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20/10/2011 | FRANCE | N°10PA03138

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 2ème chambre, 20 octobre 2011, 10PA03138


Vu la requête, enregistrée le 25 juin 2010, présentée pour la SCI MARIONNAUX, dont le siège est situé 1 rue Saint-Eleuthère à Paris (75018), représentée par son gérant, M. Jacques Philippe , par Me Autier ; la SCI MARIONNAUX demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0606133 du 4 mai 2010 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à la décharge de la taxe sur les logements vacants mise à sa charge au titre de l'année 2005 ;

2°) de prononcer la décharge sollicitée ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement

de la somme de 609,80 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administra...

Vu la requête, enregistrée le 25 juin 2010, présentée pour la SCI MARIONNAUX, dont le siège est situé 1 rue Saint-Eleuthère à Paris (75018), représentée par son gérant, M. Jacques Philippe , par Me Autier ; la SCI MARIONNAUX demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0606133 du 4 mai 2010 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à la décharge de la taxe sur les logements vacants mise à sa charge au titre de l'année 2005 ;

2°) de prononcer la décharge sollicitée ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 609,80 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

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Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la décision n° 2010/027475 du 9 septembre 2010 du bureau d'aide juridictionnelle auprès du Tribunal de grande instance de Paris admettant M. au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et l'article 1er de son protocole additionnel n° 1 ;

Vu la loi organique n° 2009-1523 du 10 décembre 2009 ;

Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique et son décret d'application n° 91-1266 du 19 décembre 1991 ;

Vu le décret n° 2010-148 du 16 février 2010 portant application de la loi organique n° 2009-1523 du 10 décembre 2009 relative à l'application de l'article 61-1 de la Constitution ;

Vu le décret n° 2009-1523 du 16 février 2010 ;

Vu la décision du Conseil constitutionnel n° 2009-595 du 3 décembre 2009 ;

Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 5 octobre 2011 :

- le rapport de Mme Tandonnet-Turot, président-rapporteur,

- et les conclusions de M. Egloff, rapporteur public ;

Considérant que la SCI MARIONNAUX fait appel du jugement du 4 mai 2010 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à la décharge de la taxe sur les logements vacants mise à sa charge au titre de l'année 2005 à raison d'un appartement dont elle était propriétaire au 1 rue Saint-Eleuthère à Paris (75018) ;

Sur la régularité du jugement :

Considérant, d'une part, que le juge administratif dirige seul l'instruction ; que, si la SCI MARIONNAUX soutient que le Tribunal administratif de Paris aurait omis de répondre à sa demande tendant à ce qu'il ne soit pas statué sur sa demande en matière de taxe sur les logements vacants avant que ce même tribunal ne se soit prononcé sur sa demande en matière de taxe foncière, concernant la même période, le tribunal pouvait régulièrement se prononcer, sans attendre sa décision relative à une requête concernant une autre imposition et sans avoir à motiver sa décision sur ce point ;

Considérant, d'autre part, qu'il ressort de la décision du Conseil constitutionnel n° 2009-595 du 3 décembre 2009 que sont seules recevables les questions prioritaires de constitutionnalité présentées à compter de l'entrée en vigueur de la loi organique n° 2009-1523 du 10 décembre 2009, soit le 1er mars 2010, dans un mémoire distinct et motivé ; qu'aux termes de l'article R. 771-3 du code de justice administrative : Le moyen tiré de ce qu'une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution est soulevé, conformément aux dispositions de l'article 23-1 de l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel, à peine d'irrecevabilité, dans un mémoire distinct et motivé. Ce mémoire, ainsi que, le cas échéant, l'enveloppe qui le contient, portent la mention question prioritaire de constitutionnalité ; qu'aux termes de l'article R. 771-4 du même code : L'irrecevabilité tirée du défaut de présentation, dans un mémoire distinct et motivé, du moyen visé à l'article précédent peut être opposée sans qu'il soit fait application de articles R. 611-7 et R. 612-1 ; que l'article 7 du décret n° 2010-148 du 16 février 2010 susvisé, dont est issu cet article R. 771-4, dispose notamment que Le présent décret entre en vigueur le 1er mars 2010. Dans les instances en cours, une question prioritaire de constitutionnalité doit, pour être recevable, être présentée sous la forme d'un mémoire distinct et motivé produit postérieurement à cette date. Le cas échéant, la juridiction ordonne la réouverture de l'instruction pour les seuls besoins de l'examen de la question prioritaire de constitutionnalité, si elle l'estime nécessaire ; que, dans la mesure où la SCI MARIONNAUX n'a pas présenté sa question prioritaire sous la forme d'un mémoire distinct et motivé au cours de l'instruction devant le Tribunal administratif de Paris, clôturée trois jours avant l'audience du 6 avril 2010, soit postérieurement à la date du 1er mars 2010, elle n'est pas fondée à prétendre que c'est à tort que, conformément aux dispositions précitées de l'article R. 771-4, les premiers juges ont rejeté comme irrecevables ses conclusions tendant à l'examen de ladite question prioritaire de constitutionnalité ; que, contrairement à ce qu'elle soutient, la circonstance que les dispositions dudit article R. 771-4 dispensent le tribunal administratif d'inviter l'intéressé à régulariser sa demande par la présentation d'un mémoire distinct n'a pas pour effet de porter atteinte aux droits de la défense, ni, en tout état de cause, de priver le requérant du droit à un procès équitable ;

Sur le bien-fondé de l'imposition :

Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article 1er du premier protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : Toute personne physique ou morale a droit au respect de ses biens. Nul ne peut être privé de sa propriété que pour cause d'utilité publique et dans les conditions prévues par la loi et les principes généraux du droit international. Les dispositions précédentes ne portent pas atteinte au droit que possèdent les Etats de mettre en vigueur les lois qu'ils jugent nécessaires pour réglementer l'usage des biens conformément à l'intérêt général ou pour assurer le paiement des impôts ou d'autres contributions ou des amendes ; que, par ailleurs, aux termes de l'article 14 de cette convention : La jouissance des droits et libertés reconnus dans la présente convention doit être assurée, sans distinction aucune, fondée notamment sur le sexe, la race, la couleur, la langue, la religion, les opinions politiques ou toutes autres opinions, l'origine nationale ou sociale, l'appartenance à une minorité nationale, la fortune, la naissance ou toute autre situation ;

Considérant qu'en soumettant à la taxe sur les logements vacants les locaux à usage d'habitation demeurés vacants depuis au moins deux années consécutives, l'article 232 du code général des impôts poursuit un objectif d'intérêt public et se fonde sur un critère rationnel en rapport avec les objectifs du prélèvement qu'il institue ; que ces dispositions ont en effet seulement pour but d'inciter les propriétaires à louer leurs logements vacants ; que, compte tenu notamment du mode de calcul de l'imposition et des garanties posées par la loi, et alors même qu'elles ne tiennent pas compte du montant du revenu imposable des propriétaires, ces dispositions ne portent pas au droit des contribuables au respect de leurs biens une atteinte disproportionnée ; que ledit article n'est donc pas incompatible avec les stipulations susmentionnées de l'article 1er du protocole additionnel ; qu'ainsi que l'a rappelé le Conseil constitutionnel, dans sa décision n° 98-403 DC du 29 juillet 1998, les critères d'assujettissement à cette taxe correspondent à une différence de situation entre les logements dont la vacance est ou non indépendante du contribuable ; que le moyen tiré de ce que ces dispositions introduiraient une discrimination au sens de l'article 14 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales dans l'exercice du droit au respect des biens prévu par l'article 1er du premier protocole additionnel à cette convention doit, dès lors, être également écarté ;

Considérant, en second lieu, qu'aux termes de l'article 232 du code général des impôts : Il est institué, à compter du 1er janvier 1999, une taxe annuelle sur les logements vacants dans les communes appartenant à des zones d'urbanisation continue de plus de deux cent mille habitants où existe un déséquilibre marqué entre l'offre et la demande de logements, au détriment des personnes à revenus modestes et des personnes défavorisées, qui se concrétise par le nombre élevé de demandeurs de logements par rapport au parc locatif et la proportion anormalement élevée de logements vacants par rapport au parc immobilier existant. Un décret fixe la liste des communes où la taxe est instituée... II. La taxe est due pour chaque logement vacant depuis au moins deux années consécutives au 1er janvier de l'année d'imposition... (...). VI. La taxe n'est pas due en cas de vacance indépendante de la volonté du contribuable. ; qu'il appartient au contribuable d'établir que la vacance du logement à raison duquel il a été assujetti à la taxe sur les logements vacants aurait été indépendante de sa volonté, en raison soit de leur mise en location ou de leur mise en vente infructueuses, soit de la nécessité d'effectuer des travaux pour en permettre la location ;

Considérant que, si la SCI requérante, qui ne conteste pas que les locaux en cause étaient restés vacants durant les années 2003 et 2004, soit depuis au moins deux années consécutives au 1er janvier 2005, soutient que cette vacance était due aux travaux importants nécessités pour leur remise en état à la suite de détériorations commises par le précédent locataire, notamment des travaux de peinture et de remplacement de la moquette, elle n'établit ni avoir effectué les démarches nécessaires pour réaliser lesdits travaux, ni avoir été empêchée de le faire ; qu'elle fournit, au demeurant, un devis de faible montant concernant ces travaux ; que, dans ces conditions, la seule circonstance que ces locaux n'étaient pas directement habitables, en raison notamment de ce que l'alimentation électrique ait été coupée, ne saurait suffire à établir que leur vacance était indépendante de la volonté de la SCI MARIONNAUX ;

Considérant que la SCI MARIONNAUX invoque devant la Cour l'inconstitutionnalité de l'article 232 du code général des impôts au motif de sa contrariété avec d'autres principes constitutionnels, comme le droit de propriété, la liberté de contribution aux charges publiques et la non-discrimination en fonction de la fortune ; que, cependant, faute d'avoir présenté une question prioritaire de constitutionnalité dans un mémoire distinct et motivé, dans les formes requises par l'article 7 du décret du 16 février 2010 précité, le moyen tiré de la méconnaissance de la Constitution par les dispositions de l'article 232 du code général des impôts est irrecevable ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la SCI MARIONNAUX n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande ;

Sur l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu'aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation. ; que ces dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, la somme que la SCI MARIONNAUX demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;

D E C I D E :

Article 1er : La requête de la SCI MARIONNAUX est rejetée.

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N° 10PA03138


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 10PA03138
Date de la décision : 20/10/2011
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme TANDONNET-TUROT
Rapporteur ?: Mme Suzanne TANDONNET-TUROT
Rapporteur public ?: M. EGLOFF
Avocat(s) : SCP JEAN-PHILIPPE AUTIER

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2011-10-20;10pa03138 ?
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