Vu la requête, enregistrée le 17 septembre 2007 présentée pour la SARL ICAF, dont le siège est 32 boulevard Magenta à Paris (75010), par Me d'Alboy ; la SARL ICAF demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement nos 0115097/1 et 0406275/1 en date du17 juillet 2007 par lequel le Tribunal administratif de Paris, après avoir constaté un non-lieu à statuer partiel, a rejeté le surplus des conclusions de sa demande et sa réclamation, transmise d'office par le directeur du contrôle fiscal d'Île-de-France Est, tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des années 1993, 1994 et 1995, ainsi que des pénalités y afférentes ;
2°) de prononcer la décharge des impositions encore en litige ;
3°) de mettre à la charge de l'État la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
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Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
Vu le décret n° 2009-14 du 7 janvier 2009 et l'arrêté du vice-président du Conseil d'État du 27 janvier 2009 ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 12 février 2010 :
- le rapport de Mme Brin, rapporteur,
- et les conclusions de Mme Larere, rapporteur public ;
Sur la régularité de la procédure d'imposition :
Considérant qu'il résulte de l'instruction que la SARL ICAF dont l'activité est l'expertise comptable a fait l'objet d'une vérification de comptabilité portant sur les années 1993, 1994 et 1995 à l'issue de laquelle des redressements lui ont été notifiés le 20 décembre 1996 ; qu'elle a produit ses observations auxquelles l'administration a répondu le 10 mars 1997 ; qu'elle a eu un entretien avec l'inspecteur principal le 28 mars 1997 lequel, dans le cadre d'un second recours hiérarchique, a par lettre du 18 avril 1997, abandonné certains redressements ; que la SARL ICAF a, le 10 mars 1997, demandé que le différend soit soumis à la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires et, le 20 juin suivant, a sollicité une entrevue avec l'interlocuteur départemental qui le 24 juin lui a proposé un rendez-vous après que ladite commission aura rendu son avis ; que cette dernière s'est réunie le 12 février 1998 ; que l'entrevue avec l'interlocuteur départemental a eu lieu le 18 février 1999 ; que ce dernier, le 27 juillet suivant, a informé la contribuable du maintien de certains redressements ;
Considérant, en premier lieu, qu'aux termes du dernier alinéa de l'article L. 10 du livre des procédures fiscales : Avant l'engagement d'une des vérifications prévues aux articles L. 12 et L. 13, l'administration des impôts remet au contribuable la charte des droits et obligations du contribuable vérifié ; les dispositions contenues dans la charte sont opposables à l'administration ; que le paragraphe 5 du chapitre III de cette charte indique que si le vérificateur a maintenu totalement ou partiellement les redressements envisagés, des éclaircissements supplémentaires peuvent vous être fournis si nécessaire par l'inspecteur divisionnaire ou principal et que si après ces contacts des divergences importantes subsistent, vous pouvez faire appel à l'interlocuteur départemental ou régional qui est un fonctionnaire de rang élevé spécialement désigné par le directeur dont dépend le vérificateur ;
Considérant qu'il résulte des dispositions précitées que si les prescriptions contenues dans la charte des droits et obligations du contribuable vérifié remise au contribuable avant l'engagement d'une vérification de comptabilité sont opposables à l'administration, celles-ci se bornent à prévoir la possibilité pour le contribuable, en cas de désaccord avec le vérificateur, de saisir l'inspecteur principal, puis, si des divergences importantes subsistent, de faire appel à l'interlocuteur départemental ou régional, sans exiger que l'interlocuteur départemental ou régional lorsqu'il y est fait appel par le contribuable propose une entrevue à ce dernier avant que la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires ne rende son avis ; que, par suite, la circonstance que l'interlocuteur départemental a proposé à la SARL ICAF qu'un rendez-vous ait lieu à une date postérieure à la séance et à l'avis de ladite commission ne constitue pas une atteinte aux droits et garanties reconnus par la charte des droits et obligations du contribuable vérifié qui aurait entaché d'irrégularité la procédure d'imposition ;
Considérant, en second lieu, que d'une part, contrairement à ce que soutient la requérante, l'administration, à sa demande, a saisi la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires ; que d'autre part, le sens de l'avis émis par la commission ne peut avoir pour d'autre effet que de modifier, le cas échéant, la dévolution de la charge de la preuve dans les termes prévus par l'article L. 192 du livre des procédures fiscales ; qu'il en est ainsi lorsque la commission se déclare incompétente pour examiner des questions de fait qui lui sont soumises en les regardant à tort comme des questions de droit, et se méprend de la sorte sur l'étendue du domaine d'intervention que lui attribuent, notamment, les dispositions du 1° de l'article L. 59 A du même livre ; que, dès lors, si la commission, lors de sa séance du 12 février 1998, a estimé que le caractère irrécouvrable d'une perte constatée sur un client posait une question de droit qui ne ressortissait pas à sa compétence, alors que ce point relevait d'une appréciation de fait de sa compétence, cette erreur n'affecte pas la régularité de la procédure d'imposition et n'est, par suite, pas de nature à entraîner la décharge de l'imposition contestée ;
Considérant qu'il résulte de ce qui vient d'être dit que la société requérante ne saurait sérieusement prétendre qu'elle a été privée d'un débat contradictoire pendant les opérations de contrôle ;
Sur le bien-fondé des redressements qui restent en litige :
En ce qui concerne les provisions pour créances douteuses :
Considérant qu'aux termes des dispositions du 1 de l'article 39 du code général des impôts applicable en matière d'impôt sur les sociétés en vertu de l'article 209 : Le bénéfice net est établi sous déduction de toutes charges, celles-ci comprenant (...) notamment : (...) 5° Les provisions constituées en vue de faire face à des pertes ou charges nettement précisées et que des événements en cours rendent probables, à condition qu'elles aient été effectivement constatées dans les écritures de l'exercice (...) ; qu'il incombe au contribuable de justifier des provisions qu'il entend faire admettre en déduction des résultats imposables ;
Considérant que la SARL ICAF a constitué des provisions pour créances douteuses au titre des exercices clos en 1993, 1994 et 1995 ; que d'une part, si elle fait valoir qu'exploitant un cabinet d'expertise comptable ,elle avait connaissance de la mauvaise situation financière de clients dont elle tenait la comptabilité, ce seul élément ne suffit pas à justifier du caractère douteux de ses créances sur les sociétés Myriacolor, SEF, Grine, la SCI Pantin et la Pierrade ; que d'autre part, ni le non-paiement de leurs dettes à leurs échéances par les sociétés BLB et Had, ni la liquidation judiciaire intervenue postérieurement à la clôture de l'exercice clos en 1995 des sociétés Mica, Cogestrans et DH Médical ne suffisent à justifier la déduction des provisions pour créances douteuses constituées en ce qui concerne ces débiteurs ;
Considérant que la SARL ICAF ne saurait, sur le fondement de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, se prévaloir des énonciations du n° 5 de la documentation administrative de base 4E - 3322, 26 novembre 1996, selon lesquelles la constitution d'une provision pour créance douteuse est possible lorsque la situation du débiteur, notoirement difficile au moment de l'établissement de son bilan, ne permet pas d'espérer qu'il puisse se libérer intégralement dès lors qu'elles ne donnent pas de la loi fiscale une interprétation différente de celle dont il vient d'être fait application ;
Considérant, en revanche, qu'en ce qui concerne la société La Menthe Sauvage, la SARL ICAF, en faisant état des résultats déficitaires de cette société pour les années 1994 et 1995, de ses dettes sociales et fiscales cumulées attestées au 1er trimestre 1993 par l'ANED, caisse complémentaire des salariés, et par une lettre du 13 octobre 1992 des services fiscaux selon laquelle il reste à recouvrer pour le Trésor public une somme de 1 447 259 F, apporte avec ces éléments précis la preuve du caractère douteux de ses créances et la justification des provisions qu'elle a constituées d'un montant de 103 800 F, 202 280 F et 112 734 F au titre des exercices clos respectivement en 1993, 1994 et 1995 ; qu'il en est de même s'agissant de la société Nollet dont le bilan et les déclarations fiscales de bénéfices industriels et commerciaux au 31 décembre 1994 font apparaître des difficultés financières qui permettent de tenir pour probable la perte de la créance provisionnée s'élevant à 17 051 F au titre de l'exercice clos en 1995 ; qu'il y a donc lieu de déduire des bases d'imposition du complément d'impôt sur les sociétés auquel la SARL ICAF a été assujettie au titre des années 1993, 1994 et 1995, les sommes respectives de 103 800 F (15 824,21 euros), 202 280 F (30 837,39 euros) et 129 785 F (19 785,60 euros) ;
En ce qui concerne l'annulation des factures par des avoirs et les créances irrécouvrables :
Considérant qu'il résulte de l'instruction qu'à la suite de l'entretien avec l'interlocuteur départemental, ce dernier a accepté à titre gracieux, par lettre du 27 juillet 1999, la déduction des provisions pour créances douteuses correspondant aux pertes pour créances irrécouvrables et aux avoirs réintégrés initialement par le service ; que, par suite, la contestation de ces chefs de redressement est devenue sans objet ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la SARL ICAF est seulement fondée à demander la réformation du jugement attaqué ;
En ce qui concerne les dépenses de voyage :
Considérant que le service a réintégré dans les résultats de la SARL ICAF, au titre des exercices clos en 1994 et 1995, les sommes respectives de 64 600 F et 61 600 F correspondant à des frais de voyage au motif qu'elles n'ont pas été engagées dans l'intérêt de l'entreprise ; qu'en se bornant à alléguer, sans produire de justificatifs, que les circuits touristiques au Vietnam, au Guatemala et au Honduras auraient permis des rencontres entre experts-comptables, la société requérante n'apporte la preuve qui lui incombe du caractère professionnel de ces dépenses lesquelles dès lors ont, en vertu du 5 b) de l'article 39,1 du code général des impôts, été à bon droit réintégrées dans les résultats ;
Sur l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, en application de ces dispositions, de mettre à la charge de l'État le paiement à la SARL ICAF la somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;
DÉCIDE :
Article 1er : Les bases d'impôt sur les sociétés assignées à la SARL ICAF au titre des années 1993, 1994 et 1995 sont réduites de respectivement 15 824,21, 30 837,39 et 19 785,60 euros.
Article 2 : La SARL ICAF est déchargée des droits et pénalités correspondant à la réduction des bases d'imposition définies à l'article 1er.
Article 3 : Le jugement nos 0115097/1 et 0406275/1 en date du17 juillet 2007 du Tribunal administratif de Paris est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.
Article 4 : L'État versera à la SARL ICAF la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 5 : Le surplus des conclusions de la requête de la SARL ICAF est rejeté.
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N° 07PA03627