Vu la requête, enregistrée le 16 janvier 2009, présentée pour la SARL SALAISONS DE TAHITI, dont le siège est ..., par la SCP Salans et Associés ; la SARL SALAISONS DE TAHITI demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 0700413 du 14 octobre 2008 par lequel le Tribunal administratif de Polynésie française a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté n° 1181/CM du 17 août 2007 portant modification des tableaux figurant aux articles 2, 3 et 5 de l'arrêté n° 1626/CM du 15 décembre 1998 relatif au prix de la viande de porc ;
2°) d'annuler ledit arrêté pour excès de pouvoir ;
3°) d'enjoindre à la Polynésie française de prendre, dans le délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir et sous astreinte de 50 000 F CFP par jour de retard, un nouvel arrêté de prix permettant aux entreprises de salaison de la Polynésie française de parvenir à équilibrer leur activité de découpe et de revente de carcasses de porc local ;
4°) de mettre à la charge de la Polynésie française une somme de 700 000 F CFP au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
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Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la décision n° 2001/822/CE du 27 novembre 2001 du Conseil relative à l'association des pays et territoires d'outre-mer à la Communauté européenne ;
Vu la loi n° 2004-192 du 27 février 2004 portant statut d'autonomie de la Polynésie française ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 9 novembre 2010 :
- le rapport de Mme Folscheid, président-rapporteur,
- les conclusions de M. Jarrige, rapporteur public,
- et les observations de Me Especel, pour la SARL SALAISONS DE TAHITI ;
Considérant que, par un arrêté n° 1181/CM en date du 17 août 2007, publié au JOPF le 30 août 2007, le gouvernement de la Polynésie française a procédé à une augmentation des prix limite de vente de la viande de porc en modifiant les tableaux figurant aux articles 2, 3 et 5 de l'arrêté n° 1626/CM du 15 décembre 1998 relatif au prix de la viande de porc ; que la SARL SALAISONS DE TAHITI relève régulièrement appel du jugement du 14 octobre 2008 par lequel le Tribunal administratif de Polynésie française a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté du 17 août 2007 ;
Considérant qu'aux termes de l'article 90 de la loi organique n° 2004-192 du 27 février 2004 portant statut d'autonomie de la Polynésie française : Sous réserve du domaine des actes prévus par l'article 140 dénommés lois du pays, le conseil des ministres fixe les règles applicables aux matières suivantes : (...) 6° Prix, tarifs et commerce intérieur (...) ;
Considérant, en premier lieu, que la SARL SALAISONS DE TAHITI fait valoir que l'arrêté attaqué est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation en tant qu'il revalorise insuffisamment les prix limite de vente de la viande de porc local ; qu'il ressort effectivement des pièces du dossier que l'activité découpe de viande de porc local de la SARL SALAISONS DE TAHITI est structurellement déficitaire en raison de la réglementation des prix qui régit, pour les distributeurs, aussi bien les prix d'achat des carcasses, les tarifs de transport et d'abattage que les prix de vente des morceaux de porc ; que la circonstance que, sur un produit particulier, la SARL SALAISONS DE TAHITI pratiquerait un prix de vente inférieur au prix maximum autorisé est sans incidence sur ce constat ; que, toutefois, il ressort des pièces du dossier que le gouvernement polynésien a expressément pris l'arrêté contesté dans l'intérêt des distributeurs de viande de porc, dont il reconnaissait les difficultés structurelles, ainsi que l'atteste le rapport de présentation en Conseil des ministres dudit arrêté, en date du 30 juillet 2007 ; que ce rapport démontre que le gouvernement a entendu à la fois venir au soutien des distributeurs tout en préservant l'intérêt des consommateurs, auxquels une hausse plus importante du prix de la viande de porc aurait porté préjudice ; que le gouvernement a également pris en compte les circonstances que la société requérante bénéficiait d'autres avantages dans le cadre de la réglementation en vigueur en Polynésie française, notamment de quotas d'importation de viande de porc à bas prix, que l'activité découpe de viande de porc local ne représentait pas la majeure partie de l'activité de la société, et qu'enfin, la société ne présentait pas, à la date de l'arrêté contesté, de difficultés économiques mettant en péril la continuité de son exploitation ; qu'en outre, c'est à juste titre que le gouvernement, pour décider de l'ampleur de la hausse des prix de vente de la viande de porc local, ne s'est pas fondé uniquement sur le rapport technico-économique produit par la société requérante, dès lors que ce rapport se bornait à analyser les données comptables de cette société et ne prenait en compte ni la concurrence ni l'ensemble de la filière (éleveurs, producteurs,...) ni les consommateurs ; que, dans ces conditions, la société requérante n'est pas fondée à soutenir que l'arrêté du 17 août 2007 est entaché d'erreur manifeste d'appréciation ;
Considérant, en deuxième lieu, qu'il ressort du rapport de présentation précité en date du 30 juillet 2007 que le Conseil des ministres s'est attaché, par l'arrêté contesté qui révise à la hausse les prix de vente réglementés de la viande de porc local, à éviter une hausse déraisonnable de la viande de porc qui aurait pu être préjudiciable à la satisfaction des besoins essentiels de la population locale ; que l'arrêté attaqué justifie ainsi d'un intérêt public ; que, contrairement à ce qu'affirme la société requérante, les premiers juges n'ont pas entendu assigner à la réglementation attaquée un objectif exclusif d'ordre ou de santé publics ; qu'en tout état de cause, la société requérante ne démontre pas que l'arrêté attaqué serait de nature à empêcher ou interdire toute activité de distribution de la viande de porc local, ni qu'il aurait pour effet de fausser le libre jeu de la concurrence, alors qu'il est applicable à tous les acteurs du marché et qu'il ne modifie pas la réglementation relative au régime d'importation des produits de charcuterie ; que, dès lors, l'arrêté du 17 août 2007 ne méconnaît pas le principe de la liberté du commerce et de l'industrie ;
Considérant, en troisième lieu, qu'aux termes de l'article 48 de la décision 2001/822/CE du 27 novembre 2001 du Conseil relative à l'association des pays et territoires d'outre-mer à la Communauté européenne : (...) Pour assurer l'élimination des distorsions de concurrence et en tenant dûment compte des différents niveaux de développement et des besoins économiques de chaque Pays et Territoire d'Outre-mer (PTOM), la Communauté et les PTOM mettent en oeuvre des règles et des politiques nationales, territoriales ou régionales comprenant la surveillance et, dans certaines conditions, l'interdiction d'accords entre entreprises, de décisions d'associations d'entreprises et de pratiques concertées entre entreprises qui ont pour objet ou pour effet d'empêcher, de restreindre ou de fausser le jeu de la concurrence. Cette interdiction porte aussi sur l'abus par une ou plusieurs entreprises d'une position dominante sur le territoire de la Communauté ou du PTOM. ; qu'aux termes de l'article 54 de ladite décision : Les dispositions du présent chapitre ne doivent constituer ni un moyen de discrimination arbitraire ni une restriction déguisée du commerce. ;
Considérant que la SARL SALAISONS DE TAHITI fait valoir que l'arrêté attaqué méconnaît les dispositions des articles 48 et 54 de la décision 2001/822/CE du Conseil relative à l'association des pays et territoires d'outre-mer à la Communauté européenne et qu'il aurait dû être communiqué à la Commission européenne ; que, toutefois, elle ne peut utilement invoquer la violation des dispositions précitées non plus que la méconnaissance d'une obligation de transmission à la Commission dès lors que, ainsi qu'il a été dit précédemment, elle n'établit pas que l'arrêté attaqué aurait pour effet de fausser le jeu de la concurrence ou qu'il constituerait une restriction déguisée du commerce ; que, par suite, le moyen tiré de la violation des dispositions communautaires précitées doit être écarté ;
Considérant, en dernier lieu, que si la SARL SALAISONS DE TAHITI soutient que le président de la Polynésie française lui a accordé des aides fiscales à la condition expresse qu'elle utilise un minimum de 30% de viande de porc local au prix plafond fixé par la réglementation, contrainte qu'il n'a pas imposée à sa concurrente Charcuterie du Pacifique dans le cadre d'agréments fiscaux semblables, cette circonstance est sans incidence sur la légalité de l'arrêté attaqué ; qu'au surplus, les aides fiscales dont a bénéficié la société requérante sous la condition litigieuse contestée lui ont été accordées par des arrêtés d'octobre et décembre 2009, postérieurs à l'arrêté attaqué dans la présente requête ; que le moyen doit donc être écarté ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la SARL SALAISONS DE TAHITI n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, qui est suffisamment motivé, le Tribunal administratif de Polynésie française a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté n° 1181/CM du 17 août 2007 portant modification des tableaux figurant aux articles 2, 3 et 5 de l'arrêté n° 1626/CM du 15 décembre 1998 relatif au prix de la viande de porc ; que, par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction ne peuvent qu'être rejetées ;
Sur l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la Polynésie française, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, la somme que la SARL SALAISONS DE TAHITI réclame au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la SARL SALAISONS DE TAHITI la somme de 220 000 F CFP que demande la Polynésie française au titre des mêmes frais ;
D E C I D E :
Article 1er : La requête de la SARL SALAISONS DE TAHITI est rejetée.
Article 2 : La SARL SALAISONS DE TAHITI versera à la Polynésie française la somme de 220 000 F CFP au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
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N° 09PA00226