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10/11/2010 | FRANCE | N°08PA00988

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 5ème chambre, 10 novembre 2010, 08PA00988


Vu la requête, enregistrée le 27 février 2008, présentée pour la société anonyme MULTI RESTAURATION SERVICES, dont le siège social est situé 99, avenue de la Châtaigneraie, à Rueil Malmaison (92504), par Me Courjon ; la société MULTI RESTAURATION SERVICES demande à la Cour :

1°) d'annuler partiellement le jugement n° 0207201 du 28 décembre 2007 du Tribunal administratif de Paris qui n'a que partiellement fait droit à sa demande de décharge, en principal et pénalités, des suppléments de droits de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été réclamés au titre de l

a période couverte par les années 1997, 1998 et 1999 ainsi que des pénalités y a...

Vu la requête, enregistrée le 27 février 2008, présentée pour la société anonyme MULTI RESTAURATION SERVICES, dont le siège social est situé 99, avenue de la Châtaigneraie, à Rueil Malmaison (92504), par Me Courjon ; la société MULTI RESTAURATION SERVICES demande à la Cour :

1°) d'annuler partiellement le jugement n° 0207201 du 28 décembre 2007 du Tribunal administratif de Paris qui n'a que partiellement fait droit à sa demande de décharge, en principal et pénalités, des suppléments de droits de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été réclamés au titre de la période couverte par les années 1997, 1998 et 1999 ainsi que des pénalités y afférentes ;

2°) de prononcer la décharge de ces impositions;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 13 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

4°) de lui accorder les intérêts moratoires prévus par l'article L. 208 du livre des procédures fiscales ;

.....................................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code général des impôts;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 21 octobre 2010 :

- le rapport de M. Vincelet, rapporteur,

- et les conclusions de M. Gouès, rapporteur public ;

Considérant qu'au cours des années 1997 à 1999 la société anonyme MULTI RESTAURATION SERVICES, qui exerce une activité de restauration au profit de collectivités, a soumis au taux réduit de la taxe sur la valeur ajoutée les recettes tirées de ses prestations de restauration collective ainsi que celles de ses prestations annexes, qu'elles a regardées comme des ventes à emporter ; que l'administration a estimé que la totalité du produit de ces prestations principales et annexes relevait du taux normal de la taxe ; qu'elle a en conséquence assujetti la société, au titre de la période du 1er janvier 1997 au 31 décembre 1999, à des suppléments de droits de taxe sur la valeur ajoutée en conséquence de la substitution du taux normal au taux réduit appliqué par la contribuable ; qu'elle a en outre majoré des pénalités de mauvaise foi le principal de certains des droits rappelés afférents aux recettes de la restauration collective ; que la société demande l'annulation du jugement du Tribunal administratif de Paris du 28 décembre 2007 en tant que ce jugement n'a que partiellement fait droit à sa demande de décharge de ces impositions supplémentaires ;

Sur les recettes provenant des prestations de restauration collective :

Considérant qu'aux termes de l'article 279 du code général des impôts : La taxe sur la valeur ajoutée est perçue au taux réduit de 5,50 % en ce qui concerne : (...) a. bis. Les recettes provenant de la fourniture des repas dans les cantines d'entreprises et répondant aux conditions qui sont fixées par décret ; et qu'aux termes de l'article 85 bis de l'annexe III au même code, dans sa rédaction alors applicable : L'application du taux réduit de la taxe sur la valeur ajoutée aux recettes provenant de la fourniture des repas dans les cantines d'entreprises est subordonnée à la réalisation des conditions suivantes : Les personnes qui assurent la fourniture des repas doivent être liées aux entreprises avec lesquelles elles traitent par un contrat écrit prévoyant les conditions de la fourniture des repas au personnel. Elles doivent, dans le mois de son approbation par les parties, déposer un exemplaire de ce contrat auprès du service des impôts dont elles dépendent et de celui dont relèvent les entreprises avec lesquelles elles ont contracté ; Les repas doivent être servis de façon habituelle et au seul personnel de l'entreprise partie au contrat, dans les locaux de celle-ci ; Chaque consommateur doit être en mesure de justifier de son appartenance à l'entreprise ; Le prix des repas doit être sensiblement inférieur à celui pratiqué par les restaurants similaires ouverts au public ; Les opérations effectuées dans le cadre de chacun des contrats doivent être comptabilisées distinctement ; qu'il appartient au juge de l'impôt d'apprécier, au vu de l'instruction, si les recettes réalisées par le contribuable entrent dans le champ d'application du taux réduit de la taxe sur la valeur ajoutée ou dans celui du taux normal de cette taxe, eu égard aux conditions dans lesquelles sont effectuées ses opérations ;

En ce qui concerne la remise en cause du taux réduit de la taxe aux repas servis dans le cadre de la formule de restauration dite Chester Club :

Considérant que la société MULTI RESTAURATION SERVICES a mis en place, pour le compte des salariés de quatre de ses clients, les sociétés Akzo, Rank Xeros, Otis et Solvay, une formule améliorée de restauration appelée Chester Club ; que les repas pris dans le cadre de cette formule étaient servis dans un local attenant à celui de la cantine mais séparé de cette dernière et se composaient obligatoirement de trois plats, le plat principal étant servi à table par le personnel de la cantine ; qu'il en résultait un surcoût d'environ treize francs par rapport à un repas pris à la cantine et qui aurait également été composé de trois plats ; que, par ailleurs, si tous les salariés des sociétés concernées avaient libre accès à cette formule, seuls les cadres et leurs invités y avaient en fait recours ; que, dans ces conditions, compte tenu des caractéristiques susrappelées des repas pris dans le cadre du Chester Club , ceux-ci ne pouvaient être regardés comme pris dans les cantines d'entreprise au sens des dispositions légales précitées de l'article 279 du code général des impôts ; que, dès lors, et sans qu'il soit besoin d'examiner si la contribuable respectait la condition réglementaire tenant à ce que les prix des repas devaient être sensiblement inférieurs à ceux pratiqués dans les restaurants similaires ouverts au public, lesdits repas ne relevaient pas du taux réduit de la taxe sur la valeur ajoutée ;

En ce qui concerne la remise en cause du taux réduit appliqué aux petits déjeuners servis dans le cadre de la formation interne et dans les locaux d'entreprises ;

Considérant que ces petits déjeuners ont été servis aux salariés de la société France Telecom et de six de ses filiales, les sociétés Otis, Schneider, Ciba, S.N.E., Citron et Média Concept, dans le cadre de la formation interne à ces entreprises ; que pour soutenir que ces petits-déjeuners relèvent du taux réduit de la taxe, la société requérante invoque, sur le fondement de l'article L 80 A du livre des procédures fiscales, le bénéfice du paragraphe 10 de l'instruction 3 C 222 du 31 août 1994, relative aux fournitures de repas dans les cantines, selon lequel le taux réduit est applicable au prix des repas à consommer sur place facturés par les fournisseurs extérieurs et que sont assimilés aux repas les petits déjeuners et casse-croûte, sous réserve qu'ils soient exclusivement servis à consommer sur place dans le local de la cantine ; que, toutefois, le paragraphe 11 de cette instruction, relatif aux conditions d'application du taux réduit de la taxe, rappelle que ce dernier est subordonné au respect des dispositions de l'article 85 bis de l'annexe III au code ; qu'il incombe par suite à la contribuable d'établir qu'elle remplit les conditions de cet article, en particulier que les prix des petits-déjeuners servis étaient sensiblement inférieurs à ceux des restaurants similaires ouverts au public ; qu'en se bornant,en fournissant un seul terme de comparaison, à comparer les prix qu'elle pratiquait, qui auraient été compris entre 18, 70 F et 22, 50 F, avec ceux plus élevés en vigueur à la même époque dans une brasserie située dans le Jardin des Tuileries à proximité du Palais Royal, elle n'établit pas qu'elle entre dans les prévisions de la doctrine ; que dans ces conditions les petits déjeuners en cause ne relevaient pas davantage du taux réduit de la taxe ;

En ce qui concerne les recettes provenant des prestations réalisées dans le cadre des contrats conclus avec les Caisses primaires d'assurance maladie :

Considérant que la société MULTI RESTAURATION SERVICE a conclu, les 1er avril, 2 novembre et 9 décembre 1994, trois contrats de restauration collective avec les Caisses primaires d'assurance maladie (CPAM) de l'Essonne, des Hauts-de-Seine et du Val d'Oise, en vue d'assurer la fourniture de repas aux salariés dans les cantines de ces établissements ; que ces conventions prévoyaient que les tarifs pratiqués seraient soumis au taux normal de la taxe sur la valeur ajoutée et que ladite taxe serait incluse dans le prix payé par les usagers ; que dans ces conditions, la contribuable, qui, ainsi qu'il est constant, n'a pas réduit le prix de ses repas à concurrence de la substitution du taux réduit au taux normal de la taxe, doit être regardée comme ayant collecté et encaissé la taxe sur la valeur ajoutée au taux normal ; que, par suite, elle était redevable envers le Trésor de l'intégralité du montant de cette taxe, sans qu'elle puisse utilement faire valoir que compte tenu de la modicité des prix, les repas auraient relevé du taux réduit de la taxe en application de l'article 85 bis de l'annexe III au code général des impôts ; qu'est également sans incidence le fait que les contrats initialement signés avec les trois Caisses d'assurance maladie, qui prévoyaient l'application du taux réduit de la taxe, ont été modifiés sur ce point à la demande des Caisses en vue de permettre aux usagers de régler les repas au moyen de tickets-restaurant ;

Sur les recettes provenant des prestations annexes de ventes à emporter :

Considérant qu'aux termes de l'article 256 du code général des impôts I. Sont soumises à la taxe sur la valeur ajoutée les livraisons de biens et les prestations de services effectuées à titre onéreux par un assujetti agissant en tant que tel (...) ; qu'aux termes de l'article 278 dudit code, dans sa rédaction alors applicable : Le taux normal de la taxe sur la valeur ajoutée est fixé à 20, 60 % ; qu'aux termes de l'article 278 bis du code général des impôts : La taxe sur la valeur ajoutée est perçue au taux réduit de 5, 50 % en ce qui concerne les opérations d'achat, d'importation, d'acquisition intracommunautaire, de vente, de livraison, de commission, de courtage ou de façon portant sur les produits suivants : (...) 2° produits destinés à l'alimentation humaine (...) ; qu'ainsi les ventes à emporter de produits alimentaires bénéficient du taux réduit de taxe sur la valeur ajoutée ; que ne figurant pas dans l'énumération de l'article 278 bis du code général des impôts, les ventes de ces mêmes produits destinés à être consommés sur place, effectuées dans des conditions qui permettent de les qualifier de prestations de service, sont passibles du taux normal de taxe sur la valeur ajoutée ;

Considérant, en premier lieu, que la requérante a développé une activité connexe de traiteur au profit d'entreprises clientes de la Société Française de Production (S.F.P.) ; qu'à cette fin elle a installé un laboratoire dans une pièce prise à bail et située dans les locaux de cette société, dans laquelle étaient affectés en permanence quatre de ses salariés chargés d'assurer la préparation de cocktails et de buffets à l'attention du personnel de ces sociétés présent sur les plateaux de tournage de la S.F.P.; que ces préparations restaient en principe à la disposition de ce personnel, lequel venait les chercher et que plus rarement elles étaient livrées par les employés de la requérante sur les lieux de tournage ; qu'il ne résulte de l'instruction, ni qu'auraient été prévues des infrastructures, même légères, susceptibles de permettre la consommation sur place, ni que les prestations des employés de la requérante auraient excédé la préparation des plats, et le nettoyage du laboratoire ainsi que des chariots utilisés pour les transporter ; que dans ces conditions ces prestations ne sont pas prépondérantes par rapport à la livraison des produits ; qu'ainsi, les opérations en cause doivent être qualifiées de ventes à emporter passibles du taux réduit de la taxe sur la valeur ajoutée en application de l'article 278 bis du code général des impôts ; que, par suite, la société MULTI RESTAURATION SERVICES est fondée à demander que ses bases d'imposition à la taxe sur la valeur ajoutée afférente à la période du 1er janvier 1997 au 31 décembre 1999 soient réduites des rappels effectués à ce titre ;

Considérant, en second lieu, que, concernant les formules petits déjeuners et pauses servis aux personnels de la société cliente Rank Xerox, il résulte de l'instruction que la société MULTI RESTAURATION SERVICES n'effectuait que des prestations de nettoyage des chariots et des thermos utilisés pour leur transport dans les salles de réunion où ils étaient consommés ; que ces prestations ne sont pas davantage prépondérantes par rapport à la livraison des produits ; qu'ainsi, les opérations en cause doivent être également qualifiées de ventes à emporter de produits alimentaires passibles du taux réduit de taxe sur la valeur ajoutée en vertu de l'article 278 bis du code général des impôts ; que la société requérante est par suite également fondée à demander que ses bases d'imposition afférentes à la même période d'imposition soient réduites des rappels effectués à ce titre ;

Sur les pénalités :

Considérant que la société se borne à contester en appel les pénalités de mauvaise foi assortissant les suppléments de droits de taxe provenant de la remise en cause du taux réduit de la taxe à la fourniture de repas dans les cantines des caisses primaires d'assurance maladie ;

Considérant que la contribuable a sciemment facturé et encaissé la taxe sur la valeur ajoutée au taux normal qui grevait les prix des repas pris par les salariés des Caisses primaires d'assurance maladie ; qu'elle n'a toutefois reversé au Trésor que la fraction correspondant au montant du taux réduit de cette taxe ; que cette pratique révèle son intention d'éluder l'impôt ; qu'ainsi l'administration établit sa mauvaise foi à raison de ce chef de redressement ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la société MULTI RESTAURATION SERVICES est seulement fondée à soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande en tant qu'elle tendait à la décharge des rappels de droits de taxe qui lui ont été assignés au titre de la période du 1er janvier 1997 au 31 décembre 1999 en conséquence de la remise en cause du taux réduit de la taxe à ses prestations annexes de vente à emporter ; que le surplus des conclusions de la requête doit être rejeté ;

Sur les conclusions tendant au versement d'intérêts moratoires

Considérant que les intérêts dus au contribuable en vertu de l'article L. 208 du livre des procédures fiscales, en cas de remboursements effectués en raison de dégrèvements d'impôt prononcés par la juridiction administrative sont, en application de l'article R. 208-1 du même livre, payés d'office en même temps que les sommes remboursées au contribuable par le comptable chargé du recouvrement des impôts ; qu'il n'existe aucun litige né et actuel entre le comptable et la société requérante concernant les intérêts auxquels la société a droit à raison des remboursements qui lui sont dus en exécution du présent arrêt ; que dès lors, ses conclusions tendant au versement par l'Etat d'intérêts moratoires sur les sommes correspondantes ne peuvent qu'être rejetées; que pour le surplus et en tout état de cause ses conclusions susanalysées ne peuvent qu'être rejetées ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application de ces dispositions et de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros à ce titre ;

D E C I D E :

Article 1er : La société MULTI RESTAURATION SERVICES est déchargée de la différence entre les droits supplémentaires de taxe sur la valeur ajoutée initialement mis à sa charge au titre de la période du 1er janvier 1997 au 31 décembre 1999 et ceux qui résultaient de l'application du taux réduit de la taxe de ses prestations annexes réalisées pour des sociétés clientes de la Société Française de Production et des salariés de la société Rank Xerox.

Article 2 : Le jugement du Tribunal administratif de Paris n° 0207201 du 28 décembre 2007 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 3 : l'Etat versera à la société MULTI RESTAURATION SERVICES une somme de 2 000 euros au titre de l'article L 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de la société MULTI RESTAURATION SERVICES est rejeté.

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N° 08PA00988


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 08PA00988
Date de la décision : 10/11/2010
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme HELMHOLTZ
Rapporteur ?: M. Alain VINCELET
Rapporteur public ?: M. GOUES
Avocat(s) : SOCIÉTÉ D'AVOCATS TAJ

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2010-11-10;08pa00988 ?
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