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09/12/2009 | FRANCE | N°06PA03320

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 2ème chambre, 09 décembre 2009, 06PA03320


Vu l'arrêt en date du 25 mars 2009 par lequel la cour a, avant de statuer sur les conclusions de la société AFE tendant à la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été réclamés pour la période du 1er janvier 1993 au 31 mai 1996 et sur l'appel incident du ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique portant sur la même imposition et la même période, ordonné un supplément d'instruction ;

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Vu les autres

pièces du dossier ;

Vu la directive 77/388/CEE du conseil du 17 mai 1977 ...

Vu l'arrêt en date du 25 mars 2009 par lequel la cour a, avant de statuer sur les conclusions de la société AFE tendant à la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été réclamés pour la période du 1er janvier 1993 au 31 mai 1996 et sur l'appel incident du ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique portant sur la même imposition et la même période, ordonné un supplément d'instruction ;

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Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la directive 77/388/CEE du conseil du 17 mai 1977 en matière d'harmonisation des législations des Etats membres relatives aux taxes sur le chiffre d'affaires - système commun de taxe sur la valeur ajoutée : assiette uniforme ;

Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 25 novembre 2009 :

- le rapport de Mme Dhiver, rapporteur,

- les conclusions de Mme Versol, rapporteur public,

- et les observations de Me Mossé pour la société AFE ;

Vu la note en délibéré, enregistrée le 25 novembre 2009, présentée pour la société AFE ;

Sur les conclusions de la société AFE tendant à la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée afférents aux opérations de gestion de trésorerie et sans qu'il soit besoin de statuer sur les autres moyens de la requête :

Considérant qu'aux termes de l'article 19 de la sixième directive du 17 mai 1977 susvisée : 2. (...) pour le calcul du prorata de déduction, (...) il est également fait abstraction du montant du chiffre d'affaires afférent aux opérations accessoires immobilières et financières (...) ; qu'aux termes de l'article 212 de l'annexe II au code général des impôts, dans sa rédaction applicable jusqu'au 2 septembre 1994 : Les assujettis qui ne réalisent pas exclusivement des opérations ouvrant droit à déduction sont autorisés à déduire une fraction de la taxe sur la valeur ajoutée qui a grevé les biens constituant des immobilisations égale au montant de cette taxe multipliée par le rapport existant entre le montant annuel des recettes afférentes à des opérations ouvrant droit à déduction et le montant annuel des recettes afférentes à l'ensemble des opérations réalisées ; que ces dispositions, qui ne prévoyaient pas d'exclure certaines opérations accessoires du prorata de déduction conformément aux dispositions de l'article 19-§2 précité de la sixième directive, sont, dans cette mesure, incompatibles avec les objectifs de cette directive ; que selon ledit article 212 de l'annexe II dans sa rédaction issue du décret du 3 juin 1994, il est fait abstraction, pour le calcul du pourcentage de déduction, du montant du chiffre d'affaires afférent au produit des opérations financières exonérées de la taxe sur la valeur ajoutée et présentant un caractère accessoire par rapport à l'activité principale de l'entreprise, à la condition que ce produit représente au total 5 % au plus du montant du chiffre d'affaires total, toutes taxes comprises, du redevable. ; que, toutefois, par l'arrêt du 29 avril 2004, 77/01, EDM, la Cour de justice des communautés européennes a jugé que l'octroi annuel par un holding de prêts rémunérés aux sociétés dans lesquelles il détient une participation devait être considéré, lors du calcul du prorata de déduction visé aux articles 17 et 19 de la sixième directive, comme des opérations accessoires au sens de l'article 19, paragraphe 2, deuxième phrase, de celle-ci dans la mesure où elles n'impliquent qu'une utilisation très limitée de biens ou de services pour lesquels la taxe sur la valeur ajoutée est due et que quoique l'ampleur des revenus générés par les opérations financières relevant du champ d'application de la sixième directive puisse constituer un indice de ce que ces opérations ne doivent pas être considérées comme accessoires au sens de ladite disposition, le fait que des revenus supérieurs à ceux produits par l'activité indiquée comme principale par l'entreprise concernée sont générés par de telles opérations ne saurait à lui seul exclure la qualification de celles-ci d' opérations accessoires. ; que, dès lors, les dispositions précitées du b) du 2 de l'article 212 de l'annexe II au code général des impôts dans leur rédaction issue du décret du 3 juin 1994 doivent être regardées comme incompatibles avec les objectifs de la sixième directive du 17 mai 1977 et doivent, dans cette mesure également être écartées pour la solution du présent litige, ainsi d'ailleurs que le soutiennent aussi bien la société requérante que l'administration ; que les nouvelles dispositions de l'article 212 de l'annexe II au code général des impôts, dans leur rédaction modifiée par le décret du 26 décembre 2005, ne peuvent pas davantage servir de base légale aux impositions en litige dès lors qu'elles sont postérieures à ces impositions ; que, par suite, il y a lieu d'appliquer directement au présent litige les dispositions de l'article 19, paragraphe 2, deuxième phrase, de la sixième directive du 17 mai 1977 ;

Considérant qu'il résulte des décisions rendues par la Cour de justice des communautés européennes dans les affaires n° 306/94 Régie Dauphinoise le 11 juillet 1996 et n° 7/01 SA EDM le 29 avril 2004 qu'un produit financier présente un caractère accessoire, lorsque, d'une part, l'opération de placement en cause, tout en présentant un lien avec l'activité taxable, n'en constitue pas le prolongement direct, permanent et nécessaire et d'autre part, cette opération ne nécessite qu'une utilisation très limitée des biens ou services pour lesquels la taxe sur la valeur ajoutée est due ;

Considérant que la société AFE, holding mixte, effectue une gestion centralisée de la trésorerie du groupe et, recevant les excédents de ses filiales, les utilise pour consentir des prêts et avances à d'autres filiales ou pour effectuer des placements à court terme ; que la requérante, qui ne conteste pas que cette activité de gestion de trésorerie constitue une activité économique entrant dans le champ d'application de la taxe sur la valeur ajoutée mais exonérée de taxe, soutient qu'elle présente un caractère accessoire, au sens du paragraphe 2 de l'article 19 de la sixième directive et que, de ce fait, les produits financiers générés par elle doivent être exclus du prorata de déduction ; qu'il n'est pas contesté par le ministre que, s'agissant de la période en litige, les opérations de gestion de trésorerie, si elles présentaient un lien avec l'activité taxable de la société, n'en constituaient pas le prolongement direct, permanent et nécessaire ; qu'il résulte de l'instruction, et notamment des éléments comptables et financiers fournis par la requérante, que celle-ci a, au cours de la période en litige, utilisé, pour la réalisation de son activité exonérée, entre 6 % et 8 % des biens et services grevés de taxe sur la valeur ajoutée ; qu'elle doit ainsi être regardée comme ayant fait une utilisation très limitée des biens et services à raison desquels la taxe sur la valeur ajoutée est due ; que par suite, les opérations de gestion de trésorerie réalisées par la société AFE présentaient un caractère accessoire au sens du paragraphe 2 de l'article 19 de la sixième directive ; qu'il y a lieu en conséquence de déduire du dénominateur du prorata applicable en l'espèce le montant des produits générés par ces opérations et d'accorder à la requérante la réduction des rappels de taxe sur la valeur ajoutée en litige ;

Sur l'appel incident du ministre relatif à la taxe ayant grevé les frais et honoraires engagés dans le cadre d'opérations de cession de titres :

Considérant que le ministre fait appel incident du jugement du tribunal administratif en ce qu'il a admis que les frais engagés par la société AFE en 1993, 1994 et 1995 se rapportant à son activité de cession de participations faisaient partie des frais généraux de la société et entretenaient ainsi un lien direct et immédiat avec l'ensemble de son activité économique ;

Considérant que, sauf si elle relève d'une activité habituelle de négociation de titres, la vente d'actions constitue soit une opération placée hors du champ d'application de la taxe sur la valeur ajoutée, soit une opération exonérée de cette taxe ; qu'en conséquence, lorsqu'elles présentent un lien direct et immédiat avec une telle vente, les dépenses du cédant sont susceptibles d'être incorporées dans le prix de ces actions, ce qui fait obstacle à la déduction de la taxe sur la valeur ajoutée d'amont correspondante, sans qu'il soit donc besoin de déterminer si les relations du cédant avec la société dont il cède les titres ont ou non comporté, au delà de la simple gestion patrimoniale, une immixtion telle que la vente, bien qu'exonérée, relève du champ d'application de la taxe sur la valeur ajoutée ;

Considérant qu'il résulte de l'instruction, et notamment des écritures de la requérante, que les factures d'honoraires des banques NSM et ARJIL acquittées en 1993 concernent des prestations rendues respectivement en vue de la cession de ses filiales Hose Coupling Ltd et ABC Powder Ltd ; que par suite, la taxe ayant grevé les frais facturés par la société NSM et la banque Arjil n'est pas déductible ;

Considérant, d'autre part, que ne peuvent être incluses dans les frais généraux les dépenses exposées dans le cadre d'une opération, même assujettie à la taxe sur la valeur ajoutée, qui a été réalisée non par la société holding dans le cadre de son exploitation propre mais par une société distincte, telle une filiale ; que les frais d'honoraires facturés à la société AFE par la société Euro Alliance Partners en 1994 se rapportent à une opération de cession réalisée non pas directement par la société holding mais par une de ses filiales, la société AFE automobile ; qu'ainsi, cette dépense, qui n'a été engagée que pour les besoins de l'activité de la filiale, n'a pas été exposée dans le cadre de l'exploitation propre de la société AFE et ne peut, par suite, faire partie de ses frais généraux ; que dès lors, la taxe y afférente ne peut être admise en déduction ;

Considérant enfin que les honoraires facturés à la société AFE en 1995 par la SA Financière Sogip se rapportent à une étude portant sur un projet de cession de son activité plasturgie qui ne s'est pas réalisé ; que dès lors, cette dépense se rattache aux frais généraux et entretient donc un lien direct et immédiat avec l'ensemble de l'activité économique de la société AFE ; que l'administration a, en exécution du jugement du tribunal administratif et s'agissant de la taxe sur la valeur ajoutée ayant grevé des frais de cession de participations, prononcé un dégrèvement dans la proportion des recettes générées par l'activité taxable d'un montant de 23 085 euros, dont 4 172 euros se rapportent à la facture de la SA Financière Sogip ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que c'est à tort que le Tribunal administratif de Paris a prononcé, pour le motif susanalysé, la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui ont été réclamés à la société AFE au titre de la période du 1er janvier 1993 au 31 mai 1996, à concurrence de la différence entre les sommes de 23 085 euros et 4 172 euros, soit 18 913 euros ;

Considérant qu'il appartient à la cour, saisie du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par la société AFE devant le Tribunal administratif de Paris ;

Considérant qu'aux termes de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales : L'administration adresse au contribuable une notification de redressement qui doit être motivée de manière à lui permettre de formuler ses observations ou de faire connaître son acceptation (...) ;

Considérant qu'il résulte de l'instruction que les notifications de redressement des 17 décembre 1996 et 26 mai 1997, après avoir précisé les factures et les montants en cause, indiquent que ces dépenses se rapportent à des opérations de cessions exonérées de taxe sur la valeur ajoutée en vertu des dispositions de l'article 261 C du code général des impôts ; que ces notifications, qui comportent l'indication de la nature, des motifs et du montant des redressements, sont suffisamment motivées ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la société AFE est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a refusé de prononcer la réduction des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été réclamés pour la période du 1er janvier 1993 au 31 mai 1996 à raison de l'exclusion des produits financiers résultant de son activité de gestion de trésorerie des filiales, au dénominateur du prorata de déduction prévu à l'article 212 de l'annexe II au code général des impôts ; que, pour sa part, le ministre est seulement fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal a prononcé la décharge des mêmes rappels de taxe, à concurrence d'un montant en droits et pénalités de 18 913 euros ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par la société AFE et non compris dans les dépens ;

D É C I D E :

Article 1er : Le montant de la taxe sur la valeur ajoutée déductible par la société AFE au titre de la période du 1er janvier 1993 au 31 mai 1996 sera déterminé en faisant abstraction des produits financiers résultant de son activité de gestion de trésorerie des filiales au dénominateur du prorata prévu par les dispositions de l'article 212 de l'annexe II au code général des impôts.

Article 2 : Les rappels de droits de taxe sur la valeur ajoutée réclamés à la société AFE au titre de la période du 1er janvier 1993 au 31 mai 1996, ainsi que les majorations y afférentes, sont réduits de la différence entre le montant de taxe déductible résultant de l'article 1er ci-dessus et le montant de taxe déductible résultant de l'application d'un prorata de déduction incluant les produits financiers résultant de son activité de gestion de trésorerie des filiales.

Article 3 : Les droits de taxe sur la valeur ajoutée dont la réduction a été accordée à la société AFE par le Tribunal administratif de Paris au titre de la période du 1er janvier 1993 au 31 mai 1996 ainsi que les pénalités y afférentes sont remis à la charge de la société AFE, à concurrence de la somme de 18 913 euros.

Article 4 : Le jugement du Tribunal administratif de Paris en date du 5 juillet 2006 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 5 : L'Etat versera à la société AFE une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 6 : Le surplus de la demande de la société AFE en ce qui concerne la taxe sur la valeur ajoutée ayant grevé les frais et honoraires engagés dans le cadre d'opérations de cession de titres ainsi que le surplus de ses conclusions d'appel et le surplus des conclusions du ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique sont rejetés.

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N° 06PA03320


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 06PA03320
Date de la décision : 09/12/2009
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. le Prés FARAGO
Rapporteur ?: Mme Martine DHIVER
Rapporteur public ?: Mme Versol
Avocat(s) : MOSSÉ

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2009-12-09;06pa03320 ?
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