Vu la requête, enregistrée le 14 février 2006, présentée pour M. Hassan X, demeurant ..., par Me Mozagba ; M. X demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement n° 0424205/8 du 29 décembre 2004 par lequel le magistrat délégué par le président du Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 16 novembre 2004 par lequel le préfet de police a décidé sa reconduite à la frontière ;
2°) d'annuler cet arrêté pour excès de pouvoir ;
3°) d'enjoindre au préfet de police de lui délivrer une carte de séjour mention « vie privée et familiale » ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
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Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu la convention relative aux droits de l'enfant signée à New-York le 26 janvier 1990 ;
Vu l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945 modifiée ;
Vu le décret n° 95 ;304 portant publication de la convention d'application de l'accord de Schengen du 19 juin 1990 ;
Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
Vu le code de justice administrative ;
Vu la décision du 31 janvier 2007 par laquelle le président de la cour a désigné Mme Sichler pour statuer notamment sur les appels dirigés contre les décisions juridictionnelles rendues en application de l'article L. 512-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience publique ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 11 juillet 2007 :
- le rapport de Mme Sichler, magistrat désigné,
- les conclusions de M. Bachini, commissaire du gouvernement ;
- et mention ayant été faite à l'audience que la décision serait lue le jour même ;
Considérant qu'aux termes du I de l'article 22 de l'ordonnance du 2 novembre 1945 modifiée : « Le représentant de l'Etat dans le département et, à Paris, le préfet de police peuvent, par arrêté motivé, décider qu'un étranger sera reconduit à la frontière dans les cas suivants : (...) 3° Si l'étranger auquel la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour a été refusé ou dont le titre de séjour a été retiré, s'est maintenu sur le territoire au-delà du délai d'un mois à compter de la date de notification du refus ou du retrait (...) » ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. X, de nationalité marocaine, s'est maintenu sur le territoire français plus d'un mois après la notification, le 29 juin 2004, de la décision du préfet de police du 25 juin 2004 lui refusant la délivrance d'un titre de séjour et l'invitant à quitter le territoire ; qu'il entrait ainsi dans le champ d'application de la disposition précitée ;
Sur la légalité de l'arrêté de reconduite à la frontière et sans qu'il soit besoin de statuer sur les autres moyens :
Considérant qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : « 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui » ; enfin qu'aux termes de l'article 312 du code civil : « l'enfant conçu ou né pendant le mariage a pour père le mari » ;
Considérant que M. X fait valoir que l'arrêté de reconduite à la frontière du 16 novembre 2004 porte une grave atteinte à son droit à une vie privée et familiale en ce que sa mise à exécution lui ôterait tout espoir de retrouver son enfant enlevé par sa mère ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que l'épouse du requérant a donné naissance en août 2004 à un enfant dont ce dernier soutient qu'il est le père ; que si le préfet de police fait valoir, d'une part, que la mère de l'enfant, accompagnant son mari, le 12 mai 2004, à un entretien à la préfecture, aurait prétendu qu'elle était séparée de lui depuis 4 ou 5 mois et que l'enfant n'était pas de lui, et d'autre part, que l'intéressé aurait, dans une plainte adressée au procureur de la République en vue d'obtenir l'acte de naissance de sa fille, écrit que son épouse, alors enceinte de 5 mois et demi, avait disparu depuis juin 2003, cette circonstance, d'ailleurs entachée d'une évidente erreur de plume n'est, pas plus que les allégations de Mme X, de nature à renverser la présomption de paternité issue des dispositions précitées de l'article 312 du code civil dès lors que le mariage de M. X avec la mère de l'enfant n'a pas cessé et celle-ci n'a demandé ni le divorce ni la séparation de corps ;
Considérant que, dans ces circonstances, M. X est fondé à soutenir que l'arrêté en date du 16 novembre 2004 par lequel le préfet de police a ordonné sa reconduite à la frontière, porte une atteinte excessive à son droit au respect de sa vie privée et familiale ;
Sur les conclusions à fin de régularisation de la situation administrative de l'intéressé :
Considérant qu'à la suite d'une annulation d'un arrêté de reconduite à la frontière, il incombe au préfet, en application des dispositions de l'article L. 512-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, non seulement de munir l'intéressé d'une autorisation provisoire de séjour mais aussi, qu'il ait été ou non saisi d'une demande en ce sens, de se prononcer sur son droit à un titre de séjour ; que, dès lors, il appartient au juge administratif, lorsqu'il prononce l'annulation d'un arrêté de reconduite à la frontière et qu'il est saisi de conclusions en ce sens, d'user des pouvoirs qu'il tient de l'article L. 911-2 du code de justice administrative - lesquels peuvent être exercés tant par le juge unique de la reconduite à la frontière que par une formation collégiale - pour fixer le délai dans lequel la situation de l'intéressé doit être réexaminée au vu de l'ensemble de la situation de droit et de fait existant à la date de ce réexamen ; qu'en revanche l'intéressé ne peut demander qu'il soit enjoint à l'autorité administrative de lui délivrer un titre de séjour ;
Considérant qu'il y a lieu en conséquence, d'enjoindre au préfet de police de réexaminer la situation de M. X dans un délai de deux mois à compter de la notification de la présente décision ;
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros à payer à Me Mozagba, avocat de M. X, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens, sous réserve que cet avocat renonce à la perception de l'indemnité prévue par l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 ;
D E C I D E :
Article 1er : Le jugement n° 042405/8 en date du 29 décembre 2004 par lequel le magistrat délégué par le président du Tribunal administratif de Paris a rejeté la demande de M. X tendant à l'annulation de l'arrêté du 16 novembre 2004 par lequel le préfet de police a décidé sa reconduite à la frontière et l'arrêté susdit sont annulés.
Article 2 : Il est enjoint au préfet de police de réexaminer la situation de M. X dans un délai de deux mois à compter de la notification de la présente décision.
Article 3 : L'Etat versera à Me Mozagba, avocat de M. X, une somme de 1 500 euros au titre des frais irrépétibles à la condition que Me Mozagba renonce à la perception de l'indemnité prévue par l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.
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N° 01PA02043
SOCIETE EUROSIC
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No 06PA00607