Vu la requête, enregistrée le 6 janvier 2009, présentée pour M. Okba Ben Belbacem A, demeurant ...), par Me Gassoch-Dujoncquoy ; M. A demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 0813264/7-2 en date du 5 décembre 2008 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet de police en date du 4 juillet 2008 refusant de lui délivrer un titre de séjour, l'obligeant à quitter le territoire français dans le délai d'un mois et fixant le pays de destination de son éloignement ;
2°) d'annuler cet arrêté ;
3°) d'enjoindre au préfet de police de lui délivrer un titre de séjour portant la mention vie privée et familiale sous astreinte de 150 euros par jour de retard à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
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Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 modifiée ;
Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 22 mars 2011 :
- le rapport de M. Piot, rapporteur,
- et les conclusions de Mme Descours-Gatin, rapporteur public ;
Considérant que M. A, de nationalité tunisienne, est entré en France le 23 février 2002, et a, le 9 avril 2003 sollicité son admission au séjour sur le fondement des dispositions de l'article L. 313-11-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que le médecin, chef du service médical de la préfecture de police a, le 29 avril 2003, et, à nouveau, le 22 novembre 2004 estimé que si son état de santé nécessitait une prise en charge médicale, il pouvait bénéficier d'un traitement approprié dans son pays d'origine ; que sa demande a, le 25 mars 2005, été rejetée par un arrêté du préfet de police, qui a, le 15 septembre 2005, pris à l'encontre de l'intéressé un arrêté ordonnant sa reconduite à la frontière ; que, saisi par M. A, le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Paris a, par un jugement en date du 4 novembre 2005, annulé cet arrêté en se fondant sur la gravité de la pathologie de l'intéressé et l'absence de structures sanitaires en Tunisie susceptibles de prendre en charge son traitement ; que, saisie par le préfet de police, la Cour de céans a, dans son arrêt du 15 décembre 2006, jugé au contraire que la Tunisie possédait les établissements, les médecins et les médicaments nécessaires à la prise en charge de l'intéressé, qui ne justifiait de l'impossibilité d'accès aux soins mais a néanmoins, par l'effet dévolutif de l'appel, rejeté la requête du préfet de police en jugeant qu'eu égard à l'évolution de l'état de santé de M. A l'exécution de l'arrêté ordonnant sa reconduite à la frontière lui faisait courir des risques pour sa vie et constituait un traitement inhumain au regard des stipulations des articles 2 et 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que, saisi d'un recours en cassation, le Conseil d'Etat, statuant au contentieux a, par un arrêt n° 301640 en date du 7 avril 2010, estimé que la Cour avait commis une erreur de droit en jugeant qu'eu égard à l'évolution de l'état de santé de l'intéressé postérieurement à l'intervention de l'arrêté, ledit acte devait être annulé au motif qu'elle avait retenu des circonstances postérieures à l'arrêté attaqué, mais a confirmé l'arrêt de la Cour en ce qui concerne la disponibilité des soins et leur accessibilité pour l'intéressé en Tunisie ; qu'entre temps, M. A a bénéficié d'une carte de séjour temporaire portant la mention vie privée et familiale , valable du 2 février 2007 au 1er février 2008 ; qu'il a, le 2 juin 2008, demandé le renouvellement de ce titre de séjour ; que sa demande a été rejetée par un arrêté du préfet de police en date du 4 juillet 2008 se fondant sur un nouvel avis du médecin chef du service médical de la préfecture de police en date du 27 mars 2008, le préfet de police assortissant son refus d'une obligation de quitter le territoire français et fixant le pays à destination duquel il pourra être reconduit ; que M. A fait appel du jugement en date du 5 décembre 2008 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation dudit arrêté ;
Sur les conclusions tendant à l'annulation de la décision de refus de renouvellement du titre de séjour de M. A :
Considérant, en premier lieu, qu'il ressort des pièces du dossier que la décision attaquée comporte les considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement, et répond ainsi aux prescriptions de l'article 1er de la loi du 11 juillet 1979 susvisée ; que l'administration n'avait pas, contrairement à ce que soutient M. A, l'obligation de rappeler dans sa décision les procédures contentieuses susmentionnées ; qu'ainsi, le moyen tiré de l'insuffisante motivation de la décision attaquée doit être écarté ;
Considérant, en deuxième lieu, que contrairement à ce que soutient M. A, il ne ressort d'aucun élément du dossier que sa situation personnelle n'aurait pas fait l'objet d'un examen particulier de la part du préfet de police ;
Considérant, en troisième lieu, que M. A fait valoir que l'avis du médecin, chef du service médical de la préfecture de police en date du 27 mars 2008 est erroné et non objectivement motivé eu égard à la gravité de la pathologie dont il souffre depuis cinq ans et en contradiction avec un précédent avis ; que, toutefois cet avis indique expressément que l'état de santé du requérant nécessite une prise en charge médicale, que le défaut de cette prise en charge peut entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, que les soins nécessités par son état de santé présentent un caractère de longue durée et enfin que le traitement est disponible en Tunisie ; que la circonstance que le médecin revienne sur un avis antérieur favorable au séjour est sans incidence sur la régularité de la décision attaquée ; qu'enfin, le secret médical interdisait au médecin de motiver davantage son avis ; que, par suite, ce moyen doit également être écarté ;
Considérant, en quatrième lieu, que, contrairement à ce que soutient M. A, le préfet de police ne s'est pas estimé en situation de compétence liée, dès lors qu'il ressort des termes mêmes de l'arrêté que s'il s'est fondé sur l'avis du médecin chef, il a porté sa propre appréciation sur la possibilité d'admission au séjour de l'intéressé, notamment eu égard à l'état de santé de celui-ci ;
Considérant, en cinquième lieu, qu'aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention vie privée et familiale est délivrée de plein droit : (...) 11° A l'étranger résidant habituellement en France dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve qu'il ne puisse effectivement bénéficier d'un traitement approprié dans le pays dont il est originaire (...) ;
Considérant, d'une part, que le requérant fait valoir que le traitement nécessité par le diabète de type 1, compliqué d'une rétinopathie et d'hypertension artérielle avec une microalbuminurie positive, dont il souffre ne serait pas disponible en Tunisie ; que, toutefois, en se bornant à indiquer que les structures et moyens tant en équipements qu'en personnel sont insuffisants, tant en qualité qu'en quantité, en Tunisie pour traiter ses affections , il n'apporte aucune précision sur les structures hospitalières et les médicaments qui feraient défaut en Tunisie pour qu'il y soit effectivement soigné ; que des certificats médicaux établis par le professeur Christin-Maître, adjoint au chef de service d'endocrinologie-diabétologie de l'Hôpital Saint-Antoine à Paris qu'il produit se bornent à indiquer qu'il ne pourrait bénéficier d'un traitement approprié dans son pays d'origine ; que la Cour de céans a, par un arrêt en date du 15 décembre 2006, confirmé par un arrêt du Conseil d'Etat en date du 7 avril 2010, estimé que si la gravité de la pathologie et la nécessité de bénéficier d'un traitement le concernant sont établies, la Tunisie n'est dépourvue ni d'établissements ni de médecins ni de médicaments permettant une prise en charge appropriée du diabète et des autres pathologies dont il souffre ; qu'ainsi, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions précitées et de l'erreur manifeste d'appréciation entachant la décision du préfet de police doit être écarté ;
Considérant, d'autre part, que si M. A soutient qu'il ne pourrait accéder de manière effective à son traitement et aux médicaments particulièrement coûteux qui lui sont nécessaires, quand bien même ceux-ci seraient disponibles, en raison de l'insuffisance de ses revenus et de l'absence de couverture sociale en Tunisie, la Cour de céans a, par l'arrêt précité en date du 15 décembre 2006, confirmé sur ce point par l'arrêt du Conseil d'Etat, statuant au contentieux, en date du 7 avril 2010, jugé qu'il existe en Tunisie depuis plusieurs années un régime permettant un accès gratuit aux soins aux personnes dépourvues de ressources ou dont les ressources sont inférieures à certains seuils ; que l'intéressé ne fait état d'aucune circonstance qui lui interdirait d'en bénéficier ; que s'il allègue qu'il est dépourvu dans son pays d'origine de famille susceptible de prendre en charge les soins qui lui sont nécessaires, il n'est pas établi par les pièces versées au dossier que la présence d'une tierce personne lui serait nécessaire ; qu'en outre, l'intéressé ne peut utilement à se prévaloir de la circulaire du 12 mai 1998 relative à la possibilité pour les intéressés de bénéficier ou non d'un traitement approprié à leur état dans leur pays d'origine, cette circulaire étant dépourvue de valeur réglementaire ;
Considérant, en sixième lieu, qu'aux termes de l'alinéa 1 de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, modifié par l'article 40 de la loi du 20 novembre 2007 : La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11 ou la carte de séjour temporaire mentionnée au 1° de l'article L. 313-10 sur le fondement du troisième alinéa de cet article peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 311-7 ; que M. A soutient que sa situation lui permet d'invoquer des considérations humanitaires au sens de ces dispositions et qu'il peut se prévaloir de motifs exceptionnels justifiant son admission au séjour, compte tenu de son activité professionnelle, de l'ancienneté de son séjour en France ainsi que de son état de santé ; que toutefois, ces circonstances ne sont pas de nature à lui ouvrir droit à la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement des dispositions précitées dès lors qu'il n'a pas présenté de demande de titre de séjour sur ce fondement et que le préfet de police n'était pas tenu d'examiner sa demande sur d'autres fondements que ceux invoqués par lui ;
Considérant, en septième lieu, qu'en se bornant à soutenir que certaines demandes de régularisation semblables à la sienne ont été admises, il ne justifie pas que la décision attaquée comporte à son détriment une discrimination interdite par les stipulations de l'article 14 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que, dès lors, le moyen tiré de ce que la décision attaquée aurait méconnu ces stipulations ne peut qu'être écarté ;
Considérant, en huitième lieu, qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que la décision attaquée serait entachée d'erreur manifeste d'appréciation au regard de ses conséquences sur la situation personnelle de l'intéressé ;
Considérant, en neuvième lieu, qu'aux termes de l'article L. 312-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, Dans chaque département, est instituée une commission du titre de séjour (...) ; qu'aux termes de l'article L. 312-2 de ce même code : La commission est saisie par l'autorité administrative lorsque celle-ci envisage de refuser de délivrer ou de renouveler une carte de séjour temporaire à un étranger mentionné à l'article L. 313-11 ou de délivrer une carte de résident à un étranger mentionné aux articles L. 314-11 et L. 314-12, ainsi que dans le cas prévu à l'article L. 431-3. ; qu'il résulte de ces dispositions que le préfet, ou à Paris le préfet de police, est tenu de saisir la commission du titre de séjour du cas des seuls étrangers qui remplissent effectivement les conditions prévues aux articles L. 313-11, L. 314-11, L. 314-12 et L. 431-3 du code de l'entrée et du séjour et du droit d'asile auxquels il envisage de refuser le titre de séjour sollicité et non de celui de tous les étrangers qui se prévalent de ces dispositions ; qu'il résulte de ce qui précède que le préfet de police n'était pas tenu de soumettre le cas du requérant à la commission du titre de séjour avant de rejeter sa demande ;
Sur les conclusions tendant à l'annulation de la décision faisant obligation à M. A de quitter le territoire français :
Considérant, en premier lieu, qu'en vertu du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dans sa rédaction applicable à la date de l'arrêté attaqué, l'administration n'est pas tenue de motiver la décision obligeant un étranger à quitter le territoire français ;
Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article L. 511-4 du même code : Ne peuvent faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français (...) 10° L'étranger résidant habituellement en France dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve qu'il ne puisse effectivement bénéficier d'un traitement approprié dans le pays de renvoi (...) ; qu'il résulte de ce qui vient d'être dit que M. A peut effectivement bénéficier du traitement approprié à son état de santé en cas de retour en Tunisie ; que, par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article L. 511-4 10° du code précité ne peut qu'être écarté ;
Considérant, en troisième lieu, que si le requérant soutient que la décision attaquée méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et les dispositions de l'article L. 313-11 7° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors qu'elle porte une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée, eu égard à la durée de son séjour et de son activité professionnelle sur le territoire français, et à la nécessité pour lui de s'y maintenir pour être soigné, il ressort toutefois des pièces du dossier, ainsi qu'il vient d'être dit, que M. A, célibataire et sans charge de famille, peut effectivement bénéficier du traitement approprié à son état de santé en cas de retour en Tunisie, et qu'eu égard à la durée et aux conditions de son séjour en France à la date à laquelle elle a été prise, la décision attaquée ne peut être regardée comme ayant porté une atteinte disproportionnée à son droit à une vie privée au regard du but dans lequel elle a été prise ; que, par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations conventionnelles et des dispositions législatives susmentionnées ne peut qu'être écarté ;
Considérant, en quatrième lieu, que M. A invoque la méconnaissance des stipulations des articles 2 et 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, selon lesquelles, respectivement, Le droit de toute personne a la vie est protégé par la loi. et Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants. fait valoir que, compte tenu de son état de santé, une mesure d'éloignement lui ferait courir des risques pour sa santé en se fondant sur un précédent arrêt de la Cour de céans en date du 15 décembre 2006 jugeant qu'eu égard à l'évolution de son état de santé l'exécution d'une mesure de reconduite à la frontière lui ferait courir dans l'immédiat des risques méconnaissant les stipulations précitées ; que, toutefois, ledit arrêt a été, sur ce point, annulé par une décision n° 301640 du Conseil d'Etat, statuant au contentieux, en date du 7 avril 2010 au motif qu'à la supposer établie, une telle circonstance pouvait seulement faire obstacle, à la date à laquelle la Cour a statué, à l'exécution de la reconduite mais était sans incidence sur la légalité tant de la mesure de reconduite que de la décision fixant le pays de renvoi ; que dès lors il y a lieu de se placer à la date de la décision attaquée, pour apprécier si les stipulations précitées ont été méconnues ; qu'il ressort des pièces du dossier que le dernier certificat médical produit par le requérant, à la date d'intervention de la décision attaquée, fait état de bilans à réaliser périodiquement dans un centre hospitalier spécialisé afin d'éviter la progression des complications du diabète et de l'exploration en cours d'une myopathie ; que, compte tenu de ce qui vient d'être dit concernant la possibilité pour l'intéressé de bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans son pays d'origine, la décision l'obligeant à quitter le territoire national ne méconnaît nullement les stipulations précitées ; que, par suite, ce moyen doit être rejeté ;
Sur les conclusions tendant à l'annulation de la décision fixant le pays de destination de l'éloignement :
Considérant que si M. A invoque, par voie d'exception, à l'encontre de la décision fixant le pays à destination duquel il est susceptible d'être éloigné, l'illégalité des décisions du préfet de police portant refus de titre de séjour et lui faisant obligation de quitter le territoire, il résulte de ce qui précède que l'illégalité de ces décisions n'est pas établie ; que dès lors, ce moyen doit être écarté ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. A n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté ses conclusions tendant à l'annulation de l'arrêté litigieux ; que doivent être rejetées, par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction et tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
D E C I D E :
Article 1er : La requête de M. A est rejetée.
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N° 09PA00081