Vu la requête, enregistrée le 5 septembre 2005, présentée pour M. Gérard X, demeurant ..., par Me Pujol ; M. X demande à la cour :
1°) d'annuler l'article 2 du jugement n° 9821150/2 en date du 4 juillet 2005 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa requête tendant à obtenir la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles il a été assujetti au titre des années 1990, 1991 et 1992 ainsi que des pénalités y afférentes ;
2°) de prononcer la décharge des impositions contestées et des pénalités y afférentes ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 10 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
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Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le décret n° 2009- 14 du 7 janvier 2009 ;
Vu l'arrêté du vice-président du Conseil d'Etat en date du 27 janvier 2009 ;
Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 6 mars 2009 :
- le rapport de Mme de Lignières, rapporteur,
- les conclusions de Mme Isidoro, rapporteur public,
- et les observations de Me Marsaudon, pour M. X ;
Sur l'étendue du litige :
Considérant qu'en cours d'instance devant la cour, l'administration fiscale a accordé à M. X le dégrèvement de la somme de 66 972 euros correspondant aux cotisations supplémentaires, en droits et pénalités, de contribution complémentaire de 1% et de prélèvement social de 1% sur les revenus de capitaux mobiliers, mises à sa charge au titre des années 1990, 1991 et 1992 ; que l'appel de M. X est, dans cette mesure, devenu sans objet ; que par suite, il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions correspondantes ;
Sur la date d'audiencement de l'affaire au fond :
Considérant que M. X soutient que l'audiencement de l'affaire au fond est prématuré car le Conseil d'Etat est saisi en cassation de sa demande de référé-instruction tendant à la communication de pièces détenues par l'administration et relatives aux contrôles dont sont issus les redressements, objets du litige ; mais que cette demande de référé-instruction étant intervenue alors que la présente instance était engagée, elle n'a sur elle aucune incidence dès lors qu'il appartient à la cour, saisie de la requête en appel de M. X, de faire usage de ses pouvoirs généraux d'instruction pour ordonner, le cas échéant, les communications nécessaires à la solution du litige ;
Sur la régularité de la procédure d'imposition :
Considérant en premier lieu que le caractère contradictoire que doit revêtir l'examen de la situation personnelle au regard de l'impôt sur le revenu en vertu des articles L. 47 et L. 50 du livre des procédures fiscales interdit au verificateur d'adresser la notification de redressements sans avoir au préalable engagé un dialogue contradictoire avec le contribuable sur les points qu'il envisage de retenir ; qu'en outre, la charte des droits et obligations du contribuable vérifié, rendue opposable à l'administration par l'article L. 10 du livre des procédures fiscales, exige, dans sa rédaction alors applicable, que le vérificateur ait recherché un tel dialogue avant même d'avoir recours à la procédure écrite et contraignante de demande de justifications ou d'éclaircissements prévue à l'article L. 16 du même livre ;
Considérant d'une part, qu'un premier avis de vérification a été adressé à M. X, le 9 février 1993, l'informant d'un examen de sa situation fiscale personnelle, portant sur les revenus perçus en 1990 et 1991 ; qu'il a été invité par le service, dans ce même avis, à remettre dans les 60 jours la totalité des relevés de comptes financiers et de comptes courants sur lesquels des opérations de nature personnelle avaient été réalisées au cours de la période controlée ; qu'il résulte de l'instruction que M. X, qui n'avait pas donné suite à un premier rendez-vous, et après qu'une deuxième date ait été fixée, a finalement,accompagné de son conseil, eu un entretien le 6 mai 1993 avec le vérificateur dans les locaux de l'administration ; mais qu'à la date de cet entretien, il est constant que le contribuable n'avait pas fourni les relevés de comptes qui lui avaient été demandés dès le 9 février 1993 ; que si M. X fait valoir qu'il n'était pas tenu de conserver ces relevés, il n'établit pas n'avoir pas été en mesure de se les procurer ; que l'administration, ayant obtenu ces relevés de comptes dans le cadre de son droit de communication, le vérificateur doit être regardé comme ayant recherché le dialogue prévu par la charte des droits et obligations du contribuable vérifié, alors même que ce dialogue n'a pas porté sur les relevés ainsi obtenus avant que soit demandé à M. X, par lettres des 3 septembre 1993 et 4 octobre 1993, de justifier de l'origine de certaines sommes non identifiées et portées au crédit des comptes en cause ;
Considérant d'autre part, qu'un deuxième avis de vérification, portant les mêmes mentions que le précedent, a été adréssé, le 27 octobre 1993, à M. X, pour l'année 1992 ; que M. X n'a pas produit dans le délai imparti les relevés de comptes bancaires au titre de l'année 1992 ; que l'administration, ayant obtenu lesdits comptes dans le cadre de son droit de communication, a demandé au contribuable de justifier des sommes créditées sur ces comptes par lettres des 18 mars, 8 avril, 20 mai et 8 juin 1994 ; qu'elle a, de la sorte, pour le même motif qu'indiqué ci-dessus, respecté l'exigence du dialogue contradictoire ;
Considérant en deuxième lieu que, contrairement à ce que soutient le requérant, les notifications de redressements du 21 septembre 1993 portant sur le revenu imposable de l'année 1990, du 24 avril 1994 portant sur le revenu imposable de l'année 1991 et du 26 septembre 1994 portant sur le revenu imposable de l'année 1992, indiquent la nature, le montant mais aussi les motifs des rehaussements, et contiennent notamment la liste des crédits portés aux comptes bancaires de l'intéréssé et pour lesquels il n'a fourni, d'après le service, aucune justification probante quant à leur origine ; que s'agissant des revenus de capitaux mobiliers, d'une part les notifications en cause n'avaient pas à comprendre le détail des dépenses personnelles payées par M. X et son épouse à partir du compte bancaire de la société SHS sur lequel l'intéréssé bénéficiait d'une procuration et d'autre part, l'administration ayant estimé que M.X avait appréhendé au lieu et place de la société SHS les avances versées par la société SOGIP sur le compte de cette société inscrit à l'actif de son bilan, elle a pu se borner à indiquer le montant du solde débiteur de ce compte considéré comme un revenu distribué ; que ces notifications mentionnent les articles du code général des impôts qui sont appliqués ; qu'elles permettaient ainsi à M. X de contester ces redressements en toute connaissance de cause et comportaient une motivation conforme aux exigences de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales ;
Considérant en troisième lieu que si M. X soutient que l'administration a commis un détournement de procédure en présumant que la société SHS (Senégalaise d'Habitat Social) était une société fictive sans en apporter la preuve, il résulte de l'instruction que si le service fait état dans les notifications de redressements du caractère fictif de la société, il n'a mis en oeuvre les dispositions de l'article 111 a) du code général des impôts, selon lesquelles sont considérées comme des revenus distribués les sommes mises à disposition des associés directement ou par personnnes ou sociétés interposées à titre d'avances qu'en se fondant essentiellement sur la confusion du patrimoine de la société et de celui de M. X ; que par suite, et en tout état de cause, le moyen tiré d'un détournement de procédure ne peut qu'être écarté ;
Considérant en quatrième lieu qu'il résulte de l'instruction que, contrairement à ce que soutient M. X, les redressements auxquels l'administration a procédé, au titre des revenus de capitaux mobiliers, et qui résultent notamment de la vérification de la comptabilité de la société SOGIP, ont eu pour origine, ainsi que cela est indiqué dans les notifications de redressements, un contrôle sur pièces ayant donné lieu à la procedure contradictoire prévue aux articles L. 55 et suivants du code général des impôts ;
Considérant en cinquième lieu qu'en vertu de l'article 37 de la convention franco-sénégalaise du 29 mars 1974, les renseignements communiqués par les autorités senégalaises dans le cadre de l'assistance fiscale, sont couverts par le secret ; que celui-ci ne peut être levé au bénéfice du contribuable ou d'autres personnes que celles qui sont chargées de l'assiette et du recouvrement des impôts visés par cette convention ; que dès lors,le moyen tiré de la méconnaissance de ces dispositions en raison du refus de l'administration de communiquer ces renseignements ne peut qu'être écarté ;
Considérant en sixième lieu, que les éventuelles irrégularités dont peut être entachée la procédure d'imposition d'une société sont sans incidence sur la régularité des impositions mises à la charge des bénéficiaires des revenus considérés comme distribués par cette société au titre de l'article 111 a) du code général des impôts ; que si M. X fait valoir, dans ses dernières écritures, que la procédure de communication à l'administration par le Crédit Agricole des relevés du compte bancaire de la société SHS serait irrégulière, cette communication a été demandée dans le cadre de la vérification de comptabilité de la société SOGIP ; que par suite,en raison de l'indépendance des procédures, le requérant ne saurait, pour contester les contrôles dont il a fait personnellement l'objet, invoquer utilement l'irrégularité de la vérification de comptabilité de cette société ;
Sur le bien-fondé de l'imposition :
En ce qui concerne les revenus d'origine indéterminée :
Considérant qu'aux termes de l'article L 193 du livre des procédures fiscales : Dans tous les cas où une imposition a été établie d'office la charge de la preuve incombe au contribuable qui demande la décharge ou la réduction de l'imposition. ; que M. X ayant fait, l'objet d'une taxation d'office pour ce qui concerne les revenus d'origine indéterminée, il supporte la charge de la preuve en application de ces dispositions ;
Considérant que d'une part, si M. X soutient qu'il a donné des explications et fourni des documents pour justifier de l'ensemble des crédits d'origine indéterminée, il résulte de l'instruction qu'aucun justificatif probant n'est apporté sur les crédits en cause, et notamment sur les crédits qui proviendraient de retraits d'un compte courant ouvert à son nom dans les écritures de la société SHS ; que les crédits présentés comme des remboursements de frais divers avancés par M. X ne sont pas justifiés par des règlements qui auraient été effectués au profit de tiers ; que les affirmations concernant des crédits inscrits comme devises ou espèces dans différents comptes bancaires ne sont pas étayées ; qu'il en va de même des crédits présentés comme résultant de la vente d'oeuvre d'art ; que l'explication tirée d'un crédit provenant d'une avance sur salaire n'est pas corroborée ; que les crédits qui correspondraient à des virements du plan d'épargne du requérant ne sont pas justifiés par le relevé de compte faisant apparaître le solde de ce compte d'épargne et son virement ; qu'aucune information n'est donnée sur les crédits qui correspondraient à des opérations personnelles de la fille du requérant ; que d'autre part, si M. X soutient que l'imposition de certains crédits d'origine indéterminée ferait double emploi avec l'imposition des revenus de capitaux mobiliers provenant du compte courant de la société SHS dans la comptabilité de la société SOGIP, par les seules pièces qu'il produit, il ne l'établit pas ; que dans ces conditions, c'est à bon droit que l'administration a taxé d'office les sommes en cause comme revenus d'origine indéterminée ;
En ce qui concerne les revenus de capitaux mobiliers :
Sur l'application de la loi fiscale :
Considérant qu'aux termes de l'article 111 du code général des impôts : Sont notamment considérés comme revenus distribués : a. Sauf preuve contraire, les sommes mises à la disposition des associés directement ou par personnes ou sociétés interposées à titre d'avances, de prêts ou d'acomptes.... ;
Considérant d'une part qu' il résulte de l'instruction que M. X était l'actionnaire principal et le président directeur général de la société anonyme SOGIP et dirigeait la société SHS, détenue à 98% par la société SOGIP ; que cette dernière société a procédé à d' importantes avances financières inscrites au compte courant ouvert dans ses écritures comptables au profit de sa filiale avec pour contreparties des comptes de trésorerie ; que la société SHS ne disposait d'aucun établissement en France et n'y exercait aucune activité commerciale ; que la société SHS a, en revanche,ouvert un compte au Crédit agricole du Var à Draguignan, domicilié à l'adresse personnelle de M. X, lequel était le seul à disposer d'une procuration sur ce compte qu'il a utilisé pour des dépenses privées ; que,dans ces conditions,compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce, l'administration établit,en présence de ces indices précis et concordants n'ayant donné lieu à aucune explication sérieuse du requérant, l'existence d'une confusion entre son patrimoine et celui de la société SHS ;
Considérant d'autre part que l'autorité absolue de la chose jugée en matière pénale s'attache à ceux des motifs de la décision qui sont le soutien nécessaire de son dispositif ; qu'il ressort du dispositif de l'arrêt de la Cour d'appel de Paris en date du 18 juin 2001 devenu définitif à la suite de l'arrêt de la Cour de cassation en date du 4 septembre 2004, que la condamnation de M. X, pour les années 1991 et 1992, pour fraude fiscale, est fondée sur l'absence d'explications et de justifications des crédits bancaires ayant conduit à la taxation des revenus d'origine indéterminée et sur le fait que le compte bancaire de la société SHS, alimenté par des avances de la société SOGIP, a été utilisé pour financer les dépenses personnelles du contribuable ;
Considérant que si le requérant conteste le principe de la taxation des revenus distribués sur le fondement des dispositions de l'article 111 a du code général des impôts, il résulte de ce qui a été dit ci-dessus que l'administration a démontré qu'il y avait une confusion entre le patrimoine du contribuable et celui de la société SHS ; que dans ces conditions, M. X doit être regardé, à défaut d'apporter la preuve contraire, comme ayant eu à disposition pour les trois années en cause, les montants correspondant au solde débiteur du compte de la société SHS dans les écritures comptables de la société SOGIP au 31 décembre 1990, et à la variation de ce solde entre l'ouverture et la clôture des exercices 1991 et 1992 ; que dès lors, l'administration était fondée en vertu des dispositions de l'article 111 a du code général des impôts, à imposer comme revenus distribués la totalité desdits montants, les circonstances que les sommes versées du compte de la société SHS ouvert dans les livres de la société SOGIP à son compte bancaire ouvert à Draguignan, et les dépenses payées par M. X à partir de ce compte bancaire seraient très inférieures à ces montants étant sans incidence sur leur nature de revenus distribués ;
Sur l'application de la doctrine administrative :
Considérant que si M. X a entendu se prévaloir sur le fondement des dispositions de l'article L 80 A du livre des procédures fiscales de la doctrine administrative répertoriée sous la référence DB 4 J 1212 du 1er septembre 1989, il résulte de l'instruction que ce texte ne fait que préciser que l'administration ne peut imposer les avances en compte courant qu'au titre de l'année au cours de laquelle le contribuable en a eu la disposition et que pour ce qui concerne la charge de la preuve, il ne remet nullement en cause les dispositions de l'article 111 a du code général des impôts dont, comme il a été dit plus haut, l'administration a fait une exacte application ;
Sur les pénalités de mauvaise foi :
Considérant que si le requérant soutient que l'administration n'a pas démontré qu'il était de mauvaise foi, il résulte de ce qui vient d'être dit que le requérant avait un comportement révélant une intention délibérée d'éluder l'impôt et que l'administration a suffisamment démontré cette intention en relevant que les manoeuvres du requérant visaient à se procurer en toute connaissance de cause des revenus en franchise d'impôt ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. X n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande ;
Sur les conclusions à fin d'expertise :
Considérant qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, d'ordonner l'expertise sollicitée par M. X ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l'Etat qui n'a pas, dans la présente instance, la qualité de partie perdante, verse à M. X la somme qu'il réclame au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;
DÉCIDE :
Article 1er : A hauteur de la somme de 2 055 609 euros, il n'y a plus lieu de statuer sur les conclusions de M. X.
Article 2 : Le surplus des conclusions de la requête de M. X est rejeté.
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N° 05PA03660