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12/07/2010 | FRANCE | N°09PA02631

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 4ème chambre, 12 juillet 2010, 09PA02631


Vu la requête enregistrée le 6 mai 2009 sous le n° 09PA02631 présentée pour M. Jean-Jacques A demeurant ...), par Me Nennouche ; M. A demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0706430/5-2 en date du 5 mars 2009 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision en date du 28 décembre 2006 par laquelle le ministre des affaires étrangères et européennes a rejeté sa réclamation indemnitaire tendant à la réparation des préjudices résultant du retard de publication des décrets nécessaires à sa titularisation

et à la condamnation de l'Etat à lui verser une somme de 112 018 euros en rép...

Vu la requête enregistrée le 6 mai 2009 sous le n° 09PA02631 présentée pour M. Jean-Jacques A demeurant ...), par Me Nennouche ; M. A demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0706430/5-2 en date du 5 mars 2009 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision en date du 28 décembre 2006 par laquelle le ministre des affaires étrangères et européennes a rejeté sa réclamation indemnitaire tendant à la réparation des préjudices résultant du retard de publication des décrets nécessaires à sa titularisation et à la condamnation de l'Etat à lui verser une somme de 112 018 euros en réparation du préjudice subi avec les intérêts de droit ou à titre subsidiaire à lui verser une somme de 99 609 ou de 92 237 euros ;

2°) de condamner l'Etat à lui verser une somme de 112 018 euros en réparation du préjudice subi outre les intérêts de droit capitalisés à compter de la date de réception de la demande préalable ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

..................................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 modifiée ;

Vu le décret n° 84-721 du 17 juillet 1984 ;

Vu le décret n° 2000-788 du 24 août 2000 ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été dûment averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 20 avril 2010 :

- le rapport de Mme. Monchambert, rapporteur,

- et les conclusions de Mme Descours-Gatin, rapporteur public ;

Considérant que par une lettre en date du 29 décembre 2005 adressée au Premier Ministre, M. A a réclamé l'indemnisation du préjudice subi par suite de la publication tardive du décret n° 2000-788 du 24 août 2000 fixant les conditions exceptionnelles d'intégration de certains agents non titulaires mentionnés à l'article 74 (1°) de la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 dans des corps de fonctionnaires de catégorie A, qui ne lui avait pas permis de bénéficier d'un statut de titulaire pendant sa période d'activité ; que se heurtant au silence de l'administration, M. A a renouvelé sa démarche le 27 novembre 2006 auprès du ministre des affaires étrangères et s'est vu opposer le 3 janvier 2007, une décision de rejet[m1] ; que par la présente requête, il fait appel du jugement en date du 5 mars 2009 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à la condamnation de l'Etat à lui verser une indemnité de 112 018 euros avec intérêts de droit au taux légal en réparation des préjudices subis ;

Sur la responsabilité de l'Etat :

Considérant qu'aux termes du premier alinéa de l'article 74 de la loi susvisée du 11 janvier 1984 : Ont également vocation à être titularisés, sur leur demande [...] : 1°) Les personnels civils de coopération culturelle, scientifique et technique en fonction auprès d'Etats étrangers ou de l'organisme auprès duquel ils sont placés qui remplissent les conditions fixées au deuxième alinéa de l'article 8 de la loi n° 72-659 du 13 juillet 1972 relative à la situation du personnel civil de coopération culturelle, scientifique et technique auprès d'Etats étrangers ; qu'aux termes du dernier alinéa du même article : Les enseignants non titulaires chargés de fonctions dans des établissements d'enseignement supérieur au titre de la loi n° 72-659 du 13 juillet 1972 précitée, qui ont exercé leurs fonctions pendant deux ans à temps plein dans l'enseignement supérieur, ont vocation à être titularisés, soit dans un corps de l'enseignement supérieur sur des emplois réservés à cet effet, soit dans un corps de l'enseignement secondaire, soit dans un corps technique ou administratif des administrations de l'Etat, sous réserve de remplir les conditions exigées pour l'accès à chacun de ces corps [...] ; qu'aux termes de l'article 80 de la même loi : Les décrets en Conseil d'Etat prévus à l 'article 79 fixent : 1° Pour chaque ministère les corps auxquels les agents non titulaires mentionnés aux articles 73, 74 et 76 peuvent accéder ; ces corps sont déterminés en tenant compte, d'une part, des fonctions réellement exercées par ces agents et du niveau et de la nature des emplois qu'ils occupent, d'autre part, des titres exigés pour l'accès à ces corps [...] ; qu'aux termes de l'article 82 de la même loi : Les agents non titulaires qui peuvent se prévaloir des dispositions qui précèdent ne peuvent être licenciés que pour insuffisance professionnelle ou pour motif disciplinaire jusqu'à l'expiration des délais d'option qui leur sont ouverts par les décrets prévus à l'article 80. Les agents non titulaires qui ne demandent pas leur titularisation ou dont la titularisation n'a pas été prononcée, continuent à être employés dans les conditions prévues par la réglementation qui leur est applicable ou suivant les stipulations du contrat qu'ils ont souscrit ;

Considérant, d'une part, que le décret du 17 juillet 1984 susvisé, pris pour l'application du dernier alinéa de l'article 34 et de l'article 80 de la loi du 11 janvier 1984, a fixé les conditions exceptionnelles d'accès des enseignants non titulaires en fonction dans des établissements d'enseignement supérieur situés à l'étranger au corps des adjoints d'enseignement, les agents concernés disposant, pour présenter leur demande d'intégration, d'une période de cinq années scolaires à compter de la rentrée scolaire 1984 ; que, d'autre part, le gouvernement a, par quatre décrets nos 2000-788 à 2000-791 du 24 août 2000, fixé les conditions exceptionnelles d'intégration de certains agents mentionnés à l'article 74 (1°) de la loi du 11 janvier 1984 précitée et exerçant des fonctions administratives et certaines fonctions techniques, dans divers corps administratifs et techniques des catégories A, B et C ;

Considérant, en premier lieu, que le gouvernement avait l'obligation de prendre les décrets d'application des dispositions précitées de la loi du 11 janvier 1984 dans un délai raisonnable ; qu'en ce qui concerne les agents non titulaires ayant vocation à être nommés dans un corps de catégorie A le délai de seize ans pris pour édicter les dispositions d'intégration est un délai excessif, constitutif d'une faute de nature à engager la responsabilité de l'Etat ;

Considérant, en deuxième lieu, que M. A titulaire d'un diplôme d'ingénieurs des travaux publics, a exercé, au titre de la coopération culturelle, scientifique et technique, en qualité d'agent non titulaire, les fonctions de professeur de génie civil à l'école d'architecture et d'urbanisme de Dakar de 1976 à 1983 ; qu'après l'obtention de son diplôme d'architecte DPLG en 1985, il a bénéficié d'un nouveau contrat de coopération et a été affecté au Burkina Faso pour exercer les fonctions de professeur de génie civil à l'ESTHER à Ouagadougou, du 3 octobre 1986 au 15 septembre 1991, date à laquelle son contrat de coopération n'a pas été renouvelé ; qu'il a alors été radié des effectifs et a bénéficié de l'allocation pour perte d'emploi jusqu'au 7 janvier 1998, date à laquelle il a été admis à la retraite ; que si le ministre des affaires étrangères et européennes soutient que M. A était titulaire d'un diplôme lui donnant vocation à être titularisé sur le fondement du décret n° 84-721 du 17 juillet 1984, il ne l'établit pas ; qu'en effet, le diplôme d'ingénieur des travaux publics délivré par l'école spéciale des travaux publics du bâtiment et de l'industrie qui lui a été délivré le 20 février 1958 ne présente pas les caractéristiques d'une licence reconnue valable pour l'accès au certificat d'aptitude au professorat de l'enseignement du second degré, diplôme exigé par l'article 1er du décret précité du 17 juillet 1984 ; que le ministre n'établit pas non plus que ce diplôme serait inscrit sur la liste des titres ou diplômes admis en équivalence pour l'inscription sur la liste d'aptitude pour l'accès au corps d'adjoint d'enseignement également visée à l'article 1er du décret précité du 17 juillet 1984 ; que dans ces conditions, il ne saurait se prévaloir des dispositions de l'article 1er décret n° 2000-788 du 24 août 2000 selon lesquelles Les agents mentionnés au présent article ne doivent pas avoir pu bénéficier d'une proposition de titularisation dans un corps de fonctionnaires, en application du chapitre X de la loi du 11 janvier 1984 susvisée pour soutenir que M. A ne pouvait se prévaloir du retard mis par l'Etat à prendre les décrets du 24 août 2000 pour solliciter de l'Etat la réparation du préjudice résultant pour lui de l'absence de titularisation avant son départ à la retraite ; que par suite, M. A est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris s'est fondé sur la combinaison des dispositions du décret du 17 juillet 1984 et de celles du 24 août 2000 pour rejeter sa demande d'indemnisation ;

Considérant, en troisième lieu, que la circonstance qu'un agent contractuel n'ait pu solliciter son intégration après la publication du décret pris pour l'application des dispositions précitées de la loi du 11 janvier 1984 qui le concerne, du fait de sa mise à la retraite, ne fait pas obstacle à ce que cet agent recherche la responsabilité de l'Etat à raison de la faute résultant du caractère tardif de l'adoption de ce texte ; que par suite la circonstance que M. A ait été mis à la retraite avant la publication du décret en cause, est sans influence sur son droit à réparation ;

Sur le préjudice :

Considérant que si M. A soutient qu'il remplissait les conditions pour accéder au corps des architectes et urbanistes de l'Etat, il est constant que ce corps n'était pas ouvert à la titularisation en application des décrets précités du 24 août 2000 ; qu'il résulte en tout état de cause des simulations produites par le ministre des affaires étrangères relatives à une intégration dans l'un ou l'autre des deux corps d'ingénieurs ouvert à la titularisation par les décrets précités du 24 août 2000 qu'il n'a subi aucune perte financière du fait de son maintien en qualité de non titulaire ; que, dès lors, il n'établit pas le préjudice résultant de la différence entre les sommes qu'il aurait dû, selon lui, percevoir, au titre d'un déroulement de carrière en tant qu'agent titulaire et celles qu'il a réellement perçues, ledit préjudice présentant un caractère purement éventuel ;

Considérant, toutefois, qu'il sera fait une juste appréciation des troubles dans les conditions d'existence et du préjudice moral subis par M. A en les évaluant à la somme globale de 4 000 euros, y compris tous intérêts échus au jour du présent arrêt ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. A est seulement fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à la condamnation de l'Etat à hauteur d'une somme de 4 000 euros ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu'il y a lieu de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros que M. A demande au titre des frais exposés dans l'instance et non compris dans les dépens ;

D E C I D E :

Article 1er : Le jugement du Tribunal administratif de Paris du 5 mars 2009 est annulé.

Article 2 : L'Etat est condamné à payer à M. A la somme de 4 000 euros.

Article 3 : L'Etat versera à M. A la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions de M. A est rejeté.

[m1](ce point devrait être précisé mais en tout état de cause, est ce que cela apporte des éléments nécessaires au débat ' l'intérêt de relever le motif est de montrer que l'administration s'est d'emblée située sur le terrain du préjudice, ce que nous nous proposons finalement de faire, mais il est vrai que cela ne jouer que sur l'appréciation de l'un des moyens et non sur l'appréciation finale du préjudice.

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N° 09PA02631


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 09PA02631
Date de la décision : 12/07/2010
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. LOOTEN
Rapporteur ?: Mme Sabine MONCHAMBERT
Rapporteur public ?: Mme DESCOURS GATIN
Avocat(s) : NENNOUCHE

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2010-07-12;09pa02631 ?
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