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18/12/2009 | FRANCE | N°07PA03220

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 7éme chambre, 18 décembre 2009, 07PA03220


Vu la requête, enregistrée le 15 août 2007, présentée pour M. Salih A, demeurant ..., par Me Tramoni Venerandi ; M. A demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0110515/2 en date du 18 juin 2007 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à la décharge des cotisations supplémentaires à l'impôt sur le revenu, à la contribution sociale généralisée, à la contribution au remboursement de la dette sociale et au prélèvement social de 1 % auxquelles il a été assujetti au titre des années 1995 et 1996 et des pénalités dont ces cotis

ations ont été assorties ;

2°) de prononcer cette décharge ;

3°) de condamn...

Vu la requête, enregistrée le 15 août 2007, présentée pour M. Salih A, demeurant ..., par Me Tramoni Venerandi ; M. A demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0110515/2 en date du 18 juin 2007 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à la décharge des cotisations supplémentaires à l'impôt sur le revenu, à la contribution sociale généralisée, à la contribution au remboursement de la dette sociale et au prélèvement social de 1 % auxquelles il a été assujetti au titre des années 1995 et 1996 et des pénalités dont ces cotisations ont été assorties ;

2°) de prononcer cette décharge ;

3°) de condamner l'État à lui verser une somme de 10 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

........................................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention franco-tunisienne du 28 mai 1973 ;

Vu l'arrêté du 17 mars 1983 modifié ;

Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Vu le décret n° 2009-14 du 7 janvier 2009 et l'arrêté du vice-président du Conseil d'État du 27 janvier 2009 ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

En application de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, les parties ayant été informées, par lettre du 4 novembre 2009 reçue notamment le 16 novembre 2009 par l'administration en défense, que l'arrêt à intervenir était susceptible d'être fondé sur un moyen relevé d'office ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 4 décembre 2009 :

- le rapport de M. Dalle, rapporteur,

- les conclusions de Mme Larere, rapporteur public,

- et après avoir pris connaissance de la note en délibéré, enregistrée au greffe le 14 décembre 2009 et produite par le ministre du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la reforme de l'État ;

Considérant que M. et Mme A ont fait l'objet d'un examen contradictoire de leur situation fiscale personnelle à l'issue duquel des compléments d'impôt sur le revenu, de contribution sociale généralisée, de contribution au remboursement de la dette sociale et de prélèvement social de 1 % ont été mis à leur charge au titre des années 1995 et 1996 ; que M. A relève appel du jugement en date du 18 juin 2007 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à la décharge de ces impositions supplémentaires ;

Sur l'étendue du litige :

Considérant que, par décision en date du 3 juin 2008, postérieure à l'introduction de la requête, l'administration fiscale a prononcé un dégrèvement d'un montant total, en droits et pénalités, de 28 511,32 euros, portant sur la totalité des cotisations supplémentaires de contribution sociale généralisée, de contribution au remboursement de la dette sociale et de prélèvement social mises à la charge de M. et Mme A au titre des années 1995 et 1996 ; que les conclusions de la requête sont donc, dans cette mesure, devenues sans objet ;

Sur la régularité de la procédure d'imposition :

Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article 1er de l'arrêté du ministre du budget en date du 28 septembre 1992 modifiant l'arrêté du 17 mars 1983 portant réorganisation de certaines directions des services extérieurs de la direction générale des impôts, la direction nationale des vérifications de situations fiscales ... assure pour l'ensemble du territoire national, concurremment avec les autres services des impôts compétents, le contrôle de tous impôts, droits ou taxes dus par les personnes physiques ou morales, quel que soit le lieu de leur domicile, établissement ou siège social ; que les agents de ce service étaient par suite compétents pour effectuer le contrôle des bases déclarées par M. et Mme A et, en particulier, pour leur adresser les mises en demeure, prévues par l'article L. 67 du livre des procédures fiscales, de souscrire leurs déclarations de revenus ;

Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article R* 64-1 du livre des procédures fiscales : La décision de mettre en oeuvre les dispositions prévues à l'article L. 64 est prise par un agent ayant au moins le grade d'inspecteur départemental qui vise à cet effet la notification de la proposition de rectification ; et qu'aux termes de l'article L. 64 du même livre : Afin d'en restituer le véritable caractère, l'administration est en droit d'écarter, comme ne lui étant pas opposables, les actes constitutifs d'un abus de droit (...) ; que l'administration, en l'espèce, n'a pas mis en oeuvre la procédure de répression des abus de droit ; qu'ainsi, le moyen tiré de ce que la notification de redressements n'a pas été, contrairement à ce qu'exigent les dispositions précitées de l'article R* 64-1, visée par un agent ayant au moins le grade d'inspecteur départemental, ne peut qu'être écarté ;

Considérant, en troisième lieu, que si le requérant soutient qu'aucune suite n'a été donnée à sa demande de mise en oeuvre de la procédure amiable prévue à l'article 41 de la convention fiscale franco-tunisienne du 28 mai 1973 et qu'en conséquence, la procédure d'imposition est irrégulière, l'administration conteste, et il ne ressort d'aucune des pièces du dossier, qu'une telle demande ait été effectuée ; que ce moyen doit par suite être rejeté ;

Sur le principe de l'imposition en France de M. et Mme A :

Considérant qu'aux termes de l'article 4 A du code général des impôts : Les personnes qui ont en France leur domicile fiscal sont passibles de l'impôt sur le revenu en raison de l'ensemble de leurs revenus... ; qu'aux termes de l'article 4 B du même code : Sont considérés comme ayant leur domicile fiscal en France au sens de l'article 4A : a) les personnes qui ont en France leur foyer ou le lieu de leur séjour principal ; b) celles qui exercent en France une activité professionnelle, salariée ou non, à moins qu'elles ne justifient que cette activité y est exercée à titre accessoire ; c) celles qui ont en France le centre de leurs intérêts économiques ;

Considérant qu'il résulte de l'instruction que M. A était propriétaire d'un appartement à Paris ; qu'il était, au cours des années en litige, président du conseil d'administration de trois sociétés de droit français, les sociétés Excell, Pharmacom et Distri-parfums, ayant leur siège en France ; que des sommes d'un montant total de 6 509 243 F ont été portées en 1995 au crédit du compte courant ouvert à son nom dans les écritures de la société Excell ; qu'il était également titulaire en France de cinq comptes bancaires ayant enregistré, au cours des deux années en litige, des crédits d'un montant total de 1 081 167 F, après extourne des virements de compte à compte ; que s'il fait valoir que ses principaux intérêts se trouvent en Algérie, où il a effectué des placements sous forme de bons de caisse qui lui ont permis d'assumer des dépenses courantes annuelles, pour chacune des deux années en litige, de 350 000 F, ses allégations ne sont assorties d'aucune justification probante ; qu'il doit être regardé par suite comme ayant eu en France le centre de ses intérêts économiques au cours des années 1995 et 1996 ;

Considérant, toutefois, que M. A fait valoir qu'il avait la qualité de résident de Tunisie, au sens des stipulations de l'article 3 de la convention franco-tunisienne du 28 mai 1973, et qu'il ne pouvait par suite être soumis en France à l'impôt sur le revenu ;

Considérant qu'aux termes de l'article 3 de la convention conclue le 28 mai 1973 entre la France et la Tunisie, en vue d'éliminer les doubles impositions : 1. Au sens de la présente convention, l'expression résident d'un État contractant désigne toute personne qui en vertu de la législation dudit État est assujettie à l'impôt dans cet État, en raison de son domicile, de sa résidence, de son siège de direction ou de tout autre critère de nature analogue. 2. Lorsque, selon les dispositions du paragraphe 1, une personne physique est considérée comme résident de chacun des États contractants, le cas est résolu d'après les règles suivantes : a) cette personne est considérée comme résident de l'État contractant où elle dispose d'un foyer d'habitation permanent. Lorsqu'elle dispose d'un foyer d'habitation permanent dans chacun des États contractants, elle est considérée comme résident de l'État contractant avec lequel ses liens personnels et économiques sont les plus étroits (centre des intérêts vitaux) ; b) si l'État contractant où cette personne a le centre de ses intérêts vitaux ne peut être déterminé, ou qu'elle ne dispose d'un foyer d'habitation permanent dans aucun des États contractants, elle est considérée comme résident de l'État contractant où elle séjourne de façon habituelle ; c) si cette personne séjourne de façon habituelle dans chacun des États contractants ou si elle séjourne de façon habituelle dans aucun d'eux, elle est considérée comme résident de l'État contractant dont elle possède la nationalité ;

Considérant qu'en se bornant à produire des déclarations de revenus souscrites auprès de l'administration fiscale tunisienne, ne faisant apparaître aucun revenu, ainsi que deux attestations établies par cette administration, certifiant que les époux A ont souscrit des déclarations fiscales au titre des années 1994 à 1998, le requérant n'établit pas avoir été un résident de Tunisie, au sens du 1 des stipulations précitées de l'article 3, ce que le ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique conteste ; qu'il n'établit pas par suite que son domicile fiscal aurait dû être déterminé selon les différents critères prévus au 2 de cet article ;

Considérant, enfin, qu'en ce qui concerne la détermination de son domicile fiscal au cours des années en litige 1995 et 1996, le requérant ne peut utilement se prévaloir d'un certificat du centre des impôts du 15ème arrondissement, précisant que M. et Mme A ne sont pas imposés à l'impôt sur le revenu au titre de l'année 1994 parce qu'ils sont domiciliés à l'étranger ;

Sur le bien-fondé des impositions en litige :

Considérant que l'administration a imposé, dans la catégorie des traitements et salaires, des salaires d'un montant de 48 354 F versés en 1995 par la société Excell à M. A et, dans la catégorie des revenus d'origine indéterminée, d'une part, deux sommes d'un montant total de 6 509 243 F inscrites en 1995 au crédit du compte courant de M. A dans la société Excell, d'autre part, des crédits d'un montant total de 3 792 817 F apparaissant en 1995 et 1996 sur des comptes bancaires ouverts au nom de l'intéressé ;

Considérant que les sommes inscrites au crédit d'un compte courant d'associé ont, sauf preuve contraire apportée par l'associé titulaire du compte, le caractère de revenus et ne sont alors imposables que dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers ; que, par suite, l'administration n'était pas en droit d'imposer la somme de 6 509 243 F ci-dessus mentionnée au nom de M. A dans la catégorie des revenus d'origine indéterminée ;

Considérant que pour contester l'imposition afférente aux salaires de 48 354 F, également versés par la société Excell sur le compte courant de M. A, celui-ci soutient que la situation financière de cette société rendait impossible tout prélèvement des sommes en cause ; que, cependant, alors qu'il supporte la charge de la preuve en application de l'article L. 193 du livre des procédures fiscales dès lors qu'il a été régulièrement taxé d'office pour n'avoir pas, malgré l'envoi de mises en demeure, souscrit de déclarations de revenus, il n'apporte aucun élément de nature à établir que la situation financière de la société Excell, qui n'a été mise en liquidation judiciaire qu'en 1997, l'empêchait de prélever les sommes inscrites en 1995 au crédit de son compte courant ;

Considérant, par ailleurs, que, s'agissant des crédits bancaires, il ne fournit aucune explication quant à l'origine des sommes en cause et n'établit pas qu'elles n'ont pas le caractère de revenus imposables ;

Considérant, enfin, qu'aux termes de l'article 28 de la convention franco-tunisienne susvisée : les éléments du revenu d'un résident d'un État contractant qui ne sont pas expressément mentionnés dans les articles précédents de la présente Convention ne sont imposables que dans cet État ; qu'ainsi qu'il a été dit, M. A n'est pas résident de Tunisie ; qu'il ne peut donc se prévaloir des stipulations précitées de l'article 28 pour soutenir que les revenus d'origine indéterminée, qui ne sont pas au nombre de ceux que mentionne la convention franco-tunisienne du 28 mai 1973, ne peuvent être imposés qu'en Tunisie ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. A est seulement fondé à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande relative à la somme de 6 509 603 F imposée au titre des revenus d'origine indéterminée ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'État une somme de 1 500 euros au titrer des frais exposés par M. A à l'occasion du litige ;

DÉCIDE :

Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de la requête de M. A à concurrence d'un montant total, en droits et pénalités, de 28 511,32 euros, portant sur la totalité des cotisations supplémentaires de contribution sociale généralisée, de contribution au remboursement de la dette sociale et de prélèvement social mises à la charge de M. et Mme A au titre des années 1995 et 1996 ,correspondant au dégrèvement prononcé en cours d'instance par l'administration

Article 2 : Les bases de l'impôt sur le revenu assigné à M. A au titre de l'année 1995 sont réduites d'une somme de 6 509 603 F (992 382,58 euros).

Article 3 : M. A est déchargé des droits et pénalités correspondant à la réduction de la base d'imposition définie à l'article 2 ci-dessus.

Article 4 : Le jugement n° 0110515/2 en date du 18 juin 2007 du Tribunal administratif de Paris est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 5 : L'État versera à M. A une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par lui à l'occasion du litige.

Article 6 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

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N° 07PA03220


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 7éme chambre
Numéro d'arrêt : 07PA03220
Date de la décision : 18/12/2009
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. BADIE
Rapporteur ?: M. David DALLE
Rapporteur public ?: Mme LARERE
Avocat(s) : TRAMONI VENERANDI

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2009-12-18;07pa03220 ?
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