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09/11/2011 | FRANCE | N°10PA06121

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 2ème chambre, 09 novembre 2011, 10PA06121


Vu la requête, enregistrée le 30 décembre 2010, présentée par le PREFET DE POLICE ; le PREFET DE POLICE demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1004520/5-3 du 3 novembre 2010 par lequel le Tribunal administratif de Paris a annulé sa décision du 8 février 2010 refusant de délivrer un titre de séjour à M. Ihab El Shahhat Eraki Abou Elmag A et faisant obligation à celui-ci de quitter le territoire français ;

2°) de rejeter la demande présentée par M. A devant ledit tribunal ;

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Vu les autres pièces du dossier ;

Vu...

Vu la requête, enregistrée le 30 décembre 2010, présentée par le PREFET DE POLICE ; le PREFET DE POLICE demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1004520/5-3 du 3 novembre 2010 par lequel le Tribunal administratif de Paris a annulé sa décision du 8 février 2010 refusant de délivrer un titre de séjour à M. Ihab El Shahhat Eraki Abou Elmag A et faisant obligation à celui-ci de quitter le territoire français ;

2°) de rejeter la demande présentée par M. A devant ledit tribunal ;

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Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu la convention internationale relative aux droits de l'enfant, signée à New York le 26 janvier 1990 ;

Vu l'arrêté interministériel du 18 janvier 2008 ;

Vu la loi du 11 juillet 1979 ;

Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique et son décret d'application n° 91-1266 du 19 décembre 1991 ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 20 octobre 2011 :

- le rapport de M. Magnard, rapporteur,

- et les conclusions de M. Egloff, rapporteur public ;

Considérant que, par un arrêté du 8 février 2010, le PREFET DE POLICE a refusé la délivrance d'un titre de séjour à M. A, ressortissant égyptien ; que le PREFET DE POLICE a assorti cette décision d'une obligation de quitter le territoire français et a fixé le pays de destination ; que le Tribunal administratif de Paris a annulé cet arrêté par le jugement

n° 1004520/5-3 du 3 novembre 2010, dont le PREFET DE POLICE relève appel ;

Sur les conclusions du PREFET DE POLICE dirigées contre le jugement du Tribunal administratif de Paris :

Considérant qu'aux termes de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11 [à savoir celle portant la mention vie privée et familiale] ou la carte de séjour temporaire mentionnée au 1° de l'article L. 313-10 sur le fondement du troisième alinéa de cet article [à savoir celle portant la mention salarié ou travailleur temporaire] peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 311-7 ; que l'annexe de l'arrêté interministériel du 18 janvier 2008 fixant la liste, pour la région Ile-de-France, des métiers ouverts aux étrangers non ressortissants d'un Etat membre de l'Union européenne, d'un autre Etat partie à l'Espace économique européen ou de la Confédération suisse, comprend notamment les métiers de chef de chantier du BTP et

conducteur de travaux du BTP ;

Considérant qu'il ressort des pièces versées au dossier que M. A justifie être titulaire d'une promesse d'embauche en qualité de chef de chantier, le métier de chef de chantier étant, en vertu des dispositions de l'arrêté du 18 janvier 2008 susmentionné ouvert aux ressortissants étrangers sans opposition de la situation de l'emploi ; que, toutefois, et contrairement à ce qu'il soutient, il ne peut être regardé comme attestant d'une solide expérience en tant que chef de chantier dans le secteur du bâtiment ; qu'il se borne, en effet, à produire la traduction d'une attestation certifiant qu'il aurait exercé en Egypte l'activité de chef de chantier entre 1998 et 2002, alors que la profession mentionnée sur son passeport est celle de comptable, profession qui semble avoir été également exercée au cours de la même période au vu des documents produits par l'intéressé, et qu'aucun bulletin de paie ni aucun autre document probant ne vient étayer l'attestation susmentionnée ; que, par ailleurs, il ne justifie d'aucun diplôme de nature à démontrer ses qualifications en tant que chef de chantier ; qu'en outre, il ne produit aucune pièce de nature à établir qu'il ait acquis en France une expérience notable dans le domaine dont s'agit ; qu'enfin, la circonstance qu'il vit de manière habituelle en France depuis six années n'est pas une circonstance suffisante pour permettre de considérer que M. A justifie de motifs exceptionnels suffisants pour l'admettre au séjour en application des dispositions sus-rappelées de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que l'intéressé n'établit pas davantage l'existence de considérations humanitaires susceptibles de justifier son droit au séjour en France ; que c'est, par suite, à tort que le Tribunal administratif de Paris a jugé que le PREFET DE POLICE avait, en estimant que l'intéressé ne remplissait pas les conditions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, commis une erreur manifeste d'appréciation ;

Considérant, toutefois, qu'il appartient à la Cour de céans, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. A devant le Tribunal administratif de Paris et devant elle ;

Considérant, en premier lieu, que l'arrêté contesté mentionne que la demande d'admission au séjour de l'intéressé ne répond ni à des motifs exceptionnels, ni à des considérations humanitaires, appréciées notamment au regard de la durée de son séjour habituel sur le territoire français et ne satisfait pas, par suite, aux conditions prévues à l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que, dès lors, cet arrêté, qui comporte l'énoncé des considérations de droit et de fait constituant son fondement, répond aux exigences de motivation de l'article 1er de la loi du 11 juillet 1979 ;

Considérant, en deuxième lieu, que la demande de M. A tendant à la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement des dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile n'avait pas à être instruite dans les règles fixées par le code du travail relativement à la délivrance de l'autorisation de travail mentionnée à son article L. 341-2, aujourd'hui repris à l'article L. 5221-2 ; qu'il s'ensuit que le PREFET DE POLICE n'était pas tenu de saisir le directeur départemental du travail, de l'emploi et de la formation professionnelle afin que ce dernier accorde ou refuse, préalablement à ce qu'il soit statué sur la délivrance de la carte de séjour temporaire, ladite autorisation de travail ;

Considérant, en troisième lieu, qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ; qu'aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention vie privée et familiale est délivrée de plein droit : [...] 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République ; que, si M. A soutient qu'il réside depuis 2004 sur le territoire français avec sa femme et ses deux enfants et qu'il y a noué de nombreux liens, il ressort des pièces du dossier que son épouse est également en situation irrégulière, que l'intéressé n'allègue pas ne plus avoir de famille dans son pays d'origine et que rien ne fait obstacle à la poursuite de la vie familiale dans ce pays ; qu'ainsi, l'arrêté litigieux n'a pas porté au droit de l'intéressé au respect de sa vie familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels il a été pris ; que, par suite, le moyen tiré de ce que cet arrêté méconnaîtrait les dispositions précitées de l'article L. 313-11 7° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et les stipulations précitées de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté ;

Considérant, enfin, qu'aux termes de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant du 26 janvier 1990, publiée par décret du 8 octobre 1990 : Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait d'institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ; qu'il résulte de ces stipulations, qui peuvent être utilement invoquées à l'appui d'un recours pour excès de pouvoir, que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant ; qu'ainsi qu'il vient d'être dit ci-dessus, l'intéressé n'établit aucune circonstance l'empêchant de bénéficier avec son épouse et ses enfants d'une vie familiale dans leur pays d'origine ; qu'il suit de là qu'il n'est pas fondé à soutenir que l'intérêt supérieur de ses enfants n'aurait pas été pris en compte dans l'arrêté en litige ; que le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 3-1 de la convention des droits de l'enfant susvisée doit, dès lors, être écarté ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le PREFET DE POLICE est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a annulé son arrêté du 8 février 2010 refusant un titre de séjour à M. A et l'obligeant à quitter le territoire français ;

Sur les conclusions de M. A tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, le versement de la somme que M. A demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;

D E C I D E :

Article 1er : Le jugement n° 1004520/5-3 du 3 novembre 2010 du Tribunal administratif de Paris est annulé.

Article 2 : La demande présentée par M. A devant le Tribunal administratif de Paris ainsi que ses conclusions devant la Cour sont rejetées.

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N° 08PA04258

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N° 10PA06121


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 10PA06121
Date de la décision : 09/11/2011
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme TANDONNET-TUROT
Rapporteur ?: M. Franck MAGNARD
Avocat(s) : EL AMINE

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2011-11-09;10pa06121 ?
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