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20/11/2007 | FRANCE | N°06PA03260

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 4ème chambre, 20 novembre 2007, 06PA03260


Vu la requête sommaire et le mémoire ampliatif, enregistrés les 6 septembre 2006 et 10 octobre 2006, présentés pour la société FRANCE TELECOM dont le siège est situé au 6 place d'Alleray à Paris cedex 15 (75505), par Me Delvolvé ; la société FRANCE TELECOM demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0401994/2 du 21 juin 2006 en tant que le Tribunal administratif de Melun a annulé sa décision du 20 janvier 2004 maintenant en disponibilité Mme Marie-Caroline X, l'a condamnée à lui verser une indemnité correspondant à la moitié des revenus d'activité perdus et

lui a ordonnée de la réintégrer et de reconstituer sa carrière à compter du 2...

Vu la requête sommaire et le mémoire ampliatif, enregistrés les 6 septembre 2006 et 10 octobre 2006, présentés pour la société FRANCE TELECOM dont le siège est situé au 6 place d'Alleray à Paris cedex 15 (75505), par Me Delvolvé ; la société FRANCE TELECOM demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0401994/2 du 21 juin 2006 en tant que le Tribunal administratif de Melun a annulé sa décision du 20 janvier 2004 maintenant en disponibilité Mme Marie-Caroline X, l'a condamnée à lui verser une indemnité correspondant à la moitié des revenus d'activité perdus et lui a ordonnée de la réintégrer et de reconstituer sa carrière à compter du 22 septembre 2002 ;

2°) de rejeter la demande de Mme X devant le Tribunal administratif de Melun ;

3°) de mettre à la charge de Mme X la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

……………………………………………………………………………………………………..

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 modifiée ;

Vu la loi n° 90-568 du 2 juillet 1990 modifiée ;

Vu le décret n° 85-986 du 16 septembre 1985 modifié ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 6 novembre 2007 :

- le rapport de M. Lelièvre, rapporteur,

- les observations de Me Delvolvé, pour la société FRANCE TELECOM et celles de Me Viegas, pour Mme X,

- et les conclusions de Mme Régnier-Birster, commissaire du gouvernement ;

Sur la compétence :

Considérant qu'aux termes de l'article R. 222 ;13 du code de justice administrative : « Le président du tribunal administratif ou le magistrat qu'il désigne à cette fin et ayant atteint au moins le grade de premier conseiller statue en audience publique et après audition du commissaire du gouvernement : (…) 2° Sur les litiges relatifs à la situation individuelle des fonctionnaires ou agents de l'Etat et des autres personnes ou collectivités publiques, ainsi que des agents ou employés de la Banque de France, à l'exception de ceux concernant l'entrée au service, la discipline et la sortie du service » ; qu'aux termes de l'article R. 811 ;1 du même code : « (…) dans les litiges énumérés aux 1°, 4°, 5°, 6°, 7°, 8° et 9° de l'article R. 222 ;13, le tribunal administratif statue en premier et dernier ressort. Il en va de même pour les litiges visés aux 2° et 3° de cet article, sauf pour les recours comportant des conclusions tendant au versement ou à la décharge de sommes d'un montant supérieur au montant déterminé par les articles R. 222 ;14 et R. 222 ;15 (…) » ; qu'à la date du jugement attaqué, ce montant était fixé à 8 000 euros par l'article R. 222 ;14 précité ;

Considérant qu'il résulte de ces dispositions que, dès lors qu'ils comportent des conclusions tendant au versement d'une somme d'un montant supérieur à 8 000 euros, les litiges concernant la situation individuelle d'un fonctionnaire sont susceptibles d'un appel devant la cour administrative d'appel ; qu'il ressort des pièces du dossier que, dans la demande qu'elle a formée devant le Tribunal administratif de Melun, Mme X demandait le versement d'une somme de 54 880,61 euros en réparation de son préjudice ; qu'ainsi, les conclusions présentées en première instance tendaient au versement d'une somme d'un montant supérieur au plafond de 8 000 euros prévu à l'article R. 222 ;14 du code de justice administrative alors applicable ; qu'il suit de là, que Mme X n'est pas fondée à soutenir que la requête susvisée de la société FRANCE TELECOM serait portée devant une juridiction incompétente pour en connaître ;

Sans qu'il soit besoin d'examiner l'autre moyen tiré de l'irrégularité du jugement :

Considérant que le Tribunal administratif de Melun a omis de répondre au moyen de défense soulevé par la société FRANCE TELECOM, qui est opérant, tiré de ce que l'administration n'est pas tenue de réintégrer un fonctionnaire en disponibilité lorsqu'aucune vacance d'emploi correspondant aux voeux restrictifs formulés dans les demandes de réintégration n'est disponible ; que le jugement attaqué du 21 juin 2006 du Tribunal administratif de Melun est dès lors entaché d'irrégularité et doit être annulé ;

Considérant qu'il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande de Mme X devant le Tribunal administratif de Melun ;

En ce qui concerne les conclusions à fin d'annulation :

Considérant que la décision attaquée, qui comporte l'exposé des considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement, est suffisamment motivée ;

Considérant qu'aux termes de l'article 47 du décret n° 85-986 susvisé du 16 septembre 1985 : « La mise en disponibilité est accordée de droit au fonctionnaire, sur sa demande : … b) Pour élever un enfant âgé de moins de huit ans » ; qu'aux termes de l'article 49 du même décret : « A l'issue de la disponibilité prévue aux a, b et c de l'article 47 du présent décret, le fonctionnaire est … obligatoirement réintégré à la première vacance dans son corps d'origine et affecté à un emploi correspondant à son grade » ; qu'il résulte de ces dispositions que le fonctionnaire en disponibilité qui demande sa réintégration ne peut prétendre au choix de son lieu d'affectation ;

Considérant que Mme X, fonctionnaire de la société FRANCE TELECOM, a été placée à sa demande en disponibilité dans le cadre des dispositions précitées du c) de l'article 47 du décret n° 85-986 du 16 septembre 1985 ; que par un courrier en date du 21 juin 2002, elle a demandé sa réintégration à la directrice de l'agence du Val-de-Marne de la société FRANCE TELECOM en précisant qu'elle souhaitait « reprendre (son) activité à mi-temps étant donné les soucis de santé d'un de (ses) enfants » ; que contrairement à ce que soutient Mme X, il ne ressort pas des termes de ce courrier que l'intéressée aurait souhaité, au cas où une réintégration à mi-temps et proche de son domicile ne serait pas possible, une réintégration dans un autre emploi ; que cette demande a été rejetée le 13 septembre 2002 au motif qu'aucun poste ne correspondait à son profil et à son niveau au sein de la direction régionale Ile-de-France Sud ; que contrairement à ce qui est soutenu, il ne résulte pas de l'instruction et notamment pas des courriers que Mme X a adressés à l'administration les 12 et 16 septembre 2002 qu'elle serait revenue sur le sens de ses voeux ; que dans un courrier en date du 6 janvier 2003, qui n'a appelé aucune réaction de la part de Mme X, la directrice des ressources humaines de l'agence « Entreprises Ile-de-France Sud » a indiqué prendre note, à l'issue d'un entretien avec l'intéressée, que cette dernière souhaitait un emploi à temps partiel proche de son domicile ; qu'il n'est pas établi que Mme X aurait, jusqu'au 21 octobre 2003, clairement et expressément manifesté son intention de demander sa réintégration à un poste correspondant à son grade sans poser de conditions relatives à la proximité de son domicile et à un mi-temps ; que Mme X ne pouvait prétendre au choix de son affectation ; qu'en tout état de cause, il est constant qu'aucun poste vacant correspondant aux voeux restrictifs de ce fonctionnaire n'était disponible ; que la société FRANCE TELECOM n'était pas tenue de proposer spontanément à Mme X une réintégration dans un emploi ne correspondant pas à ses voeux ; qu'ainsi, Mme X n'est pas fondée à demander l'annulation de la décision du 20 janvier 2004, qui est suffisamment motivée au sens des dispositions de la loi n° 79-587 susvisée du 11 juillet 1979, en ce qu'elle a rejeté sa demande de retrait de la décision précitée du 13 septembre 2002 ; que les conclusions tendant à la réparation du préjudice que lui aurait causé le refus de la société FRANCE TELECOM en 2002 et 2003 de la réintégrer doivent également être rejetées ;

Considérant toutefois que par un courrier du 21 octobre 2003, Mme X a demandé sa réintégration dans un emploi correspondant à son grade sans poser aucune autre condition ; que la société FRANCE TELECOM ne soutient pas qu'aucun emploi de ce type n'aurait été vacant ; qu'ainsi, la décision attaquée du 20 janvier 2004, en tant qu'elle refuse la réintégration de l'intéressée à compter du 23 octobre 2003, date de réception de ce courrier, a été prise en méconnaissance des dispositions susmentionnées de l'article 49 du décret n° 85-986 du 16 septembre 1985 ; que ladite décision doit, dans cette mesure, être annulée ;

En ce qui concerne les conclusions indemnitaires :

Considérant qu'en l'absence de service fait, l'indemnité qui est due à Mme X doit correspondre à la différence entre, d'une part, le traitement net calculé en fonction du niveau indiciaire majoré des indemnités qui en constituent l'accessoire qu'elle aurait perçu si elle avait été réintégrée le 23 octobre 2003, à l'exclusion des indemnités représentatives de frais tel que l'indemnité de transport et des éléments de rémunération liés à l'exercice effectif des fonctions et, d'autre part, les revenus de substitution qu'elle a, le cas échéant, perçus depuis cette même date ; que l'état du dossier ne permettant pas de déterminer le montant des sommes dues à Mme X au titre de la perte de rémunération, il y a lieu de renvoyer celle-ci devant l'administration, pour qu'il soit procédé à la liquidation de sa créance ;

Considérant que l'indemnité de Mme X portera intérêt au taux légal à compter du 23 octobre 2004 pour la part due jusqu'à cette date et, pour le surplus, à compter de chacune des échéances auxquelles les traitements auraient dus être versés ; que ces intérêts seront capitalisés à l'échéance annuelle, à compter du 23 octobre 2005, pour produire eux-mêmes intérêts ;

Considérant qu'il sera fait une juste évaluation du préjudice moral subi par Mme X en le fixant à la somme de 1 000 euros ;

En ce qui concerne les conclusions à fin d'injonction :

Considérant qu'il y a lieu d'enjoindre la société FRANCE TELECOM de réintégrer Mme X et de reconstituer sa carrière à compter du 23 octobre 2003 dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt ; qu'il n'y a pas lieu d'assortir cette injonction d'une astreinte ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761 ;1 du code de justice administrative :

Considérant que l'article 5 du jugement attaqué, par lequel le Tribunal administratif de Melun a mis à la charge de la société FRANCE TELECOM la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, est annulé par le présent arrêt ; qu'il y a lieu de mettre à la charge de la société FRANCE TELECOM la somme globale de 2 000 euros à payer à Mme X au titre des frais exposés et non compris dans les dépens tant en première instance qu'en appel ; qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions de la société FRANCE TELECOM au titre des mêmes dispositions ;

D E C I D E :

Article 1er : Le jugement du Tribunal administratif de Melun du 21 juin 2006 est annulé.

Article 2 : La décision du 20 janvier 2004 est annulée en tant qu'elle porte refus de réintégration de Mme X à compter du 23 octobre 2003 au sein de la société FRANCE TELECOM.

Article 3 : La société FRANCE TELECOM est condamnée à verser à Mme XX une somme correspondant à la différence entre, d'une part, le traitement net calculé en fonction du niveau indiciaire majoré des indemnités qui en constituent l'accessoire, depuis le 23 octobre 2003, à l'exclusion des indemnités représentatives de frais tel que l'indemnité de transport et des éléments de rémunération liés à l'exercice effectif des fonctions et, d'autre part, les revenus de substitution qu'elle a, le cas échéant, perçus depuis cette même date. Mme X est renvoyée devant la société FRANCE TELECOM pour qu'il soit procédé à la liquidation de cette somme dans ces conditions. Ladite somme portera intérêts au taux légal à compter du 23 octobre 2004 pour la part due jusqu'à cette date et, pour le surplus, à compter de chacune des échéances auxquelles les traitements auraient dus être versés. Les intérêts échus le 23 octobre 2005 puis à chaque échéance annuelle à compter de cette date seront capitalisés à chacune de ces dates pour produire eux-mêmes intérêts.

Article 4 : La société FRANCE TELECOM est condamnée à verser la somme de 1 000 euros à Mme X en réparation de son préjudice moral.

Article 5 : Il est enjoint à la société FRANCE TELECOM de réintégrer Mme X et de reconstituer sa carrière à compter du 23 octobre 2003 dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt. La société FRANCE TELECOM tiendra le greffe de la cour (service de l'exécution) immédiatement informé des dispositions prises pour répondre à cette injonction.

Article 6 : La société FRANCE TELECOM versera la somme de 2 000 euros à Mme X au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 7 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.

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N° 06PA03260


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 06PA03260
Date de la décision : 20/11/2007
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. MERLOZ
Rapporteur ?: M. Francois LELIEVRE
Rapporteur public ?: Mme REGNIER-BIRSTER
Avocat(s) : DELVOLVE

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2007-11-20;06pa03260 ?
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