Vu la requête, enregistrée le 23 juin 2008, présentée pour M. Ismail X, demeurant ..., par Me Azoulay-Segur ; M. X demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement n° 0804258/9 en date du 10 juin 2008 par lequel le Tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet du Val-d'Oise du 3 juin 2008 ordonnant sa reconduite à la frontière et fixant le pays de destination ;
2°) d'annuler l'arrêté du 3 juin 2008 par lequel le préfet du Val-d'Oise a décidé sa reconduite à la frontière et la décision du même jour fixant le pays de destination de la reconduite ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
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Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
Vu le code de justice administrative ;
Vu la décision du 14 octobre 2008 par laquelle le président de la cour a désigné Mme Stahlberger, magistrat, pour statuer en appel d'une décision rendue en application de l'article L. 213-9 et de la seconde phrase du deuxième alinéa de l'article L. 512-1, de l'article L. 512-2 ou du second alinéa de l'article L. 513-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 15 décembre 2008 :
- le rapport de Mme Stahlberger, magistrat désigné,
- et les observations de Mme Desticourt, commissaire du gouvernement ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. X, ressortissant turc, d'origine kurde, s'est vu refuser la qualité de réfugié politique par une décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides du 23 décembre 2002, confirmée le
26 mai 2003 par la commission des recours des réfugiés ; qu'il a fait une demande de réexamen qui a été rejetée, comme irrecevable par décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides en date du 26 décembre 2007, au motif que la demande avait le même objet que la demande précédente, à l'encontre de laquelle il a présenté un recours devant la Cour nationale du droit d'asile enregistré le 26 décembre 2007 ; que, cependant, sans attendre la décision de celle-ci, le préfet du Val-d'Oise a pris un arrêté de reconduite à la frontière en date du 3 juin 2007 ; que par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Melun a rejeté la requête de M. X tendant à l'annulation dudit arrêté ; que par la requête susvisée, M. X demande l'annulation dudit jugement ;
Sans qu'il soit besoin de statuer sur les autres moyens de la requête ;
Considérant qu'il résulte des articles L. 741-1 à L. 741-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile que l'admission au séjour d'un étranger qui demande à bénéficier de l'asile ne peut être refusée que dans les situations limitativement énumérées à l'article L. 741-4 ; que selon l'article L. 742-1 du même code : « Lorsqu'il est admis à séjourner en France en application des dispositions du chapitre Ier du présent titre, l'étranger qui demande à bénéficier de l'asile se voit remettre un document provisoire de séjour lui permettant de déposer une demande d'asile auprès de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides. L'office ne peut être saisi qu'après la remise de ce document au demandeur. Après le dépôt de sa demande d'asile, le demandeur se voit délivrer un nouveau document provisoire de séjour. Ce document est renouvelé jusqu'à ce que l'office statue et, si un recours est formé devant la commission des recours, jusqu'à ce que la commission statue » ; qu'aux termes de l'article L. 742-3 : « L'étranger admis à séjourner en France bénéficie du droit de s'y maintenir jusqu'à la notification de la décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides ou, si un recours a été formé, jusqu'à la notification de la décision de la commission des recours. Il dispose d'un délai d'un mois à compter de la notification du refus du renouvellement ou du retrait de son autorisation de séjour pour quitter volontairement le territoire français » ; qu'aux termes de l'article L. 511-1 du même code, dans sa rédaction alors en vigueur, l'autorité administrative compétente peut, par arrêté motivé, décider qu'un étranger sera reconduit à la frontière : « (...) 3° Si l'étranger, auquel la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour a été refusé ou dont le titre de séjour a été retiré, s'est maintenu sur le territoire au-delà du délai d'un mois à compter de la date de notification du refus ou du retrait ; / 4° Si l'étranger n'a pas demandé le renouvellement de son titre de séjour temporaire et s'est maintenu sur le territoire au-delà du délai d'un mois suivant l'expiration de ce titre ;(...) » ;
Considérant qu'il résulte de ces dispositions que l'étranger qui demande l'asile a le droit de séjourner sur le territoire national à ce titre jusqu'à ce que la décision rejetant sa demande lui ait été notifiée régulièrement par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides ou, si un recours a été formé devant elle, par la commission des recours des réfugiés, devenue la cour nationale du droit d'asile ; qu'en l'absence d'une telle décision, l'autorité administrative ne peut regarder l' étranger à qui l'asile a été refusé comme ne bénéficiant plus de son droit provisoire au séjour ou comme se maintenant irrégulièrement au sens des dispositions de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; qu'il suit de là que le préfet du Val-d'Oise ne pouvait ,sans méconnaître les dispositions précitées des articles L. 742-1et
L. 742-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile prendre, à l'encontre de M. X, l'arrêté de reconduite contesté ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède, que M. X est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet du Val-d'Oise du 3 juin 2008 décidant sa reconduite à la frontière et fixant le pays de destination de la reconduite ;
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 000 euros au titre des frais exposés par M. X et non compris dans les dépens ;
D E C I D E :
Article 1er : Le jugement du 10 juin 2008 du magistrat délégué par le président du Tribunal administratif de Melun est annulé.
Article 2 : L'arrêté du préfet du Val-d'Oise du 3 juin 2008 décidant la reconduite à la frontière de M. X et fixant le pays de destination de la reconduite est annulé.
Article 3 : L'Etat versera à M. X la somme de mille euros (1 000 euros) au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
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N° 08PA03223