Vu la requête, enregistrée le 8 janvier 2007, présentée pour la SAS BOUCHE DISTRIBUTION, dont le siège est ZI boulevard de la Marne à Coulommiers (77120), par Me Lelièvre ; la SAS BOUCHE DISTRIBUTION demande à la cour :
1°) d'annuler l'ordonnance n° 05-4689/1 du 27 novembre 2006 par laquelle le président du Tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande tendant à la restitution de la taxe sur les achats de viande à laquelle elle a été assujettie au titre des années 2002 et 2003 pour un montant de 615 694 euros ;
2°) de prononcer la restitution des droits de taxe sur les achats de viande qu'elle a acquittés au titre de la période du 1er janvier 2002 au 31 décembre 2003 ;
3°) de saisir la Cour de justice des communautés européennes d'une question préjudicielle portant sur la question de savoir si la taxe sur les achats de viande prévue à l'article 302 bis ZD du code général des impôts dans sa rédaction issue de l'article 35 de la loi de finances rectificative du 30 décembre 2000 fait partie intégrante d'un système d'aide au sens de l'article 87 du traité instituant la Communauté européenne ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
.....................................................................................................................
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le traité instituant la Communauté européenne ;
Vu la sixième directive 77/388/CEE du conseil des communautés européennes du 17 mai 1977 ;
Vu l'article 18 de l'ordonnance du 2 janvier 1959 relative aux lois de finances ;
Vu la loi n° 2000-1353 du 30 décembre 2000, notamment son article 35 ;
Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 26 novembre 2009 :
- le rapport de Mme Appèche Otani, rapporteur,
- et les conclusions de Mme Samson, rapporteur public ;
Considérant que la SAS BOUCHE DISTRIBUTION a demandé la restitution de la taxe sur les achats de viande instituée par les dispositions de l'article 302 bis ZD du code général des impôts, dans sa rédaction issue de l'article 35 de la loi de finances rectificative pour 2000, qu'elle a acquittée au titre des années 2002 et 2003, au motif que cette aide constituait une aide d'Etat entrant dans le champ d'application de l'article 87 du traité instituant la Communauté européenne dont le dispositif n'avait pas été notifié préalablement à la Commission européenne conformément aux stipulations de l'article 88-3 du même traité ; que la société relève appel de l'ordonnance du 27 novembre 2006, par laquelle le président du Tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande en application des dispositions de l'article R. 222-1 6 du code de justice administrative ;
Sur la régularité de l'ordonnance attaquée :
Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article R. 222-1 du code de justice administrative : Les présidents de tribunal administratif (...) et les présidents de formation de jugement des tribunaux (...) peuvent, par ordonnance : (...) 6° Statuer sur les requêtes relevant d'une série, qui présentent à juger en droit et en fait, pour la juridiction saisie, des questions identiques à celles qu'elle a déjà tranchées ensemble par une même décision passée en force de chose jugée (...) ; et qu'aux termes de l'article R. 611-7, 2ème alinéa du même code : Les dispositions du présent article ne sont pas applicables lorsqu'il est fait application des dispositions des articles R. 122-12, R. 222-1 (...) ;
Considérant que ces dispositions permettent au juge de statuer par ordonnance, sans avoir à faire application, ni des dispositions de l'article L. 5 du code de justice administrative prévoyant une instruction contradictoire, ni de celles de l'article R. 611-7 prévoyant d'informer les parties en cas de moyen relevé d'office, sur les requêtes relevant d'une série, dès lors que ces contestations ne présentent à juger que des questions qu'il a déjà tranchées par une décision passée en force de chose jugée et que les données de fait susceptibles de varier d'une affaire à l'autre sont sans incidence sur le sens de la solution à donner aux litiges ; que le président du Tribunal administratif de Melun a fait usage à bon droit des pouvoirs qu'il tient du 6° de l'article R. 222-1 du code de justice administrative dès lors que la demande dont l'avait saisi la SAS BOUCHE DISTRIBUTION relevait d'une série qui n'appelait pas de nouvelle appréciation ou qualification de faits et présentait à juger en droit des questions identiques à celles déjà tranchées par sa juridiction dans un précédent jugement, en date du 6 avril 2006, passé en force de chose jugée ; qu'aucun texte, ni aucune règle générale de procédure n'impose de mentionner dans l'ordonnance prise sur le fondement du 6° de l'article R. 222-1 du code de justice administrative les éléments permettant d'apprécier si les conditions justifiant le recours à ces dispositions étaient remplies ; que l'absence de telles mentions n'est pas davantage de nature à entacher d'une insuffisance de motivation l'ordonnance en cause ; que la circonstance que l'ordonnance attaquée n'ait pas mentionné que le jugement du 6 avril 2006 avait été rendu en force de chose jugée est sans influence sur sa régularité ;
Considérant, en deuxième lieu, que le président du Tribunal administratif de Melun a répondu à tous les moyens soulevés en première instance par la SAS BOUCHE DISTRIBUTION ; que, par suite, l'omission des visas des mémoires enregistrés les 21 octobre 2005 et 16 novembre 2006 sur l'ampliation de l'ordonnance qui a été adressée à la requérante n'est pas de nature à entacher d'irrégularité l'ordonnance attaquée ;
Considérant, en troisième lieu, que si la SAS BOUCHE DISTRIBUTION avait demandé de saisir à titre préjudiciel la Cour de justice des communautés européennes, il ressort clairement de la motivation de l'ordonnance attaquée que le président du tribunal administratif, qui, eu égard aux termes de l'article 177, devenu l'article 234, du traité instituant la Communauté européenne n'était pas tenu, avant de statuer, de saisir ladite cour, a, en considérant que la taxe sur les achats de viande ne pouvait être regardée comme faisant partie intégrante d'une mesure d'aide, entendu écarter cette demande comme sans intérêt pour la solution du litige ; que, par suite, l'ordonnance attaquée n'est entachée d'aucune insuffisance de motivation sur ce point ;
Au fond :
Considérant, en premier lieu, qu'aux termes du paragraphe 1 de l'article 87 du traité instituant la Communauté européenne : Sauf dérogations prévues par le présent traité, sont incompatibles avec le marché commun, dans la mesure où elles affectent les échanges entre Etats membres, les aides accordées par les Etats ou au moyen de ressources d'Etat sous quelque forme que ce soit, qui faussent ou qui menacent de fausser la concurrence en favorisant certaines entreprises ou certaines productions ; qu'aux termes de l'article 88 du même traité : 1. La Commission procède avec les Etats membres à l'examen permanent des régimes d'aides existant dans ces Etats. (...) / 2. Si (...) la Commission constate qu'une aide accordée par un Etat ou au moyen de ressources d'Etat n'est pas compatible avec le marché commun aux termes de l'article 87 (...) elle décide que l'Etat intéressé doit la supprimer ou la modifier (...) / 3. La Commission est informée, en temps utile pour présenter ses observations, des projets tendant à instituer ou à modifier des aides. Si elle estime qu'un projet n'est pas compatible avec le marché commun, aux termes de l'article 87, elle ouvre sans délai la procédure prévue au paragraphe précédent. L'Etat membre intéressé ne peut mettre à exécution les mesures projetées, avant que cette procédure ait abouti à une décision finale ;
Considérant qu'il résulte de ces stipulations que, s'il ressortit à la compétence exclusive de la Commission européenne de décider, sous le contrôle de la Cour de justice des communautés européennes, si une aide de la nature de celles mentionnées à l'article 87 du traité est ou non, compte tenu des dérogations prévues par ce traité, compatible avec le marché commun, il incombe, en revanche, aux juridictions nationales de sanctionner, le cas échéant, l'invalidité de dispositions de droit national qui auraient institué ou modifié une telle aide en méconnaissance de l'obligation, qu'impose aux Etats membres le paragraphe 3 de l'article 88 du traité, d'en notifier à la Commission, préalablement à toute mise à exécution, le projet ; que l'exercice de ce contrôle implique, notamment, de rechercher si les dispositions dont l'application est contestée instituent un régime d'aide, ou si une taxe fait partie intégrante d'une telle aide ;
Considérant qu'il résulte de la jurisprudence de la Cour de justice des communautés européennes, d'une part, que les taxes n'entrent pas dans le champ d'application des stipulations précitées du traité instituant la Communauté européenne concernant les aides d'Etat, à moins qu'elles constituent le mode de financement d'une mesure d'aide, de sorte qu'elles font partie intégrante de cette mesure, d'autre part que, pour que l'on puisse juger qu'une taxe, ou une partie d'une taxe, fait partie intégrante d'une mesure d'aide, il doit exister un lien d'affectation contraignant entre la taxe et l'aide en vertu de la réglementation nationale pertinente, en ce sens que le produit de la taxe est nécessairement affecté au financement de l'aide ;
Considérant que l'article 1er de la loi du 26 décembre 1996 relative à la collecte et à l'élimination des cadavres d'animaux et des déchets d'abattoirs et modifiant le code rural a inséré dans le code général des impôts un article 302 bis ZD instituant, à compter du 1er janvier 1997, une taxe sur les achats de viande due par les personnes qui réalisent des ventes au détail de viande, dont le produit était affecté à un fonds faisant l'objet d'une comptabilité distincte, ayant pour objet de financer la collecte et l'élimination des cadavres d'animaux et des saisies d'abattoirs reconnus impropres à la consommation humaine et animale, activités correspondant au service public de l'équarrissage défini à l'article 264 du code rural en vigueur au cours des années d'imposition en litige ; que le II de l'article 35 de la loi du 30 décembre 2000 portant loi de finances rectificative pour 2000, entré en vigueur le 1er janvier 2001, a limité à la période du 1er janvier 1997 au 31 décembre 2000 l'affectation de la taxe sur les achats de viande au fonds mentionné ci-dessus ; qu'en conséquence, à compter du 1er janvier 2001, en l'absence de dispositions prévoyant l'affectation de cette taxe, celle-ci est devenue une recette du budget général de l'Etat ; qu'à compter de cette même date, le service public de l'équarrissage a été financé au moyen d'une dotation inscrite au budget général de l'Etat ; qu'aux termes du premier alinéa de l'article 18 de l'ordonnance du 2 janvier 1959 portant loi organique relative aux lois de finances, en vigueur au cours des années d'imposition en litige : Il est fait recette du montant intégral des produits, sans contraction entre les recettes et les dépenses. L'ensemble des recettes assurant l'exécution de l'ensemble des dépenses, toutes les recettes et toutes les dépenses sont imputées à un compte unique, intitulé budget général ; qu'en vertu du principe à valeur constitutionnelle d'universalité budgétaire résultant de ces dispositions, les recettes et les dépenses doivent figurer au budget de l'Etat pour leur montant brut, sans être contractées, et l'affectation d'une recette déterminée à la couverture d'une dépense déterminée est interdite, sous réserve des exceptions prévues au second alinéa de l'article 18 ; qu'en application de ce principe et de la législation nationale relative à la taxe sur les achats de viande, et sans qu'il soit besoin de se référer aux travaux parlementaires dont est issu l'article 35 de la loi du 30 décembre 2000, à compter du 1er janvier 2001, il n'existait juridiquement aucun lien d'affectation contraignant entre la taxe et le service public de l'équarrissage, et aucun rapport entre le produit de la taxe et le montant du financement public attribué à ce service ; qu'en exécution des règles ainsi applicables, à compter de cette même date, la taxe sur les achats de viande était une recette du budget général, dépourvue de tout lien avec le budget du ministère de l'agriculture et la dotation inscrite à ce budget servant à financer le service public de l'équarrissage ; que par suite, et sans que soit utile pour la cour de procéder à une mesure d'instruction pour obtenir communication du bilan du coût du service public de l'équarrissage, le moyen de la société requérante tiré de ce que la taxe sur les achats de viande entrait dans le champ des stipulations susénoncées doit être écarté ;
Considérant, en deuxième lieu, que la taxe sur les achats de viande n'entrant pas, à compter du 1er janvier 2001, dans le champ d'application des stipulations précitées du traité instituant la Communauté européenne concernant les aides d'Etat, la société requérante ne peut invoquer, au soutien de sa demande en restitution de l'imposition en litige, une éventuelle méconnaissance par les autorités françaises, à l'occasion de la modification du mode de financement du service public de l'équarrissage résultant des dispositions de l'article 35 de la loi du 30 décembre 2000, des obligations qu'imposent la première et la dernière phrases du paragraphe 3 de l'article 88 du traité instituant la Communauté européenne ;
Considérant enfin que la société requérante ne saurait, en tout état de cause, en invoquant le principe dit de l'estoppel, opposer à l'administration les propos tenus le 17 octobre 2003 par le ministre délégué au budget dans l'enceinte de l'Assemblée Nationale, dès lors qu'il ne résulte pas de l'instruction et qu'il n'est d'ailleurs pas allégué, que dans le cadre de la procédure contentieuse, l'administration se serait contredite à son détriment ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de faire droit à ses conclusions tendant à ce que la Cour de justice des communautés européennes soit saisie d'une question préjudicielle, que la SAS BOUCHE DISTRIBUTION n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par l'ordonnance attaquée, le président du Tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande tendant à la restitution de la taxe sur les achats de viande qu'elle a acquittée au titre des années 2002 et 2003 ;
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant qu'aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation ;
Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, soit condamné à payer à la SAS BOUCHE DISTRIBUTION la somme qu'elle réclame au titre des frais exposés par celle-ci et non compris dans les dépens ;
D E C I D E :
Article 1er : La requête de la SAS BOUCHE DISTRIBUTION est rejetée.
''
''
''
''
2
N° 07PA00079