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18/05/2010 | FRANCE | N°08PA04422

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 4ème chambre, 18 mai 2010, 08PA04422


Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 20 août et 2 octobre 2008, présentés pour la SOCIETE EURL AZ-CONSTRUCTIONS, ayant son siège à Raiatea BP 1221 Uturoa-Raiatea (98735), par la scp Monod-Colin ; la SOCIETE EURL AZ-CONSTRUCTIONS demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0700283 du 20 mai 2008 par lequel le Tribunal administratif de la Polynésie française a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision implicite rejetant sa demande de règlement du solde du marché de travaux publics n° 05-0003 du 19 janvier 2005 dont ell

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Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 20 août et 2 octobre 2008, présentés pour la SOCIETE EURL AZ-CONSTRUCTIONS, ayant son siège à Raiatea BP 1221 Uturoa-Raiatea (98735), par la scp Monod-Colin ; la SOCIETE EURL AZ-CONSTRUCTIONS demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0700283 du 20 mai 2008 par lequel le Tribunal administratif de la Polynésie française a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision implicite rejetant sa demande de règlement du solde du marché de travaux publics n° 05-0003 du 19 janvier 2005 dont elle était titulaire et à la condamnation de la Polynésie française à lui verser la somme de 49 362 154 francs CFP à ce titre, ainsi qu'à l'annulation de la décision implicite rejetant son mémoire de réclamation en date du 3 octobre 2006 et à la condamnation de la Polynésie française à lui verser la somme de 214 329 890 francs CFP à titre d'indemnité de résiliation du marché dont s'agit ;

2°) de condamner la Polynésie française à lui verser la somme de 34 729 266 francs CFP correspondant au solde restant dû pour l'exécution de ce marché, avec intérêts au taux légal à compter du 3 octobre 2006 et, subsidiairement, de condamner la Polynésie française à lui verser la somme de 23 650 481 francs CFP correspondant au décompte général notifié le 13 septembre 2006, avec intérêts au taux légal à compter du 3 octobre 2006 ;

3°) de condamner la Polynésie française à lui verser la somme de 214 329 890 francs CFP à titre d'indemnité de résiliation du marché, avec intérêts au taux légal à compter du 3 octobre 2006 ;

4°) d'ordonner la capitalisation des intérêts à compter du 4 octobre 2007 ;

5°) de mettre à la charge de la Polynésie française la somme de 10 000 euros, au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

.....................................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la loi organique n° 2004-192 du 27 février 2004 portant statut d'autonomie de la Polynésie française ;

Vu la loi n° 2004-193 du 27 février 2004 complétant le statut d'autonomie de la Polynésie française ;

Vu l'arrêté n° 835 CG du 3 mai 1984 portant établissement du cahier des clauses administratives générales concernant les marchés publics passés au nom du territoire de la Polynésie française et de ses établissements publics ;

Vu le code des marchés publics de toute nature passés au nom de la Polynésie française et de ses établissements publics ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 4 mai 2010 :

- le rapport de M. Dellevedove, rapporteur,

- les conclusions de Mme Descours-Gatin, rapporteur public,

- et les observations de Me Monod, pour la SOCIETE EURL AZ CONSTRUCTIONS ;

Considérant que, par le marché notifié le 19 janvier 2005, la Polynésie française a confié à la SOCIETE EURL AZ-CONSTRUCTIONS les travaux de l'opération de réalisation de l'unité de traitement des déchets ménagers prévue sur la commune de Raiatea pour le montant de 224 561 052 francs CFP HT, soit 247 017 157 francs CFP TTC ; que, par l'ordre de service n°06/05 notifié le 16 février 2005, le maître d'ouvrage a invité la société à démarrer les travaux à compter du 21 février 2005 ; qu'à la suite de l'opposition des riverains entravant l'accès au site, l'administration a décidé, par l'ordre de service n° 200/02 notifié à la société le 18 mars 2005, de suspendre les travaux pour une durée indéterminée ; que cette situation s'étant prolongée plus d'une année, la société a demandé, le 13 juin 2006, la résiliation de plein droit du marché sur le fondement de l'article 6.6.2. du cahier des clauses administratives générales (CCAG) susvisé ; que, par la lettre du 13 septembre 2006 et par ordre de service, le maître d'ouvrage notifiait le 19 septembre 2006 à la société la résiliation du marché et lui adressait le décompte général ; que, par le mémoire de réclamation en date du 3 octobre 2006, la société a, d'une part, contesté ce décompte au motif que celui-ci ne tenait pas compte des dépenses de travaux occasionnés par la résiliation du marché d'un montant de 11 078 785 francs CFP HT et a, d'autre part, réclamé une indemnité de résiliation d'un montant de 200 000 000 francs CFP en réparation du préjudice que lui aurait causé le comportement fautif de l'administration ; que, par la lettre en date du 29 novembre 2006 notifiée le 7 décembre 2006, le maître d'ouvrage se prononçait sur les différents postes de réclamation, demandait des éléments justificatifs et invitait la société à entamer des négociations ; que, par le jugement en date du 20 mai 2008, dont la SOCIETE EURL AZ-CONSTRUCTIONS fait appel, le Tribunal administratif de la Polynésie française a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision implicite rejetant son mémoire de réclamation, au règlement du solde du marché et à l'indemnisation des préjudices liés à la résiliation ; que la Polynésie française appelle en garantie M. Tamahahe, ayant agi dans le cadre des manifestations susmentionnées et responsable, selon elle, de l'ajournement des travaux ;

Sur la régularité du jugement attaqué :

Considérant que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de la Polynésie française ne s'est pas prononcé sur le moyen invoqué par la SOCIETE EURL AZ-CONSTRUCTIONS tiré de l'incompétence du signataire du décompte général, moyen qui n'était pas inopérant, les premiers juges se fondant implicitement mais nécessairement sur le caractère régulier du décompte général pour estimer que les conclusions de la demande tendant au règlement du solde du décompte étaient tardives et, comme telles, irrecevables ; que, dès lors, et sans qu'il soit besoin de statuer sur les autres moyens relatifs à la régularité du jugement, la société requérante est fondée à soutenir que le jugement attaqué est entaché d'une omission à statuer et qu'il doit, par suite, être annulé ; qu'il y a lieu de statuer, par la voie de l'évocation, sur la demande présentée par la société devant le Tribunal administratif de la Polynésie française ;

Au fond :

Considérant que les conclusions de la demande de la SOCIETE EURL AZ-CONSTRUCTIONS, et notamment celles dirigées contre les décisions implicites rejetant son mémoire de réclamation contre le décompte général, doivent être regardées comme tendant à la contestation du solde du décompte et à l'indemnisation des conséquences dommageables de la résiliation du marché en cause :

Sur l'absence de caractère définitif du décompte et sur les fins de non-recevoir opposées par la Polynésie française :

Considérant que la Polynésie française soutient que les conclusions de la demande étaient irrecevables comme tardives en raison de l'absence de réserve à l'ordre de service de suspension des travaux et en raison de la forclusion de l'article 7.2.3.2 du CCAG concernant les marchés publics passés au nom de la Polynésie française et de ses établissements publics susvisé, ce que conteste la SOCIETE EURL AZ-CONSTRUCTIONS qui soutient que le décompte de résiliation ne pouvait présenter un caractère définitif ;

Considérant qu'aux termes de l'article 6 du CCAG susvisé : 6.1-Résiliation du marché : / 1- La personne publique peut, à tout moment, qu'il y ait ou non faute du titulaire, mettre fin à l'exécution des prestations avant l'achèvement de celles-ci, par une décision de résiliation du marché (...) / 2- Sauf dans les cas prévus aux 1 et 2 de l'article 6.6, la résiliation prend effet à la date fixée dans la décision de résiliation ou, à défaut d'une telle date, à la date de notification de sa décision (...) / 4. La résiliation fait l'objet d'un décompte qui est arrêté par la personne publique et notifié au titulaire. Les stipulations du 3 de l'article 2.3.3 sont applicables à ce décompte (...) 6.2- Résiliation du fait de la personne publique : / 1- Lorsque la personne publique résilie le marché, en tout ou partie, sans qu'il y ait faute du titulaire et en dehors des cas prévus à l'article 6.5, elle n'est pas tenue de justifier sa décision (...) Le titulaire est indemnisé dans les conditions prévues au 2 du présent article. / 2- (...) Le décompte de liquidation comprend : 2-1. Au débit du titulaire : / - Le montant des sommes versées à titre d'avance, d'acompte (...) / 2-2. Au crédit du titulaire : / 2-2-1. La valeur des prestations fournies à la personne publique (...) / 2-2-2. Les dépenses engagées par le titulaire en vue de l'exécution des prestations qui n'ont pas été fournies à la personne publique, dans la mesure où ces dépenses n'ont pas été amorties antérieurement ou ne peuvent pas l'être ultérieurement (...) / 2-2-3. Les dépenses de personnel dont le titulaire apporte la preuve qu'elle résulte directement et nécessairement de la résiliation du marché ; / 2-2-4. Une somme forfaitaire calculée en appliquant un pourcentage à la différence entre le montant non révisé du marché et le montant non révisé des prestations réceptionnées. Ce pourcentage sera fixé par le marché (...) / 6.6-Ajournement et interruptions des prestations : / 1- L'ajournement des prestations peut être décidé. Il est alors procédé, suivant les modalités indiquées à l'article 2.4, à la constatation des ouvrages et parties d'ouvrages exécutés et des matériaux approvisionnés (...) / 2- Si, par suite d'un ajournement ou de plusieurs ajournements successifs, les prestations ont été interrompues pendant plus d'une année, le titulaire a le droit d'obtenir la résiliation du marché, sauf si, informé par écrit d'une durée d'ajournement conduisant au dépassement de la durée d'un an indiquée ci-dessus, il n'a pas, dans un délai de quinze jours, demandait la résiliation (...) ; qu'aux termes de l'article 2.3.3.3 dudit CCAG : Le titulaire doit, dans un délai de trente jours comptés à partir de la notification du décompte général, le renvoyer à la personne responsable du marché, revêtu de sa signature, sans ou avec réserves, ou faire connaître les raisons pour lesquelles il refuse de le signer. (...) / Si la signature est refusée ou donnée avec réserves, les motifs de ce refus ou de ces réserves doivent être exposés par le titulaire dans un mémoire de réclamation (...) ; ce mémoire doit être remis à la personne responsable du marché dans le délai indiqué au premier alinéa du présent article. Le règlement du différend intervient alors suivant les modalités indiquées à l'article 7.2. (...) ; qu'aux termes de l'article 7.2 du même CCAG relatif au règlement des différents et des litiges : (...) 7.2.2- Intervention de la personne publique : / (...) 2-Si un différend survient directement entre la personne responsable du marché et le titulaire, celui-ci doit adresser un mémoire de réclamation à ladite personne aux fins de transmission à la personne publique / 3- La décision à prendre sur les différends prévus aux 1 et 2 de l'article 7.2.2 appartient à la personne publique (...) / 7.2.3- Procédures contentieuses : / 1- Si, dans le délai de trois mois à partir de la date de réception par la personne responsable du marché de la lettre ou du mémoire du titulaire mentionné aux 1 et 2 de l'article 7.2.2, aucune décision n'a été notifiée au titulaire, ou si celui-ci n'accepte pas la décision qui lui a été notifiée, le titulaire peut saisir le tribunal administratif compétent. Il ne peut porter devant cette juridiction que les chefs et motifs de réclamation énoncés dans la lettre ou le mémoire remis à la personne responsable du marché. / 2-Si, dans le délai de six mois à partir de la notification au titulaire de la décision prise conformément au 3 de l'article 7.2.2 sur les réclamations auxquelles a donné lieu le décompte général du marché, le titulaire n'a pas porté ses réclamations devant le tribunal administratif compétent, il est considéré comme ayant accepté ladite décision et toute réclamation est irrecevable (...) ; qu'aux termes de l'article 99 du code des marchés publics de toute nature passés au nom de la Polynésie française et de ses établissements publics : En cas de résiliation du marché, à défaut d'accord entre les parties intervenu dans les six mois, un arrêté du Président du gouvernement de la Polynésie française fixe, dans les trois mois suivants, le montant de l'indemnité de résiliation. / A défaut de décision ou d'accord contractuel dans le délai de trois mois prévu à l'alinéa précédent, des intérêts moratoires sont acquis de plein droit au titulaire du marché à partir de l'expiration de ce délai jusqu'à la date de la notification de la décision ou de la conclusion d'un accord contractuel enfin intervenu. Ils sont calculés sur l'indemnité de résiliation au taux visé à l'article 96 (...) ;

Considérant, en premier lieu, que la demande de résiliation formulée par la société requérante visait expressément la résiliation de plein droit de l'article 6.6.2 du CCAG au motif que les prestations prévues au marché avaient été interrompues pendant plus d'une année sans que le maître d'ouvrage l'ait informée d'une quelconque durée d'ajournement ; que, dès lors, la Polynésie française était tenue, comme elle l'a fait, de prononcer la résiliation du marché qui doit être réputée intervenue à compter du 5 juillet 2006, date de réception de ladite demande de résiliation, laquelle n'était soumise à aucune autre condition ; qu'il s'ensuit que le décompte général susmentionné notifié à la société le 19 septembre 2006 en même temps que la décision de résiliation doit être regardé comme le décompte de résiliation qu'il appartenait au maître d'ouvrage d'établir dans les conditions de l'article 6.2.2 du CCAG et, le cas échéant, à l'entreprise de contester, comme elle l'a fait par sa réclamation susvisée en date du 3 octobre 2006 faisant référence audit article 6.2.2, dans les conditions de l'article 2.3.3.3 du CCAG rendu applicable à ladite réclamation par l'article 6.1.4 dudit CCAG, la résiliation étant de plein droit ainsi qu'il a été dit ; que la circonstance que la société ait invoqué de surcroît le comportement fautif du maître d'ouvrage dans ladite réclamation était sans incidence sur l'obligation des parties de respecter ladite procédure de contestation et sur les droits à indemnité de la société, la résiliation étant, en tout état de cause, imputable au fait du maître d'ouvrage ;

Considérant, en second lieu, qu'il résulte des stipulations précitées du CCAG que le mémoire de réclamation mentionné à l'article 7.2.2.2 est nécessairement celui mentionné à l'article 2.3.3.3 du CCAG, s'agissant d'un différend survenu lors de la procédure d'établissement du décompte général ; que, si, par la lettre susmentionnée en date du 29 novembre 2006 notifiée le 7 décembre 2006, le maître d'ouvrage s'est prononcé sur les divers chefs de la réclamation susmentionnée en date du 3 octobre 2006, réclamation présentée dans les délais de l'article 2.3.3.3 du CCAG, cette lettre, qui reconnaissait la possibilité d'accueillir partiellement certains chefs de réclamation, et notamment celui des dépenses pour travaux, qui demandait des éléments justificatifs, qui invitait la société à entamer des négociations et lui indiquait que les parties disposaient de six mois pour trouver un accord, délai au-delà duquel le montant de l'indemnité de résiliation serait fixée dans les trois mois par référence à l'article 99 du code des marchés publics applicable, ne saurait être regardée, dans ces conditions, comme prenant définitivement parti sur la réclamation de la société et de nature à lui rendre opposable le délai de six mois de l'article 7.2.3 dudit CCAG pour contester devant le juge le décompte de résiliation ; que la circonstance que la société n'aurait pas émis de réserves à l'ordre de service susmentionné prononçant la suspension des travaux dans les conditions prévues par l'article 1.2.4.4 du CCAG, soit dans les quinze jours suivant la réception de cet ordre, est sans incidence à cet égard dès lors que la demande de suspension par la société requérante est fondée non pas sur une réserve à cet ordre de service mais sur la durée de la suspension qui l'a suivie, laquelle s'étant prolongée au-delà d'un an a ouvert à ladite société le bénéfice des dispositions de l'article 6.2.2 du CCAG ainsi qu'il a été dit ci-dessus ; que, dès lors, d'une part, les fins de non-recevoir opposées par la Polynésie française ne peuvent qu'être rejetées ; que, d'autre part, le décompte de résiliation ne saurait être regardé comme définitif ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que, en l'absence de décompte de résiliation devenu définitif, il appartient au juge du contrat de statuer sur les réclamations pécuniaires des parties ;

Sur l'indemnité de résiliation :

Considérant que, en l'absence de toute faute de sa part et hormis le cas de force majeure étranger au présent litige, la SOCIETE EURL AZ-CONSTRUCTIONS a droit, en l'absence de clause d'indemnisation forfaitaire prévue au contrat, à la réparation intégrale du préjudice résultant pour elle de la résiliation anticipée du marché imputable au maître de l'ouvrage, soit au versement d'une indemnité représentant non seulement les pertes éventuelles qu'elle a supportées, mais également les gains dont elle a été privée directement liés à cette résiliation ;

Considérant, en premier lieu, que la société n'établit pas la réalité, et a fortiori le montant, des dépenses et charges de matériels qu'elle prétend avoir consenties à hauteur de 120 millions de francs CFP, ni leur lien de causalité directe avec la résiliation du marché ; qu'elle n'établit pas davantage la réalité des intérêts débiteurs qu'elle soutient avoir dû verser à hauteur de la somme de 647 801 francs CFP en raison de l'immobilisation de facteurs de production ; qu'il résulte de l'instruction, ainsi que le précisait la Polynésie française dans la lettre susmentionnée en date du 29 novembre 2006 non contredite sur ce point, que la société n'a pas demandé à ce que soit établis les constats contradictoires prévus à l'article 2.4 du CCAG, auxquels il doit être procédé en particulier, selon les stipulations de l'article 6.6.1 du CCAG, en cas d'ajournement et d'interruption des travaux en ce qui concerne notamment l'immobilisation des matériels ; qu'elle n'établit pas que les frais de matériels dont il est fait état dans le rapport d'évaluation du préjudice financier, certes établi par un expert-comptable diligenté par la société, correspondraient à des achats de matériels spécifiques destinés au chantier dont s'agit ; que, dès lors, les frais correspondants ne sauraient être imputés à la résiliation du marché ;

Considérant, en second lieu, qu'en l'absence de toute clause d'indemnisation forfaitaire prévue au contrat, la société a droit à être indemnisée, au titre du manque à gagner, pour la perte des bénéfices qu'elle pouvait normalement escompter de l'exécution du marché ; qu'il s'ensuit que le manque à gagner doit être calculé sur la marge nette qu'elle pouvait escompter sur la partie résiliée du marché, et non comme le soutient la société à partir de la marge brute attendue sur la totalité du marché ; que le montant du marché s'élevait à la somme de 247 017 157 francs CFP TTC ; qu'il n'est pas contesté que le montant des travaux réalisés tels que prévus au marché à la date de la résiliation correspondait au second acompte versé à hauteur de 23 650 480 francs CFP ; que, dès lors, le chiffre d'affaires escompté sur la partie résiliée du marché s'élevait à la somme de 223 366 677 francs CFP TTC ; qu'ainsi que le reconnaît la société, il y a lieu également de tenir compte de ce que le marché a été sous-traité pour une partie correspondant à 30 % de son montant ; que le rapport susmentionné fait état d'un taux de marge brute de 28,2 % ; qu'il sera fait une juste appréciation des circonstances de l'espèce en fixant l'indemnité de résiliation à laquelle a droit la société requérante à la somme de 14 500 000 francs CFP ;

Sur le règlement du marché :

Considérant que l'ensemble des opérations auxquelles donne lieu l'exécution d'un marché de travaux publics est compris dans un compte dont aucun élément ne peut être isolé et dont seul le solde arrêté lors de l'établissement du décompte définitif détermine les droits et obligations définitifs des parties ; qu'il y a lieu de fixer le solde du décompte en faisant état de tous les éléments actifs et passifs résultant d'obligations ayant une existence certaine et devant figurer sur ledit décompte ;

Considérant, en premier lieu, qu'il y a lieu de porter à l'actif du décompte le montant non contesté des travaux réalisés tels que prévus au marché à la date de la résiliation et correspondant au second acompte versé par le maître d'ouvrage, pour la somme de 21 608 479 francs CFP HT, soit 23 650 480 francs CFP TTC en tenant compte des révisions de prix ; que la société requérante ne saurait établir ni la réalité ni la nécessité des travaux supplémentaires de remise en état du chantier et de déménagement qu'elle soutient avoir dû réaliser pour un montant de 11 078 785 francs CFP HT et qu'elle impute à la résiliation en se bornant à produire un cadre de certificat de service fait non signé par le maître d'ouvrage ; que ce dernier montant ne peut être pris en compte au titre de sommes qui lui sont dues ;

Considérant, en deuxième lieu, qu'il y a lieu de porter au passif du décompte les acomptes versés par le maître d'ouvrage, le premier acompte versé correspondant à l'avance forfaitaire pour le montant de 12 350 858 francs CFP HT, soit 13 585 944 francs CFP TTC, et le second acompte correspondant au paiement des travaux réalisés et prévus au marché pour le montant de 21 608 479 francs CFP HT, soit 23 650 480 francs CFP TTC en tenant compte des révisions de prix, ainsi qu'il a été dit ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que, avant imputation de l'indemnité de résiliation, le solde du décompte s'établit à la somme de 13 585 944 francs CFP, due au maître d'ouvrage, correspondant au remboursement de l'avance forfaitaire par le titulaire et son sous-traitant ; qu'il résulte de l'instruction et notamment du certificat de service fait en date du 31 juillet 2006 non contesté sur ce point, que l'entreprise requérante devait rembourser pour sa part 9 877 453 francs CFP TTC au titre de l'avance forfaitaire ; que l'indemnité de résiliation à laquelle a droit la société requérante s'élève à la somme de 14 500 000 francs CFP, ainsi qu'il a été dit ; qu'il s'ensuit que le solde du décompte de résiliation s'établit à la somme de 4 622 547 francs CFP TTC en faveur de la société requérante ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de prescrire une mesure d'expertise, que le solde du décompte de résiliation de la société requérante s'établit au montant de 4 622 547 francs CFP TTC en sa faveur, somme dont doit être déclarée redevable la Polynésie française envers la SOCIETE EURL AZ-CONSTRUCTIONS à ce titre ;

Sur les intérêts et leur capitalisation :

Considérant, en premier lieu, que lorsqu'ils ont été demandés, et qu'elle que soit la date de cette demande, les intérêts moratoires dus en application de l'article 1153 du code civil courent à compter du jour où la sommation de payer le principal est parvenue au débiteur ou, en l'absence d'une telle demande préalablement à la saisine du juge, à compter du jour de cette saisine ; que la société requérante demande à ce que les sommes qui lui sont dues portent intérêt au taux légal à compter du 3 octobre 2006, date de sa réclamation dirigée contre le décompte de résiliation ; que, toutefois, la société n'établit pas la date de réception de sa réclamation ; qu'elle doit être réputé avoir été reçue au plus tard le 29 novembre 2006, date de la lettre susmentionnée par laquelle la Polynésie française accuse réception de ladite réclamation ; qu'il y a lieu, dès lors, de fixer le point de départ des intérêts sur la somme susmentionnée de 4 622 547 francs CFP TTC au 29 novembre 2006 ;

Considérant, en second lieu, que la capitalisation des intérêts a été demandée par la SOCIETE EURL AZ-CONSTRUCTIONS par son mémoire enregistré le 21 février 2008 au greffe du tribunal administratif ; qu'à cette date, il était dû plus d'une année d'intérêts ; que, dès lors, il y a lieu de faire droit à cette demande à compter du 21 février 2008 puis à chaque échéance annuelle à compter de cette date ;

Sur les conclusions d'appel en garantie de la Polynésie française :

Considérant que la Polynésie française demande que M. Tamahahe la garantisse de toute condamnation en raison de ses agissements lors de l'occupation du chantier de la société requérante ; que s'agissant de la responsabilité d'une personne privée, qui n'est pas partie prenante au contrat dont s'agit, du fait de ses agissements, ce litige échappe à la compétence de la juridiction administrative ;

Sur les conclusions de la société requérante tendant à la condamnation de la Polynésie française à des dommages-intérêts pour résistance abusive :

Considérant que lesdites conclusions, présentées en appel après l'expiration du délai d'appel et qui portent sur un chef de préjudice distinct de celui qui fait l'objet de l'appel principal, sont irrecevables, comme constitutives d'une demande nouvelle en cause d'appel ;

Sur l'application de l'article L 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la société requérante, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, la somme demandée par la Polynésie française au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ; que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de la Polynésie française la somme de 2 000 euros, au titre des frais exposés par la SOCIETE EURL AZ-CONSTRUCTIONS et non compris dans les dépens ;

D E C I D E :

Article 1er : Le jugement susvisé du Tribunal administratif de la Polynésie française en date du 20 mai 2008 est annulé.

Article 2 : La Polynésie française est déclarée débitrice envers la SOCIETE EURL AZ-CONSTRUCTIONS, en règlement définitif du solde du décompte de résiliation de ladite société au titre du marché susvisé, de la somme de 4 622 547 francs CFP TTC, assortie des intérêts au taux légal à compter du 29 novembre 2006. Les intérêts échus le 21 février 2008, puis à chaque échéance annuelle à compter de cette date, seront capitalisés à chacune de ces dates pour produire eux-mêmes intérêts.

Article 3 : La Polynésie française versera à la SOCIETE EURL AZ-CONSTRUCTIONS la somme de 2 000 euros, au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Les surplus des conclusions des parties sont rejetés.

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N° 08PA04422


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 08PA04422
Date de la décision : 18/05/2010
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. LOOTEN
Rapporteur ?: M. Ermès DELLEVEDOVE
Rapporteur public ?: Mme DESCOURS GATIN
Avocat(s) : MAÎTRES MONOD / COLIN

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2010-05-18;08pa04422 ?
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