La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

21/03/2008 | FRANCE | N°07PA03263

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 7éme chambre, 21 mars 2008, 07PA03263


Vu la requête, enregistrée le 20 août 2007, présentée par le PREFET DE POLICE ; le PREFET DE POLICE demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0706331/7-1 du 5 juillet 2007 par lequel le Tribunal administratif de Paris a, d'une part, annulé son arrêté du 5 février 2007 refusant la délivrance d'un titre de séjour à M. Saïd X et l'obligeant à quitter le territoire français dans un délai d'un mois et, d'autre part, lui a enjoint de délivrer à M. X une autorisation provisoire de séjour et de procéder au réexamen de sa situation dans un délai d'un mois à com

pter de la notification du jugement ;
2°) de rejeter la demande présentée par ...

Vu la requête, enregistrée le 20 août 2007, présentée par le PREFET DE POLICE ; le PREFET DE POLICE demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0706331/7-1 du 5 juillet 2007 par lequel le Tribunal administratif de Paris a, d'une part, annulé son arrêté du 5 février 2007 refusant la délivrance d'un titre de séjour à M. Saïd X et l'obligeant à quitter le territoire français dans un délai d'un mois et, d'autre part, lui a enjoint de délivrer à M. X une autorisation provisoire de séjour et de procéder au réexamen de sa situation dans un délai d'un mois à compter de la notification du jugement ;
2°) de rejeter la demande présentée par M. X devant le tribunal administratif ;
…………………………………………………………………………………………………..
Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 7 mars 2008 :

- le rapport de Mme Larere, rapporteur ;

- et les conclusions de Mme Isidoro, commissaire du gouvernement ;

Sur la fin de non-recevoir opposée à la requête par M. X :

Considérant qu'aux termes de l'article R. 775-10 du code de justice administrative, relatif au contentieux des décisions relatives au séjour assorties d'une obligation de quitter le territoire français : « Le délai d'appel est d'un mois. Il court contre toute partie à l'instance à compter du jour où la notification du jugement lui a été faite » ; que le délai mentionné par ces dispositions est un délai franc ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que le jugement attaqué a été notifié au préfet de police le 19 juillet 2007 ; que si l'original de sa requête n'a été enregistré que le
21 août 2007, celle-ci était parvenue par fax au greffe de la cour dès le 20 août 2007 ; qu'elle n'est ainsi, contrairement à ce que soutient le requérant, pas tardive ; qu'il en résulte que la fin de non-recevoir opposée ne peut qu'être écartée ;
Sur la requête du préfet de police :

Considérant qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : « 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. /2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et des libertés d'autrui » ; que selon l'article L. 313-11 code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile susvisé : « Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention « vie privée et familiale » est délivrée de plein droit: (...) 7º A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée » ;

Considérant que, pour annuler l'arrêté du préfet de police en date du 5 février 2007 portant refus de délivrance d'un titre de séjour à M. Saïd X et obligation de quitter le territoire français dans un délai d'un mois, les premiers juges ont estimé que cet arrêté avait porté une atteinte disproportionnée au respect dû, en application des stipulations et dispositions précitées, à la vie privée et familiale de l'intéressé ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. X, de nationalité marocaine, dont les deux parents résident au Maroc, est entré en France le 4 novembre 2001, à l'âge de 22 ans, pour y suivre des études ; que, s'il a bénéficié de plusieurs cartes de séjour temporaires successives, en qualité d'étudiant, le renouvellement de ce titre lui a été refusé par une décision du préfet de police du 28 novembre 2005 au motif de l'absence de caractère sérieux de ses études ; qu'il a fait l'objet, le 4 janvier 2006, d'un arrêté préfectoral de reconduite à la frontière ; que s'il a contracté, le 24 juillet 2006, soit postérieurement à cet arrêté, un pacte civil de solidarité avec Mlle Avila Y, ressortissante mexicaine titulaire d'une carte de séjour temporaire en qualité d'étudiante, et s'il justifie, par les pièces produites devant les premiers juges, d'une vie commune avec cette dernière depuis l'année 2003, ces circonstances ne sont pas, en l'espèce, eu égard notamment aux conditions du séjour en France de M. X, qui n'est pas dépourvu d'attaches familiales à l'étranger, aux conditions de la conclusion et à la durée du pacte civil de solidarité conclu avec Mlle Y et, enfin, à la qualité du titre de séjour dont celle-ci est titulaire, lequel ne lui donne pas vocation à résider durablement en France, de nature à faire regarder l'arrêté du préfet de police du 5 février 2007 comme ayant porté une atteinte disproportionnée au respect dû à la vie privée et familiale de M. X ; que c'est, ainsi, à tort que le Tribunal administratif de Paris s'est fondé sur ce motif pour prononcer l'annulation dudit arrêté ;

Considérant, toutefois, qu'il appartient à la cour administrative d'appel, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. X devant le Tribunal administratif de Paris ;

Sur la légalité de la décision portant refus de délivrance d'un titre de séjour :

Considérant, en premier lieu, qu'il ressort des pièces du dossier que M. Burgues, signataire de l'arrêté contesté, était titulaire, en vertu de l'arrêté n° 2007-20052 du
23 janvier 2007, publié le 30 janvier 2007 au bulletin municipal officiel de la ville de Paris, d'une délégation de signature l'habilitant à signer les décisions de refus de titre de séjour ; que le moyen tiré de l'incompétence de l'auteur de la décision attaquée doit, par suite, être écarté ;

Considérant, en deuxième lieu, que contrairement aux allégations de M. X, la décision de refus de séjour comporte l'énoncé précis des considérations de fait et de droit qui en constituent le fondement ; qu'elle est, ainsi, suffisamment motivée ;

Considérant, enfin, qu'il résulte des dispositions de l'article L. 312-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile que la commission du titre de séjour n'est obligatoirement saisie par l'autorité administrative que lorsque celle-ci envisage de refuser de délivrer ou de renouveler une carte de séjour temporaire à un étranger qui remplit effectivement les conditions mentionnées à l'article L. 313-11 du même code pour bénéficier d'un tel titre ; qu'il résulte de ce qui a été dit ci-dessus que M. X ne remplissait pas les conditions requises pour bénéficier de plein droit d'une carte de séjour temporaire en application du 7° de ces dispositions ; qu'il ne ressort pas des pièces du dossier qu'il pouvait prétendre à la délivrance d'une carte de séjour temporaire sur le fondement d'une autre disposition de cet article ; que le préfet de police n'avait pas, par suite, l'obligation de saisir la commission du titre de séjour préalablement à l'édiction de la décision de refus de séjour contestée ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le préfet de police est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif a annulé la décision, contenue dans son arrêté du 5 février 2007, refusant la délivrance d'un titre de séjour à M. X ;

Sur la légalité des décisions portant obligation de quitter le territoire français et fixant le pays à destination duquel l'intéressé pourrait être renvoyé :
Considérant qu'aux termes du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction applicable à la date de l'arrêté attaqué : « L'autorité administrative qui refuse la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour à un étranger ou qui lui retire son titre de séjour, son récépissé de demande de carte de séjour ou son autorisation provisoire de séjour, pour un motif autre que l'existence d'une menace à l'ordre public, peut assortir sa décision d'une obligation de quitter le territoire français, laquelle fixe le pays à destination duquel l'étranger sera renvoyé s'il ne respecte pas le délai de départ volontaire prévu au troisième alinéa. » ;

Considérant que l'obligation de quitter le territoire français dont le préfet peut, en application de ces dispositions, assortir le refus ou le retrait d'un titre de séjour est une mesure de police qui doit, en l'absence de disposition législative contraire, être motivée en application des règles de forme édictées, pour l'ensemble des décisions administratives, par l'article 1er de la loi susvisée du 11 juillet 1979 ; que si la motivation de cette mesure, se confondant avec celle du refus ou du retrait de titre de séjour dont elle découle nécessairement, n'appelle pas d'autre mention spécifique pour respecter les exigences de l'article 1er de la loi du 11 juillet 1979, c'est toutefois à la condition que le préfet ait rappelé dans sa décision les termes de l'article L. 511-1 du même code, qui l'habilitent à assortir le refus de séjour d'une obligation de quitter le territoire ;

Considérant qu'en se bornant, en l'espèce, à viser le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le préfet de police a méconnu cette exigence ; que la décision par laquelle il a fait obligation à M. X de quitter le territoire français est, ainsi, entachée d'une illégalité ; que le préfet de police n'est, par suite, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens soulevés par M. X à l'encontre de cette décision, pas fondé à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif a prononcé l'annulation de la décision portant obligation de quitter le territoire et, par voie de conséquence, de la décision fixant le pays à destination duquel l'intéressé pourrait être renvoyé en cas de non respect du délai qui lui était imparti ;

Sur les conclusions à fin d'injonction :
Considérant qu'aux termes du dernier alinéa de l'article L. 512-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : « Si l'obligation de quitter le territoire français est annulée, il est immédiatement mis fin aux mesures de surveillance prévues au titre V du présent livre et l'étranger est muni d'une autorisation provisoire de séjour jusqu'à ce que l'autorité administrative ait à nouveau statué sur son cas. » ;
Considérant qu'il résulte de ces dispositions que l'annulation de la décision faisant obligation à M. X de quitter le territoire français entraîne de plein droit la délivrance d'une autorisation provisoire de séjour, valable jusqu'à ce que le préfet de police ait à nouveau statué sur son cas ; que le préfet de police n'est, par suite, pas fondé à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif lui a enjoint, d'une part, de délivrer une autorisation provisoire de séjour à M. X et, d'autre part, de procéder au réexamen de sa situation ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le préfet de police est seulement fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif a annulé son arrêté du 5 février 2007 en tant que ledit arrêté a refusé à M. X la délivrance d'un titre de séjour ;

D É C I D E :

Article 1er : Le jugement n° 0706331/7-1 du Tribunal administratif de Paris en date du 5 juillet 2007 est annulé en tant qu'il a annulé la décision, contenue dans l'arrêté du préfet de police du 5 février 2007, refusant la délivrance d'un titre de séjour à M. Saïd X
Article 2 : Les conclusions de la demande de M. X devant le Tribunal administratif de Paris tendant à l'annulation de la décision lui refusant la délivrance d'un titre de séjour ainsi que le surplus des conclusions de la requête du préfet de police sont rejetés.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au MINISTRE DE L'IMMIGRATION, DE L'INTEGRATION, DE L'IDENTITE NATIONALE ET DU CODEVELOPPEMENT et à M. Saïd X. Copie en sera adressée au préfet de police.
Délibéré après l'audience du 7 mars 2008, où siégeaient :

Mme Tricot, président,
Mme Brin, président-assesseur,
Mme Larere, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 21 mars 2008.

Le rapporteur,

S. LARERE

Le président,

C. TRICOT
Le greffier

F. MBAE

La République mande et ordonne au ministre l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du codéveloppement en ce qui le concerne et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

2
N° 07PA03263


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 7éme chambre
Numéro d'arrêt : 07PA03263
Date de la décision : 21/03/2008
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme TRICOT
Rapporteur ?: Mme Séverine LARERE
Rapporteur public ?: Mme ISIDORO
Avocat(s) : STARK

Origine de la décision
Date de l'import : 06/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2008-03-21;07pa03263 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award