Vu la requête, enregistrée le 28 septembre 2006, présentée pour la SOCIETE GEAT, dont le siège est 15 rue de la Seine à Boulogne Billancourt (92170), par Me Lancian ; la SOCIETE GEAT demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement n° 0007805/1-3 du 27 juillet 2006 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires à l'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre de l'exercice du 15 mars 1993 au 31 décembre 1994 et, à titre subsidiaire, le bénéfice du report en arrière pour le déficit dégagé au titre de l'exercice 1995 ;
2°) de prononcer la décharge demandée et, dans l'hypothèse où les impositions complémentaires seraient maintenues, la faire bénéficier du report en arrière pour le déficit dégagé au titre de l'exercice 1995 ;
3°) à titre subsidiaire, d'individualiser la pénalité de mauvaise foi en en diminuant le montant, compte tenu des circonstances particulières de l'espèce ;
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Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 26 juin 2008 :
- le rapport de Mme Dely, rapporteur,
- et les conclusions de M. Jardin, commissaire du gouvernement ;
Sans qu'il soit besoin de statuer sur la recevabilité de la requête ;
Sur le bien-fondé de l'imposition :
Considérant qu'aux termes du 1 de l'article 39 du code général des impôts, applicable aux contribuables passibles de l'impôt sur les sociétés en vertu de l'article 209 du même code : « Le bénéfice net est établi sous déduction de toutes charges comprenant (...) notamment : 1° Les frais généraux de toute nature (...) 2° (...) Les amortissements réellement effectués par l'entreprise (...) » ; qu'en vertu des règles gouvernant l'attribution de la charge de la preuve devant le juge administratif, applicables sauf loi contraire, s'il incombe en principe à chaque partie d'établir les faits nécessaires au succès de ses prétentions, les éléments de preuve qu'une partie est seule en mesure de détenir ne sauraient être réclamés qu'à celle-ci ; qu'il appartient dès lors au contribuable, pour l'application des dispositions précitées de l'article 39 du code général des impôts, de justifier tant du montant des créances de tiers, amortissements, provisions et charges qu'il entend déduire de son bénéfice net, que de la correction de leur inscription en comptabilité, c'est-à-dire du principe même de leur déductibilité ; qu'en ce qui concerne les charges, le contribuable apporte cette justification par la production de tous éléments suffisamment précis portant sur la nature de la charge en cause, ainsi que sur l'existence et la valeur de la contrepartie qu'il en a retirée ;
En ce qui concerne la réintégration de l'amortissement des véhicules :
Considérant que la SOCIETE GEAT soutient que c'est à tort que l'administration a réintégré les amortissements qu'elle avait inscrits au titre de deux véhicules automobiles qu'elle dit avoir acquis et dont elle aurait supporté les coûts ; que, toutefois, elle n'établit pas qu'elle en ait été propriétaire ; que, notamment, ainsi que l'ont retenu à juste titre les premiers juges, il n'est pas contesté que les cartes grises de ces deux véhicules ont été établies au nom de M. X, ancien président directeur général de la SOCIETE GEAT, et que ces véhicules n'ont pas fait l'objet d'un transfert de propriété à son profit ; que, dès lors, les circonstances que l'usage professionnel de ces véhicules n'ait donné lieu à aucun remboursement de frais et que l'administration aurait considéré qu'il convenait de soumettre les véhicules en cause à la taxe sur les véhicules de société sont sans influence au cas d'espèce ; que, dès lors, la SOCIETE GEAT n'est pas fondée à soutenir que l'amortissement des véhicules inscrits à l'actif de son bilan constituait une charge fiscalement déductible ;
En ce qui concerne la réintégration des charges :
Considérant que la SOCIETE GEAT soutient que, lors de la vérification de comptabilité dont elle a fait l'objet, son président directeur général avait disparu avec des documents de la société ce qui a rendu difficile la production d'éléments justificatifs à l'appui des charges dont l'administration a refusé la déductibilité mais qu'elle a pu retrouver depuis un certain nombre de justificatifs ; que, toutefois, s'agissant des charges de location de véhicules utilisés par M. et Mme X, des charges relatives à l'entretien des véhicules, des frais divers de gestion, des frais de réception, de voyages et de déplacements, la SOCIETE GEAT ne produit aucune pièce nouvelle et ne justifie ni de la réalité de ces dépenses, ni de ce qu'elle en aurait retiré une contrepartie réelle ; que, s'agissant des dépenses relatives à des colloques, séminaires ou conférences, les pièces produites relatives à un congrès de cardiologie au Japon, consistant en une fiche bibliographique et des photocopies au caractère peu probant, ne permettent pas de prouver la réalité des dépenses engagées à cette occasion ; que la requérante, qui ne produit ni contrat d'installation et de maintenance de logiciels ni courriers d'échanges avec la société concernée relatifs aux matériels de télétransmission nécessaires à son fonctionnement, joint d'une part, des extraits du site internet de la société Micrel en vue d'établir le lien entre ladite société et les prestations fournies et, d'autre part, une facture établie en anglais sans autre précision ; que, toutefois, ces éléments ne sont pas suffisants, en eux-mêmes, pour établir la réalité de la prestation effectuée par cette société au profit de la SOCIETE GEAT ; que, s'agissant des honoraires réglés aux médecins chargés d'assurer les gardes dans le cadre du système de surveillance médicale permanente « Cardiatel », les documents produits ne permettent pas d'établir la réalité desdits versements ; que notamment, la facture établie par la société AMO en date du 10 avril 1993 fait référence à un précédent devis du 11 janvier 1991, et ne permet pas, à elle seule, de justifier de la réalité de la prestation réalisée, notamment en l'absence de production d'éléments présentant les actions réalisées dans le cadre de la politique de communication de la société ; qu'ainsi, les charges restant en litige ne sauraient être admises en déduction des résultats imposables de la société ;
En ce qui concerne le bénéfice du report en arrière du déficit dégagé au titre de l'exercice 1995 :
Considérant qu'aux termes du troisième alinéa du I de l'article 209 du code général des impôts relatif à la détermination des bénéfices passibles de l'impôt sur les sociétés, dans sa rédaction alors applicable : « Sous réserve de l'option prévue à l'article 220 quinquies, en cas de déficit subi pendant un exercice, ce déficit est considéré comme une charge de l'exercice suivant et déduit du bénéfice réalisé pendant ledit exercice. Si ce bénéfice n'est pas suffisant pour que la déduction puisse être intégralement opérée, l'excédent du déficit est reporté successivement sur les exercices suivants jusqu'au cinquième exercice qui suit l'exercice déficitaire (...) » ; et qu'aux termes de l'article 220 quinquies du code général des impôts, dans sa rédaction applicable aux faits de l'espèce : « I. Par dérogation aux dispositions des troisième et quatrième alinéas du I de l'article 209, le déficit constaté au titre d'un exercice ouvert à compter du 1er janvier 1984 par une entreprise soumise à l'impôt sur les sociétés peut, sur option, être considérée comme une charge déductible de l'antépénultième exercice et, le cas échéant, de celui de l'avant-dernier exercice, puis de celui de l'exercice précédent, dans la limite de la fraction non distribuée de ces bénéfices et à l'exclusion des bénéfices exonérés en application des articles 44 bis à 44 septies et 207 à 208 sexies ou qui ont donné lieu à un impôt payé au moyen d'avoirs fiscaux ou de crédits d'impôts. Cette option porte, pour les exercices ouverts à compter du 1er janvier 1985, sur les déficits reportables à la clôture d'un exercice en application des troisième et quatrième alinéas du I de l'article 209 (...) » et qu'aux termes de l'article 46 quater OW de l'annexe III à ce même code : « I. L'entreprise qui exerce l'option prévue au premier alinéa du I de l'article 220 quinquies du code général des impôts doit joindre à la déclaration de résultat de l'exercice au titre duquel cette option a été exercée une déclaration conforme au modèle fixé par l'administration (...) » ;
Considérant qu'il résulte de ces dispositions que le bénéfice du report en arrière d'un déficit est subordonné à l'exercice d'une option ; que, lorsqu'une entreprise déclare opter pour le report en arrière des déficits, cette déclaration constitue une réclamation au sens de l'article L. 190 du livre des procédures fiscales, laquelle doit s'exercer dans les formes, conditions et délais prévus par ce même livre ; qu'en principe, cette réclamation est relative à l'exercice déficitaire au titre duquel la demande de report est effectuée ; que lorsque, postérieurement à l'exercice déficitaire, l'administration opère des rehaussements des bénéfices déclarés des exercices antérieurs, le contribuable qui demande le report en arrière de ses déficits sur les bénéfices ainsi rectifiés doit être regardé comme présentant une réclamation ayant pour objet de permettre l'imputation de déficit sur les bénéfices rectifiés ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction, et qu'il n'est pas contesté, que la société requérante n'a pas formulé d'option tendant à bénéficier du report en arrière du déficit constaté pour l'exercice clos en 1995 lorsqu'elle a déposé, tardivement le 22 mai 1996, sa déclaration de résultat concernant cet exercice ; que si elle soutient avoir « émis le souhait de reporter en arrière sur les éventuels bénéfices redressés de 1994 le déficit fiscal de l'exercice 1995 » dans ses observations du contribuable en date du 14 octobre 1996 et dans sa réclamation contentieuse en date du 22 janvier 1999, une telle indication ne constituait pas une réclamation au sens des dispositions précitées ; qu'elle ne justifie pas, par ailleurs, avoir demandé un tel report ; que, par suite, la SOCIETE GEAT ne peut soutenir que c'est à tort que l'administration a refusé de faire droit à sa demande ;
Sur les pénalités de mauvaise foi :
Considérant qu'aux termes de l'article 1729 du code général des impôts : « 1. Lorsque la déclaration ou l'acte mentionnés à l'article 1728 font apparaître une base d'imposition ou des éléments servant à la liquidation de l'impôt insuffisants, inexacts ou incomplets, le montant des droits mis à la charge du contribuable est assorti de l'intérêt de retard visé à l'article 1727 et d'une majoration de 40 p. 100 si la mauvaise foi de l'intéressé est établie ou de 80 p. 100 s'il s'est rendu coupable de manoeuvres frauduleuses ou d'abus de droits au sens de l'article L. 64 du livre des procédures fiscales. 2. Le décompte de l'intérêt de retard est arrêté au dernier jour du mois de la notification de redressement ou, en cas d'échelonnement des impositions supplémentaires, au dernier jour du mois au cours duquel le rôle doit être mis en recouvrement. 3. En cas d'abus de droit, l'intérêt de retard et la majoration sont à la charge de toutes les parties à l'acte ou à la convention qui sont solidairement tenues à leur paiement » ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction que l'administration a assorti l'intérêt de retard de l'article 1727 du code général des impôts de la majoration de 40 % pour mauvaise foi en application de l'article 1729 du code précité ; qu'il résulte des termes de la notification de redressements en date du 16 octobre 1996, que la majoration de 40 % a en particulier été motivée en raison de « l'ensemble des irrégularités constatées, notamment l'objet et la nature des charges comptabilisées étrangères à l'activité de la société et l'absence de pièces justificatives » ; que la société n'est, par suite, pas fondée à soutenir d'une part qu'elle serait insuffisamment motivée et d'autre part que l'administration n'établit pas sa mauvaise foi ; que si la SOCIETE GEAT fait valoir que l'application des majorations exclusives de bonne foi, prévues par l'article 1729 du code général des impôts, n'est pas justifiée faute d'intention délibérée de sa part compte tenu notamment du contexte particulier caractérisé par la défaillance de ses anciens dirigeants, elle ne peut utilement se prévaloir du comportement de ces derniers ; qu'enfin, les dispositions de l'article 1729 proportionnent les pénalités selon les agissements commis par le contribuable en prévoyant des taux différents selon la qualification qui peut être donnée au comportement du contribuable ; qu'il appartient au juge de l'impôt, après avoir exercé son plein contrôle sur les faits invoqués et la qualification retenue par l'administration, de décider, dans chaque cas, selon les résultats de ce contrôle, soit de maintenir ou d'appliquer la majoration effectivement encourue au taux prévu par la loi, sans pouvoir moduler celui-ci pour tenir compte de la gravité de la faute commise par le contribuable, soit, s'il estime que l'administration n'établit ni que celui-ci se serait rendu coupable de manoeuvres frauduleuses ni qu'il aurait agi de mauvaise foi, de ne laisser à sa charge que les intérêts de retard ; qu'il en résulte qu'il dispose d'un pouvoir de pleine juridiction conforme aux stipulations du 1° de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, lesquelles n'impliquent pas que le juge puisse moduler l'application du barème résultant de l'article 1728 du code général des impôts ; que, dès lors, le moyen tiré de l'incompatibilité des dispositions de cet article avec celles de l'article 6-1 de la convention européenne des droits de l'homme doit être écarté ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la SOCIETE GEAT n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande ;
D E C I D E :
Article 1er : La requête de la SOCIETE GEAT est rejetée.
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N° 06PA02638
Mme Anne SEFRIOUI
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N° 06PA03468
Classement CNIJ :
C