Vu la décision n° 269690 du 24 juillet 2006, enregistrée le 18 septembre 2006, sous le n° 06PA03399, par laquelle le Conseil d'Etat a transmis à la cour la requête présentée par le MINISTRE DE LA DEFENSE ;
Vu la requête, enregistrée le 18 septembre 2006 et le mémoire complémentaire, enregistré le 17 mars 2008, présentés par le MINISTRE DE LA DEFENSE ; le MINISTRE DE LA DEFENSE demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement n° 01-4835 du 11 décembre 2003 par lequel le magistrat délégué par le président du Tribunal administratif de Melun a annulé la décision du 2 avril 2001 par laquelle le MINISTRE DE LA DEFENSE a refusé de communiquer à M. Claude A neuf dossiers relatifs aux procédures devant les juridictions militaires intentées à la Libération contre des autonomistes bretons ;
2°) de rejeter la requête de M. A présentée devant le Tribunal administratif de Melun ;
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Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la loi n° 78-753 du 17 juillet 1978 modifiée par la loi du 12 avril 2000 ;
Vu la loi n° 79-18 du 3 janvier 1979 sur les archives ;
Vu les décrets n° 79-1035, n° 79-1037 et n° 79-1038 du 3 décembre 1979 ;
Vu le code du patrimoine ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 28 janvier 2010 :
- le rapport de M. Boulanger, rapporteur,
- et les conclusions de Mme Samson, rapporter public ;
Considérant que M. A, dans le cadre de ses recherches portant sur l'antisémitisme au sein du mouvement régionaliste breton au cours de la période de 1930 à 1944 , a sollicité du MINISTRE DE LA DEFENSE, par courrier daté du 29 septembre 2000, une dérogation lui permettant d'accéder aux dossiers de neuf procédures juridictionnelles engagées après la Libération devant les juridictions militaires ; que, par une décision du 2 avril 2001, implicitement confirmée malgré l'avis favorable du 27 juin 2001 donné par la commission d'accès aux documents administratifs, le MINISTRE DE LA DEFENSE a refusé d'accorder cette dérogation, en se fondant sur les dispositions de l'article 7-3° de la loi du 3 janvier 1979 susvisée ;
Sur la recevabilité de la requête :
Considérant qu'aux termes des dispositions de l'article R. 811-2 du code de justice administrative : Sauf disposition contraire, le délai d'appel est de deux mois. Il court contre toute partie à l'instance à compter du jour où la notification a été faite à cette partie dans les conditions prévues aux articles R. 751-3 et R. 751-4. ; que si M. A se réfère à un courrier de la direction juridique du ministère, daté du 28 avril 2004, l'invitant à se mettre en relation avec le service compétent pour avoir accès à deux des neuf dossiers d'archives qu'il avait demandé à consulter, il ressort en tout état de cause des pièces du dossier que le jugement attaqué a été notifié au MINISTRE DE LA DEFENSE le 10 mai 2004 ; que le recours a été enregistré au greffe du Conseil d'Etat le 8 juillet 2004, soit avant l'expiration du délai d'appel ; que par suite cette fin de non recevoir, tirée de la tardiveté, manque en fait ;
Sur la régularité du jugement attaqué :
Considérant qu'aux termes de l'article R. 222-13 du code de justice administrative : Le président du tribunal administratif ou le magistrat qu'il désigne à cette fin (...) statue en audience publique et après audition du commissaire du gouvernement : (...) 3° Sur les litiges en matière de (...) communication de documents administratifs ;
Considérant que le litige portant sur le refus d'une dérogation aux règles de délai de consultation des archives publiques n'étant pas au nombre de ceux visés par l'article R. 222-13 précité du code de justice administrative, le magistrat délégué ne pouvait régulièrement statuer selon cette procédure sur les conclusions de M. A tendant à l'annulation de la décision implicite refusant de lui accorder une telle dérogation ; que, dès lors, il y a lieu d'annuler le jugement entrepris ;
Considérant qu'il y a lieu de statuer par voie d'évocation sur la demande de M. A présentée devant le Tribunal administratif de Melun, portant sur le refus d'accorder une dérogation aux règles de consultation des archives publiques pour l'accès aux dossiers juridictionnels ;
Sur la légalité de la décision attaquée :
Considérant qu'aux termes de l'article 6 de la loi n° 79-18 du 3 janvier 1979 alors applicable : Les documents dont la communication était libre avant leur dépôt aux archives publiques continueront d'être communiqués sans restriction d'aucune sorte à toute personne qui en fera la demande. Les documents visés à l'article 1er de la loi n° 78-753 du 17 juillet 1978 demeurent communicables dans les conditions fixées par cette loi. Tous les autres documents d'archives publiques pourront être librement consultés à l'expiration d'un délai de trente ans ou des délais spéciaux prévus à l'article 7 ci-dessous ; qu'aux termes de l'article 7 de la même loi, aujourd'hui codifié à l'article L. 213-2 du code du patrimoine : Le délai au-delà duquel les documents d'archives publiques peuvent être librement consultés est porté à : (...) 3° Cent ans à compter de la date de l'acte ou de la clôture du dossier pour les documents relatifs aux affaires portées devant les juridictions et qu'aux termes de l'article 8 de cette loi, codifié à l'article L. 213-3 du même code : Sous réserve, en ce qui concerne les minutes des notaires, des dispositions de l'article 23 de la loi du 25 ventôse an XI, l'administration des archives peut autoriser la consultation des documents d'archives publiques avant l'expiration des délais prévus aux articles 6, alinéa 3, et 7 de la présente loi. Cette consultation n'est assortie d'aucune restriction, sauf disposition expresse de la décision portant autorisation ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que la commission d'accès aux documents administratifs a rendu, le 27 juin 2001, un avis favorable à la communication des documents demandés en soulignant le sérieux du projet de recherche mené par M. A, l'intérêt que présente la communication des documents dans le cadre de son projet de recherche et enfin le caractère relativement limité de la dérogation dans le temps ; que, cependant, le MINISTRE DE LA DEFENSE a refusé cette dérogation ; qu'en première instance, M. A s'est borné à faire valoir que cette décision est en contradiction avec l'esprit de la loi en préparation devant réduire les délais de communication des archives afin de faciliter le travail des historiens et à se référer à de précédentes demandes d'autorisation de consultation de dossiers de procédures judiciaires qui lui avaient été accordées ; que si l'intérêt qui s'attache aux travaux de recherche historique de M. A n'est pas contesté par l'administration, il ressort toutefois des pièces du dossier qu'en se fondant, pour refuser la dérogation demandée, sur le motif que, eu égard au caractère encore très sensible des informations relatives à la période de l'épuration, la communication des documents demandés porterait atteinte, en raison des nombreuses informations nominatives qu'ils contiennent, et alors que le délai légal n'était qu'à moitié écoulé, à la vie privée des personnes et des familles en cause, alors qu'il n'est pas établi ni même allégué que l'administration aurait pu assortir son autorisation de certaines restrictions pour atténuer le risque d'atteinte au secret de la vie privée de tiers, le MINISTRE DE LA DEFENSE, lequel demeure le détenteur des documents se rapportant à deux des procédures devant les juridictions militaires faisant l'objet de la demande de dérogation, n'a pas entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. A n'est pas fondé à demander l'annulation de la décision du MINISTRE DE LA DEFENSE refusant de lui accorder une dérogation aux règles de consultation des archives publiques ;
D E C I D E :
Article 1er : Le jugement du Tribunal administratif de Melun n° 01-4835 du 11 décembre 2003 est annulé.
Article 2 : La demande présentée par M. A devant le Tribunal administratif de Melun est rejetée.
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N° 06PA03399