Vu la requête, enregistrée le 31 mai 2005, présentée pour la société anonyme SOLANES, dont le siège social est 94 avenue de Lorraine à Rungis (94150), par Me Tripet ; la société demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement n° 02-1454/3 en date du 10 février 2005, par lequel le tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande d'annulation de la décision du 5 mars 2002 de mise en recouvrement de l'amende fondée sur les dispositions de l'article 1840 N sexiès du code général des impôts, mise à sa charge au titre des années 1998 et 1999 pour un montant total de 85 369 euros ;
2°) de prononcer la décharge totale de cette amende, et à titre subsidiaire sa réduction à concurrence de la moitié ;
3°) de condamner l'Etat au versement d'une somme totale de 78 315 euros au titre des frais irrépétibles ;
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Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 5 novembre 2007 :
- le rapport de M. Privesse, rapporteur,
- les conclusions de M. Adrot, commissaire du gouvernement ;
et connaissance prise de la note en délibéré, présentée pour la SA SOLANES, enregistrée le 7 novembre 2007 ;
Considérant que la SA SOLANES, exerçant l'activité de commissionnaire en fruits et légumes sur le marché d'intérêt national (MIN) de Rungis, a fait l'objet d'un procès-verbal d'infraction aux dispositions de l'article 1840 N sexiès du code général des impôts, le 25 mai 2001, pour avoir accepté de la part de certains de ses clients des règlements en espèces à concurrence de montants supérieurs à 5 000 F ; que l'amende en résultant, à savoir 51 439 euros et 33 930 euros au titre respectivement des années 1998 et 1999, soit un total de 85 369 euros, a été mise en recouvrement le 5 mars 2002, par la décision litigieuse ; que par le jugement susmentionné du 10 février 2005, que conteste la société anonyme SOLANES, la demande de celle-ci en annulation pour excès de pouvoir de la susdite décision de mise en recouvrement de l'amende dont s'agit, a été rejetée ;
Sur la légalité externe et la régularité du procès-verbal du 25 mai 2001 :
Considérant, en premier lieu, qu'il y a lieu, par adoption des motifs retenus par les premiers juges, de rejeter les moyens tirés du non-respect du contradictoire et des droits de la défense, présentés en première instance et repris en appel, en ce que la société anonyme SOLANES n'aurait pas disposé de la faculté de se faire assister d'un conseil ; qu'il convient d'y ajouter que les règles applicables en matière de droit de timbre se limitent, s'agissant de l'amende litigieuse, à la procédure de recouvrement de celle-ci, sans y inclure la procédure d'assiette, et qu'en tout état de cause, la société requérante a pu faire valoir ses observations en défense sur le procès-verbal susmentionné par un courrier du 30 mai 2001 ; que par ailleurs, aucune disposition ni aucun principe n'impose à l'administration de répondre auxdites observations ; que dès lors, la société requérante ne saurait prétendre que ses droits à la défense ont été méconnus ;
Considérant, en second lieu, que les premiers juges ont estimé que les moyens relatifs à la motivation du procès-verbal et à celle de la réponse du service aux observations formulées par la société à son sujet, manquaient en fait, de même qu'il n'était pas établi que le représentant de la société anonyme SOLANES aurait signé ce même procès-verbal sous la contrainte ; que la société anonyme SOLANES se bornant à reproduire son argumentation présentée devant le tribunal, il y a lieu, en conséquence, d'écarter ces moyens par adoption des motifs retenus dans le jugement attaqué ;
Considérant en troisième lieu, que la société requérante fait encore valoir que l'administration n'a pas motivé le susdit procès-verbal au regard de la qualité de professionnels de ses clients ; que cependant, l'administration fait valoir à juste titre que les ventes aux particuliers étaient interdites dans l'enceinte du MIN de Rungis, lieu où se sont opérées les transactions litigieuses ; qu'en outre, celles-ci portaient sur des quantités excédant notablement celles correspondant normalement à la consommation personnelle de particuliers, et s'opéraient de la même façon qu'à l'égard de clients professionnels, comme en témoignent les annexes audit procès-verbal indiquant l'identité, l'adresse et les montants en espèces des clients de la société ayant réglé les marchandises en espèces pour des montants supérieurs à 5 000 F ; qu'un tel moyen doit donc être également écarté ;
Considérant en quatrième lieu, que l'amende alors prévue par les dispositions de l'article 1840 N sexiès du code général des impôts, ne revêt pas un caractère pénal mais constitue une sanction administrative ; que, bien que recouvrée comme en matière de timbre, elle ne présente pas le caractère d'un droit de timbre, non plus que celui d'un impôt direct ou indirect ; que dès lors, les dispositions des articles L. 213 du livre des procédures fiscales, qui s'appliquent en matière de contributions indirectes, et 429 du code de procédure pénale, applicable dans le cadre d'infractions de nature pénale, et qui concernent les signataires d'un procès-verbal, ne peuvent être utilement invoquées s'agissant de la constatation, telle que prévue à l'article L. 225 A du même livre, des infractions à l'origine de l'amende litigieuse ; qu'en tout état de cause, l'un des signataires du procès-verbal ayant constaté les faits constitutifs de l'infraction, à savoir la vérificatrice, le moyen relatif à son irrégularité formelle ne peut qu'être écarté comme manquant en fait ;
Considérant en cinquième lieu, que la société SOLANES reprend en appel le moyen tiré des irrégularités présumées affectant les opérations de vérification de comptabilité de sa société-soeur Halles Orly Sud ; que le jugement attaqué a correctement répondu à ce moyen ; qu'il y a lieu, dès lors, par adoption des motifs des premiers juges, de l'écarter ;
Considérant enfin, que si la société SOLANES fait valoir que l'administration ne s'est pas prévalue de la solidarité entre débiteurs et créanciers, prévue par les dispositions de l'article 1840 N sexiès du code général des impôts, ni dans le procès-verbal en cause, ni lors de la mise en recouvrement de l'amende litigieuse, aucune obligation légale n'imposait au service de porter une telle mention dans le procès-verbal, non plus d'ailleurs qu'ultérieurement, ces dispositions précisant elles-mêmes que l'une des parties à la transaction est solidairement tenue d'en assurer le règlement total ; que par suite, ledit procès-verbal n'a pu être entaché d'irrégularité de ce fait ;
Sur la légalité interne :
Considérant qu'en vertu des dispositions de l'article 1er de la loi du 22 octobre 1940, dans sa rédaction applicable au présent litige, les règlements qui excèdent la somme de 5 000 F afférents notamment à des fournitures et à des acquisitions d'objets mobiliers doivent être effectués par chèque barré, virement ou carte de paiement ou de crédit ; que selon le même article ces dispositions ne sont pas applicables aux règlements faits directement par des particuliers non commerçants à d'autres particuliers, à des commerçants ou à des artisans ; qu'aux termes de l'article 1840 N sexies du code général des impôts dans sa rédaction applicable au présent litige : « Les infractions aux dispositions de l'article 1er de la loi du 22 octobre 1940 … sont punies d'une amende fiscale dont le montant est fixé à 5 % des sommes indûment réglées en numéraire. Cette amende, qui est recouvrée comme en matière de timbre, incombe pour moitié au débiteur et au créancier, mais chacun d'eux est solidairement tenu d'en assurer le règlement total » ;
Considérant en premier lieu, qu'ainsi que l'ont noté à juste titre les premiers juges, il ne résulte ni des termes de l'article 1er de la loi du 22 octobre 1940, repris à l'article 1840 N sexiès du code général des impôts, ni des travaux préparatoires relatifs aux modifications ultérieures de ce texte, que le législateur ait entendu exclure de son champ d'application, l'une des parties ayant conclu une transaction ayant fait l'objet d'un règlement en espèces d'un montant supérieur à 5 000 F ; que dès lors, sans qu'il y ait eu lieu de rechercher l'auteur de l'infraction et alors que le législateur a entendu sanctionner solidairement aussi bien le débiteur qui règle ses achats en espèces que le créancier qui accepte un paiement en espèces de son client, le service a pu à bon droit mettre à la charge de la seule société anonyme SOLANES la totalité de l'amende prévue par les dispositions susrappelées ;
Considérant, en second lieu, que la société requérante fait encore valoir le parallélisme existant entre les dispositions de l'article 1840 N sexiès du code général des impôts, et celles de l'article 1749 du même code, qui sanctionne le non-respect de l'obligation prévue par l'article 1649 quater B du même code ; qu'elle en déduit que l'amende litigieuse devait être mise à la charge du particulier à l'origine de l'infraction ; que cependant, les infractions sanctionnées par ces deux textes étant différentes par nature, le moyen tiré de la comparaison de ces deux textes, doit donc être rejeté ;
Considérant, en troisième lieu, qu'il résulte des dispositions précédentes, que les obligations qu'elles instaurent, s'appliquent aux transactions portant sur des fournitures et sur l'acquisition d'objets mobiliers et par suite, sur celles portant, comme en l'espèce, sur des fruits ou des légumes ; que si la société, qui ne conteste pas la réalité des versements en espèces en cause, fait valoir qu'elle serait de bonne foi et que ces versements n'ont fait l'objet d'aucune dissimulation de recettes, ces circonstances sont sans incidence sur la légalité de l'amende, dès lors que les textes applicables ne font pas référence au caractère intentionnel des faits constatés ; que la société requérante ne saurait par ailleurs se prévaloir, en matière d'excès de pouvoir, des doctrines administratives qu'elle invoque ;
Considérant, en quatrième lieu, que le juge exerce son plein contrôle sur la légalité des amendes infligées par l'administration en vertu de l'article 1840 N sexies du code général des impôts ; que dans ces conditions, les dispositions de ce texte ne sont pas contraires aux stipulations de l'article 6-1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, même si le juge ne dispose pas du pouvoir de moduler le montant de ladite amende, selon le texte alors en vigueur ; que par ailleurs, se référant à l'article 8 de cette même convention, ainsi qu'à l'un de ses protocoles additionnels selon lequel « nul ne peut être condamné pour une action … qui, au moment où elle a été commise, ne constituait pas une infraction d'après le droit national … », la société anonyme SOLANES ne met pas le juge d'appel en mesure de se prononcer sur un tel moyen ; qu'elle ne démontre pas davantage que l'article 1840 N sexiès du code général des impôts serait contraire à une convention internationale ;
Considérant, en cinquième lieu, que la circonstance que les opérations de vérification dont a fait l'objet la société requérante n'ont débouché sur aucun redressement est sans incidence sur le bien-fondé de l'amende qui lui a été infligée sur la base de l'article 1840 N sexies du code général des impôts ; qu'en outre, et en tout état de cause, la société requérante ne peut utilement invoquer, sur le fondement des dispositions de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, la doctrine administrative issue de la réponse ministérielle Bechter (n° 31220, JO Assemblée nationale 8 décembre 1980 p. 5111), à l'occasion d'un recours pour excès de pouvoir ;
Considérant enfin, que la société SOLANES s'est vue infliger deux amendes, l'une au titre de l'article 1840 N sexiès, la seconde au titre de l'article 1740 ter du code général des impôts ; qu'à la suite d'un jugement du 23 novembre 2006, devenu définitif, du Tribunal administratif de Melun, l'ayant déchargé de l'amende résultant de l'application du second article, la société SOLANES soutient, sur le fondement des dispositions de l'article L. 80 B du livre des procédures fiscales, que l'administration a ainsi pris position à son égard, et que cette circonstance est de nature à créer une rupture d'égalité devant la loi fiscale ; que cependant, la société SOLANES n'est pas fondée à soutenir un tel moyen, ces deux amendes ayant des fondements en droit et en fait différents même si elles résultent, en l'espèce, d'un seul procès-verbal ; que l'administration ne saurait ainsi être regardée comme ayant pris position à la suite du jugement du 23 novembre 2006 ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède, que la société anonyme SOLANES n'est pas fondée à demander l'annulation de l'avis de mise en recouvrement du 5 mars 2002 mettant à sa charge la totalité de l'amende fondée sur les dispositions de l'article 1840 N sexiès du code général des impôts ; qu'elle n'est pas davantage fondée en ses conclusions subsidiaires, relative à une réduction de 50 % de celle-ci pour les mêmes motifs que ceux retenus par les premiers juges, qu'il y a lieu d'adopter ; que la requête de la société SOLANES ne peut, par suite, qu'être rejetée, sa demande visant à mettre à la charge de l'Etat le remboursement des frais irrépétibles, ne pouvant, en conséquence, que l'être également ;
D E C I D E :
Article 1er : La requête de la SA SOLANES est rejetée.
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N° 05PA02159