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04/05/2010 | FRANCE | N°09PA04322

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 4ème chambre, 04 mai 2010, 09PA04322


Vu la requête, enregistrée le 15 juillet 2009, présentée par le PREFET DE POLICE ; le PREFET DE POLICE demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0903502/6-1 en date du 5 juin 2009 par lequel le Tribunal administratif de Paris a annulé son arrêté en date du 14 janvier 2009 refusant de délivrer un titre de séjour à M. Benedict A, lui faisant obligation de quitter le territoire français et fixant le pays à destination duquel il pourrait être reconduit et lui a enjoint de délivrer à l'intéressé une carte de séjour temporaire portant la mention vie privée et fam

iliale ;

2°) de rejeter la demande présentée par M. A devant le Tribunal ...

Vu la requête, enregistrée le 15 juillet 2009, présentée par le PREFET DE POLICE ; le PREFET DE POLICE demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0903502/6-1 en date du 5 juin 2009 par lequel le Tribunal administratif de Paris a annulé son arrêté en date du 14 janvier 2009 refusant de délivrer un titre de séjour à M. Benedict A, lui faisant obligation de quitter le territoire français et fixant le pays à destination duquel il pourrait être reconduit et lui a enjoint de délivrer à l'intéressé une carte de séjour temporaire portant la mention vie privée et familiale ;

2°) de rejeter la demande présentée par M. A devant le Tribunal administratif de Paris ;

..................................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 modifiée ;

Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 20 avril 2010 :

- le rapport de M. Dellevedove, rapporteur,

- les conclusions de Mme Descours-Gatin, rapporteur public,

- et les observations de Me Saraf, pour M. A ;

Considérant que le PREFET DE POLICE fait appel du jugement en date du 5 juin 2009, par lequel le Tribunal administratif de Paris a, d'une part, annulé son arrêté en date du 14 janvier 2009 refusant à M. A la délivrance du titre de séjour qu'il avait sollicité en qualité de conjoint de Français, portant obligation de quitter le territoire français et fixant le pays à destination duquel il pourrait être reconduit, et, d'autre part, lui a enjoint de délivrer à l'intéressé un titre de séjour portant la mention vie privée et familiale ;

Sur les conclusions du préfet :

Considérant qu'aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention vie privée et familiale est délivrée de plein droit : / (...) 4° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, marié avec un ressortissant de nationalité française, à condition que la communauté de vie n'ait pas cessé depuis le mariage, que le conjoint ait conservé la nationalité française (...) / 11° A l'étranger résidant habituellement en France dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve qu'il ne puisse effectivement bénéficier d'un traitement approprié dans le pays dont il est originaire, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée. La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative, après avis (...) à Paris, du médecin, chef du service médical de la préfecture de police (...) ; qu'aux termes de l'article L. 311-7 du même code : Sous réserve des engagements internationaux de la France et des exceptions prévues par les dispositions législatives du présent code, l'octroi de la carte de séjour temporaire et celui de la carte de séjour compétences et talents sont subordonnés à la production par l'étranger d'un visa pour un séjour d'une durée supérieure à trois mois ;

Considérant que, lorsqu'il est saisi d'une demande de délivrance d'un titre de séjour sur le fondement de l'une des dispositions du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le préfet n'est pas tenu, en l'absence de dispositions expresses en ce sens, d'examiner d'office si l'intéressé peut prétendre à une autorisation de séjour sur le fondement d'une autre disposition de ce code, même s'il lui est toujours loisible de le faire à titre gracieux, notamment en vue de régulariser la situation de l'intéressé ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que l'arrêté litigieux en date du 14 janvier 2009 a été pris en réponse à la demande de titre de séjour de l'intéressé en qualité de conjoint de Français sur le fondement des dispositions précitées du 4° de l'article L. 313-11 du code ; que l'intéressé, qui n'établit pas qu'il aurait informé le préfet de son état de santé à la date de l'arrêté contesté, ne saurait utilement soutenir que le préfet a refusé d'examiner sa demande titre de séjour sur le fondement du II° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le PREFET DE POLICE est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris s'est fondé exclusivement sur le motif tiré de l'erreur manifeste dans l'appréciation de l'état de santé de M. A pour annuler l'arrêté susvisé en date du 14 janvier 2009 refusant à l'intéressé le titre de séjour qu'il avait sollicité, l'obligeant à quitter le territoire français et fixant le pays de destination et pour enjoindre à l'administration de lui délivrer une carte de séjour portant la mention vie privée et familiale ; que, toutefois, il appartient à la cour, saisie de l'ensemble du litige, par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. A ;

Sur la légalité du refus de séjour :

Considérant, en premier lieu, que, contrairement à ce que soutient M. A, il ressort des pièces du dossier que la décision portant refus de séjour comporte l'exposé des motifs de fait et de droit qui en constituent le fondement et que le préfet s'est livré à un examen particulier de sa situation personnelle et familiale ; que, dès lors, ces moyens ne peuvent qu'être écartés ;

Considérant, en deuxième lieu, qu'il résulte des dispositions susmentionnées que la délivrance de plein droit d'une carte de séjour temporaire portant la mention vie privée et familiale en qualité de conjoint de Français est subordonnée non seulement aux conditions énoncées par le 4° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile mais aussi à la production d'un visa pour un séjour d'une durée supérieure à trois mois, conformément aux dispositions de l'article L. 311-7 dudit code ; qu'il ressort des pièces du dossier que l'intéressé, de nationalité centre africaine, qui n'allègue pas avoir sollicité la délivrance d'un visa de long séjour lors de la présentation de sa demande de titre de séjour, est entré en France sous couvert d'un visa de court séjour et ne disposait pas ainsi du visa requis par les dispositions précitées, insusceptibles, dans ces conditions, de lui ouvrir droit au titre de séjour qu'il avait sollicité ;

Considérant, en troisième lieu, qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ; que, si M. A, de nationalité centrafricaine, fait état de la vie familiale qu'il même en France auprès de son épouse, avec laquelle il s'est marié le 22 décembre 2007 dans son pays d'origine, de l'enfant de celle-ci issue d'une précédente union et de leur enfant, né postérieurement à la décision attaquée, il ressort des pièces du dossier, qu'il n'est entré en France que le 27 mars 2008 et qu'il n'est pas dépourvu d'attaches familiales dans son pays d'origine où il a vécu jusqu'à l'âge de 29 ans et où résident sa mère et ses quatre frères et soeurs ; que, dans ces conditions, compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce, et notamment de la durée, des conditions de séjour et du caractère récent de la vie maritale de l'intéressé en France et eu égard aux effets d'une mesure de refus de séjour, l'arrêté contesté n'a pas porté au droit de l'intéressé au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels il a été pris ; que, dès lors, la décision de refus de séjour prise à l'encontre de M. A n'a pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Considérant, en quatrième lieu, que le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales est inopérant à l'encontre de la décision de refus de séjour qui n'implique pas par elle-même l'éloignement de l'intéressé ;

Sur la légalité de l'obligation de quitter le territoire :

Considérant qu'aux termes de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : Ne peuvent faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français ou d'une mesure de reconduite à la frontière en application du présent chapitre : (...) / 10° L'étranger résidant habituellement en France dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve qu'il ne puisse effectivement bénéficier d'un traitement approprié dans le pays de renvoi (...) ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier et notamment des certificats médicaux produits en première instance, fussent-ils postérieurs à l'arrêté contesté, corroborés par l'avis émis le 2 juillet 2009 par le médecin, chef du service médical de la préfecture de police, postérieurement audit arrêté, au vu des documents médicaux présentés par l'intéressé en première instance, que, l'état de santé de M. A nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et qu'il ne pourrait avoir accès à un traitement approprié dans son pays d'origine ; que d'ailleurs le préfet s'en remet à cet égard à la sagesse de la cour ; que, dès lors, alors même que le PREFET DE POLICE n'avait pas connaissance de l'état de santé du requérant à la date à laquelle il a pris la décision dont s'agit, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens soulevés en première instance, la décision portant obligation de quitter le territoire a été prise en méconnaissance des dispositions précitées du 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le PREFET DE POLICE est seulement fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a annulé sa décision en date du 14 janvier 2009 refusant à M. A le titre de séjour qu'il avait sollicité et a enjoint à l'administration de lui délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention vie privée et familiale ; qu'il s'ensuit que le présent arrêt ne fait droit aux conclusions à fin d'annulation de la demande de M. A qu'en ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire et, par voie de conséquence, en ce qui concerne la décision fixant le pays de destination ; que, dès lors, par application des dispositions combinées de l'article L. 512-2 du code de l'entrée du séjour des étrangers et du droit d'asile et de l'article L. 911-2 du code de justice administrative, le présent arrêt implique seulement qu'il soit enjoint à l'autorité administrative de réexaminer le droit au séjour de l'intéressé et, dans l'attente, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, d'enjoindre au PREFET DE POLICE de procéder, dans le délai de deux mois à compter de la notification de la présente décision, au réexamen du droit au séjour de l'intéressé et, dans l'attente, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour sans qu'il y ait lieu d'assortir cette injonction d'une astreinte ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, la somme demandée par M. A au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;

D E C I D E :

Article 1er : Le jugement susvisé en date du 5 juin 2009 est annulé en tant qu'il a annulé la décision du 14 janvier 2009 du PREFET DE POLICE refusant à M. A le titre de séjour qu'il avait sollicité et a enjoint à l'administration de lui délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention vie privée et familiale .

Article 2 : Le préfet de police délivrera une autorisation provisoire de séjour à M. A et statuera à nouveau sur sa situation dans le délai maximum de deux mois à compter de la notification du présent arrêt. Il tiendra le greffe de la cour (service de l'exécution) immédiatement informé des décisions prises à cette fin.

Article 3 : Les surplus des conclusions des parties sont rejetés.

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N° 09PA04322


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 09PA04322
Date de la décision : 04/05/2010
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. LOOTEN
Rapporteur ?: M. Ermès DELLEVEDOVE
Rapporteur public ?: Mme DESCOURS GATIN
Avocat(s) : SARAF

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2010-05-04;09pa04322 ?
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