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07/07/2011 | FRANCE | N°09PA02328

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 8ème chambre, 07 juillet 2011, 09PA02328


Vu le recours, enregistré le 24 avril 2009, du MINISTRE DE L'ECOLOGIE, DE L'ENERGIE, DU DEVELOPPEMENT DURABLE ET DE L'AMENAGEMENT DU TERRRITOIRE ; le MINISTRE DE L'ECOLOGIE, DE L'ENERGIE, DU DEVELOPPEMENT DURABLE ET DE L'AMENAGEMENT DU TERRRITOIRE demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0606690 du 27 février 2009 par lequel le Tribunal administratif de Paris a annulé la décision du 13 mai 2005 portant suspension des autorisations de vol de la compagnie Onur Air, l'a condamné à verser à la compagnie Onur Air une indemnité de 1 261 948, 47 euros en réparation du préj

udice subi et une somme de 2 500 euros en application de l'article...

Vu le recours, enregistré le 24 avril 2009, du MINISTRE DE L'ECOLOGIE, DE L'ENERGIE, DU DEVELOPPEMENT DURABLE ET DE L'AMENAGEMENT DU TERRRITOIRE ; le MINISTRE DE L'ECOLOGIE, DE L'ENERGIE, DU DEVELOPPEMENT DURABLE ET DE L'AMENAGEMENT DU TERRRITOIRE demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0606690 du 27 février 2009 par lequel le Tribunal administratif de Paris a annulé la décision du 13 mai 2005 portant suspension des autorisations de vol de la compagnie Onur Air, l'a condamné à verser à la compagnie Onur Air une indemnité de 1 261 948, 47 euros en réparation du préjudice subi et une somme de 2 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

2°) de rejeter la demande présentée par la compagnie Onur Air devant le Tribunal administratif de Paris ;

.....................................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de l'aviation civile ;

Vu la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 ;

Vu le décret du 4 avril 2005 portant délégation de signature (direction générale de l'aviation civile) ;

Vu l'arrêté du 3 mars 2005 portant organisation et attributions de l'administration centrale de la direction générale de l'aviation civile ;

Vu l'arrêté du 3 mars 2005 portant organisation de la direction de la régulation économique de la direction générale de l'aviation civile ;

Vu l'arrêté du 3 mars 2005 portant organisation de la direction du contrôle de la sécurité de la direction générale de l'aviation civile ;

Vu l'arrêté du 3 mars 2005 portant organisation des sous-directions de la direction du contrôle de la sécurité de la direction générale de l'aviation civile ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 30 mai 2011 :

- le rapport de Mme Bailly, rapporteur,

- les conclusions de Mme Seulin, rapporteur public,

- et les observations de Me Visy, représentant la compagnie aérienne Onur Air Tacimacilik A.S. ;

Considérant qu'après avoir été informée les 12 et 13 mai 2005 de la décision des autorités néerlandaises, allemandes et suisses de suspendre les autorisations de vols de la compagnie d'aviation turque Onur Air, la direction générale de l'aviation civile a notifié, le 13 mai en fin de journée, à ladite compagnie sa décision de suspendre, pour un motif lié à la sécurité des vols, les autorisations délivrées le 16 mars 2005 pour le programme de vols affrétés déposé pour le compte du groupe Marmara ; que l'autorisation n'a été rétablie que le 24 mai 2005, compte tenu des garanties apportées par la compagnie aérienne sur la mise en oeuvre d'un plan d'actions correctives présenté par les autorités de l'aviation civile turque ; que par un jugement du 27 février 2009, le Tribunal administratif de Paris a partiellement fait droit à la demande de la Compagnie aérienne en condamnant l'Etat à lui verser la somme de 1 261 948, 47 euros en réparation du préjudice subi ; que le MINISTRE DE L'ECOLOGIE, DE L'ENERGIE, DU DEVELOPPEMENT DURABLE ET DE L'AMENAGEMENT DU TERRRITOIRE relève régulièrement appel de ce jugement devant la Cour ;

Sur la régularité du jugement attaqué :

Considérant que par l'article 1er du jugement attaqué en date du 27 février 2009, le Tribunal administratif de Paris a annulé la décision du 13 mai 2005 par laquelle la direction générale de l'aviation civile a notifié à la compagnie d'aviation turque Onur Air la suspension immédiate de ses autorisations de vols, alors que la compagnie d'aviation avait seulement demandé la condamnation de l'Etat à l'indemniser du préjudice subi du fait de cette décision ; que le MINISTRE DE L'ECOLOGIE, DE L'ENERGIE, DU DEVELOPPEMENT DURABLE ET DE L'AMENAGEMENT DU TERRRITOIRE est, par suite, fondé à soutenir que le Tribunal administratif de Paris a statué au-delà des conclusions dont il était saisi et à demander, pour ce motif, l'annulation de l'article 1er du jugement du 27 février 2009 ;

Sur la responsabilité de l'Etat :

Considérant qu'aux termes de l'article 1er de la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs et à l'amélioration des relations entre l'administration et le public : " Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent. A cet effet, doivent être motivées les décisions qui : - restreignent l'exercice des libertés publiques ou, de manière générale, constituent une mesure de police ; (...) - retirent ou abrogent une décision créatrice de droits " ; et qu'aux termes de l'article 24 de la loi du 12 avril 2000 : " Exception faite des cas où il est statué sur une demande, les décisions individuelles qui doivent être motivées en application des articles 1er et 2 de la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs et à l'amélioration des relations entre l'administration et le public n'interviennent qu'après que la personne intéressée a été mise à même de présenter des observations écrites et, le cas échéant, sur sa demande, des observations orales. Cette personne peut se faire assister par un conseil ou représenter par un mandataire de son choix. L'autorité administrative n'est pas tenue de satisfaire les demandes d'audition abusives, notamment par leur nombre, leur caractère répétitif ou systématique. Les dispositions de l'alinéa précédent ne sont pas applicables : 1° En cas d'urgence ou de circonstances exceptionnelles (...) " ;

Considérant que le Tribunal administratif de Paris a considéré que la décision de la direction générale de l'aviation civile de suspension des autorisations de vols de la compagnie aérienne Onur Air ne devait pas nécessairement être prise dans l'urgence, sans que la compagnie aérienne ait été mise à même de présenter ses observations, tout en reconnaissant, en incise, que les anomalies constatées justifiaient pleinement la mesure de suspension des autorisations de vol ; qu'il ressort des pièces du dossier que cette décision a été prise le 13 mai 2005 après que les autorités françaises ont été informées, via la procédure d'alerte mise en place dans le cadre du programme SAFA d'évaluation de la sécurité des aéronefs étrangers existant au sein de la Conférence européenne de l'aviation civile, d'anomalies relevées par les autorités néerlandaises d'une part et allemandes d'autre part, ayant conduit ces Etats, puis la Suisse, à suspendre les autorisations accordées à ladite compagnie d'aviation ; que l'action de la direction générale de l'aviation civile, appelée à contrôler l'activité des compagnies étrangères, autorisées à voler de et vers le territoire français, afin d'assurer la police de l'espace aérien et la sécurité des aéronefs dans un but d'intérêt général de protection des usagers, est intervenue, dans ces circonstances, en urgence pour prendre les mesures appropriées, en réaction à la nature et à la gravité des anomalies relevées par les autorités d'autres pays participant au programme SAFA ; que le MINISTRE DE L'ECOLOGIE, DE L'ENERGIE, DU DEVELOPPEMENT DURABLE ET DE L'AMENAGEMENT DU TERRITOIRE est, par suite, fondé à soutenir que c'est par une inexacte appréciation des faits que le Tribunal administratif de Paris a considéré que la décision du 13 mai 2005 ne devait pas être prise dans l'urgence et à demander, pour ce motif, l'annulation du jugement du 27 février 2009 condamnant l'Etat à réparer le préjudice subi par la Compagnie aérienne Onur Air ;

Considérant toutefois qu'il appartient à la Cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel d'examiner les autres moyens invoqués en première instance et en appel par la Compagnie aérienne Onur Air ;

Considérant, en premier lieu, qu'il appartient à l'Etat d'assurer la police de l'espace aérien ainsi que la sécurité des aéronefs dans un but d'intérêt général de protection des usagers et des populations survolées ; qu'en présence d'informations en provenance de plusieurs de ses homologues européens, via la procédure d'alerte du programme européen d'évaluation de la sécurité des aéronefs étrangers constitué au sein de la Conférence européenne de l'aviation civile, il appartenait à la direction générale de l'aviation civile de prendre toute mesure permettant de préserver la sécurité aérienne ; que la compagnie d'aviation Onur Air n'est pas fondée à soutenir que la décision serait entachée d'un défaut de base légale ;

Considérant, en deuxième lieu, qu'il ressort des dispositions combinées des arrêtés du 3 mars 2005 portant, d'une part, organisation et attributions de l'administration centrale de la direction générale de l'aviation civile et, d'autre part, organisation de la direction de la régulation économique de la direction générale de l'aviation civile, que le sous-directeur du transport aérien avait bien compétence pour délivrer les autorisations d'exploitation des services aériens aux compagnies aériennes étrangères exploitant des services aériens réguliers et non réguliers à destination ou au départ du territoire français et par suite pour suspendre les dites autorisations ; que la compagnie d'aviation Onur Air n'est pas fondée à soutenir que la décision serait entachée d'incompétence ;

Considérant, en troisième lieu, que la décision litigieuse fait référence d'une part aux contrôles effectués par les services compétents des aviations civiles hollandaise et allemande sur les aéronefs exploités par la compagnie et aux graves anomalies techniques et opérationnelles mises en évidence par ces autorités qui les ont conduit, ainsi que la Suisse, à suspendre les droits de trafic de la compagnie et d'autre part à la gravité de ces faits et aux répercussions potentielles sur la sécurité des vols ; que la décision doit donc être regardée comme étant suffisamment motivée ;

Considérant, en quatrième lieu, qu'une mesure de police n'est légale que si elle est nécessaire au regard de la situation de fait existant à la date à laquelle elle a été prise, éclairée au besoin par des éléments d'information connus ultérieurement ; que, toutefois, lorsqu'il ressort d'éléments sérieux portés à sa connaissance qu'il existe un danger à la fois grave et imminent exigeant une intervention urgente qui ne peut être différée, l'autorité de police ne commet pas d'illégalité en prenant les mesures qui paraissent nécessaires au vu des informations dont elle dispose à la date de sa décision ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que la direction générale de l'aviation civile a pris la mesure de suspension des autorisations de vol critiquée à la veille du week-end de la Pentecôte et maintenu cette décision pendant onze jours en se fondant sur les décisions successives de suspension prises par les autorités néerlandaises, allemandes puis suisses les 12 et 13 mai 2005, au vu des nombreuses non-conformités relevées lors de contrôles d'aéronefs de la compagnie Onur Air par les autorités néerlandaises, ainsi que sur les résultats des inspections menées par ses propres services ; que le coordonnateur pour les Pays-Bas du programme SAFA avait transmis un état détaillé des non-conformités et des incidents relevés de nouveau après les nombreux constats analogues effectués au cours de l'année 2004 et au début de l'année 2005 sur les avions de la compagnie dans les jours précédents l'interdiction ; qu'au vu de l'ensemble de ces éléments, et eu égard, d'une part, à l'abstention de la compagnie aérienne Onur Air de prendre les mesures destinées à améliorer de façon pérenne la sécurité de ses vols et, d'autre part, aux mesures de précaution qui s'imposaient en matière de sécurité aérienne, compte tenu notamment de la répétition constatée des incidents et non-conformités sur les avions de la compagnie, la direction générale de l'aviation civile n'a pas fait une appréciation manifestement erronée du danger en considérant que tous les avions de la compagnie aérienne Onur Air devaient faire l'objet d'une mesure de suspension immédiate de leurs autorisations de vol ; que cette suspension a, par ailleurs, été levée le 24 mai suivant, dès que la compagnie aérienne a apporté des garanties sur la mise en oeuvre du plan d'action correctives présenté par les autorités de l'aviation civile turque et accepté par les autres autorités de l'aviation civile européenne ; que dans les circonstances de l'espèce, la compagnie aérienne Onur Air n'est fondée à soutenir ni que la décision serait manifestement disproportionnée ni que la direction générale de l'aviation civile n'aurait pas procédé à un examen particulier de la situation avant de prendre la décision litigieuse ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le MINISTRE DE L'ECOLOGIE, DE L'ENERGIE, DU DEVELOPPEMENT DURABLE ET DE L'AMENAGEMENT DU TERRITOIRE est fondé à soutenir que c'est à tort que le Tribunal administratif de Paris l'a condamné à indemniser la compagnie aérienne Onur Air du préjudice subi du fait de la décision par laquelle la direction générale de l'aviation civile a suspendu le 13 mai 2005 l'ensemble de ses autorisations de vols ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu'aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation. " ;

Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme que la compagnie aérienne Onur Air Tasimacilik demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;

D E C I D E :

Article 1er : Le jugement du Tribunal administratif de Paris du 27 février 2009 est annulé.

Article 2 : La demande de la compagnie aérienne Onur Air A.S. présentée devant le Tribunal administratif de Paris et le surplus de ses conclusions devant la Cour sont rejetées.

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N° 09PA02328


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 8ème chambre
Numéro d'arrêt : 09PA02328
Date de la décision : 07/07/2011
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

60-01-02-02 Responsabilité de la puissance publique. Faits susceptibles ou non d'ouvrir une action en responsabilité. Fondement de la responsabilité. Responsabilité pour faute.


Composition du Tribunal
Président : M. ROTH
Rapporteur ?: Mme Pascale BAILLY
Rapporteur public ?: Mme SEULIN
Avocat(s) : VISY

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2011-07-07;09pa02328 ?
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