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24/11/2011 | FRANCE | N°11PA01361

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 5ème chambre, 24 novembre 2011, 11PA01361


Vu la requête enregistrée par télécopie le 16 mars 2011, régularisée le 21 mars 2011 par la production de l'original, présentée par le PREFET DE POLICE ; le PREFET DE POLICE demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1005867/3-3 du 8 février 2011 par lequel le Tribunal administratif de Paris, d'une part, a annulé son arrêté du 5 mars 2010 rejetant la demande de renouvellement de titre de séjour de Mme Jael A, lui faisant obligation de quitter le territoire français et fixant le pays de destination, d'autre part, lui a fait injonction de délivrer à l'intéressée

un titre de séjour vie privée et familiale dans le délai de trois mois à ...

Vu la requête enregistrée par télécopie le 16 mars 2011, régularisée le 21 mars 2011 par la production de l'original, présentée par le PREFET DE POLICE ; le PREFET DE POLICE demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1005867/3-3 du 8 février 2011 par lequel le Tribunal administratif de Paris, d'une part, a annulé son arrêté du 5 mars 2010 rejetant la demande de renouvellement de titre de séjour de Mme Jael A, lui faisant obligation de quitter le territoire français et fixant le pays de destination, d'autre part, lui a fait injonction de délivrer à l'intéressée un titre de séjour vie privée et familiale dans le délai de trois mois à compter de la notification du jugement ;

2°) de rejeter la demande présentée par Mme A devant le Tribunal administratif de Paris ;

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Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu l'arrêté du 8 juillet 1999 relatif aux conditions d'établissement des avis médicaux concernant les étrangers malades ;

Vu la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 modifiée;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 4 novembre 2011 :

- le rapport de M. Niollet, rapporteur,

- les conclusions de M. Gouès, rapporteur public,

- et les observations de Me Gueuyou, avocat de Mme A ;

Considérant que Mme Jael A, de nationalité congolaise, née le 22 décembre 1966 à Likasi (République Démocratique du Congo), et entrée en France le 16 septembre 2003 selon ses déclarations, a demandé le statut de réfugiée qui lui a été refusé par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides le 17 octobre 2003, puis par la Commission de recours des réfugiés le 20 octobre 2004 ; qu'elle a sollicité en janvier 2008 un titre de séjour pour raison médicale sur le fondement des dispositions du 11°) de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que le médecin, chef du service médical de la préfecture de police, saisi de cette demande, a estimé dans son avis en date du 7 février 2008 que son état de santé nécessitait sa présence en France pour une durée de 9 mois, prorogée pour 6 mois, à la suite d'un nouvel avis de ce médecin en date du 10 avril 2009 ; que, le 15 février 2010, elle a sollicité le renouvellement de son titre de séjour ; que le médecin de la préfecture a alors estimé dans son avis en date du 21 janvier 2010 que, si son état de santé nécessitait une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, elle pourrait effectivement bénéficier d'un traitement approprié dans son pays d'origine ; que, par un arrêté du 5 mars 2010, le PREFET DE POLICE a rejeté sa demande, l'a obligée à quitter le territoire et a fixé le pays de destination de cet éloignement ; que le PREFET DE POLICE relève appel du jugement du 8 février 2011 par lequel le Tribunal administratif de Paris, faisant droit à la demande de Mme A, a annulé son arrêté ;

Sur les conclusions du PREFET DE POLICE dirigées contre le jugement du Tribunal administratif de Paris:

Considérant qu'aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dans sa rédaction applicable en l'espèce : Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention vie privée et familiale est délivrée de plein droit : (...) 11° A l'étranger résidant habituellement en France dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve qu'il ne puisse effectivement bénéficier d'un traitement approprié dans le pays dont il est originaire, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée. La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative, après avis du médecin de l'agence régionale de santé de la région de résidence de l'intéressé, désigné par le directeur général de l'agence, ou, à Paris, du médecin, chef du service médical de la préfecture de police. Le médecin de l'agence régionale de santé ou, à Paris, le chef du service médical de la préfecture de police peut convoquer le demandeur pour une consultation médicale devant une commission médicale régionale dont la composition est fixée par décret en Conseil d'Etat ; qu'aux termes de l'article R. 313-22 du même code dans sa rédaction applicable en l'espèce : Pour l'application du 11° de l'article L. 313-11, le préfet délivre la carte de séjour temporaire au vu d'un avis émis par le médecin inspecteur départemental de santé publique compétent au regard du lieu de résidence de l'intéressé et, à Paris, par le médecin, chef du service médical de la préfecture de police. / L'avis est émis dans les conditions fixées par arrêté du ministre chargé de l'immigration et du ministre chargé de la santé au vu, d'une part, d'un rapport médical établi par un médecin agréé ou un médecin praticien hospitalier et, d'autre part, des informations disponibles sur les possibilités de traitement dans le pays d'origine de l'intéressé (...) ; que l'arrêté du 8 juillet 1999 pris pour l'application de ces dispositions impose au médecin d'émettre un avis précisant si l'état de santé de l'étranger nécessite ou non une prise en charge médicale, si le défaut de cette prise en charge peut ou non entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, si l'intéressé peut ou non bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans son pays, la durée prévisible du traitement, et si son état de santé lui permet de voyager sans risque vers son pays de renvoi ;

Considérant qu'il ressort du jugement attaqué que, pour annuler l'arrêté du PREFET DE POLICE refusant un titre de séjour à Mme A, le tribunal administratif s'est fondé sur un certificat médical établi par un praticien hospitalier de l'hôpital Henri Mondor dont il ressort qu'elle souffre d'une hypertension artérielle sévère avec antécédent d'hypertension artérielle maligne ; que le tribunal a considéré qu'il ne ressortait pas des pièces du dossier qu'elle pourrait effectivement bénéficier dans son pays d'origine des médicaments nécessaires à sa pathologie ;

Considérant, toutefois, que le PREFET DE POLICE conteste ce jugement en faisant valoir que les certificats médicaux produits par Mme A, sont dépourvus de toute précision permettant de remettre en cause l'avis du médecin, chef du service médical de la préfecture de police, sur la possibilité de bénéficier en République démocratique du Congo du suivi et du traitement médicamenteux qui lui sont assurés en France ; que Mme A a produit devant le tribunal des certificats et des rapports médicaux en date des 7 novembre 2007, 4 décembre 2007, 22 janvier 2008, 20 octobre 2008, 26 janvier 2009 et 22 octobre 2009, émanant de praticiens de l'hôpital Henri Mondor et indiquant qu'elle présente des risques cardiovasculaires, une hypertension artérielle, une hypothyroïdie, un syndrome métabolique avec diabète de type II et est atteinte d'obésité et de dyslipidémie ; qu'elle produit devant la Cour un compte rendu d'hospitalisation et une mesure ambulatoire du 7 juillet 2010 qui confirment ses pathologies ; qu'aucun des documents ainsi produits par Mme A en première instance et en appel n'indique que le suivi et le traitement médicamenteux dont elle soutient faire l'objet en France ne pourraient être assurés en République Démocratique du Congo ; que les autres documents produits par Mme A comportant des informations générales sur la situation sanitaire en République démocratique du Congo et dans les centres de santé de ce pays ne sont pas suffisamment précis pour invalider l'avis du médecin de la préfecture mentionné ci-dessus, alors que les pièces produites par le PREFET DE POLICE devant la Cour établissent que ce pays dispose de services spécialisés, notamment en cardiologie, en particulier à l'Hôpital général de référence (HGR) de Kinshasa, susceptibles d'assurer le suivi de Mme A et disposant des médicaments nécessaires ; que Mme A ne saurait utilement faire état de la distance qui sépare son domicile de l'Hôpital général de Kinshasa ; que, dans ces conditions, l'arrêté attaqué n'a pas méconnu les dispositions précitées du 11°) de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que le PREFET DE POLICE est donc fondé à soutenir que c'est à tort que le Tribunal administratif de Paris s'est fondé sur ce motif pour annuler son arrêté du 5 mars 2010 ;

Considérant qu'il appartient à la Cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par Mme A devant le Tribunal administratif de Paris et en appel ;

Sur la légalité de la décision de refus de titre de séjour :

Considérant, en premier lieu, qu'il ressort de l'avis émis le 21 janvier 2010 par le médecin, chef du service médical de la préfecture de police, qui a été produit par le PREFET DE POLICE à l'appui de ses écritures de première instance, que, contrairement à ce que soutenait Mme A, cet avis comporte l'ensemble des informations prévues par les dispositions de l'arrêté du 8 juillet 1999 ;

Considérant, en deuxième lieu, que pour refuser à Mme A le titre de séjour que celle-ci sollicitait sur le fondement du 11°) de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le PREFET DE POLICE qui a également examiné la situation familiale de l'intéressée, s'est, dans son arrêté, référé à l'avis émis par l'autorité médicale le 21 janvier 2010, mentionné ci-dessus, et a exposé l'ensemble des autres considérations de fait et de droit sur lesquelles il s'est fondé ; qu'ainsi, son arrêté est suffisamment motivé ;

Considérant, en troisième lieu, qu'il ne ressort pas des pièces du dossier, notamment de la motivation de l'arrêté en litige, que pour prendre sa décision, le PREFET de POLICE se serait cru en situation de compétence liée compte tenu de l'avis émis par l'autorité médicale le 21 janvier 2010, mentionné ci-dessus ; que le moyen tiré d'une méconnaissance par le PREFET DE POLICE de l'étendue de sa propre compétence doit donc être écarté ;

Considérant, en quatrième lieu, que Mme A n'établit pas que l'arrêté en litige reposerait sur une erreur manifeste d'appréciation ;

Considérant, en cinquième lieu, qu'aux termes de l'article L. 312-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : La commission est saisie par l'autorité administrative lorsque celle-ci envisage de refuser de délivrer ou de renouveler une carte de séjour temporaire à un étranger mentionné à l'article L. 313-11 ou de délivrer une carte de résident à un étranger mentionné aux articles L. 314-11 et L. 314-12, ainsi que dans le cas prévu à l'article L. 431-3 ; qu'il résulte de ces dispositions que le préfet n'est tenu de saisir la commission du titre de séjour que du cas des étrangers qui remplissent effectivement les conditions permettant d'obtenir de plein droit un titre de séjour, et non de celui de tous les étrangers qui sollicitent un tel titre ;

Considérant qu'il résulte de ce qui a été dit ci-dessus que Mme A n'était pas au nombre des étrangers pouvant obtenir de plein droit un titre de séjour ; que, par suite, le PREFET DE POLICE n'était pas tenu de soumettre son cas à la commission du titre de séjour avant de rejeter sa demande ;

Sur la légalité de l'obligation de quitter le territoire français :

Considérant qu'en vertu du I de l'article L. 511-1 I du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en vigueur à la date de la décision litigieuse : L'autorité administrative qui refuse la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour à un étranger ou qui lui retire son titre de séjour, son récépissé de demande de carte de séjour ou son autorisation provisoire de séjour, pour un motif autre que l'existence d'une menace à l'ordre public, peut assortir sa décision d'une obligation de quitter le territoire français, laquelle fixe le pays à destination duquel l'étranger sera renvoyé s'il ne respecte pas le délai de départ volontaire prévu au troisième alinéa. L'obligation de quitter le territoire français n'a pas à faire l'objet d'une motivation (...) ;

Considérant, en premier lieu, que Mme A qui ne démontre pas que la décision portant refus de séjour serait illégale, n'est pas fondée à soutenir que la décision portant obligation de quitter le territoire français serait illégale par voie de conséquence ;

Considérant, en deuxième lieu, qu'il résulte des dispositions précitées que l'obligation de quitter le territoire français n'a pas à faire l'objet d'une motivation ; que, par suite, Mme A ne peut utilement invoquer le défaut de motivation de cette décision ;

Considérant en troisième lieu, que pour les raisons évoquées ci-dessus, Mme A n'est pas fondée à soutenir que la décision portant obligation de quitter le territoire français serait intervenue en méconnaissance des dispositions du 10°) de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ou qu'elle procéderait d'une erreur manifeste d'appréciation ;

Sur la légalité de la décision fixant le pays de destination :

Considérant, en premier lieu, qu'il résulte de ce qui précède que Mme A n'est pas fondée à exciper de l'illégalité de la décision de refus de titre de séjour ni de celle de la décision portant obligation de quitter le territoire français, pour demander l'annulation de la décision fixant le pays de renvoi ;

Considérant, en deuxième lieu, que par un arrêté n° 2010-00124 du 22 février 2010 régulièrement publié au bulletin municipal officiel de la Ville de Paris du 26 février suivant, M. René Burgues, conseiller d'orientation de l'intérieur et de l'outre-mer, chef du 9ème bureau, a reçu du PREFET DE POLICE délégation pour signer notamment les arrêtés portant refus de titre et obligation de quitter le territoire et fixant le pays de destination ; que le moyen tiré de l'incompétence du signataire de la décision fixant le pays de destination manque en fait ;

Considérant, en troisième lieu, qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales: 1°) Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2°) Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui ; qu'aux termes de l'article L.313-11 code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile susvisé : Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention vie privée et familiale est délivré de plein droit: (...) / 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée (...) ;

Considérant, que Mme A ne peut utilement faire valoir à l'encontre de la décision fixant le pays de destination, qu'étant présente en France depuis pratiquement sept ans à la date de l'arrêté en litige et y ayant développé une vie privée et familiale, elle remplirait les conditions prévues par les dispositions précitées pour obtenir un titre de séjour ; qu'elle n'établit pas que cette décision procéderait d'une appréciation manifestement erronée ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le PREFET DE POLICE est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a annulé son arrêté du 5 mars 2010 ;

D E C I D E :

Article 1er : Le jugement n° 1005867/3-3 du Tribunal administratif de Paris du 8 février 2011 est annulé.

Article 2 : La demande présentée par Mme A devant le Tribunal administratif de Paris est rejetée.

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N° 11PA01361


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 11PA01361
Date de la décision : 24/11/2011
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01-03 Étrangers. Séjour des étrangers. Refus de séjour.


Composition du Tribunal
Président : Mme SANSON
Rapporteur ?: M. Jean-Christophe NIOLLET
Rapporteur public ?: M. GOUES
Avocat(s) : GUEUYOU

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2011-11-24;11pa01361 ?
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