Vu la requête enregistrée le 17 juin 2008, présentée pour M. Patrick A, demeurant ..., par Me Kupelian ; M. A demande à la cour :
1°) d'annuler l'article 1er du jugement n° 0313505-054972 du 3 juin 2008 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande de décharge des amendes auxquelles il a été assujetti en application des dispositions de l'article 1840 N sexies du code général des impôts par avis de mise en recouvrement du 31 décembre 2004 ;
2°) de prononcer la décharge demandée ;
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Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs et à l'amélioration des relations entre l'administration et le public et notamment son article 1er ;
Vu le code monétaire et financier ;
Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 4 mars 2010 :
- le rapport de M. Bossuroy, rapporteur,
- et les conclusions de Mme Samson, rapporteur public ;
Considérant que M. A, qui exerce à titre individuel une activité de changeur manuel, relève appel du jugement du 3 juin 2008 en tant que, par cette décision, le Tribunal administratif de Paris a rejeté comme irrecevable sa demande de décharge des amendes auxquelles il a été assujetti par un avis de mise en recouvrement du 31 décembre 2004 en raison de paiements en espèces effectués au cours des années 1999 à 2001 ;
Considérant qu'il appartient au juge du fond, saisi d'une contestation portant sur une sanction que l'administration inflige à un administré, de prendre une décision qui se substitue à celle de l'administration et, le cas échéant, de faire application d'une loi nouvelle plus douce entrée en vigueur entre la date à laquelle l'infraction a été commise et celle à laquelle il statue ; que, par suite, compte tenu des pouvoirs dont il dispose ainsi pour contrôler une sanction de cette nature, le juge se prononce sur la contestation dont il est saisi comme juge de plein contentieux ; que la sanction encourue, en vertu des dispositions de l'article 1840 N sexies du code général des impôts, applicable à la date des infractions, pour inobservation des prescriptions de l'article 1er de la loi du 22 octobre 1940, puis, à compter du 1er janvier 2001, de celles de l'article L. 112-6 du code monétaire et financier, a le caractère d'une sanction que l'administration inflige à un administré ; que, par suite, le recours formé contre une telle sanction est un recours de plein contentieux ; qu'il suit de là que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris, qui était compétent pour statuer sur cette demande, a rejeté la demande en décharge de M. A comme irrecevable au motif que les amendes n'auraient pu être contestées que par la voie d'un recours pour excès de pouvoir ; que le jugement attaqué doit dès lors être annulé, sans qu'il soit besoin d'examiner l'autre moyen soulevé contre sa régularité ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, d'évoquer et de statuer sur la demande présentée par M. A au tribunal ;
Sur la régularité de la procédure :
Considérant, d'une part, que la circonstance que l'administration a dégrevé l'amende mise une première fois à la charge du requérant par un avis de mise en recouvrement du 28 septembre 2003 ne faisait pas obstacle à ce qu'elle établisse un nouvel avis de mise en recouvrement le 31 décembre 2004 qui n'a pu priver le requérant de son droit à un procès équitable ; que l'éventuelle erreur entachant la mention des voies de recours portée sur le second avis de mise en recouvrement ne peut que rester sans incidence sur la régularité de la procédure d'imposition ;
Considérant, d'autre part, qu'aux termes de l'article 1840 N sexies du code général des impôts applicable à la date des infractions commises en 1999 et 2000 : Les infractions aux dispositions de l'article 1er de la loi du 22 octobre 1940 relatives aux règlements par chèques et virements, modifiée, qui prescrit d'effectuer certains règlements par chèque barré ou par virement bancaire ou postal, sont punies d'une amende fiscale dont le montant est fixé à 5 % des sommes indûment réglées en numéraire et qu'aux termes des dispositions du même texte issues de l'article 4 de l'ordonnance du 14 décembre 2000 entrée en vigueur le 1er janvier 2001, applicables aux infractions commises en 2001 : Conformément aux deuxième et troisième phrases de l'article L. 112-7 du code monétaire et financier, les infractions aux dispositions de l'article L. 112-6 du code précité sont passibles d'une amende fiscale dont le montant ne peut excéder 5 % des sommes indûment réglées en numéraire ;
Considérant que les dispositions de l'article 1840 N sexies applicables à partir du 1er janvier 2001 ont substitué à l'amende forfaitaire de 5 % des sommes indûment réglées en numéraire une amende dont le montant maximum peut atteindre 5 % de ces sommes et qui doit être modulé en fonction des circonstances propres à chaque espèce ; que ces nouvelles dispositions, qui prévoient des peines moins sévères que la loi ancienne, devaient par suite être appliquées par l'administration aux infractions commises en 1999 et 2000 comme aux infractions commises en 2001, lorsqu'elle a mis les amendes en litige à la charge du requérant, par l'avis de mise en recouvrement du 31 décembre 2004 ;
Considérant qu'aux termes de l'article L. 80 D du livre des procédures fiscales : Les décisions mettant à la charge des contribuables des sanctions fiscales sont motivées au sens de la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs et à l'amélioration des relations entre l'administration et le public, quand un document ou une décision adressés au plus tard lors de la notification du titre exécutoire ou de son extrait en a porté la motivation à la connaissance du contribuable ; qu'aux termes, des dispositions de l'article 1er de la loi du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs et à l'amélioration des relations entre l'administration et le public : Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent. A cet effet, doivent être motivées les décisions qui :... infligent une sanction ;
Considérant que si, en application des dispositions précitées de la loi du 11 juillet 1979, l'administration devait indiquer à l'intéressé les motifs de droit et de fait de la sanction qui lui était infligée, elle n'était pas tenue de motiver le taux retenu pour l'amende dans l'exercice du pouvoir de modulation que lui conférait le nouveau texte ; que les procès-verbaux notifiés à M. A le 13 décembre 2002 et le 10 avril 2003 comportaient la liste des paiements en numéraire effectués par l'intéressé et lui indiquaient les dispositions légales prévoyant l'amende que l'administration envisageait de mettre à sa charge ; que, par suite, les sanctions litigieuses ont fait l'objet d'une motivation régulière, nonobstant la circonstance que l'administration ne donnait pas les raisons pour lesquelles le taux de l'amende prévue serait fixé à 5 % ;
Sur le bien-fondé des amendes :
Considérant que les dispositions précitées ont été modifiées à nouveau par la loi du 2 août 2005 en faveur des petites et moyennes entreprises et par l'ordonnance du 7 décembre 2005 relative à des mesures de simplification en matière fiscale et à l'harmonisation et l'aménagement du régime des pénalités, les infractions aux dispositions de l'article L. 112-6 du code monétaire et financier étant toujours passibles, en vertu des dispositions combinées de l'article 1840 J du code général des impôts et des deuxième et troisième phrases de l'article L. 112-7 du code monétaire et financier, modifié en dernier lieu par l'ordonnance du 30 janvier 2009 relative à la prévention de l'utilisation du système financier aux fins de blanchiment de capitaux et de financement du terrorisme, d'une amende fiscale dont le montant ne peut excéder 5 % des sommes indûment réglées en numéraire ; que ces nouvelles dispositions sont, comme il a été dit ci-dessus, moins sévères que les dispositions de l'article 1840 sexies applicables à la date des infractions commises en 1999 et 2000 ; que, par suite, il y a lieu pour la cour, statuant comme juge de plein contentieux sur la demande de M. A, d'appliquer ces dispositions aux infractions commises selon l'administration en 1999 et 2000 comme à celles commises en 2001 ;
Considérant, d'une part, que M. A soutient que les mouvements de fonds constatés par l'administration ne constituaient pas des paiements contrevenant aux dispositions légales dès lors qu'il s'agissait de flux internes à la société de fait constituée entre son entreprise, dénommée Or et change et celle de son père, dénommée Merson change ; que, toutefois, le requérant n'apporte pas la preuve de l'existence d'apports des prétendus associés, de leur participation à la direction et au contrôle de l'affaire ainsi que de leur participation aux résultats ; que l'existence d'une société de fait n'est par suite pas établie ;
Considérant, d'autre part, qu'il résulte de l'instruction que les paiements d'achats de lingots d'or effectués par l'entreprise de M. A au profit de l'entreprise de son père, représentant la quasi-totalité des paiements en espèces incriminés, s'expliquaient par le fait que les deux entreprises regroupaient leurs achats d'or auprès de la Caisse parisienne de réescompte ; que l'administration ne peut soutenir pour justifier du taux maximum de l'amende que la gravité des infractions résulte du montant élevé des paiements effectués dès lors que l'amende est définie par le texte applicable en pourcentage desdits paiements ; qu'elle soutient toutefois avec raison que le contrevenant peut être regardé comme un professionnel averti, même si elle ne peut faire valoir que l'intéressé aurait dû s'interroger sur l'origine des espèces dès lors que l'amende ne porte pas sur des ventes réalisés en espèces ; que, dans les circonstances de l'affaire, il y a lieu de fixer le montant de l'amende à 3 % des sommes indûment réglées en numéraire ;
Sur les conclusions présentées au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative:
Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
D E C I D E :
Article 1er : Le jugement du Tribunal administratif de Paris du 3 juin 2008 est annulé.
Article 2 : L'amende mise à la charge de M. A est fixée à un montant s'élevant à 3 % des sommes indûment réglées en numéraire.
Article 3 : M. A est déchargé de la différence entre le montant des amendes mises à sa charge par l'avis de mise en recouvrement du 31 décembre 2004 et celui fixé à l'article 2 ci-dessus.
Article 4 : L'Etat versera à la M. A une somme de 1 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 5 : Le surplus de la demande présentée par M. A devant le Tribunal administratif de Paris est rejeté.
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N° 08PA03117