La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

11/04/2011 | FRANCE | N°10PA03031

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 8ème chambre, 11 avril 2011, 10PA03031


Vu la requête, enregistrée le 19 juin 2010, présentée pour Mme Wislène A, demeurant ..., par Me Rossinyol ; Mme A demande à la Cour :

1°) d'annuler l'ordonnance n° 0907629/2 en date du 6 mai 2010 par laquelle le président de la 2ème chambre du Tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 11 septembre 2009 par lequel le préfet du Val-de-Marne lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français et a fixé le pays de destination ;

2°) d'annuler l'arrêté préfectoral susment

ionné du 11 septembre 2009 ;

3°) d'enjoindre, sous astreinte, à l'autorité préfector...

Vu la requête, enregistrée le 19 juin 2010, présentée pour Mme Wislène A, demeurant ..., par Me Rossinyol ; Mme A demande à la Cour :

1°) d'annuler l'ordonnance n° 0907629/2 en date du 6 mai 2010 par laquelle le président de la 2ème chambre du Tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 11 septembre 2009 par lequel le préfet du Val-de-Marne lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français et a fixé le pays de destination ;

2°) d'annuler l'arrêté préfectoral susmentionné du 11 septembre 2009 ;

3°) d'enjoindre, sous astreinte, à l'autorité préfectorale de lui délivrer un titre de séjour portant la mention vie privée et familiale ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

.....................................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la décision en date du 25 novembre 2010 du bureau d'aide juridictionnelle près le Tribunal de grande instance de Paris, rejetant la demande de Mme A tendant au bénéfice de l'aide juridictionnelle dans le cadre de la présente instance, à la suite de sa demande présentée le 14 juin 2010, cette décision ayant fait l'objet d'un recours déposé le 15 décembre 2010 ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique et son décret d'application n° 91-1266 du 19 décembre 1991 ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 28 mars 2011 :

- le rapport de M. Privesse, rapporteur,

- et les conclusions de Mme Seulin, rapporteur public ;

Considérant que Mme A, née le 10 juin 1968 et de nationalité haïtienne, a sollicité le 9 septembre 2008 son admission au séjour, notamment en raison de son état de santé, et dans le but de s'insérer dans la vie professionnelle ; que, par l'arrêté litigieux en date du 11 septembre 2009, le préfet du Val-de-Marne lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, en assortissant ce refus d'une obligation de quitter le territoire français et en fixant le pays de destination ; que, par la requête susvisée, Mme A relève régulièrement appel de l'ordonnance du 6 mai 2010 par laquelle le président de la 2ème chambre du Tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté susmentionné ;

Sur la régularité de l'ordonnance :

Considérant qu'aux termes de l'article R. 222-1 du code de justice administrative : ... les présidents de formation de jugement des tribunaux et des cours peuvent, par ordonnance, ... 4° Rejeter les requêtes manifestement irrecevables, lorsque la juridiction n'est pas tenue d'inviter leur auteur à les régulariser ou qu'elles n'ont pas été régularisées à l'expiration du délai imparti par une demande en ce sens ;

Considérant qu'aux termes de l'article 39 du décret du 19 décembre 1991 portant application de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique : Lorsqu'une demande d'aide juridictionnelle en vue de se pourvoir en matière civile devant la Cour de cassation est adressée au bureau d'aide juridictionnelle établi près cette juridiction avant l'expiration du délai imparti pour le dépôt du pourvoi ou des mémoires, ce délai est interrompu. Un nouveau délai court à compter du jour de la réception par l'intéressé de la notification de la décision du bureau d'aide juridictionnelle ou, si elle est plus tardive, de la date à laquelle un auxiliaire de justice a été désigné. (...) Les délais de recours sont interrompus dans les mêmes conditions lorsque l'aide juridictionnelle est sollicitée à l'occasion d'une instance devant le Conseil d'Etat ou une juridiction administrative statuant à charge de recours devant le Conseil d'Etat ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier de première instance que l'arrêté du préfet du Val de Marne en date du 11 septembre 2009 a été notifié à Mme A le 24 septembre 2009 ; que la requérante a sollicité, le 22 octobre 2009, soit dans le délai de recours, le bénéfice de l'aide juridictionnelle ; que cette demande a donc interrompu le délai de recours ; que dans ces conditions, c'est à tort que le président de la 2ème chambre du Tribunal administratif de Melun a estimé que la demande tendant à l'annulation de l'arrêté préfectoral, présentée par Mme A le 27 octobre 2009 devant ledit tribunal, était tardive ; que par suite, l'ordonnance du Tribunal administratif de Melun en date du 6 mai 2010 doit être annulée ;

Considérant qu'il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande de Mme A devant le Tribunal administratif de Melun ;

Sur les conclusions à fin d'annulation :

Considérant en premier lieu, qu'aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention vie privée et familiale est délivrée de plein droit : / 11° A l'étranger résidant habituellement en France dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve qu'il ne puisse effectivement bénéficier d'un traitement approprié dans le pays dont il est originaire, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée. La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative, après avis du médecin inspecteur de santé publique compétent au regard du lieu de résidence de l'intéressé ou, à Paris, du médecin, chef du service médical de la préfecture de police. Le médecin inspecteur ou le médecin chef peut convoquer le demandeur pour une consultation médicale devant une commission médicale régionale dont la composition est fixée par décret en Conseil d'Etat. ;

Considérant que Mme A a fait valoir devant le Tribunal administratif de Melun qu'à la suite d'une grossesse difficile, son état de santé nécessitait un suivi médical strict ; que toutefois, le médecin-chef de la préfecture avait estimé, dans son avis du 13 mai 2009, que l'état de santé de l'intéressée ne nécessitait plus de prise en charge médicale, Mme A ayant accouché le 15 mars 2008 ; que l'intéressée ne produit aucun document de nature à démontrer qu'elle nécessitait encore des soins postérieurement à l'avis susmentionné ; que par suite, Mme A n'est pas fondée à soutenir que l'arrêté attaqué aurait méconnu les dispositions précitées de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Considérant en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article L. 313-10 du code de l'entrée et de séjour des étrangers et du droit d'asile : La carte de séjour temporaire autorisant l'exercice d'une activité professionnelle est délivrée : 1° A l'étranger titulaire d'un contrat de travail visé conformément aux dispositions de l'article L. 341-2 du code du travail. Pour l'exercice d'une activité professionnelle salariée dans un métier et une zone géographique caractérisés par des difficultés de recrutement et figurant sur une liste établie au plan national par l'autorité administrative, après consultation des organisations syndicales d'employeurs et de salariés représentatives, l'étranger se voit délivrer cette carte sans que lui soit opposable la situation de l'emploi sur le fondement du même article L. 341-2 (...) ; qu'aux termes de l'article L. 313-14 du même code : (...) la carte de séjour temporaire mentionnée au 1° de l'article L. 313-10 sur le fondement du troisième alinéa de cet article peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 311-7 ;

Considérant qu'en présence d'une demande de régularisation présentée sur le fondement de l'article L. 313-14 du même code, il appartient à l'autorité administrative de vérifier s'il est fait état de motifs exceptionnels de nature à permettre la délivrance, dans ce cadre, d'une carte de séjour temporaire portant la mention salarié ou travailleur temporaire ; que, dans cette hypothèse, un demandeur qui justifierait d'une promesse d'embauche ou d'un contrat lui permettant d'exercer une activité figurant dans la liste annexée à l'arrêté interministériel du 18 janvier 2008, ne saurait être regardé, par principe, comme attestant, par là-même, des motifs exceptionnels exigés par la loi ; qu'il appartient, en effet, à l'autorité administrative, sous le contrôle du juge, d'examiner, notamment, si la qualification, l'expérience et les diplômes de l'étranger ainsi que les caractéristiques de l'emploi auquel il postule, dans un métier et une zone géographique caractérisés par des difficultés de recrutement et recensés comme tels dans l'arrêté du 18 janvier 2008, de même que tout élément de sa situation personnelle dont l'étranger ferait état à l'appui de sa demande, tel que, par exemple, l'ancienneté de son séjour en France, peuvent constituer, en l'espèce, des motifs exceptionnels d'admission au séjour ;

Considérant cependant, que Mme A ne justifie pas avoir présenté une demande d'admission au séjour en qualité de salariée sur le fondement des dispositions de l'article

L. 313-14 précitées du même code ; qu'au demeurant, le contrat de travail dont se prévaut l'intéressée et dont la date précède de quelques jours la décision préfectorale litigieuse, ne porte pas sur une activité figurant dans la liste annexée à l'arrêté interministériel du 18 janvier 2008 ; que par suite, l'autorité préfectorale, en lui refusant une carte de séjour temporaire sur la base des seules dispositions de l'article L. 313-10 du code précité sur le motif tiré de l'absence de production, malgré l'invitation qui lui en a été faite, d'un contrat de travail revêtu du visa prévu par les dispositions de l'article R. 313-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, n'a ni commis d'erreur manifeste d'appréciation, ni outrepassé l'étendue de ses pouvoirs ; que par ailleurs, Mme A ne fait valoir aucune considération humanitaire ni aucun motif exceptionnel ; qu'elle n'est par suite pas fondée, en tout état de cause, à se prévaloir des autres dispositions prévues à l'article L. 313-14 du code précité ;

Considérant, enfin, qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : 1°) Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2°) Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui ; qu'aux termes de l'article L. 313-11 code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile susvisé Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention vie privée et familiale est délivré de plein droit : (...) / 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée (...) ;

Considérant que Mme A fait valoir qu'elle est entrée en France en septembre 2001 ; qu'elle y réside depuis lors, ayant noué en 2004 une relation maritale avec un compatriote, M. Jean Salnave B, le couple ayant eu deux enfants, nés les 25 octobre 2005 et 15 mars 2008 et une déclaration de vie maritale ayant été enregistrée le 3 novembre 2007 en mairie de Boissy-Saint-Léger ; qu'elle est bien intégrée à la société française, et que l'arrêté attaqué aurait pour conséquence de la séparer de sa cellule familiale et plus particulièrement de ses enfants ; qu'il ressort toutefois des pièces du dossier que M. B est également en situation irrégulière sur le territoire français, que leurs enfants étaient encore en bas âge à la date de la décision litigieuse, et qu'ainsi rien ne s'opposait à ce que Mme A reconstitue sa vie familiale dans son pays d'origine avec son concubin et ses enfants ; qu'en outre, l'intéressée ne justifie son établissement continu et habituel en France que de façon récente, à partir du début de 2005, celle-ci ayant quitté son pays d'origine à l'âge de 29 ans, et n'établissant pas ne plus y avoir d'attaches familiales ; que par suite, la décision de refus du 11 septembre 2009 n'a pu porter au droit de Mme A au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au but en vue duquel elle a été prise ; qu'ainsi, cette décision n'a méconnu ni les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ni les dispositions de l'article L. 313-11 7° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et n'est pas entachée d'erreur manifeste d'appréciation ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que Mme A n'est pas fondée à demander l'annulation de l'arrêté du préfet du Val-de-Marne du 11 septembre 2009 ; que par voie de conséquence, ses conclusions aux fins d'injonction ainsi que celles présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être également rejetées ;

D E C I D E :

Article 1er : L'ordonnance n° 0907629/2 du 6 mai 2010 par laquelle le président de la 2ème chambre du Tribunal administratif de Melun a rejeté la demande de Mme A est annulée.

Article 2 : La demande présentée par Mme A devant le Tribunal administratif de Melun et ses conclusions devant la Cour sont rejetées.

''

''

''

''

2

N° 10PA03031


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 8ème chambre
Numéro d'arrêt : 10PA03031
Date de la décision : 11/04/2011
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. ROTH
Rapporteur ?: M. Jean-Claude PRIVESSE
Rapporteur public ?: Mme SEULIN
Avocat(s) : ROSSINYOL

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2011-04-11;10pa03031 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award