Vu la requête, enregistrée le 20 avril 2004, présentée pour M. Jean-Claude X, demeurant ... par la SCP Bettinger et associés ; M. X demande à la cour :
1°) de réformer le jugement n° 99-18538, en date du 5 février 2004, par lequel le Tribunal administratif de Paris n'a fait droit qu'à hauteur de 8 000 euros à sa demande d'indemnisation des préjudices résultant de la mutation jugée illégale dont il a été l'objet le 14 août 1992, laquelle demande portait sur les sommes de 83 863,99 euros, au titre du préjudice né de la perte de traitement, de 27 441 euros pour la perte de rémunération accessoire, de 15 245 euros pour les troubles dans les conditions d'existence, et de 45 734,71 euros pour préjudice moral ;
2°) de condamner l'Etat à lui verser une somme de 27 441 euros au titre de la perte de rémunération accessoire, une somme de 15 245 euros au titre des troubles dans les conditions d'existence, et une somme de 45 734,71 euros au titre du préjudice moral ;
3°) d'ordonner le renvoi devant le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales pour l'indemniser de la perte de traitement subie entre le 14 août 1992 et le 30 janvier 2000, du fait de l'absence de nomination en qualité de contrôleur général ;
4°) d'ordonner la capitalisation des intérêts desdites sommes ;
5°) de condamner l'Etat à lui payer la somme de 6 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
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Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 15 mai 2007 :
- le rapport de M. Bernardin, rapporteur,
- les observations de la SCP Bettinger et associés, pour M. X ;
- et les conclusions de M. Coiffet, commissaire du gouvernement ;
Considérant que M. X, commissaire divisionnaire, nommé en 1987, chef d'état-major et adjoint au chef de service des voyages officiels et de la sécurité des hautes personnalités (S.V.O.S.H.P.) a été muté à l'inspection générale de la police nationale (I.G.P.N.) à compter du 15 septembre 1992, par arrêté du ministre de l'intérieur et de la sécurité publique, en date du 14 août 1992 ; que par un arrêt devenu définitif en date du 30 avril 1998, la cour de céans a, à la demande de M. X annulé cet arrêté, et, par un arrêté du 15 juillet 1998, le ministre de l'intérieur a, en conséquence, réintégré l'agent dans ses fonctions antérieures, pour la période du 1er décembre 1987 au 30 septembre 1995, date de son départ à la retraite ; qu'en l'absence de réponse de l'administration à sa réclamation préalable, M. X a, le 20 octobre 1999, demandé au Tribunal administratif de Paris de condamner l'Etat à l'indemniser des divers préjudices qu'il aurait subis du fait de l'irrégularité de l'arrêté de mutation pris à son encontre le 14 août 1992 ; qu'il relève appel du jugement en date du 5 février 2004, du magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Paris en ce qu'il n'a fait droit qu'à hauteur de 8 000 euros à sa demande d'indemnisation ;
Considérant qu'eu égard aux montants des indemnités demandées, le litige soumis au Tribunal administratif de Paris, qui ne saurait être regardé comme étant relatif à la situation individuelle d'un agent public au sens du 2° de l'article R. 222 ;13 du code de justice administrative, alors même qu'il trouverait son origine dans une décision de mutation prise à l'égard de M. X, ne constitue pas une action indemnitaire pouvant relever des dispositions du 7° du même article ; qu'ainsi, la demande de M. X ne relevant pas des matières prévues par l'article R. 222-13 du code de justice administrative, le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Paris n'était pas compétent pour y statuer ; qu'il y a lieu dès lors pour ce seul motif d'annuler le jugement en date du 5 février 2004 statuant sur la demande de M. X ;
Considérant qu'il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur les conclusions présentées par M. X devant le tribunal et devant la cour ;
En ce qui concerne le fondement de la responsabilité :
Considérant que si, par son arrêt du 30 avril 1998, la cour de céans a annulé l'arrêté du 14 août 1992 mutant M. X à l'inspection générale de la police nationale, pour absence de communication préalable à l'agent de son dossier, elle a également jugé que la mesure avait été édictée en raison de la nécessité de réorganiser le service dont M. X avait la direction, et non à titre de sanction disciplinaire ; que, par suite, si le requérant est fondé à rechercher la responsabilité de l'Etat en raison de la faute résultant de l'absence de communication préalable à l'agent de son dossier, il ne peut se fonder sur une prétendue sanction disciplinaire dont il aurait été l'objet, pour demander la réparation des préjudices qu'il soutient avoir subis ;
En ce qui concerne le préjudice de carrière :
Considérant que, d'une part, il ne résulte pas de l'instruction, que la mutation contestée, et a fortiori l'absence de communication préalable du dossier, ait obéré le déroulement normal de la carrière de M. X ; que, d'autre part, le préjudice résultant de la perte d'une chance pour ce dernier d'être nommé contrôleur général de la police nationale, n'est pas certain, eu égard au mode d'accès à ce corps ; que, dans ces conditions, M. X n'est pas fondé à demander une indemnité au titre du préjudice de carrière qu'il soutient avoir subi ;
En ce qui concerne le préjudice financier et les troubles dans les conditions d'existence :
Considérant qu'il est constant que si M. X a été muté illégalement du service des voyages officiels et de la sécurité des hautes personnalités à l'inspection générale de la police nationale, cette mutation ayant été prononcée dans l'intérêt du service, il a bénéficié dans ses nouvelles fonctions, d'un traitement et d'indemnités afférentes à ses grade et indice, au moins égaux à ceux dont il bénéficiait antérieurement à cette mutation ; que les pertes de revenus dont il fait état ne peuvent correspondre qu'à des indemnités liées aux fonctions exercées dans son service d'origine et dont il n'est pas fondé à demander le versement, pour la période postérieure au 15 septembre 1992, dès lors qu'il n'a plus alors réellement exercé ces fonctions ; que s'agissant des troubles dans les conditions d'existence dont il fait état, M. X n'établit pas plus en appel qu'en première instance, l'existence d'un lien direct avec la faute commise par le service ; que, par suite, il n'est pas davantage fondé à demander à être indemnisé au titre des prejudices susmentionnés ;
En ce qui concerne le préjudice moral :
Considérant que M. X est fondé à demander la réparation du préjudice moral ayant résulté de sa mutation à l'inspection générale de la police nationale et des conditions dans lesquelles elle est intervenue ; qu'il sera fait une juste appréciation du préjudice subi à ce titre par M. X en l'évaluant à la somme de 8 000 euros tous intérêts compris ;
Sur l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant qu'aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : « Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation. » ;
Considérant, d'une part, que ces dispositions font obstacle à ce que l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, soit condamné sur leur fondement à verser une somme à M. X au titre des frais qu'il aurait exposés et non compris dans les dépens ;
Considérant, d'autre part, que si le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales demande le versement par M. X d'une somme de 762,24 euros, en application des dispositions précités de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit à cette demande ;
D E C I D E :
Article 1er : Le jugement susvisé en date du 5 février 2004 du Tribunal administratif de Paris est annulé.
Article 2 : L'Etat est condamné à verser à M. X une indemnité de 8 000 euros.
Article 3 : Le surplus des conclusions présentées par M. X, tant devant le Tribunal administratif de Paris, que devant la cour, est rejeté.
Article 4 : Les conclusions du ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
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N° 04PA01410