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07/04/2011 | FRANCE | N°10PA00811

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 3 ème chambre, 07 avril 2011, 10PA00811


Vu la requête, enregistrée le 15 février 2010, présentée pour M. Didier B et Mme Valérie B née , demeurant ..., agissant en leur nom propre et en leur qualité de représentants légaux de leurs fils Maxime B, ainsi que pour Mathieu B, demeurant ..., par la SELARL Coubris Courtois et associés ; les consorts B demandent à la Cour :

1°) de réformer le jugement n° 0615156/6-1 en date du 11 décembre 2009 du Tribunal administratif de Paris, en ce qu'il n'a fait que partiellement droit à leur demande tendant à ce que l'Etablissement français du sang (EFS) soit condamné à ré

parer leurs préjudices résultant de la contamination de M. Didier B par le ...

Vu la requête, enregistrée le 15 février 2010, présentée pour M. Didier B et Mme Valérie B née , demeurant ..., agissant en leur nom propre et en leur qualité de représentants légaux de leurs fils Maxime B, ainsi que pour Mathieu B, demeurant ..., par la SELARL Coubris Courtois et associés ; les consorts B demandent à la Cour :

1°) de réformer le jugement n° 0615156/6-1 en date du 11 décembre 2009 du Tribunal administratif de Paris, en ce qu'il n'a fait que partiellement droit à leur demande tendant à ce que l'Etablissement français du sang (EFS) soit condamné à réparer leurs préjudices résultant de la contamination de M. Didier B par le virus de l'hépatite C, en leur versant une somme totale de 240 000 euros ;

2°) de condamner l'EFS à leur verser la somme totale de 240 000 euros, assortie des intérêts au taux légal à compter du 13 octobre 2006, comprenant les sommes de 184 000 euros correspondant au préjudice de M. B, 20 000 euros au préjudice de Mme B et 18 000 euros aux préjudices respectifs de Maxime et Mathieu B ;

3°) d'ordonner une expertise complémentaire en vue de déterminer si l'état de santé de M. B est consolidé et les préjudices additionnels en découlant ;

4°) de mettre à la charge de l'EFS les dépens, en ce compris les frais d'expertise et une somme de 3 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

...................................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de la santé publique ;

Vu le code de la sécurité sociale ;

Vu la loi n° 2008-1330 du 17 décembre 2008 de financement de la sécurité sociale et notamment son article 67 ;

Vu le décret n° 2010-251 du 11 mars 2010 relatif à l'indemnisation des victimes de préjudices résultant de contaminations par le virus d'immunodéficience humaine ou par le virus de l'hépatite C causées par une transfusion de produits sanguins ou une injection de médicaments dérivés du sang ainsi qu'à l'indemnisation des victimes de préjudices résultant de vaccinations obligatoires ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 10 mars 2011 :

- le rapport de Mme Renaudin, rapporteur,

- et les conclusions de M. Jarrige, rapporteur public ;

Considérant que M. B, né en 1958, a été victime en juillet 1976 d'un accident de la route, pour lequel il a été hospitalisé à l'hôpital de Fontainebleau ; qu'entre 1978 et 1987 il a dû subir de multiples interventions chirurgicales au centre médico-chirurgical de la Porte de Choisy à Paris, notamment pour la mise en place d'une prothèse de la hanche en 1978 et la réparation des dommages corporels liés à un second accident de la route survenu en décembre 1985 ; qu'au décours de ces interventions, M. B a bénéficié de transfusions sanguines ; qu'un bilan sanguin effectué en janvier 2003 a révélé qu'il était atteint d'une hépatite C ; que M. B, son épouse et ses deux enfants ont recherché la responsabilité de l'EFS dans sa contamination par le virus de l'hépatite C ; qu'après avoir ordonné une expertise confiée au Professeur C dont le rapport a été rendu le 22 juin 2006, le Tribunal administratif de Paris a, par jugement du 11 décembre 2009, après avoir considéré que les consorts B apportaient un faisceau d'éléments conférant à l'hypothèse de la contamination par les transfusions administrées à l'intéressé entre 1976 et 1987 un degré suffisamment élevé de vraisemblance, retenu que la responsabilité de l'EFS devait être regardée comme engagée à raison de l'ensemble des conséquences dommageables de la contamination de M. B et condamné l'EFS à verser à M. B la somme de 27 500 euros, à Mme B la somme de 3 000 euros, à M. et Mme B, en leur qualité de représentants légaux de leur fils mineur Maxime, la somme de 1 500 euros et à M. Mathieu B la somme de 1 500 euros, sommes assortie des intérêts au taux légal à compter du 13 octobre 2006 ; que les consorts B relèvent appel de ce jugement en ce qu'il n'a fait que partiellement droit à leurs demandes indemnitaires ;

Sur la recevabilité de l'intervention de la société Covea Risks :

Considérant que la société Covea Risks, assureur du centre national de transfusion sanguine, justifie d'un intérêt lui donnant qualité pour intervenir au soutien des conclusions présentées par l'EFS, en ce que ce dernier vient aux droits du centre national de transfusion sanguine ; qu'elle a intérêt au rejet de la requête ; que, par suite, son intervention doit être admise ;

Sans qu'il soit besoin de statuer sur la fin de non-recevoir opposée par l'EFS ;

Sur la mise en cause de l'ONIAM :

Considérant qu'aux termes de l'article L. 1221-14 du code de la santé publique dans sa rédaction issue du paragraphe I de l'article 67 de la loi du 17 décembre 2008 de financement de la sécurité sociale : Les victimes de préjudices résultant de la contamination par le virus de l'hépatite C causée par une transfusion de produits sanguins ou une injection de médicaments dérivés du sang réalisée sur les territoires auxquels s'applique le présent chapitre sont indemnisées par l'office mentionné à l'article L. 1142-22 dans les conditions prévues à la seconde phrase du troisième alinéa de l'article L. 3122-1, aux deuxième et troisième alinéas de l'article L. 3122-2, au premier alinéa de l'article L. 3122-3 et à l'article L. 3122-4. / Dans leur demande d'indemnisation, les victimes ou leurs ayants droit justifient de l'atteinte par le virus de l'hépatite C et des transfusions de produits sanguins ou des injections de médicaments dérivés du sang. L'office recherche les circonstances de la contamination, notamment dans les conditions prévues à l'article 102 de la loi n° 2002-303 du 4 mars 2002 relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé. (...) ; que cet article institue au profit de ces victimes, une procédure de règlement amiable devant l'ONIAM ; que le paragraphe IV de l'article 67 de la loi du 17 décembre 2008 précitée prévoit que : A compter de la date d'entrée en vigueur du présent article, l'office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales se substitue à l'Etablissement français du sang dans les contentieux en cours au titre des préjudices mentionnés à l'article L. 1221-14 du code de la santé publique n'ayant pas donné lieu à une décision irrévocable. / Dans le cadre des actions juridictionnelles en cours visant à la réparation de tels préjudices, pour bénéficier de la procédure prévue à l'article L. 1221-14 du même code, le demandeur sollicite de la juridiction saisie un sursis à statuer aux fins d'examen de sa demande par l'office. / Cependant, dans ce cas, par exception au quatrième alinéa de l'article L. 1221-14 du même code, l'échec de la procédure de règlement amiable ne peut donner lieu à une action en justice distincte de celle initialement engagée devant la juridiction compétente ; qu'il résulte de la combinaison de ces dispositions que leur entrée en vigueur est subordonnée à celle des décrets en Conseil d'Etat prévus par les articles L. 1221-14 et suivants du code de la santé publique ; que le décret susvisé du 11 mars 2010 relatif à l'indemnisation des victimes de préjudices résultant notamment de contaminations par le virus de l'hépatite C, a introduit dans le code de la santé publique une section relative à l'indemnisation des victimes de préjudices résultant de contaminations par le virus de l'hépatite C causées par une transfusion de produits sanguins ou une injection de médicaments dérivés du sang aux articles R. 1221-69 et suivants de ce code ; qu'aux termes de l'article 7 dudit décret : Les dispositions du présent décret relatives à l'indemnisation des préjudices résultant de contaminations par le virus de l'hépatite C causées par une transfusion de produits sanguins ou une injection de médicaments dérivés du sang sont applicables quelle que soit la date de réalisation de la transfusion ou de l'injection. Elles sont applicables aux instances en cours n'ayant pas donné lieu à une décision irrévocable. et qu'aux termes de son article 8 : Les dispositions du présent décret entrent en vigueur le premier jour du troisième mois suivant la publication de l'arrêté de nomination des membres du conseil d'orientation et au plus tard avant le 1er juillet 2010. ; qu'à la date du présent arrêt les dispositions de l'article L. 1221-14 du code de la santé publique sont donc entrées en vigueur ; que par conséquent l'ONIAM est substitué à l'Etablissement français du sang, pour indemniser, le cas échéant, le préjudice subi par les requérants ; que toutefois la Cour de céans, par arrêt n° 08PA03263 du 11 octobre 2010, a saisi le Conseil d'Etat, sur le fondement de l'article L. 113-1 du code de justice administrative, d'une demande d'avis sur la question de savoir si lesdites dispositions font obstacle à l'exercice par les tiers payeurs, d'un recours subrogatoire à l'encontre de l'ONIAM et, dans l'affirmative, si l'EFS doit être maintenu en cause d'appel pour statuer ce que de droit sur le recours subrogatoire des tiers payeurs ; que cette demande d'avis fait obstacle à ce que la Cour se prononce, dès le présent arrêt et avant l'avis à intervenir, sur la demande de mise hors de cause présentée par l'EFS ;

Sur la demande d'expertise supplémentaire :

Considérant que si les consorts B demandent à la Cour d'ordonner une expertise complémentaire en vue de déterminer si l'état de santé de M. B est consolidé et quels sont les préjudices additionnels en découlant, ils ne versent au dossier aucune pièce susceptible de justifier de l'évolution de l'état de santé de ce dernier et, par suite, du bien-fondé d'une telle expertise ; que cette demande devra donc être rejetée ;

Sur les droits à réparation des consorts B :

Considérant qu'en application des dispositions de l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction résultant de la loi du 21 décembre 2006 portant financement de la sécurité sociale pour 2007, le juge, saisi d'un recours de la victime d'un dommage corporel et d'un recours subrogatoire d'un organisme de sécurité sociale doit, pour chacun des postes de préjudices patrimoniaux et personnels, déterminer le montant du préjudice en précisant la part qui a été réparée par des prestations de sécurité sociale et celle qui est demeurée à la charge de la victime ; qu'il lui appartient ensuite de fixer l'indemnité mise à la charge de l'auteur du dommage au titre du poste du préjudice en tenant compte, s'il a été décidé, du partage de responsabilité avec la victime ; que le juge doit allouer cette indemnité à la victime dans la limite de la part du poste du préjudice qui n'a pas été réparée par des prestations, le solde, s'il existe, étant alloué à l'organisme de sécurité sociale ;

Considérant qu'en l'absence de dispositions réglementaires définissant les postes de préjudice, il y a lieu, pour mettre en oeuvre la méthode sus-décrite, de distinguer, parmi les préjudices de nature patrimoniale, les dépenses de santé, les frais liés au handicap, les pertes de revenus, l'incidence professionnelle et scolaire et les autres dépenses liées à ce dommage ; que parmi les préjudices personnels, sur lesquels l'organisme de sécurité sociale ne peut exercer son recours que s'il établit avoir effectivement et préalablement versé à la victime une prestation réparant de manière incontestable un tel préjudice, il y a lieu de distinguer, pour la victime directe, les souffrances physiques et morales, le préjudice esthétique et les troubles dans les conditions d'existence, envisagés indépendamment de leurs conséquences pécuniaires ;

Considérant qu'en l'espèce, la Mutuelle générale, régulièrement mise en cause, n'est pas intervenue à l'instance ;

En ce qui concerne les préjudices à caractère patrimonial :

Considérant que si les consorts B font valoir, au titre d'un préjudice patrimonial temporaire, que les dépenses de santé avancées par les organismes sociaux devront être prises en compte, aucun organisme de sécurité sociale n'étant intervenu et les requérants ne faisant pas état de dépenses restées à leur charge, il n'y a pas lieu de se prononcer sur ce chef de préjudice ;

Considérant que, de même, si les requérants mentionnent pour mémoire des pertes de gains liées aux deux jours d'incapacité temporaire totale subies par M. B pour effectuer une biopsie, ils ne produisent aucun élément susceptible de démontrer la réalité de pertes de revenus restées à la charge de l'intéressé ;

En ce qui concerne le préjudice à caractère personnel de M. B :

Considérant qu'il résulte de l'instruction que M. B souffre d'une hépatite C en état de cirrhose ; que l'expert a estimé que cette pathologie est à l'origine d'un taux d'incapacité permanente partielle compris entre 10 et 20% ; que comme il a déjà été dit M. B ne verse pas au dossier d'éléments de nature à établir que son état de santé se serait aggravé ; qu'il est constant que les traitements suivis par M. B entre 2003 et 2006 ont échoué dans l'éradication du virus et que ce dernier doit s'astreindre à un traitement visant à ralentir l'évolution de la cirrhose ; qu'il souffre d'asthénie et éprouve des souffrances morales dues aux incertitudes et aux inquiétudes légitimes quant à l'évolution de sa maladie ; que l'expert a estimé qu'il subissait un préjudice d'agrément faible, lequel affecte certaines activités sportives ; que, compte tenu de ces éléments, les premiers juges n'ont pas fait une insuffisante appréciation des troubles de toute nature dans les conditions d'existence subis par l'intéressé, en en fixant la réparation à la somme de 25 000 euros ; que les premiers juges n'ont par ailleurs pas fait une appréciation insuffisante des souffrances physiques subies par M. B au titre des effets secondaires des traitements qu'il a dû suivre ainsi que de la biopsie avec ponction hépatique qu'il a dû subir, évaluées par l'expert à 2 ou 3 sur une échelle de 7, en lui octroyant la somme de 2 500 euros à ce titre ; qu'il résulte de ce qui précède que les premiers juges ont fait une juste appréciation de l'ensemble des préjudices à caractère personnel de M. B en lui en allouant une somme de 27 500 euros ;

Considérant qu'il convient d'écarter le surplus de la demande formée par M. B au titre d'un préjudice spécifique de contamination , dès lors que la contamination par le virus de l'hépatite C ne constitue pas, par elle-même, un préjudice indemnisable distinct de celui réparé ci-dessus au titre des troubles de toute nature dans les conditions d'existence ;

Sur les droits à réparation de Mme B et de Messieurs Maxime et Mathieu B :

Considérant que les premiers juges n'ont pas fait une inexacte appréciation du préjudice moral subi par l'épouse et les fils de la victime, eu égard au retentissement de l'état de santé de M. B sur la vie familiale et l'anxiété qu'il suscite chez ses proches, en leur allouant à ce titre les sommes respectives de 3 000 euros à son épouse et 1 500 euros à chacun des enfants ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que les consorts B ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris n'a fait que partiellement droit à leur demande tendant à ce que l'Etablissement français du sang, auquel est substitué l'ONIAM, soit condamné à réparer leurs préjudices résultant de la contamination de M. B par le virus de l'hépatite C ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu'en vertu des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, la Cour ne peut pas faire bénéficier la partie tenue aux dépens ou la partie perdante du paiement par l'autre partie des frais qu'elle a exposés à l'occasion du litige soumis au juge ; que les conclusions présentées à ce titre par les consorts B doivent dès lors être rejetées ;

D E C I D E :

Article 1er : L'intervention de la société Covea Risks est admise.

Article 2 : La requête des consorts B est rejetée.

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N° 10PA00811


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 3 ème chambre
Numéro d'arrêt : 10PA00811
Date de la décision : 07/04/2011
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme VETTRAINO
Rapporteur ?: Mme Mathilde RENAUDIN
Rapporteur public ?: M. JARRIGE
Avocat(s) : SELARL COUBRIS COURTOIS et ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2011-04-07;10pa00811 ?
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