Vu la requête, enregistrée le 23 décembre 2005, présentée pour la société BNP PARIBAS, dont le siège est sis 16 boulevard des Italiens à Paris (75009), par Me Courteault ; la société BNP PARIBAS demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement n° 0200103 en date du 15 juin 2005 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision en date du 4 mai 2001 par laquelle l'inspecteur du travail de la 2ème section de la direction départementale du travail, de l'emploi et de la formation professionnelle de Paris lui a refusé l'autorisation de licencier pour faute M. Jean-Paul X, ensemble la décision implicite de rejet de son recours hiérarchique par le ministre de l'emploi et de la solidarité ;
2°) d'annuler pour excès de pouvoir les décisions précitées ;
3°) de l'autoriser à licencier M. X ;
4°) de condamner l'Etat et M. X à lui verser la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
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Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu le code du travail ;
Vu la loi n° 2002-1062 du 6 août 2002 portant amnistie ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 17 octobre 2007 :
- le rapport de Mme Malvasio, rapporteur,
- les observations de Me Courteault, pour la société BNP PARIBAS, et celles de Me Chanu, pour M. X,
- et les conclusions de M. Jarrige, commissaire du gouvernement ;
Considérant qu'en vertu des dispositions de l'article L. 425-1 du code du travail relatives aux conditions de licenciement des délégués du personnel, les salariés légalement investis des fonctions de délégué du personnel bénéficient, dans l'intérêt de l'ensemble des travailleurs qu'ils représentent, d'une protection exceptionnelle ; que, lorsque le licenciement d'un de ces salariés est envisagé, il ne doit être en rapport ni avec les fonctions représentatives normalement exercées, ni avec l'appartenance syndicale de l'intéressé ; que dans le cas où la demande de licenciement est motivée par un comportement fautif, il appartient à l'inspecteur du travail saisi et, le cas échéant, au ministre compétent de rechercher, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, si les faits reprochés au salarié sont d'une gravité suffisante pour justifier son licenciement compte tenu de l'ensemble des règles applicables au contrat de travail de l'intéressé et des exigences propres à l'exécution normale du mandat dont il est investi ;
Considérant que, par une lettre en date du 6 mars 2001, la société BNP PARIBAS a sollicité de l'inspecteur du travail de la 2ème section de la direction départementale du travail, de l'emploi et de la formation professionnelle de Paris l'autorisation de licencier pour faute M. X, titulaire du mandat de délégué du personnel, au motif qu'il avait envoyé à d'autres salariés, de manière répétée, des messages à caractère raciste et xénophobe sur sa messagerie électronique professionnelle, perturbé gravement le fonctionnement du service et créé un trouble au sein de l'entreprise ; que l'inspecteur du travail ainsi saisi a refusé de faire droit à cette demande par une décision en date du 4 mai 2001 ; que, saisi d'un recours hiérarchique, le ministre de l'emploi et de la solidarité l'a implicitement rejeté ; que, par un jugement du 15 juin 2005, le Tribunal administratif de Paris a rejeté la demande de la société BNP PARIBAS tendant à l'annulation de ces décisions ;
Considérant qu'aux termes de l'article L. 122-44 du code du travail : « Aucun fait fautif ne peut donner lieu à lui seul à l'engagement de poursuites disciplinaires au-delà d'un délai de deux mois à compter du jour où l'employeur en a eu connaissance (…) » ; qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que les messages incriminés aient été portés à la connaissance du supérieur hiérarchique de M. X avant le 1er décembre 2000 ; que, dès lors, la convocation de M. X à l'entretien préalable le 1er février 2001, n'a pas été postérieure au délai fixé par les dispositions précitées de l'article L. 122-44 du code du travail ;
Considérant que si, lors de l'entretien préalable, une copie des messages ayant justifié l'engagement de la procédure de licenciement n'a pas été présentée à M. X, ce dernier reconnaît que des passages de ceux-ci lui ont été lus et ne conteste pas avoir été informé des motifs de la mesure envisagée à son encontre et avoir pu fournir à l'employeur ses explications sur les faits qui lui étaient reprochés ; que, par ailleurs, il n'établit pas que son employeur lui ait refusé la communication des messages incriminés lors dudit entretien ou lors de la suite de la procédure ; qu'ainsi il n'est pas établi que l'entretien préalable au licenciement a été tenu dans des conditions irrégulières en méconnaissance des dispositions de l'article L. 122-14 du code du travail ;
Considérant qu'aux termes de l'article L. 436-1 du code du travail : « Tout licenciement envisagé par l'employeur d'un membre titulaire ou suppléant du comité d'entreprise ou d'un représentant syndical prévu à l'article L. 433-1 est obligatoirement soumis au comité d'entreprise qui donne un avis sur le projet de licenciement. » ; qu'il ressort des pièces du dossier que, d'une part, M. X, informé par son employeur des motifs de son licenciement au cours de l'entretien préalable prévu par l'article L. 122-14 du code du travail et auquel son employeur avait envoyé une convocation écrite pour la réunion du 22 février 2001 au cours de laquelle le comité d'établissement des centres parisiens de la Banque nationale de Paris était appelé à donner son avis sur son licenciement, a reçu cette convocation le 21 février 2001 ; qu'en dépit de sa brièveté, il ne ressort pas des pièces du dossier que, dans les circonstances de l'espèce, ce délai aurait été insuffisant pour permettre à l'intéressé de préparer son audition devant ce comité et de se faire assister par un représentant de son syndicat ; que M. X s'est au demeurant volontairement abstenu de se présenter devant ledit comité ; que, d'autre part, la convocation adressée à chacun des membres du comité pour la réunion organisée en vue de les consulter sur le licenciement d'un salarié, à laquelle l'employeur n'était pas tenu de joindre un dossier relatif au licenciement de l'intéressé, était régulière alors même que n'étaient mentionnés ni le nom du salarié concerné ni le mandat dont il était titulaire ; que, par ailleurs, il ressort du procès verbal de la réunion du comité que, au début de cette réunion, un dossier comprenant une copie des messages litigieux a été remis aux membres du comité d'établissement qui ont disposé d'un délai suffisant pour en prendre connaissance, qu'un long débat a eu lieu et qu'après avoir recueilli les observations du représentant de l'organisation syndicale que M. X avait chargé de sa défense, les membres du comité d'établissement s'estimant suffisamment informés ont émis un avis défavorable au projet de licenciement ; que l'avis donné par le comité a été ainsi émis dans des conditions régulières ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier, et notamment de la contre-enquête diligentée par le directeur départemental du travail, de l'emploi et de la formation professionnelle de Paris, que les messages incriminés ont été remis à l'employeur de M. X par l'un de leurs destinataires, également salarié de la société ; que, par suite, nonobstant le caractère personnel desdits messages, la société BNP PARIBAS a pu en faire usage sans méconnaître le secret des correspondances ou les dispositions de l'article L. 121-8 du code du travail, lesdits messages n'ayant pas été portés à sa connaissance par un moyen de preuve illicite ;
Considérant, enfin, qu'eu égard au caractère raciste et xénophobe des messages incriminés dont M. X ne conteste pas sérieusement être l'auteur, à leur répétition sur une période de cinq mois en dépit des protestations de ses collègues et au trouble incontestable ainsi créé au sein de l'entreprise, ces agissements de M. X sur son lieu de travail étaient constitutifs d'une faute d'une gravité suffisante pour justifier son licenciement ;
Considérant, en dernier lieu, qu'il n'est ni établi, ni même allégué que la procédure de licenciement engagée à l'encontre de M. X ait été en rapport avec son mandat de délégué du personnel ;
Considérant qu'il résulte de tout de ce qui précède que la société BNP PARIBAS est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision en date du 4 mai 2001 de l'inspecteur du travail de la 2ème section de la direction départementale du travail, de l'emploi et de la formation professionnelle de Paris, ensemble la décision implicite de rejet de son recours hiérarchique par le ministre de l'emploi et de la solidarité ; qu'en revanche, il n'appartient pas au juge administratif d'accorder à la société BNP PARIBAS l'autorisation de licenciement qu'elle demande ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit à ses conclusions tendant à la condamnation de l'Etat à lui verser la somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens, et de rejeter ses conclusions aux mêmes fins dirigées contre M. X ; que doivent être également rejetées, du fait de sa qualité de partie perdante, les conclusions de M. X tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
D E C I D E :
Article 1er : Le jugement du Tribunal administratif de Paris en date du 15 juin 2005, la décision du 4 mai 2001 de l'inspecteur du travail de la 2ème section de la direction départementale du travail, de l'emploi et de la formation professionnelle de Paris et la décision du ministre de l'emploi et de la solidarité rejetant le recours hiérarchique de la société BNP PARIBAS, sont annulés.
Article 2 : L'Etat est condamné à verser à la société BNP PARIBAS la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête de la société BNP PARIBAS et les conclusions présentées par M. X au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetés.
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N° 05PA04951