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21/03/2007 | FRANCE | N°04PA03090

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 3ème chambre - formation a, 21 mars 2007, 04PA03090


Vu la requête et le mémoire ampliatif, enregistrés le 18 août et le 27 septembre 2004, présentés pour le CENTRE HOSPITALIER DE COULOMMIERS, sis rue Gabriel Péri à Coulommiers (77527), par Me Le Prado ; le CENTRE HOSPITALIER DE COULOMMIERS demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 001256 du 27 mai 2004 par lequel le Tribunal administratif de Melun l'a condamné à verser une somme de 10 000 euros chacun à M. et Mme Michel AYX, parents de Romain AYX, décédé le 11 mars 1995 dans ses services, et une somme de 3 000 euros chacun à M. Raymond AYX et Mme Simone DBZ, ses

grands-parents ;

2°) de rejeter la demande des consorts AYX ;

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Vu la requête et le mémoire ampliatif, enregistrés le 18 août et le 27 septembre 2004, présentés pour le CENTRE HOSPITALIER DE COULOMMIERS, sis rue Gabriel Péri à Coulommiers (77527), par Me Le Prado ; le CENTRE HOSPITALIER DE COULOMMIERS demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 001256 du 27 mai 2004 par lequel le Tribunal administratif de Melun l'a condamné à verser une somme de 10 000 euros chacun à M. et Mme Michel AYX, parents de Romain AYX, décédé le 11 mars 1995 dans ses services, et une somme de 3 000 euros chacun à M. Raymond AYX et Mme Simone DBZ, ses grands-parents ;

2°) de rejeter la demande des consorts AYX ;

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Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de la sécurité sociale ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 07 mars 2007 :

- le rapport de Mme Pellissier, rapporteur,

- les observations de Me Combemorel pour le CENTRE HOSPITALIER DE COULOMMIERS et de Me Coviaux pour les consorts AYX,

- et les conclusions de Mme Folscheid, commissaire du gouvernement ;

Considérant que M. Romain AYX, âgé de 24 ans, a été victime le samedi 11 mars 1995 vers 17 h d'un grave accident de motocyclette ; qu'il a été transporté par le SMUR au CENTRE HOSPITALIER DE COULOMMIERS où il est arrivé peu après 19 h ; qu'il y est décédé le même jour à 22 h 20 sans que l'intervention chirurgicale prévue ait pu avoir lieu ; que par le jugement litigieux, le Tribunal administratif de Melun a estimé que ce décès était imputable à une faute dans l'organisation des soins et condamné le centre hospitalier à verser une indemnité de 10 000 euros à chacun des parents de M. Romain AYX et 3 000 euros à chacun de ses grands-parents survivants ;

Sur la régularité du jugement :

Considérant qu'il ne résulte pas des pièces du dossier de première instance que le CENTRE HOSPITALIER DE COULOMMIERS aurait demandé aux premiers juges d'ordonner une expertise, ou même se serait associé à la demande formulée à titre subsidiaire par les consorts AYX ; que le centre hospitalier n'est pas fondé à soutenir que le jugement est entaché de défaut de motivation en tant qu'il ne statue pas sur une telle demande ;

Considérant cependant que dans son mémoire complémentaire du 18 mars 2004, le centre hospitalier avait fait valoir que compte tenu d'une part du très mauvais pronostic à l'admission et d'autre part des importantes séquelles qui auraient en tout état de cause résulté des lésions initiales, sa responsabilité ne pourrait être retenue qu'à raison d'une faible perte de chance et dans la limite d'une « considérable diminution de l'évaluation du préjudice » ; qu'en le condamnant à réparer la totalité du préjudice résultant du décès de Romain AYX sans répondre à ces moyens, qui n'étaient pas inopérants, le Tribunal administratif de Melun a insuffisamment motivé son jugement ; que ce jugement ne peut qu'être annulé ;

Considérant qu'il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par les consorts AYX devant le Tribunal administratif de Melun ;

Sur la recevabilité de la demande des consorts AYX :

Considérant que les parents et grands-parents de M. Romain AYX ont intérêt à demander au CENTRE HOSPITALIER DE COULOMMIERS réparation du préjudice que leur a selon eux causé la faute du service hospitalier ; qu'il ne ressort pas de l'instruction et n'est d'ailleurs plus allégué qu'ils auraient déjà été indemnisés de ce préjudice par un tiers qui seul aurait intérêt à agir ;

Sur la demande d'expertise :

Considérant qu'à la suite de la plainte contre X avec constitution de partie civile déposée le 22 juin 1995 par M. et Mme Michel AYX, le juge judiciaire a ordonné une expertise par trois experts aux fins de déterminer les causes de la mort de Romain AYX ; que le rapport a été déposé le 28 décembre 1998 au greffe du Tribunal de grande instance de Meaux ; que la cour trouve dans ce rapport, qui a été communiqué au CENTRE HOSPITALIER DE COULOMMIERS dans le cadre de la présente instance et auquel il a opposé un dire médical le 18 mars 2004, des éléments suffisants d'information pour statuer sur la responsabilité administrative du centre hospitalier ; qu'ainsi la demande d'expertise complémentaire n'est pas utile ;

Sur la responsabilité du centre hospitalier :

Considérant qu'il résulte de l'instruction que lors de son admission au centre hospitalier qui a eu lieu à 19 h 07 et était annoncée par le SMUR, M. Romain AYX souffrait, outre d'un traumatisme crânien initial qui ne semble pas avoir joué de rôle dans le décès, d'une fracture du fémur, d'une fracture de l'humérus et principalement d'un très grave traumatisme ouvert du bassin, avec nombreuses fractures et probable lésion du rectum et de la vessie ; qu'il ressort du rapport d'expertise précité qu'une laparotomie d'urgence était nécessaire pour traiter les lésions responsables d'un important saignement intra-péritonéal vraisemblablement à l'origine du décès ; que cette intervention aurait pu être pratiquée à partir de 20 h 15, heure à laquelle les examens radiologiques et échographiques nécessaires avaient été effectués et où la réanimation d'urgence à base de remplissage vasculaire avait permis de faire remonter la tension artérielle ; que cependant, le praticien d'astreinte pour la chirurgie générale, appelé à son domicile à 20 h 34, était alors en train d'opérer dans une clinique privée auprès de laquelle il était également d'astreinte ; qu'il n'est arrivé à l'hôpital que peu de temps avant 21 h 45, heure à laquelle Romain AYX a fait un arrêt cardio-respiratoire lors du passage du chariot à la table d'opération ; que ce retard d'intervention révèle une organisation fautive des soins ; qu'il résulte de l'instruction, et notamment du rapport d'expertise précité, que malgré la gravité des lésions du bassin, susceptibles selon les experts d'entraîner la mort dans 30 à 40 % des cas, et du facteur d'aggravation que constituaient les autres lésions traumatiques, le retard d'intervention a fait perdre à ce jeune patient une chance réelle de survie ; que dès lors le défaut d'organisation imputable à l'hôpital est en lien avec le décès de M. AYX ; qu'il appartient au centre hospitalier d'assurer la réparation intégrale des préjudices imputables à ce retard fautif ;

Sur l'évaluation du préjudice :

Considérant que les parents et grands-parents de M. Romain AYX se bornent à demander la réparation du préjudice moral que leur a causé son décès ; qu'alors même que Romain AYX aurait vraisemblablement en cas de survie gardé des séquelles de son accident, l'intégralité de ce préjudice moral résultant du décès est imputable à la faute du centre hospitalier ; que celui-ci n'est donc pas fondé à soutenir que l'évaluation du préjudice doit être minorée pour tenir compte de séquelles ;

Considérant qu'il sera fait une juste appréciation du préjudice moral subi par les parents de M. Romain AYX, âgé de 24 ans et à leur charge au moment du décès, en l'évaluant à la somme de 10 000 euros ; que le préjudice moral des deux grands-parents requérants en première instance et aujourd'hui décédés sera justement réparé par une indemnité de 3 000 euros ;

Sur les intérêts et la capitalisation des intérêts :

Considérant que les intérêts à taux légal sur les sommes précitées sont dus à compter du 9 octobre 1998, date de réception par le centre hospitalier de la demande préalable des consorts AYX ; qu'à la date du 5 avril 2000 à laquelle la capitalisation des intérêts a été pour la première fois demandée, il était dû plus d'une année d'intérêts ; que dès lors il y a lieu de faire droit à cette demande tant à cette date qu'à chacune des échéances annuelles successives ;

Sur les frais de procédure :

Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que les consorts AYX, qui ne sont pas la partie perdante, versent au centre hospitalier la somme qu'il a demandée devant le Tribunal administratif de Melun au titre des frais exposés pour sa défense ; que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de condamner le CENTRE HOSPITALIER DE COULOMMIERS à verser aux consorts AYX une somme totale de 2 000 euros au titre des frais de procédure qu'ils ont exposés tant en première instance qu'en appel ;

D E C I D E :

Article 1er : Le jugement du Tribunal administratif de Melun en date du 27 mai 2004 est annulé.

Article 2 : Le CENTRE HOSPITALIER DE COULOMMIERS versera une somme de 10 000 euros à M. Michel AYX, une somme de 10 000 euros à Mme Josette DBZ, épouse AYX, une somme de 3 000 euros à la succession de Mme Simone DBZ née Magnaudet et une somme de 3 000 euros à la succession de M. Raymond AYX. Ces sommes porteront intérêts à compter du 9 octobre 1998, date de réception de la demande préalable. Les intérêts échus le 5 avril 2000 seront capitalisés à cette date et à chaque échéance annuelle successive pour produire eux-même intérêts.

Article 3 : Le CENTRE HOSPITALIER DE COULOMMIERS versera une somme de 2 000 euros aux consorts AYX au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions de première instance et d'appel des consorts AYX et du CENTRE HOSPITALIER DE COULOMMIERS est rejeté.

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N° 04PA03090


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 3ème chambre - formation a
Numéro d'arrêt : 04PA03090
Date de la décision : 21/03/2007
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme CARTAL
Rapporteur ?: Mme Sylvie PELLISSIER
Rapporteur public ?: Mme FOLSCHEID
Avocat(s) : LE PRADO

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2007-03-21;04pa03090 ?
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