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06/07/2011 | FRANCE | N°10PA04032

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 9ème chambre, 06 juillet 2011, 10PA04032


Vu la requête, enregistrée le 6 août 2010, et le mémoire complémentaire enregistré

le 4 octobre 2010 présentés pour la société NOUVELLE BERNARD, dont le siège est au 12 rue des Oliviers à Thiais (94320), par Me Gassiat ; la société NOUVELLE BERNARD demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0606568/7 du 15 juin 2010 par lequel le Tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande tendant à obtenir la décharge des rappels de taxe sur les achats de viande auxquels elle a été assujettie au titre de la période du 1er juin 2002 au 31 décembre 2003 ; >
2°) de prononcer la décharge des impositions contestées ;

3°) de mettre à la charg...

Vu la requête, enregistrée le 6 août 2010, et le mémoire complémentaire enregistré

le 4 octobre 2010 présentés pour la société NOUVELLE BERNARD, dont le siège est au 12 rue des Oliviers à Thiais (94320), par Me Gassiat ; la société NOUVELLE BERNARD demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0606568/7 du 15 juin 2010 par lequel le Tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande tendant à obtenir la décharge des rappels de taxe sur les achats de viande auxquels elle a été assujettie au titre de la période du 1er juin 2002 au 31 décembre 2003 ;

2°) de prononcer la décharge des impositions contestées ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 5 000 euros au titre de l'article

L. 761-1 du code de justice administrative ;

.....................................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le traité instituant la Communauté européenne ;

Vu la sixième directive 77/388/CEE du conseil des communautés européennes du 17 mai 1977 ;

Vu l'ordonnance n° 59-2 du 2 janvier 1959 portant loi organique relative aux lois de finances ;

Vu le code rural ;

Vu la loi n° 96-1139 du 26 décembre 1996 ;

Vu la loi n° 2000-1353 du 30 décembre 2000, notamment son article 35 ;

Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 16 juin 2011 :

- le rapport de Mme Samson,

- et les conclusions de Mme Bernard, rapporteur public ;

Sur le bien-fondé des impositions en litige :

Considérant, en premier lieu, qu'aux termes du paragraphe 1 de l'article 87 du traité instituant la Communauté européenne : Sauf dérogations prévues par le présent traité, sont incompatibles avec le marché commun, dans la mesure où elles affectent les échanges entre Etats membres, les aides accordées par les Etats ou au moyen de ressources d'Etat sous quelque forme que ce soit, qui faussent ou qui menacent de fausser la concurrence en favorisant certaines entreprises ou certaines productions ; qu'aux termes de l'article 88 du même traité : 1. La Commission procède avec les Etats membres à l'examen permanent des régimes d'aides existant dans ces Etats. (...) / 2. Si (...) la Commission constate qu'une aide accordée par un Etat ou au moyen de ressources d'Etat n'est pas compatible avec le marché commun aux termes de l'article 87 (...) elle décide que l'Etat intéressé doit la supprimer ou la modifier (...) / 3. La Commission est informée, en temps utile pour présenter ses observations, des projets tendant à instituer ou à modifier des aides. Si elle estime qu'un projet n'est pas compatible avec le marché commun, aux termes de l'article 87, elle ouvre sans délai la procédure prévue au paragraphe précédent. L'Etat membre intéressé ne peut mettre à exécution les mesures projetées, avant que cette procédure ait abouti à une décision finale ;

Considérant qu'il résulte de ces stipulations que, s'il ressortit à la compétence exclusive de la Commission européenne de décider, sous le contrôle de la Cour de justice des communautés européennes, si une aide de la nature de celles mentionnées à l'article 87 du traité est ou non, compte tenu des dérogations prévues par ce traité, compatible avec le marché commun, il incombe, en revanche, aux juridictions nationales de sanctionner, le cas échéant, l'invalidité de dispositions de droit national qui auraient institué ou modifié une telle aide en méconnaissance de l'obligation, qu'impose aux Etats membres le paragraphe 3 de l'article 88 du traité, d'en notifier à la commission, préalablement à toute mise à exécution, le projet ; que l'exercice de ce contrôle implique, notamment, de rechercher si les dispositions dont l'application est contestée instituent un régime d'aide, ou si une taxe fait partie intégrante d'une telle aide ;

Considérant qu'il résulte de la jurisprudence de la Cour de justice des communautés européennes, d'une part, que les taxes n'entrent pas dans le champ d'application des stipulations précitées du traité instituant la Communauté européenne concernant les aides d'Etat, à moins qu'elles constituent le mode de financement d'une mesure d'aide, de sorte qu'elles font partie intégrante de cette mesure, d'autre part que, pour que l'on puisse juger qu'une taxe, ou une partie d'une taxe, fait partie intégrante d'une mesure d'aide, il doit exister un lien d'affectation contraignant entre la taxe et l'aide en vertu de la réglementation nationale pertinente, en ce sens que le produit de la taxe est nécessairement affecté au financement de l'aide ;

Considérant que l'article 1er de la loi du 26 décembre 1996 relative à la collecte et à l'élimination des cadavres d'animaux et des déchets d'abattoirs et modifiant le code rural a inséré dans le code général des impôts un article 302 bis ZD instituant, à compter du 1er janvier 1997, une taxe sur les achats de viande due par les personnes qui réalisent des ventes au détail de viande, dont le produit était affecté à un fonds faisant l'objet d'une comptabilité distincte, ayant pour objet de financer la collecte et l'élimination des cadavres d'animaux et des saisies d'abattoirs reconnus impropres à la consommation humaine et animale, activités correspondant au service public de l'équarrissage défini à l'article 264 du code rural en vigueur au cours des années d'imposition en litige ; que le II de l'article 35 de la loi du 30 décembre 2000 portant loi de finances rectificative pour 2000, entré en vigueur le 1er janvier 2001, a limité à la période du 1er janvier 1997 au 31 décembre 2000 l'affectation de la taxe sur les achats de viande au fonds mentionné ci-dessus ; qu'en conséquence, à compter du 1er janvier 2001, en l'absence de dispositions prévoyant l'affectation de cette taxe, celle-ci est devenue une recette du budget général de l'Etat ; qu'à compter de cette même date, le service public de l'équarrissage a été financé au moyen d'une dotation inscrite au budget général de l'Etat ; qu'aux termes du premier alinéa de l'article 18 de l'ordonnance du 2 janvier 1959 portant loi organique relative aux lois de finances, en vigueur au cours des années d'imposition en litige : Il est fait recette du montant intégral des produits, sans contraction entre les recettes et les dépenses. L'ensemble des recettes assurant l'exécution de l'ensemble des dépenses, toutes les recettes et toutes les dépenses sont imputées à un compte unique, intitulé budget général ; qu'en vertu du principe à valeur constitutionnelle d'universalité budgétaire résultant de ces dispositions, les recettes et les dépenses doivent figurer au budget de l'Etat pour leur montant brut, sans être contractées, et l'affectation d'une recette déterminée à la couverture d'une dépense déterminée est interdite, sous réserve des exceptions prévues au second alinéa de l'article 18 ; qu'en application de ce principe et de la législation nationale relative à la taxe sur les achats de viande, et sans qu'il soit besoin de se référer aux travaux parlementaires dont est issu l'article 35 de la loi du 30 décembre 2000, à compter du 1er janvier 2001, il n'existait juridiquement aucun lien d'affectation contraignant entre la taxe et le service public de l'équarrissage, et aucun rapport entre le produit de la taxe et le montant du financement public attribué à ce service ; qu'en exécution des règles ainsi applicables, à compter de cette même date, la taxe sur les achats de viande était une recette du budget général, dépourvue de tout lien avec le budget du ministère de l'agriculture et la dotation inscrite à ce budget servant à financer le service public de l'équarrissage ;

Considérant, en deuxième lieu, que la taxe sur les achats de viande n'entrant pas, à compter du 1er janvier 2001, dans le champ d'application des stipulations précitées du traité instituant la Communauté européenne concernant les aides d'Etat, la société requérante ne peut invoquer, au soutien de sa demande en restitution de l'imposition en litige, une éventuelle méconnaissance par les autorités françaises, à l'occasion de la modification du mode de financement du service public de l'équarrissage résultant des dispositions de l'article 35 de la loi du 30 décembre 2000, des obligations qu'imposent la première et la dernière phrases du paragraphe 3 de l'article 88 du traité instituant la Communauté européenne ;

Considérant, en troisième lieu, que selon l'article 33 de la sixième directive du Conseil des communautés européennes du 17 mai 1977, relative à l'harmonisation des législations des Etats membres en matière de taxe sur le chiffre d'affaires, dont les dispositions sont reprises à l'article 401 de la directive 2006/112/CE du 28 novembre 2006 relative au système commun de taxe sur la valeur ajoutée , les dispositions de cette directive ne font pas obstacle au maintien ou à l'introduction par un Etat membre...de tous impôts, droits et taxes n'ayant pas le caractère de taxes sur le chiffre d'affaires ; que, contrairement à ce que soutient la société requérante, la taxe sur les achats de viande, qui n'est appliquée qu'une seule fois à l'occasion de l'achat de produits à base de viande par les détaillants et non au moment de la vente de ces produits, ne peut être regardée comme un impôt général grevant la circulation des biens et services et frappant les transactions commerciales d'une façon comparable à une taxe sur le chiffre d'affaires ; qu'il suit de là que les moyens tirés de l'incompatibilité de la taxe litigieuse avec les dispositions de l'article 33 de la sixième directive reprises à l'article 401 de la directive 2006/112/CE qui fixent les objectifs relatifs à la détermination de la base d'imposition à la taxe sur la valeur ajoutée ne peuvent qu'être écartés ; que les instructions dont se prévaut la requérante ne peuvent être regardées comme contenant une interprétation différente de la loi fiscale ;

Considérant, enfin, que la taxe sur les achats de viande n'assurant pas dans le cadre d'un lien d'affectation contraignant, à compter du 1er janvier 2001, le financement du service public de l'équarrissage, la société ne peut utilement invoquer le moyen tiré de la méconnaissance du principe pollueur-payeur ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la société NOUVELLE BERNARD n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande de décharge des droits de taxe sur les achats de viandes et des pénalités y afférentes auxquels elle a été assujettie au titre de la période du 1er juin 2002 au

31 décembre 2003 ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu'aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation. ;

Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à la condamnation de l'Etat qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante ;

D E C I D E :

Article 1er : La requête de la société NOUVELLE BERNARD est rejetée.

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N° 10PA04032


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 9ème chambre
Numéro d'arrêt : 10PA04032
Date de la décision : 06/07/2011
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

19-01-03-06 Contributions et taxes. Généralités. Règles générales d'établissement de l'impôt. Dégrèvement.


Composition du Tribunal
Président : M. STORTZ
Rapporteur ?: Mme Dominique SAMSON
Rapporteur public ?: Mme BERNARD
Avocat(s) : GASSIAT

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2011-07-06;10pa04032 ?
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