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02/11/2010 | FRANCE | N°09PA02870

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 8ème chambre, 02 novembre 2010, 09PA02870


Vu la requête, enregistrée le 19 mai 2009, présentée pour M. Michel A, demeurant ..., par Me Denjean ; M. A demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0501336/3-2 du 25 mars 2009 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision en date du 16 décembre 2004 par laquelle le ministre de l'emploi, du travail et de la cohésion sociale a rejeté le recours hiérarchique qu'il avait introduit le 16 août 2004 à l'encontre de la décision de l'inspecteur du travail de Paris (section 19 B) en date du 2 juillet 2004, ayant a

utorisé son licenciement par la société Servitique SA, ensemble la déc...

Vu la requête, enregistrée le 19 mai 2009, présentée pour M. Michel A, demeurant ..., par Me Denjean ; M. A demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0501336/3-2 du 25 mars 2009 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision en date du 16 décembre 2004 par laquelle le ministre de l'emploi, du travail et de la cohésion sociale a rejeté le recours hiérarchique qu'il avait introduit le 16 août 2004 à l'encontre de la décision de l'inspecteur du travail de Paris (section 19 B) en date du 2 juillet 2004, ayant autorisé son licenciement par la société Servitique SA, ensemble la décision de l'inspecteur du travail ;

2°) d'annuler la décision ministérielle en date du 16 décembre 2004, ainsi que la décision de l'inspecteur du travail du 2 juillet 2004 ;

3°) de mettre à la charge de la société Servitique SA le paiement d'une somme de 2 000 euros au titre des frais irrépétibles au bénéfice du requérant ;

.....................................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code du travail ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 11 octobre 2010 :

- le rapport de M. Privesse, rapporteur,

- et les conclusions de Mme Seulin, rapporteur public :

Considérant que, par une décision du 2 juillet 2004, l'inspecteur du travail de Paris (section 19B), a autorisé la société Servitique SA à procéder au licenciement pour faute grave de M. A, y exerçant en dernier lieu des fonctions d'inspecteur de service clients, et qui avait été désigné le 23 mars 2004 en qualité de délégué syndical et de représentant syndical au comité d'entreprise de ladite société ; que le ministre de l'emploi, du travail et de la cohésion sociale a rejeté le recours hiérarchique de l'intéressé, présenté le 16 août 2004, par une décision du 16 décembre 2004 ; que M. A relève régulièrement appel du jugement susmentionné en date du 25 mars 2009 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté son recours tendant à l'annulation de ces deux décisions ;

Sur la régularité de la procédure de licenciement :

Considérant qu'aux termes de l'article L. 412-18 du code du travail, applicable à l'espèce : " Le licenciement d'un délégué syndical ne peut intervenir qu'après autorisation de l'inspecteur du travail ou de l'autorité qui en tient lieu. Toutefois, en cas de faute grave, le chef d'entreprise a la faculté de prononcer à titre provisoire la mise à pied immédiate de l'intéressé. Cette décision est, à peine de nullité, motivée et notifiée à l'inspecteur du travail dans le délai de quarante-huit heures à compter de sa prise d'effet. " ; qu'aux termes des articles R. 436-1 et R. 436-3 du code du travail, alors en vigueur : " R. 436-1 L'entretien prévu à l'article L. 122-14 précède la consultation du comité d'entreprise effectuée en application... de l'article L. 425-1, ... ou, à défaut de comité d'entreprise, la présentation à l'inspecteur du travail de la demande d'autorisation de licenciement. R. 436-3 La demande d'autorisation de licenciement est adressée par lettre recommandée avec demande d'avis de réception à l'inspecteur du travail dont dépend l'établissement où est employé l'intéressé. / Cette demande énonce les motifs du licenciement envisagé ; elle est accompagnée du procès-verbal de la réunion du comité d'entreprise. Sauf dans le cas de mise à pied, elle est présentée au plus tard dans les quinze jours suivant la délibération du comité d'entreprise " ; qu'aux termes de l'article R. 436-8, alors applicable, du même code : " En cas de faute grave, le chef d'entreprise a la faculté de prononcer la mise à pied immédiate de l'intéressé jusqu'à la décision de l'inspecteur du travail. La consultation du comité d'entreprise, dans ce cas, a lieu dans un délai de dix jours à compter de la date de la mise à pied. La demande prévue à l'article R. 436-3 est présentée au plus tard dans les quarante-huit heures suivant la délibération du comité d'entreprise. S'il n'y a pas de comité d'entreprise, cette demande est présentée dans un délai de huit jours à compter de la date de la mise à pied (...) " ;

Considérant en premier lieu, que M. A soutient que par une lettre datée du 28 avril 2004, son employeur a engagé auprès de l'inspection du travail une procédure de licenciement pour faute grave à son encontre, avant même d'avoir mené un entretien préalable avec lui-même, le 30 avril 2004, et d'avoir tenu réunion du comité d'entreprise le 7 mai suivant ; que, s'il ressort des pièces du dossier, et notamment de la décision litigieuse du 2 juillet 2004 autorisant le licenciement de M. A, ainsi que de la décision ministérielle du 16 décembre 2004, qu'une demande d'autorisation de licenciement pour faute grave aurait été formulée le 28 avril 2004, en contravention avec les textes sus-rappelés, et aurait été reçue par l'inspection le 5 mai suivant et cela alors même que cette demande n'est pas produite au dossier, une seconde demande ayant la même finalité, non datée mais assortie du procès-verbal du comité d'entreprise du 7 mai 2004, a également été introduite auprès de l'administration le 11 mai 2004, comme en témoigne le cachet de l'inspection du travail, laquelle l'a effectivement prise en compte ; que dès lors et en tout état de cause, cette seconde demande est intervenue en régularisation de la première, et a été de nature à purger les vices de celle-ci ; que dans ces conditions, le moyen correspondant doit être rejeté ;

Considérant en deuxième lieu, qu'il ressort des pièces du dossier que sur la base de faits estimés graves reprochés à M. A, la société Servitique SA a, par lettre en date du 22 avril 2004 remise en main propre à l'intéressé contre décharge du même jour, décidé sa mise à pied à compter du lendemain, et de le convoquer pour un entretien en vue d'un éventuel licenciement ; que si la lettre de la société employeur de M. A, datée du 26 avril 2004, portant cette mesure à la connaissance de l'inspecteur du travail n'a été reçue par ce dernier que le 6 mai 2004, c'est-à-dire hors du délai réglementaire de 48 heures de sa prise d'effet, le non-respect de cette règle n'entraîne pas pour autant l'irrégularité de la demande d'autorisation de licenciement elle-même, sa conséquence ne pouvant en être que la possibilité pour l'intéressé de reprendre son poste de travail ;

Considérant en troisième lieu, que si les dispositions de l'article R. 436-8 du code du travail précitées prévoient qu'en cas de mise à pied d'un salarié protégé, la consultation du comité d'entreprise sur le licenciement de celui-ci a lieu dans un délai de dix jours à compter de la date de cette mise à pied, ce délai n'est pas prescrit à peine de nullité ; que le dépassement de délai a été en outre limité, M. A ayant fait l'objet d'une mise à pied à titre conservatoire à compter du 23 avril 2004 et le comité d'entreprise ayant été consulté dès le 7 mai 2004, soit 14 jours plus tard ;

Considérant en quatrième lieu, que le délai de quarante-huit heures prévu à l'article R. 436-8 précité du code du travail entre la délibération du comité d'entreprise et l'envoi de la demande de licenciement n'est pas davantage prescrit à peine de nullité ; que si, eu égard à la gravité de la sanction de mise à pied, ce délai doit être aussi court que possible, il ressort des pièces du dossier que le comité d'entreprise a émis son avis le 7 mai 2004 et que la demande d'autorisation de licenciement comportant copie du procès-verbal de la réunion du comité d'entreprise a été reçue par l'inspecteur du travail le 11 mai 2004 ; que, dans les circonstances de l'espèce, ce dépassement de délai, de portée limitée, n'a pas vicié la procédure ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la procédure de licenciement suivie à l'égard de M. A n'a pas été viciée au point de l'entacher d'irrégularité ;

Sur les conclusions en annulation des décisions litigieuses :

Considérant qu'aux termes de l'article L. 425-1, alors applicable, du code du travail : " Tout licenciement envisagé par l'employeur d'un délégué du personnel, titulaire ou suppléant, est obligatoirement soumis au comité d'entreprise qui donne un avis sur le projet de licenciement. / Le licenciement ne peut intervenir que sur autorisation de l'inspecteur du travail dont dépend l'établissement. Lorsqu'il n'existe pas de comité d'entreprise dans l'établissement, l'inspecteur du travail est saisi directement (...) " ; qu'en vertu des dispositions précitées, les délégués du personnel, titulaire ou suppléant, qui bénéficient, dans l'intérêt de l'ensemble des travailleurs qu'ils représentent, d'une protection exceptionnelle, ne peuvent être licenciés qu'avec l'autorisation de l'inspecteur du travail dont dépend l'établissement ; que, s'il est envisagé, le licenciement d'un de ces salariés ne doit pas être en rapport avec les fonctions représentatives normalement exercées par l'intéressé ou avec son appartenance syndicale ; que, dans le cas où le licenciement est motivé par un comportement fautif, il appartient à l'inspecteur du travail et, le cas échéant, au ministre du travail, de rechercher, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, si les faits reprochés au salarié sont d'une gravité suffisante pour justifier son licenciement, compte tenu de l'ensemble des règles applicables à son contrat de travail et des exigences propres à l'exécution normale du mandat dont il est investi ;

Considérant que la société Servitique a sollicité de l'inspecteur du travail de Paris l'autorisation de licencier pour faute grave M. A, au motif qu'il avait envoyé à d'autres salariés d'une société cliente, de manière répétée, des messages à caractère pornographique sur leurs messageries électroniques professionnelles, perturbant gravement le fonctionnement du service et portant discrédit de l'image de son employeur ; que M. A conteste les preuves apportées par son employeur et l'illégalité de leur obtention, ainsi que l'erreur de fait et l'erreur manifeste d'appréciation qui ont été commises par l'administration ;

Sur les preuves :

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier, et notamment de la contre-enquête diligentée par l'inspectrice du travail et consignée dans le rapport du 4 octobre 2004, que les messages incriminés ont été remis à l'employeur de M. A par deux au moins de leurs destinataires, également salarié de la société ; que par suite, nonobstant le caractère personnel desdits messages, la société Servitique SA, faisant partie du groupe Esys, a pu en faire usage sans méconnaître le secret des correspondances résultant notamment des stipulations de l'article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ou les dispositions de l'article L. 120-2 du code du travail, lesdits messages n'ayant pas été portés à sa connaissance par un moyen de preuve illicite ;

Considérant par ailleurs, que M. A ne conteste pas que l'inspecteur du travail l'a sollicité à plusieurs reprises afin qu'il accepte l'accès à sa messagerie afin de prouver sa bonne foi, et qu'il n'a pas été donné suite à cette proposition, circonstance qui pour n'être pas fautive, n'a cependant pas permis à l'inspecteur du travail d'écarter en tous les cas le doute dont fait état l'intéressé s'agissant de la distinction à opérer entre les messages reçus par lui de l'extérieur et transférés et ceux qu'il aurait envoyés ; qu'ainsi, M. A ne peut prétendre n'avoir jamais reconnu avoir envoyé des messages ayant un contenu pornographique, alors qu'il aurait seulement admis les avoir transférés ;

Considérant enfin, que si M. A soutient également qu'il a été convoqué pour l'entretien préalable le 30 avril 2004, soit le jour même où les deux collègues destinataires des messages en cause ont donné à l'employeur l'autorisation d'accéder à leur messagerie, cette circonstance ne peut à elle seule aller à l'encontre de la réalité des faits reprochés lors de l'entretien en question, dès lors qu'il ne s'agit que d'une autorisation d'accès aux boîtes de messageries, au surplus instantané, et dont il n'est pas démontré, en tout état de cause, que le contenu des boîtes n'aurait pu être vérifié avant même ledit entretien ; que pour les mêmes motifs précédemment évoqués, ces autorisations n'ont pas été données antérieurement à la saisine régulière de l'inspecteur du travail au titre de l'autorisation de licenciement ;

Considérant dans ces conditions, qu'il est suffisamment établi par les preuves fournies au dossier et régulièrement recueillies, que les messages incriminés ont bien été adressés, grâce aux moyens informatiques mis à sa disposition dans un but strictement professionnel, par M. A à plus d'une dizaine de salariés de la société sur les quinze en mission au sein de la société cliente ;

Sur le fond :

Considérant qu'il n'est pas utilement contesté que M. A a adressé entre le 9 décembre 2002 et le 6 avril 2004 au moins six messages à contenu pornographique à ses collègues en mission, dont un au moins pesant 1036 ko ; que par des communications téléphoniques et e-mails des 17 mars et 6 avril 2004, et par un courrier du 21 avril 2004, le responsable du site de la société cliente de la société dans laquelle exerçait l'intéressé, a fait part à la direction du groupe Esys de l'infraction constatée sur l'utilisation non réglementaire de son infrastructure informatique ; qu'en effet, cette utilisation était contraire aux accords passés entre les deux sociétés lors de l'établissement du contrat de service, sur le respect des règlements internes et de la déontologie, et était de nature à nuire à l'image de marque de la société qui employait M. A ; qu'en outre, le risque de rupture dudit contrat, ou de sa renégociation était encouru selon deux témoignages de responsables du groupe Esys ; que M. A, qui se borne en termes généraux à contester les conditions d'obtention des preuves comme précédemment évoqué, et à soutenir le caractère disproportionné de la mesure prise à son égard, ne conteste pas utilement les constatations de l'inspecteur du travail non plus que le contenu des autres pièces du dossier ;

Considérant dès lors, qu'il est ainsi établi que M. A a détourné les moyens informatiques mis à sa disposition pour un usage strictement professionnel par la société cliente de son employeur, afin d'adresser de manière répétée des messages de caractère pornographique à plus d'une dizaine de collègues également en mission ; que les faits ainsi reprochés à M. A constituent une faute d'une gravité suffisante de nature à justifier son licenciement ; que dans ces conditions, et nonobstant le fait que les mandats syndicaux de M. A étaient récents à l'époque des faits, lesquels leur étaient d'ailleurs antérieurs pour certains, la mesure de licenciement entreprise ne peut être regardée comme revêtant un lien avec les fonctions représentatives et syndicales de l'intéressé ; que par suite, l'inspecteur du travail et le ministre du travail, des relations sociales, de la famille et de la solidarité ont pu, sans entacher leurs décisions d'erreur de fait, ni d'erreur d'appréciation, accorder l'autorisation de licenciement demandée ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. A n'est pas fondé à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande ;

Sur l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative susvisé font obstacle à ce que soit mis à la charge du défendeur, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, la somme que M. A réclame au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;

D E C I D E :

Article 1er : La requête de M. A est rejetée.

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N° 09PA02870


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 8ème chambre
Numéro d'arrêt : 09PA02870
Date de la décision : 02/11/2010
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. ROTH
Rapporteur ?: M. Jean-Claude PRIVESSE
Rapporteur public ?: Mme SEULIN
Avocat(s) : DENJEAN

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2010-11-02;09pa02870 ?
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