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21/12/2007 | FRANCE | N°06PA02415

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 7éme chambre, 21 décembre 2007, 06PA02415


Vu la requête et le mémoire, enregistrés les 30 juin et 22 septembre 2006, présentés pour la société à responsabilité limitée CCI, dont le siège social est situé 95, rue de la Boétie à Paris (75008), par la SCP Choucroy, Gadiou et Chevallier, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de Cassation ; la société CONSEIL CONSTRUCTION INTERNATIONAL demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 9921495/2 en date du 1er juin 2006 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à la décharge des cotisations supplémentaires à l'impôt sur les

sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des années 1987, 1988, 1989...

Vu la requête et le mémoire, enregistrés les 30 juin et 22 septembre 2006, présentés pour la société à responsabilité limitée CCI, dont le siège social est situé 95, rue de la Boétie à Paris (75008), par la SCP Choucroy, Gadiou et Chevallier, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de Cassation ; la société CONSEIL CONSTRUCTION INTERNATIONAL demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 9921495/2 en date du 1er juin 2006 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à la décharge des cotisations supplémentaires à l'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des années 1987, 1988, 1989, 1990 et 1992 et à la condamnation de l'Etat à lui verser des dommages et intérêts d'un montant de 5 000 000 F ;

2°) de prononcer la décharge de ces cotisations et des pénalités dont elles ont été assorties et de condamner l'Etat à lui payer des dommages et intérêts d'un montant de 762 245,09 euros ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761 ;1 du code de justice administrative ;
……………………………………………………………………………………………………...
Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 7 décembre 2007 :

- le rapport de M. Dalle, rapporteur ;

- les conclusions de Mme Isidoro, commissaire du gouvernement ;

Considérant que la société à responsabilité limitée CONSEIL CONSTRUCTION INTERNATIONAL (CCI), dont le gérant est Z, exerce une activité d' « économiste de la construction » ; que l'administration a eu connaissance, par l'exercice de son droit de communication auprès de l'autorité judiciaire dans le cadre d'une instruction pénale ouverte à l'encontre du dirigeant de la société de droit néerlandais Tesi, avec laquelle la société CCI était en relation, que cette dernière avait participé de 1987 à 1992 à la réalisation d'un projet immobilier sur l'île de Saint Martin (Antilles néerlandaises) et qu'elle avait perçu à ce titre une rémunération ; que l'administration a estimé que cette rémunération se rattachait à une activité commerciale exercée en France, imposable par suite en France à l'impôt sur les sociétés sur le fondement de l'article 209 du code général des impôts ; qu'elle a en conséquence notifié le
11 décembre 1997 à la société CCI des redressements en matière d'impôt sur les sociétés au titre des années 1987, 1988, 1989, 1990 et 1992 ; que la société CCI relève appel du jugement du
1er juin 2006 par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à la décharge des compléments d'impôt sur les sociétés auxquels elle a été assujettie au titre des années en cause et des pénalités dont ces compléments ont été assortis ;

Sur la régularité du jugement attaqué :

Considérant qu'il ressort de l'examen de sa minute que le jugement du tribunal administratif de Paris du 1er juin 2006 comporte, contrairement à ce qu'allègue la société CCI, le visa de tous les mémoires échangés entre les parties, ainsi que l'analyse des moyens qu'elles avaient soulevés ; que les premiers juges, qui n'étaient pas tenus de viser tous les textes dont ils entendaient faire application, ont en l'espèce suffisamment motivé leur jugement ; qu'ils n'ont pas omis de statuer sur les conclusions de la requérante relatives aux pénalités de mauvaise foi ;

Sur le moyen tiré de la violation de l'article R.* 200-5 du livre des procédures fiscales :

Considérant qu'aux termes de l'article R.* 200-5 du livre des procédures fiscales : « Lorsque l'Administration n'a pas, à l'expiration d'un délai de six mois suivant la date de présentation de l'instance, produit ses observations, le président du tribunal administratif peut lui accorder un nouveau délai de trois mois qui peut être prolongé, en raison de circonstances exceptionnelles, sur demande motivée. Le président du tribunal administratif peut imposer des délais au redevable. Si c'est le demandeur qui n'a pas observé le délai, il est réputé s'être désisté ; si c'est la partie défenderesse, elle sera réputée avoir acquiescé aux faits exposés dans les recours » ; qu'aucune des dispositions précitées ne fait obligation au président du tribunal administratif d'impartir un délai à l'administration pour présenter ses observations ;

Considérant qu'en l'espèce le président du tribunal administratif n'avait imparti aucun délai à l'administration à l'expiration du délai de six mois suivant l'enregistrement de la demande de la société CCI ; que, dès lors l'administration ne peut pas être réputée avoir acquiescé aux faits exposés par la société dans sa demande au tribunal administratif ;

Sur le moyen tiré de la violation de l'article R.* 198-10 du livre des procédures fiscales :

Considérant que l'article R.* 198-10 du livre des procédures fiscales dispose : « L'administration des impôts… statue sur les réclamations dans le délai de six mois suivant la date de leur présentation. Si elle n'est pas en mesure de le faire, elle doit, avant l'expiration de ce délai, en informer le contribuable en précisant le terme du délai complémentaire qu'elle estime nécessaire pour prendre sa décision. Ce délai complémentaire ne peut toutefois excéder trois mois… » ;

Considérant que la circonstance que l'administration ait statué sur la réclamation de la société CCI plus de six mois après le dépôt de cette réclamation, sans informer la société qu'elle ne pourrait respecter ce délai et sans l'aviser de la nécessité d'un délai complémentaire, est sans incidence sur la régularité et le bien-fondé des impositions en litige ;

Sur la prescription :

Considérant qu'aux termes de l'article L. 170 du livre des procédures fiscales : « Même si les délais de reprise prévus à l'article L. 169 sont écoulés, les omissions ou insuffisances d'imposition révélées par une instance devant les tribunaux ou par une réclamation contentieuse peuvent être réparées par l'administration des impôts jusqu'à la fin de l'année suivant celle de la décision qui a clos l'instance et, au plus tard, jusqu'à la fin de la dixième année qui suit celle au titre de laquelle l'imposition est due » ;

Considérant que la requérante conteste que son activité aux Antilles néerlandaises n'aurait été révélée à l'administration fiscale qu'au cours de l'instance pénale engagée à l'encontre du dirigeant de la société Seti ; qu'elle soutient que l'administration avait eu connaissance de cette activité lors d'une vérification de comptabilité diligentée à son encontre en 1991, portant sur les années 1988 et 1989 ; qu'elle fait également valoir que cette activité, exercée par le biais d'une succursale créée par elle en 1987, ressortait des déclarations de résultat souscrites auprès de l'administration fiscale française antérieurement à l'instance pénale et qu'au titre des années 1994 et 1996 elle avait intégré les résultats de sa succursale dans ses propres résultats ;

Considérant, toutefois, que ces allégations quant à l'imposition en France des résultats de la succursale et à la tenue, pour celle-ci, d'une comptabilité autonome, dont l'administration aurait eu connaissance, sont contestées par l'administration et ne sont assorties d'aucune justification ; que si le rapport sur la vérification de comptabilité effectuée en 1991 et la notification de redressements en date du 4 septembre 1991 faisant suite à cette vérification font apparaître que la société CCI avait signalé au vérificateur effectuer des opérations aux Antilles néerlandaises et avoir une succursale en zone hollandaise à Saint Martin, il ressort de la même notification de redressements que la société CCI n'avait pas été en mesure de produire la comptabilité de cette succursale, en sorte que le service avait estimé que l'existence de ladite succursale n'était pas établie et qu'un virement dont la société CCI affirmait qu'il provenait de son établissement de Saint Martin et qu'il correspondait au remboursement d'une dette devait être regardé comme un produit imposable ; que, dans ces conditions, l'activité commerciale exercée aux Antilles néerlandaises par la société CCI ne peut être regardée comme ayant été révélée à l'administration en 1991 ; que celle-ci pouvait donc faire usage du pouvoir que lui confère l'article L 170 du livre des procédures fiscales pour notifier à cette société en 1997 des redressements en matière d'impôt sur les sociétés portant sur les années 1987, 1988, 1989, 1990 et 1992, nonobstant l'expiration des délais de reprise prévus à l'article L. 169 ;

Considérant, par ailleurs, que la faculté donnée à l'administration par l'article L. 170 du livre des procédures fiscales n'est pas subordonnée à la condition que la juridiction de jugement saisie, si elle est une juridiction répressive, statue sur le fond de l'action publique ; que, dès lors, la circonstance que le juge d'instruction chargé du dossier dans lequel X était impliqué ait rendu une ordonnance de non-lieu est sans incidence sur la validité des redressements opérés à l'encontre de la société CCI ;

Sur le bien-fondé des impositions en litige :

Considérant qu'aux termes de l'article 209 du code général des impôts : « I. Sous réserve des dispositions de la présente section, les bénéfices passibles de l'impôt sur les sociétés sont déterminés d'après les règles fixées par les articles 34 à 45, 53 A à 57 et 302 septies A bis et en tenant compte uniquement des bénéfices réalisés dans les entreprises exploitées en France ainsi que de ceux dont l'imposition est attribuée à la France par une convention fiscale relative aux doubles impositions » ;

Considérant que la société CCI conteste, en se fondant sur ce texte, l'impôt sur les sociétés auquel elle a été assujettie au titre des années 1987 à 1990 et 1992, à raison des bénéfices que lui a procurés son activité d'économiste de la construction exercée au cours des mêmes années dans la partie néerlandaise de l'île de Saint Martin ; qu'elle soutient qu'elle disposait sur place d'une succursale de droit néerlandais et que son activité devait être assimilée à celle d'une entreprise exploitée hors de France, eu égard à son importance et à sa continuité ;

Considérant qu'il ne résulte pas de l'instruction que la société CCI aurait utilisé un local à Saint Martin ; que l'administration soutient sans être contredite qu'au cours de la période en litige, la succursale de la société avait quatre adresses, dont une de domiciliation ; que lors de son audition par les services de police, X a indiqué que le responsable de cette succursale n'avait rendu aucun service ; que la société CCI ne peut être regardée dans ces conditions comme ayant disposé d'un établissement à Saint Martin ; que, par ailleurs, il résulte de l'instruction qu'au sein de la société CCI le dossier de Saint Martin était suivi par X, qui s'est rendu sur place à de nombreuses reprises mais ne séjournait pas à Saint Martin et par son collaborateur, Y; qu'il n'est pas établi ni allégué que ce dernier aurait séjourné habituellement à Saint Martin et qu'il aurait eu dans ce pays le pouvoir d'engager l'entreprise ; qu'ainsi, la requérante, qui ne disposait pas à titre habituel de représentants dans ce pays, n'est pas fondée à soutenir que les bénéfices qu'elle a retirés de cette activité provenaient d'une entreprise exploitée hors de France ;

Considérant que l'autorité de la chose jugée en matière pénale ne s'attache qu'aux décisions des juridictions de jugement qui statuent sur le fond de l'action publique ; que tel n'est pas le cas des ordonnances de non-lieu que rendent les juges d'instruction, quelles que soient les constatations sur lesquelles elles sont fondées ; que l'ordonnance de non-lieu partiel rendue le
6 juillet 2004 en faveur de X ne peut donc être opposée au juge de l'impôt ;

Sur les pénalités de mauvaise foi :

Considérant que la société CCI ne pouvait ignorer qu'eu égard aux conditions dans lesquelles elle exerçait son activité à Saint Martin, par le biais d'une succursale dépourvue d'activité réelle, la rémunération qu'elle retirait de cette activité était imposable en France à l'impôt sur les sociétés ; qu'il est constant que cette rémunération a représenté durant cinq ans la majeure partie de ses résultats ; que l'administration établit par suite la mauvaise foi de la société CCI ;

Sur la demande en réparation du préjudice subi :

Considérant que la société CCI demande le versement d'une indemnité de
762 245 euros, en réparation du préjudice qu'elle aurait subi du fait de l'action des services fiscaux ; que ces conclusions qui n'ont été précédées d'aucune demande préalable devant l'administration sont, en tout état de cause, irrecevables ;

Sur les frais irrépétibles :

Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme que demande la société CCI au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;


DECIDE

Article 1er : La requête de la SARL CONSEIL CONSTRUCTION INTERNATIONAL est rejetée.

N° 06PA02415 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 7éme chambre
Numéro d'arrêt : 06PA02415
Date de la décision : 21/12/2007
Type d'affaire : Administrative

Composition du Tribunal
Président : Mme TRICOT
Rapporteur ?: M. David DALLE
Rapporteur public ?: Mme ISIDORO
Avocat(s) : SCP CHOUCROY- GADIOU- CHEVALLIER

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2007-12-21;06pa02415 ?
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