Vu la requête, enregistrée le 2 avril 2008, présentée pour la société civile immobilière (SCI) DU 15 RUE DE PLAISANCE, dont le siège est au 11 bis rue Voltaire à La Garenne-Colombes (92250), par Me Lavelot ; la SCI DU 15 RUE DE PLAISANCE demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 0204796/1-2 du 5 février 2008 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande en décharge du rappel de taxe sur la valeur ajoutée qui lui a été réclamé pour la période du 1er octobre 1995 au 31 décembre 1997 ;
2°) de prononcer la décharge de l'imposition contestée et des pénalités y afférentes ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
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Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 13 janvier 2011 :
- le rapport de M. Lercher, rapporteur,
- et les conclusions de Mme Bernard, rapporteur public ;
Considérant que, par un acte du 7 janvier 1997, la SCI DU 15 RUE DE PLAISANCE, société de construction-vente dont M. est gérant et associé à 50 %, a vendu un appartement au prix de 3 300 000 F toutes taxes comprises (503 081,76 euros), dont 60 % ont été acquis par M. et 40 % par l'épouse de ce dernier, séparée de biens et non associée de la SCI ; qu'à la suite de la vérification de la comptabilité de la société, l'administration a considéré que cette vente avait été consentie à un prix inférieur à la valeur vénale du bien et a estimé cette dernière à la somme de 3 800 000 F toutes taxes comprises (579 306,27 euros) ; que l'insuffisance de prix a été réintégrée au résultat de la SCI, ce qui a entraîné un rappel de taxe sur la valeur ajoutée immobilière d'un montant de 85 542 F (13 040,79 euros) ; que la SCI DU 15 RUE DE PLAISANCE relève appel du jugement du 5 février 2008 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande en décharge dudit rappel de taxe sur la valeur ajoutée et des pénalités dont il est assorti ;
Sur la fin de non recevoir soulevée par le ministre :
Considérant que la réclamation initiale de la SCI DU 15 RUE DE PLAISANCE avait pour objet un rappel de taxe sur la valeur ajoutée résultant de l'insuffisance de prix réintégrée par le service dans son résultat au titre de l'année 1997 ; que le litige dont la cour est saisi porte donc sur un montant en droits de 85 542 F (13 040,79 euros), assorti d'intérêts de retard de 977,96 euros et de pénalités de 34 216 F (5 216,20 euros), soit un quantum total de 19 234,95 euros ; que le ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique est donc fondé à soutenir que le quantum du litige objet des conclusions de la requête de la SCI DU 15 RUE DE PLAISANCE doit être limité à la somme de 19 234,95 euros ;
Sur la régularité du jugement :
Considérant, en premier lieu, que la société requérante soutient que le jugement attaqué n'a pas répondu au moyen tiré de ce qu'en omettant de se référer aux dispositions du 2 de l'article 266 du code général des impôts, l'administration n'aurait pas motivé en droit la substitution de la valeur vénale au prix de vente comme base d'imposition à la taxe sur la valeur ajoutée s'agissant d'une opération relevant des dispositions du 7° de l'article 257 du code général des impôts ; que, toutefois, les premiers juges, qui n'étaient pas tenus de répondre à tous les arguments développés par la requérante, ont suffisamment répondu au moyen en jugeant que la notification de redressements du 15 octobre 1998 était suffisamment motivée tant en fait qu'en droit ;
Considérant, en second lieu, qu'en vertu du principe de l'indépendance des procédures concernant deux contribuables distincts, la circonstance que, par un jugement du 17 mars 2006, le Tribunal administratif de Paris a prononcé la décharge des pénalités pour mauvaise foi auxquelles a été assujetti M. , est sans influence sur le litige concernant la société requérante ; que, par suite, les premiers juges n'étaient pas tenus de répondre au moyen tiré de ce que le tribunal aurait examiné les mêmes faits que ceux reprochés à la société pour prononcer ladite décharge ; qu'ainsi le jugement attaqué, qui rejette la contestation de la société relative à l'application des pénalités de mauvaise foi, est suffisamment motivé ;
Sur la régularité de la procédure d'imposition :
En ce qui concerne la motivation de la notification de redressement :
Considérant qu'aux termes de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales, dans sa rédaction applicable à l'espèce : L'administration adresse au contribuable une notification de redressement qui doit être motivée de manière à lui permettre de formuler ses observations ou de faire connaître son acceptation (...) ; qu'aux termes de l'article R. 57-1 du même livre : La notification de redressement prévue par l'article L. 57 fait connaître au contribuable la nature et les motifs du redressement envisagé. L'administration invite, en même temps, le contribuable à faire parvenir son acceptation ou ses observations dans un délai de trente jours à compter de la réception de la notification ; qu'il résulte de ces dispositions que, pour être régulière, une notification de redressement doit comporter la désignation de l'impôt concerné, de l'année d'imposition et de la base d'imposition, et énoncer les motifs sur lesquels l'administration entend se fonder pour justifier les redressements envisagés, de façon à permettre au contribuable de formuler ses observations ;
Considérant que la notification de redressement du 15 octobre 1998 adressée à la SCI DU 15 RUE DE PLAISANCE comportait toutes les indications permettant au contribuable de discuter valablement du bien-fondé du redressement ; qu'ainsi, la seule circonstance qu'elle n'aurait pas mentionné certains des articles du code général des impôts dont le vérificateur a fait application, ne peut la faire regarder comme insuffisamment motivée ; que la régularité de la notification de redressement ne dépend pas du bien-fondé des motifs retenus par le service ;
Considérant qu'aux termes de l'article L. 17 du livre des procédures fiscales, dans sa rédaction applicable : En ce qui concerne les droits d'enregistrement et la taxe de publicité foncière ou la taxe sur la valeur ajoutée lorsqu'elle est due au lieu et place de ces droits ou taxe, l'administration des impôts peut rectifier le prix ou l'évaluation d'un bien ayant servi de base à la perception d'une imposition lorsque ce prix ou cette évaluation paraît inférieur à la valeur vénale réelle des biens transmis ou désignés dans les actes ou déclarations. La rectification correspondante est effectuée suivant la procédure de redressement contradictoire prévue à l'article L. 55, l'administration étant tenue d'apporter la preuve de l'insuffisance des prix exprimés et des évaluations fournies dans les actes ou déclarations. ;
Considérant que l'administration fiscale ne peut écarter le prix résultant de la volonté des parties, qui, en vertu des stipulations de l'article 11 de la 6ème directive, constitue en principe l'assiette de la taxe, et d'asseoir l'imposition d'office sur une base plus élevée qu'à la condition d'établir que celle-ci correspond à la valeur vénale réelle des biens en cause ; que, contrairement à ce qui est soutenu par la requérante, il n'en résulte pas que l'administration doive motiver la rectification qu'elle opère en mentionnant l'existence d'une fraude ou d'une évasion fiscale ;
Considérant que la SCI DU 15 RUE DE PLAISANCE ne peut utilement invoquer, en se fondant sur l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, le contenu d'une note, au surplus non publiée, du service de la législation fiscale du 8 avril 1991 qui, traitant de questions touchant à la procédure d'imposition, ne peut pas être regardée comme comportant une interprétation de la loi fiscale au sens dudit article L. 80 A ;
En ce qui concerne l'avis de la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires :
Considérant qu'aux termes de l'article L. 192 du livre des procédures fiscales, dans sa rédaction issue de l'article 10-I de la loi n° 87-502 du 8 juillet 1987 : Lorsque l'une des commissions visées à l'article L. 59 est saisie d'un litige ou d'un redressement, l'administration supporte la charge de la preuve en cas de réclamation, quel que soit l'avis rendu par la commission. Toutefois, la charge de la preuve incombe au contribuable lorsque la comptabilité comporte de graves irrégularités et que l'imposition a été établie conformément à l'avis de la commission. La charge de la preuve des graves irrégularités invoquées par l'administration incombe, en tout état de cause, à cette dernière lorsque le litige ou le redressement est soumis au juge. Elle incombe également au contribuable à défaut de comptabilité ou de pièces en tenant lieu, comme en cas de taxation d'office à l'issue d'un examen contradictoire de l'ensemble de la situation fiscale personnelle en application des dispositions des articles L. 16 et L. 69 ;
Considérant qu'il résulte de ces dispositions que les vices de forme ou de procédure dont serait entaché l'avis de la commission n'affectent pas la régularité de la procédure d'imposition et ne sont, par suite, pas de nature à entraîner la décharge de l'imposition établie à la suite des rectifications ou redressements soumis à l'examen de la commission ; que, par suite, le moyen tiré par la SCI DU 15 RUE DE PLAISANCE de ce que la commission aurait transposé à la détermination de la valeur vénale de l'immeuble en litige un avis précédemment rendu par une autre commission sur les bénéfices industriels et commerciaux de M. est inopérant au soutien de sa demande en décharge des impositions supplémentaires restant en litige ;
Sur la régularité de la mise en recouvrement des impositions :
Considérant qu'aux termes de l'article R*. 256-1 du livre des procédures fiscales, dans sa rédaction issue du décret du 20 avril 2000 : L'avis de mise en recouvrement prévu à l'article L. 256 indique pour chaque impôt ou taxe le montant global des droits, des pénalités et des intérêts de retard qui font l'objet de cet avis. - Lorsque l'avis de mise en recouvrement est consécutif à une procédure de rectification, il fait référence à la proposition prévue à l'article L. 57 ou à la notification prévue à l'article L. 76 et, le cas échéant, au document adressé au contribuable l'informant d'une modification des droits, taxes et pénalités résultant des rectifications... ;
Considérant que l'avis de mise en recouvrement du 18 octobre 2000, adressé à la SCI DU 15 RUE DE PLAISANCE, mentionne que l'imposition dont le recouvrement est mis en oeuvre est la taxe sur la valeur ajoutée, sur le fondement des articles 256 et suivants du code général des impôts et fait référence à la notification de redressements du 15 octobre 1998 ; que ce fondement est exact et vise, tel qu'il est énoncé, notamment l'application du 7° de l'article 257 du même code ; que le moyen tiré de l'insuffisance de motivation manque en fait ;
Sur le bien-fondé de l'imposition :
En ce qui concerne la prescription :
Considérant que la SCI DU 15 RUE DE PLAISANCE soutient que l'avis de mise en recouvrement du 18 octobre 2000 mentionne un montant de majorations de 45 959 F, alors que la notification de redressements du 15 octobre 1998 à laquelle il se réfère ne mentionnait que la majoration de 40 % à hauteur de 34 216 F ; que le recouvrement de la différence de 11 743 F est donc prescrit ; qu'il ressort de l'examen de la notification du 15 octobre 1998 qu'elle envisageait deux chefs de redressements, dont un rappel de taxe sur la valeur ajoutée à la suite de l'application d'un taux erroné qui n'est pas en litige dans la présente instance, et que le total des majorations, comprenant la pénalité de 40 % afférente au seul rappel de taxe sur la valeur ajoutée sur la rectification de la valeur vénale de l'immeuble en litige et les intérêts de retard afférents aux deux chefs de redressements, est de 45 959 F ; que dès lors, le moyen tiré de la prescription doit être écarté ;
En ce qui concerne la méthode d'évaluation de l'immeuble :
Considérant qu'il résulte de l'instruction que l'évaluation de la valeur vénale de l'appartement vendu au prix de 3 300 000 F toutes taxes comprises le 17 janvier 1997 a été faite par comparaison avec la moyenne du prix au m² de différentes ventes réalisées dans le même ensemble immobilier ; que la requérante n'établit pas que la méthode retenue par le service n'aurait pas été appropriée ; que si la SCI DU 15 RUE DE PLAISANCE fait valoir que l'évaluation résultant de cette méthode ne tient pas compte des caractères spécifiques du bien dont il s'agit, elle ne démontre pas qu'il y aurait lieu, au cas particulier, de pratiquer un abattement pour grande surface ; que si le bien est situé au rez-de-chaussée, la dévaluation qui en résulterait n'est pas établie dès lors que l'appartement donne sur un jardin et non sur la rue ; que si la société requérante soutient que des travaux importants ont été effectués dans l'appartement litigieux par M. , son acquéreur, ce qui justifierait un prix de vente minoré, il ne résulte pas de l'instruction que ces travaux, effectués en 1996, année antérieure à la cession litigieuse, auraient été pris en compte par l'administration pour l'évaluation de la valeur vénale du bien cédé, fondée, ainsi qu'il a été dit, sur la seule comparaison avec d'autres transactions réalisées dans le même ensemble immobilier ; que la société ne produit pas davantage d'éléments chiffrés relatifs aux frais de commercialisation que la vente directe à son associé et gérant lui aurait fait économiser ; que par suite l'administration doit être regardée comme établissant la différence entre la valeur vénale de l'immeuble et le prix mentionné dans l'acte d'acquisition dudit appartement ;
Sur les pénalités :
Considérant que l'insuffisance de prix de cession et la circonstance que ladite cession ait été faite à l'avantage principal de M. , associé à 50 % et gérant de la SCI DU 15 RUE DE PLAISANCE, ne suffit pas à établir l'absence de bonne foi de la société ; que cette dernière est donc fondée à demander la décharge des majorations de 40 % dont ont été assortis les droits contestés ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède, que la SCI DU 15 RUE DE PLAISANCE est seulement fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à la décharge des pénalités pour absence de bonne foi qui lui ont été assignées ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L 761-1 du code de justice administrative :
Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de condamner l'Etat, en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, à verser à la SCI DU 15 RUE DE PLAISANCE la somme de 1 000 euros au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;
D E C I D E :
Article 1er : La SCI DU 15 RUE DE PLAISANCE est déchargée du montant des pénalités pour absence de bonne foi qui lui ont été assignées à raison du complément de taxe sur la valeur ajoutée auquel elle a été assujettie au titre de l'année 1997.
Article 2 : Le jugement du 5 février 2008 du Tribunal administratif de Paris est réformé en ce qu'il a de contraire à la présente décision.
Article 3 : L'Etat versera à la SCI DU 15 RUE DE PLAISANCE la somme de mille euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de la SCI DU 15 RUE DE PLAISANCE est rejeté.
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N° 08PA01760