Vu la requête, enregistrée le 2 avril 2010, présentée pour Mlle Emilija A, demeurant au ..., par Me Costamagna ; Mlle A demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 0909956/5-1 du 29 octobre 2009 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet de police du 8 juin 2009 refusant de lui renouveler son titre de séjour et l'obligeant à quitter le territoire français avec fixation du pays de destination ;
2°) d'annuler ledit arrêté pour excès de pouvoir ;
3°) d'enjoindre au préfet de police de lui délivrer un titre de séjour ou, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation administrative et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour durant le temps de ce réexamen, dans le délai de quinze jours suivant la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 150 euros par jour de retard sur le fondement de l'article L. 911-1 et L. 911-2 du code de justice administrative ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros au titre des articles 37 et 75 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, sous réserve que son avocat renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat ;
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Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la décision en date du 18 février 2010 du bureau d'aide juridictionnelle près le Tribunal de grande instance de Paris, accordant à la requérante le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale dans le cadre de la présente instance, à la suite de sa demande du 4 décembre 2009 ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu la loi n° 2006-911 du 24 juillet 2006 relative à l'immigration et l'intégration ;
Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 14 juin 2011 :
- le rapport de M. Privesse, rapporteur,
- les conclusions de Mme Seulin, rapporteur public,
- et les observations de Me Costamagna, représentant Mlle A ;
Considérant que Mlle A, née le 4 mai 1965 et de nationalité serbe, a sollicité le renouvellement de son titre de séjour, en dernier lieu le 29 avril 2008 ; que, par l'arrêté litigieux en date du 8 juin 2009, le préfet de police a opposé un refus à sa demande de titre de séjour, en assortissant ce refus d'une obligation de quitter le territoire français, et a fixé le pays de renvoi ; que Mlle A relève régulièrement appel du jugement du 29 octobre 2009 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté susmentionné ;
Sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête ;
Considérant d'une part, que Mlle A a sollicitée en préfecture le 29 avril 2008 le réexamen de sa situation, aux fins d'obtenir le renouvellement de son titre de séjour, comme en témoigne le formulaire qu'elle a alors rempli ; que ce formulaire n'a pas été renseigné à la rubrique titre de séjour demandé , et qu'il n'est pas davantage établi par les autres pièces du dossier que l'intéressée ait présenté à cette date une demande de titre de séjour en qualité d'étudiante, d'autant qu'il n'est pas contredit qu'elle ne pouvait justifier d'aucune inscription dans un établissement d'enseignement ; qu'à l'inverse, il résulte des termes mêmes de l'arrêté litigieux en date du 8 juin 2009, que Mlle A a expressément sollicité le renouvellement de son précédent titre de séjour, à savoir un titre de séjour en qualité de salariée, ou à tout le moins un titre lui permettant d'exercer ses activités artistiques en qualité de dessinatrice et graphiste, notamment spécialisée dans la conception et la réalisation des costumes de théâtre ;
Considérant d'autre part, que Mlle A fait valoir qu'elle réside de manière continue sur le territoire français depuis son arrivée, le 17 juin 1998, soit depuis plus de dix ans à la date de l'arrêté litigieux, qu'elle a fait de la France le centre de ses intérêts privés et professionnels, y disposant d'un domicile stable depuis 2005, et qu'elle est parfaitement intégrée dans la société française ; qu'il ressort des pièces du dossier que Mlle A, entrée régulièrement en France en étant munie d'un visa prolongé à deux reprises, et dans le cadre d'un échange entre les deux écoles nationales des Beaux-Arts de Belgrade et de Paris, a ensuite bénéficié de contrats intermittents dans son domaine d'activité, puis d'un contrat à durée indéterminée suivi d'autorisations lui permettant de travailler ou de titres de séjour salarié à compter du 1er mars 2003 renouvelés jusqu'au 2 juillet 2007, et enfin de récépissés de demande de renouvellement de titre de séjour jusqu'au 24 avril 2009 ; que durant cette période, elle a été recrutée le 23 septembre 2002 sous contrat à durée indéterminée en tant qu'assistante de directeur artistique, puis, licenciée économique en décembre 2006, a bénéficié de contrats temporaires, ayant ensuite créé en 2006 une micro-entreprise ; que les pièces produites établissent suffisamment sa bonne intégration, la continuité de son séjour en France depuis son entrée régulière, ainsi que l'intensité de son activité principale de création ou d'exploitation d'oeuvres de l'esprit, pour le compte de marques reconnues et dans le cadre d'actions de prestige ou de mécénat, lui permettant de disposer de revenus réguliers et suffisamment stables pour subvenir durablement à ses besoins ; que dans ces conditions, l'arrêté litigieux portant refus de titre de séjour est entaché d'erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur la situation personnelle de l'intéressée ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que Mlle A est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet de police en date du 8 juin 2009 ;
Sur les conclusions aux fins d'injonction :
Considérant qu'aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution ;
Considérant qu'eu égard au motif d'annulation ci-dessus retenu, et sous réserve d'un changement substantiel dans la situation de droit ou de fait de Mlle A, l'exécution du présent arrêt implique nécessairement la délivrance à cette dernière d'une carte de séjour temporaire d'un an ; que par suite, il y a lieu d'enjoindre au préfet de police de délivrer ce titre dans le délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt ; qu'en revanche, il n'y a pas lieu d'assortir cette injonction d'une astreinte ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions combinées de l'article 37 de la loi susvisée du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant que Mlle A, ayant obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale, il s'ensuit que son conseil est fondé à se prévaloir des dispositions combinées de l'article 37 de la loi susvisée du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; que dès lors, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce et sous réserve que Me Costamagna, avocat de la requérante, renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat à la mission d'aide juridictionnelle qui lui a été confiée, de mettre à la charge de l'État le versement à cet avocat de la somme de 1 500 euros, au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;
D E C I D E :
Article 1er : Le jugement n° 0909956/5-1 du Tribunal administratif de Paris du 29 octobre 2009, ensemble l'arrêté susvisé du préfet de police en date du 8 juin 2009, sont annulés.
Article 2 : Il est enjoint au préfet de police, sous réserve d'un changement substantiel dans la situation de droit ou de fait de l'intéressée et dans un délai maximum de deux mois à compter de la notification du présent arrêt, de délivrer à Mlle A une carte de séjour temporaire d'un an. L'administration tiendra le greffe (service de l'exécution) immédiatement informé des mesures prises en vertu de cette injonction.
Article 3 : L'Etat versera à Me Costamagna la somme de 1 500 (mille cinq cents) euros au titre des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 alinéa 2 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve qu'elle renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat à l'aide juridictionnelle.
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N° 10PA01661