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31/03/2009 | FRANCE | N°07PA00328

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 4ème chambre, 31 mars 2009, 07PA00328


Vu la requête, enregistrée le 25 janvier 2007, présentée pour M. Eddy X, demeurant ..., par la SCP Bouzidi-Bouhanna ; M. X demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0316211/7-2 du 1er décembre 2006 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à la condamnation de l'Etat à lui verser une somme de 457 347,05 euros, augmentée des intérêts au taux légal avec capitalisation, en réparation du préjudice matériel et moral résultant de ce qu'il a été privé d'une chance sérieuse d'être diplômé de l'une des écoles du groupe Centrale-Su

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Vu la requête, enregistrée le 25 janvier 2007, présentée pour M. Eddy X, demeurant ..., par la SCP Bouzidi-Bouhanna ; M. X demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0316211/7-2 du 1er décembre 2006 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à la condamnation de l'Etat à lui verser une somme de 457 347,05 euros, augmentée des intérêts au taux légal avec capitalisation, en réparation du préjudice matériel et moral résultant de ce qu'il a été privé d'une chance sérieuse d'être diplômé de l'une des écoles du groupe Centrale-Supélec-Mines-Ponts consécutivement à la décision illégale qui l'a empêché de se présenter à la session 1996 du concours commun « Centrale-Supélec » (option technologique), et aux irrégularités qui ont entaché le déroulement des épreuves écrites du concours commun « Mines-Ponts » organisé au titre de la même session ;

2°) de condamner l'Etat à l'indemniser dans les conditions exposées dans sa demande ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

.....................................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de justice administrative ;

Vu la décision du président de la cour du 5 janvier 2009, désignant Mme Chantal Descours-Gatin commissaire du gouvernement remplaçant, en application des dispositions de l'article R. 222-24 du code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 17 mars 2009 :

- le rapport de M. Rousset, rapporteur,

- les conclusions de Mme Descours-Gatin, rapporteur public,

- les observations de M. X,

- et connaissance prise de la note en délibéré en date du 27 mars 2009, présentée pour M. X, par Me Bouzidi ;

Considérant que M. X, titulaire de deux baccalauréats C et F et d'une licence de mathématique, a préparé en candidat libre les concours communs d'entrée aux écoles d'ingénieurs des groupes « Centrale-Supélec » et « Mines-Ponts » ; que le 9 janvier 1996, le responsable du service du concours « Centrale-Supélec » lui a refusé l'autorisation de se présenter à la session 1996 dudit concours en option technologique (dite TA) au motif qu'il n'était pas issu d'une classe préparatoire ; que par un jugement devenu définitif du 29 octobre 1997, le Tribunal administratif de Paris a annulé cette décision qui portait atteinte au principe d'égalité entre les candidats ; qu'inscrit au concours d'accès aux écoles d'ingénieurs du groupe « Mines- Ponts » (option TA) organisé au titre de la même année 1996, M. X a présenté les six épreuves écrites qui, à l'exception de l'épreuve de chimie pour laquelle il n'a pas composé, étaient communes aux concours « Mines Ponts » et « Centrale- Supélec » ; que M. X a été déclaré non admissible en raison d'une note éliminatoire de 9/20 obtenue en technologie ; que sur sa demande, le Conseil d'Etat a annulé par une décision du 26 avril 2000, les délibérations du jury ayant prononcé les résultats d'admissibilité et d'admission du concours d'accès aux écoles du groupe « Mines- Ponts » (option TA) organisé au titre de l'année 1996 au motif que le jury avait fixé, alors qu'il était incompétent pour le faire, la note éliminatoire de l'épreuve écrite de technologie ; que M. X fait appel du jugement du 1er décembre 2006 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à la condamnation de l'Etat à lui verser les sommes de 346 821,51 euros et 38 112,25 euros, en réparation des préjudices matériel et moral résultant de ce que les décisions illégales l'empêchant de se présenter au concours « Centrale-Supélec » et l'excluant après les épreuves écrites du concours « Mines-Ponts », l'ont privé d'une chance sérieuse d'être diplômé de l'une de ces écoles d'ingénieurs ;

Sur la régularité du jugement :

Considérant qu'en mentionnant que le différentiel de rémunération, dont M. X demandait réparation au titre de son préjudice matériel, était la conséquence, non des deux décisions illégales l'empêchant de se présenter au concours « Centrale-Supélec » et l'excluant du concours « Mines-Ponts », mais d'un choix personnel de carrière qui l'a conduit à renoncer à intégrer une école d'ingénieurs au-delà de la session 1996, le Tribunal administratif de Paris a suffisamment motivé sa décision, alors même qu'il n'a pas précisé si, à la date d'annulation des décisions précitées, une telle perspective d'intégration restait envisageable pour le requérant ;

Sur la responsabilité :

Considérant, en premier lieu, qu'il résulte de ce qui précède que les décisions refusant illégalement à M. X le droit de présenter le concours « Centrale-Supélec » et l'éliminant de manière irrégulière, après les épreuves écrites, du concours « Mines-Ponts », sont constitutives de fautes de nature à engager la responsabilité de l'Etat ;

Considérant, en second lieu, qu'il résulte de l'instruction que les notes obtenues par l'intéressé aux épreuves communes des deux concours lui permettaient d'être retenu parmi les candidats admissibles au concours « Mines Ponts » option TA et, alors même qu'il n'avait pas été autorisé à composer pour l'épreuve de chimie, aux écoles centrales de Lille et de Nantes dont l'accès était assuré par le concours « Centrale Supélec » option TA ; que par ailleurs, il n'est pas sérieusement contesté que parmi les seize candidats déclarés admissibles au concours « Mines-Ponts » option TA, quinze ont été admis et que certains d'entre eux avaient obtenu aux épreuves écrites un total de points inférieur à celui de M. X ; que de même parmi les trente trois et trente six candidats déclarés admissibles aux écoles centrales de Lille et de Nantes option TA, vingt et un et vingt neuf ont, respectivement, été classés à l'issue des épreuves orales, certains de ces lauréats ayant obtenu à l'écrit des notes inférieures à celles du requérant ; que si l'Etat fait valoir que l'intéressé s'est abstenu de présenter à nouveau les concours d'entrée aux écoles d'ingénieurs après la session 1996, il est constant que M. X ne remplissait plus après 1996 la condition d'âge requise pour intégrer les écoles les plus prestigieuses auxquelles donnait accès le concours « Mines-Ponts » et que jusqu'à l'annulation intervenue au mois d'octobre 1997, il lui était impossible de s'inscrire au concours « Centrale Supélec » dans la mesure où il n'était pas issu d'une classe préparatoire ; que dans ces conditions, et alors de surcroît qu'il avait engagé plusieurs procédures contentieuses à l'encontre des autorités organisatrices desdits concours, il ne saurait lui être sérieusement reproché d'avoir fait le choix, contraint, d'une nouvelle orientation professionnelle ; qu'enfin, et contrairement à ce que soutient l'Etat, l'intéressé a fait la preuve, en réussissant en 1994 le concours d'entrée à l'école nationale supérieure des arts et industries textiles de Roubaix puis en devenant professeur de lycée professionnel et inspecteur des impôts en 1999 et 2000, qu'il avait les aptitudes requises pour affronter les épreuves orales d'un concours ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. X est fondé à soutenir que, contrairement à ce qu'a jugé le tribunal, les fautes qui ont été commises en lui interdisant de se présenter au concours « Centrale-Supélec » et en l'excluant, au moyen d'une note éliminatoire irrégulière, du concours « Mines-Ponts », lui ont causé de manière directe un préjudice en le privant d'une chance certaine de participer aux épreuves orales desdits concours et d'une chance sérieuse d'être admis dans une ou plusieurs écoles d'ingénieurs à l'issue de ces épreuves orales ;

Sur le préjudice :

Considérant, en premier lieu, que le préjudice financier qui, selon le requérant, résiderait dans le différentiel de rémunération, calculé sur 35 ans d'activité, entre le traitement d'inspecteur des impôts qu'il perçoit et le salaire supérieur qui lui aurait été versé s'il avait été recruté en qualité d'ingénieur diplômé de l'école centrale de Lille, présente un caractère éventuel dès lors, d'une part, que l'écart de salaire allégué n'est pas établi, d'autre part, que le niveau moyen de rémunération d'un cadre d'entreprise sur la totalité de sa carrière n'est pas garanti, et enfin qu'eu égard à son âge et à ses aptitudes intellectuelles, l'intéressé est en mesure de faire évoluer sa carrière dans l'administration en accédant à des emplois mieux rémunérés ; que, dans ces conditions, un tel préjudice ne saurait donner lieu à réparation ;

Considérant, en second lieu, qu'il résulte de l'instruction que les décisions évinçant et excluant irrégulièrement M. X des concours précités, lui ont fait perdre le bénéfice de la préparation qu'il s'était imposée pendant trois ans pour accéder à une école d'ingénieurs, l'ont conduit à engager des procédures contentieuses longues et éprouvantes afin de faire reconnaître ses droits, l'ont privé d'une chance sérieuse d'intégrer une école d'ingénieurs et l'ont contraint à trouver une nouvelle orientation professionnelle ; qu'il s'ensuit que M. X est fondé à demander l'indemnisation du préjudice moral et des troubles de toutes natures dans les conditions d'existence qui lui ont été ainsi occasionnés ; que, dans les circonstances de l'espèce, il sera fait une juste appréciation des préjudices qu'il a subis à ce titre en condamnant l'Etat à lui payer une indemnité de 20 000 euros tous intérêts compris au jour du présent arrêt ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 000 euros au titre des frais exposés par M. X et non compris dans les dépens ;

D E C I D E :

Article 1er : Le jugement du Tribunal administratif de Paris du 1er décembre 2006 est annulé.

Article 2 : L'Etat est condamné à verser à M. X la somme de 20 000 euros à titre d'indemnités tous intérêts compris.

Article 3 : L'Etat versera à M. X une somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de M. X est rejeté.

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N° 07PA00328


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 07PA00328
Date de la décision : 31/03/2009
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. MERLOZ
Rapporteur ?: M. Olivier ROUSSET
Rapporteur public ?: Mme DESCOURS GATIN
Avocat(s) : SCP A. BOUZIDI - PH. BOUHANNA

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2009-03-31;07pa00328 ?
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