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12/07/2011 | FRANCE | N°10PA04877

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 5ème chambre, 12 juillet 2011, 10PA04877


Vu la requête enregistrée par télécopie le 1er octobre 2010 et régularisée le 5 octobre suivant par la production de l'original, présentée par le PREFET DE POLICE ; le PREFET DE POLICE demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1015244/8 du 23 août 2010 par lequel le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Paris a annulé son arrêté du 19 août 2010 qui décidait la reconduite à la frontière de M. A ;

2°) de rejeter la demande présentée par M. A devant le Tribunal administratif de Paris ;

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Vu...

Vu la requête enregistrée par télécopie le 1er octobre 2010 et régularisée le 5 octobre suivant par la production de l'original, présentée par le PREFET DE POLICE ; le PREFET DE POLICE demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1015244/8 du 23 août 2010 par lequel le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Paris a annulé son arrêté du 19 août 2010 qui décidait la reconduite à la frontière de M. A ;

2°) de rejeter la demande présentée par M. A devant le Tribunal administratif de Paris ;

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Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention internationale relative aux droits de l'enfant, signée à New York le 26 janvier 1990 ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs et à l'amélioration des relations entre l'administration et le public ;

Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 et le décret n° 91-1266 du 19 décembre 1991 ;

Vu le code de justice administrative ;

Vu la décision par laquelle le magistrat désigné par le président de la Cour administrative d'appel de Paris a renvoyé le jugement la présente affaire à une formation collégiale ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir au cours de l'audience publique du 23 juin 2011 :

- le rapport de M. Vincelet, rapporteur ;

- les conclusions de Gouès, rapporteur public,

-et les observations de Me Gafsia, pour M A ;

Considérant que, par arrêté du 19 août 2010, le PREFET DE POLICE a décidé la reconduite à la frontière de M. A, de nationalité tunisienne ; que, par jugement du 23 août 2010 dont le PREFET DE POLICE fait appel, le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Paris a annulé cet arrêté au motif qu'il portait atteinte à l'intérêt supérieur de ses enfants au sens de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

Considérant qu'aux termes de l'article 3-1 de cette convention : Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées, de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ; qu'il résulte de ces stipulations que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant ;

Considérant, que pour estimer que l'arrêté du PREFET DE POLICE du 19 août 2010 méconnaissait les stipulations précitées, le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Paris a relevé que M. A était entré en France en 2003 et y avait été rejoint par son épouse en 2004 et leurs deux fils nés en Tunisie respectivement en 1997 et 2000, que le couple avait eu un troisième enfant né en France en 2005, et que compte tenu des difficultés qu'il y aurait pour les aînés, eu égard à leur jeune âge lors de leur arrivée en France, ainsi que pour le dernier, à suivre une scolarité normale en Tunisie, l'arrêté méconnaissait leur intérêt supérieur ; qu'il ressort toutefois des pièces du dossier que les deux aînés, âgés de 13 et de 10 ans à la date de l'arrêté, sont arrivés de Tunisie aux âges respectifs de 7 ans et 4 ans ; que la scolarité de ces deux enfants en France a commencé au niveau du cours préparatoire pour le plus âgé et de la maternelle pour le second ; qu'à la date de l'arrêté, ils étaient inscrits seulement en classe de 6ème au collège et de CM 1 ; que, par ailleurs, le cadet né en France n'était qu'en classe maternelle à cette date ; que, dans ces conditions, l'arrêté attaqué, qui n'induit pas de séparation des enfants d'avec leurs parents, n'a pas, contrairement à ce qu'a estimé le jugement attaqué, porté atteinte à leur intérêt supérieur ; que cet arrêté n'a dès lors pas méconnu les stipulations précitées de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ; que le PREFET DE POLICE est par suite fondé à soutenir que c'est à tort que le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Paris s'est fondé sur ce motif pour annuler son arrêté du 19 août 2010 ;

Considérant qu'il appartient à la Cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par devant M. A devant le Tribunal administratif de Paris;

Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : L'autorité administrative compétente peut, par arrêté motivé, décider qu'un étranger sera reconduit à la frontière dans les cas suivants : 1° Si l'étranger ne peut justifier être rentré régulièrement en France, à moins qu'il ne soit titulaire d'un titre de séjour en cours de validité ; 2° Si l'étranger s'est maintenu sur le territoire français au-delà de la durée de validité de son visa ou, s'il n'est pas soumis à l'obligation du visa, à l'expiration d'un délai de trois mois à compter de son entrée en France sans être titulaire d'un premier titre de séjour régulièrement délivré ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. A est entré en France le 20 septembre 2003 muni d'un passeport revêtu d'un visa Schengen ; qu'il s'est toutefois maintenu sur le territoire français plus de trois mois après l'expiration de son visa sans être titulaire d'un premier titre de séjour régulièrement délivré ; qu'il relevait des dispositions précitées du 2° de cet article, et pouvait légalement faire l'objet d'un arrêté de reconduite à la frontière ;

Considérant en deuxième lieu, que, par arrêté du 28 juillet 2010, régulièrement publié au Bulletin municipal officiel de la Ville de Paris du 3 août 2010, le PREFET DE POLICE a donné à Mme Patricia Larrouy, attachée d'administration de l'intérieur et de l'outre-mer, délégation pour signer notamment les arrêtés de reconduite à la frontière ; que, par suite, le moyen tiré de ce que le signataire de l'arrêté attaqué n'aurait pas été titulaire d'une délégation régulière, manque en fait ;

Considérant, en troisième lieu, que, contrairement à ce que soutient M. A, l'arrêté attaqué comporte l'exposé des motifs de fait et de droit qui en constituent le fondement ; qu'il est dès lors motivé ; que par ailleurs il résulte des termes mêmes de cet arrêté que le PREFET DE POLICE a pris en considération la situation personnelle et familiale de l'intéressé ;

Considérant, en quatrième lieu, qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : 1°) Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2°) Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui ;

Considérant que M. A, né en 1961, se maintient en situation irrégulière en France depuis son arrivée en 2003, malgré un précédent refus de titre ; qu'il en va de même de son épouse, également de nationalité tunisienne ; qu'aucune pièce n'établit l'insertion de l'intéressé à la société française, alors qu'il est sans emploi et sans ressources régulières ; qu'il n'est pas dépourvu d'attaches en Tunisie où il a vécu jusqu'à l'âge de 43 ans ; que dans ces conditions, en dépit de la présence en France de membres de sa famille dont il est au demeurant resté longtemps séparé, ainsi que de celle de ses trois enfants, aucune circonstance ne s'opposant à la poursuite de leur vie familiale en Tunisie, eu égard aux effets d'une mesure de reconduite à la frontière, l'arrêté attaqué n'a pas porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée par rapport aux motifs de son intervention ; que, pour le même motif, cet arrêté n'est pas entaché d'erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa situation ;

Considérant, enfin, qu'aux termes du dernier alinéa de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : (...) Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires à l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 ; que ce dernier texte énonce que Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou des traitements inhumains ou dégradants ;

Considérant que si le requérant soutient que la décision distincte désignant la Tunisie pour destination de la mesure d'éloignement en litige est intervenue en méconnaissance de ces dispositions, il ne fournit aucune précision quant à la réalité des risques qu'il pourrait encourir en cas de retour en Tunisie ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le PREFET DE POLICE est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Paris a annulé son arrêté; que, par voie de conséquence, les conclusions de M. A tendant à l'application de l'article L 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées ;

D E C I D E :

Article 1er : Le jugement du magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Paris n° 1015244/8 du 23 août 2010 est annulé.

Article 2 : La demande présentée par M. A devant le Tribunal Administratif de Paris est rejetée.

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N° 10PA04877

Classement CNIJ :

C


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 10PA04877
Date de la décision : 12/07/2011
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03-02 Étrangers. Reconduite à la frontière. Légalité interne.


Composition du Tribunal
Président : Mme HELMHOLTZ
Rapporteur ?: M. Alain VINCELET
Rapporteur public ?: M. GOUES
Avocat(s) : GAFSIA

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2011-07-12;10pa04877 ?
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