, de la remise d'un tel document ;

Considérant, d'autre part, qu'il résulte, en premier lieu, des dispositions des articles L. 223-1 et L. 225-1 du code de la route, combinées avec celles des articles 529 et suivants du code de procédure pénale et du premier alinéa de l'article 530 du même code, que le mode d'enregistrement et de contrôle des informations relatives aux infractions au code de la route conduit à estimer que la réalité de l'infraction est établie dans les conditions prévues à l'article L. 223-1 de ce code dès lors qu'est inscrite, dans le système national des permis de conduire, la mention du paiement de l'amende forfaitaire ou de l'émission du titre exécutoire de l'amende forfaitaire majorée, sauf si l'intéressé justifie avoir présenté une requête en exonération dans les quarante-cinq jours de la constatation de l'infraction ou de l'envoi de l'avis de contravention ou avoir formé, dans le délai prévu à l'article 530 du code de procédure pénale, une réclamation ayant entraîné l'annulation du titre exécutoire de l 'amende forfaitaire majorée ; qu'il en résulte notamment que, sauf dans le cas où le requérant produit au dossier une réclamation ayant entraîné l'annulation du titre exécutoire de l'amende forfaitaire majorée ou soutient, sans être sérieusement contesté, ne pas avoir reçu ni réglé l'amende forfaitaire majorée relative à une infraction ayant donné lieu à retrait de points, la mention d'une amende forfaitaire majorée définitive inscrite sur le relevé d'information intégral permet de tenir pour établi que l'intéressé a spontanément acquitté le montant de cette amende forfaitaire majorée ou n'a pas formé de réclamation, dans le délai prévu à l'article 530 du code de procédure pénale, contre le titre exécutoire de l'amende forfaitaire majorée qu'il a reçu ;

Considérant, en deuxième lieu, qu'il résulte des dispositions portant application des articles R. 49-1 et R. 49-10 du code de procédure pénale, notamment celles de ses articles A. 37 à A. 37-4, que lorsqu'une contravention soumise à la procédure de l'amende forfaitaire est relevée avec interception du véhicule mais sans que l'amende soit payée immédiatement entre les mains de l'agent verbalisateur, ce dernier utilise un formulaire réunissant, en une même liasse autocopiante, le procès-verbal conservé par le service verbalisateur, une carte de paiement matériellement indispensable pour procéder au règlement de l'amende et l'avis de contravention, également remis au contrevenant pour servir de justificatif du paiement ultérieur, qui comporte une information suffisante au regard des exigences résultant des articles L. 223-3 et R. 223-3 du code de la route ;

Considérant, en dernier lieu, que lorsque le contrevenant, après avoir reçu le titre exécutoire de l'amende forfaitaire majorée, ne forme pas de réclamation dans le délai prévu à l'article 530 du code de procédure pénale ou s'acquitte spontanément de cette amende forfaitaire majorée, sans élever d'objection, il doit être regardé comme renonçant à contester la majoration de l'amende forfaitaire en reconnaissant que le délai dont il disposait pour s'acquitter de celle-ci, en vertu du formulaire décrit ci-dessus qui lui a alors nécessairement été remis, était expiré ;

Considérant, dès lors, que le titulaire d'un permis de conduire à l'encontre duquel une infraction au code de la route est relevée au moyen d'un formulaire conforme au modèle précisé plus-haut et dont il est établi, notamment dans les conditions décrites ci-dessus, qu'il a payé sans objection l'amende forfaitaire majorée correspondant à cette infraction ou n'a formé aucune réclamation à son encontre a nécessairement reçu l'avis de contravention ; qu'eu égard aux mentions dont cet avis est réputé être revêtu, l'administration doit alors être regardée comme s'étant acquittée envers le titulaire du permis de son obligation de lui délivrer les informations requises préalablement au paiement de l'amende, à moins que l'intéressé, à qui il appartient à cette fin de produire l'avis qu'il a nécessairement reçu, ne démontre s'être vu remettre un avis inexact ou incomplet ;

Considérant que, d'une part, si les procès-verbaux de contravention établis à l'occasion des infractions commise par M. A les 10 avril et 29 mai 2003, sur un formulaire conforme aux dispositions des articles A. 37 et A. 37-4 du code de procédure pénale, comportaient la mention le contrevenant reconnaît avoir reçu la carte de paiement et l'avis de contravention , documents sur lesquels figurent l'intégralité des informations prévues par les articles L. 223-1 et R. 223-3 du code de la route, les seuls renseignements relatifs au titulaire du certificat d'immatriculation ainsi qu'à l'état civil, à l'adresse et au numéro du permis de conduire du contrevenant ne suffisent pas à établir, en l'absence de toute autre mention portée sur ce procès-verbal, que M. A en a effectivement pris connaissance ; que, d'autre part, s'il ressort des mentions portées sur le relevé d'information intégral, extrait du système national du permis de conduire, que ces infractions ont donné lieu à une amende forfaitaire majorée devenue définitive, M. A soutient que le titre exécutoire de l'amende forfaitaire majorée ne lui a pas été notifié et qu'il ne s'est pas davantage acquitté de cette amende forfaitaire majorée ; que le ministre de l'intérieur ne produit aucun élément de nature à établir la date à laquelle M. A aurait reçu ou réglé cette amende forfaitaire majorée ; que, dès lors, le requérant ne peut pas être regardé comme ayant reçu le titre exécutoire de l'amende forfaitaire majorée relatif aux infractions commises les 10 avril et 29 mai 2003, ni comme ayant réglé cette amende ; que, dans ces conditions, l'administration n'apporte pas la preuve qu'elle a satisfait à l'obligation d'information prescrite à l'article L. 223-3 du code de la route à l'occasion des deux infractions susmentionnées, les décisions de retrait correspondantes étant donc entachées d'illégalité comme intervenues à l'issue d'une procédure irrégulière ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. A est fondé à exciper de l'illégalité des décisions de retraits de points opérés sur son permis de conduire suite aux infractions commises les 10 avril et 29 mai 2003 pour demander l'annulation de la décision du ministre chargé de l'intérieur récapitulant les retraits de points de son permis de conduire et l'informant de la perte de validité de ce titre pour solde de points nul ;

Sur les conclusions tendant à la restitution de points par le ministre :

Considérant que l'annulation, par le présent arrêt, de la décision retirant l'ensemble des points du permis de conduire de M. A du fait de l'illégalité des décisions de retrait, de quatre points chacune, consécutives aux infractions des 10 avril et 29 mai 2003, implique nécessairement que le ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration restitue lesdits points ; qu'il y a lieu d'enjoindre au ministre de procéder à la restitution de ces huit points dans un délai de trois mois à compter de la notification du présent arrêt, à charge pour l'administration d'en tirer toutes les conséquences à la date de sa nouvelle décision sur le capital de points de l'intéressé ;

D E C I D E :

Article 1er : L'ordonnance n° 0617507 du 17 avril 2009 du vice-président de la 6ème section du Tribunal administratif de Paris est annulée.

Article 2 : La décision du ministre chargé de l'intérieur récapitulant les retraits de points du permis de conduire de M. A, suite aux infractions commises le 3 octobre 2002 et les

10 avril et 29 mai 2003, et l'informant de la perte de validité de ce titre pour solde de points nul est annulée.

Article 3 : Il est enjoint au ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration de procéder à la restitution de huit points au permis de conduire de M. A dans un délai de trois mois à compter de la notification du présent arrêt, à charge pour l'administration d'en tirer toutes les conséquences à la date de sa nouvelle décision sur le capital de points de l'intéressé. Le ministre tiendra le greffe de la Cour (service de l'exécution) immédiatement informé des dispositions prises pour répondre à cette injonction.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de M. A est rejeté.

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N° 09PA03742


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 09PA03742
Date de la décision : 05/12/2011
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. FOURNIER DE LAURIERE
Rapporteur ?: Mme Marie SIRINELLI
Rapporteur public ?: M. DEWAILLY
Avocat(s) : DUFOUR

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2011-12-05;09pa03742 ?
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