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15/02/2007 | FRANCE | N°03PA04602

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 3ème chambre - formation a, 15 février 2007, 03PA04602


Vu la requête, enregistrée le 12 décembre 2003, présentée pour la société Les ASSURANCES GENERALES DE FRANCE (AGF), par Me Dechezleprêtre ; la société AGF demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 9914498/6 du 14 octobre 2003 par lequel le Tribunal administratif de Paris a condamné l'Assistance publique - Hôpitaux de Paris à lui verser une somme de 29 265, 99 euros en remboursement des débours engagés pour la réparation des préjudices subis par M. Sébastien X du fait des insuffisances de sa prise en charge le 1er juillet 1994 ;

2°) de condamner l'Assi

stance publique - Hôpitaux de Paris à prendre en charge les 2/3 des indemnités qu...

Vu la requête, enregistrée le 12 décembre 2003, présentée pour la société Les ASSURANCES GENERALES DE FRANCE (AGF), par Me Dechezleprêtre ; la société AGF demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 9914498/6 du 14 octobre 2003 par lequel le Tribunal administratif de Paris a condamné l'Assistance publique - Hôpitaux de Paris à lui verser une somme de 29 265, 99 euros en remboursement des débours engagés pour la réparation des préjudices subis par M. Sébastien X du fait des insuffisances de sa prise en charge le 1er juillet 1994 ;

2°) de condamner l'Assistance publique - Hôpitaux de Paris à prendre en charge les 2/3 des indemnités qu'elle aura à verser et à lui verser à titre de provision une somme de 30 490 euros avec intérêts à compter du 18 mai 1999 ;

3°) de condamner l'Assistance publique - Hôpitaux de Paris à lui verser une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

……………………………………………………………………………………………………...

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code des assurances ;

Vu le code de la sécurité sociale ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 31 janvier 2007 :

- le rapport de Mme Pellissier, rapporteur,

- les observations de Me Bissonnet pour les ASSURANCES GENERALES DE France et celles de Me Tsouderos pour l'Assistance publique - Hôpitaux de Paris,

- et les conclusions de Mme Folscheid, commissaire du gouvernement ;

Considérant que le 30 juin 1994, le jeune Sébastien X, âgé de presque 17 ans, a été victime au domicile des époux Y d'un grave accident entraînant écrasement du pied droit et fracture ouverte de la jambe gauche avec rupture artérielle ; que transféré rapidement à l'hôpital Raymond Poincaré de Garches, il n'a pu être opéré, dans un autre hôpital dépendant de l'Assistance publique - Hôpitaux de Paris, que près de huit heures après l'accident ; que du fait de l'ischémie prolongée, il a dû subir le 7 juillet l'amputation de la jambe gauche au tiers moyen de la cuisse ; que par le jugement litigieux en date du 14 octobre 2003, le Tribunal administratif de Paris a jugé fautif le retard d'intervention, estimé à 75 000 euros le préjudice total subi par M. X du fait de la faute de l'établissement public et, compte tenu du versement dès 1995 à la victime d'une provision de 45 734, 71 euros, condamné l'Assistance publique - Hôpitaux de Paris à verser à la société AGF, assureur des époux Y civilement responsables de la totalité des conséquences de l'accident, une somme de 29 265, 29 euros ; que la société AGF estime cette somme insuffisante et demande dans le dernier état de ses conclusions, à la suite de sa condamnation par jugement du TGI de Paris en date du 12 mai 2006 à verser les sommes de 90 330, 15 euros à la caisse primaire d'assurance maladie de Paris et de 481 714, 13 euros à M. X en plus des provisions déjà versées, la condamnation de l'Assistance publique - Hôpitaux de Paris à lui verser une somme de 418 269, 43 euros ;

Sur la recevabilité de la requête :

Considérant que la requête contient une critique du jugement et des moyens d'appel ; qu'elle est suffisamment motivée ;

Au fond :

Considérant qu'il résulte de l'instruction et notamment du rapport d'expertise en référé déposé le 13 février 1998 que si, compte tenu de la gravité des blessures initiales, la survie du membre n'était pas totalement garantie, le retard d'intervention fautif a causé à M. X une très sérieuse perte de chances d'échapper à l'amputation de la jambe gauche ; qu'ainsi c'est à juste titre que le tribunal administratif a estimé qu'il appartenait à l'Assistance publique - Hôpitaux de Paris de réparer l'intégralité du préjudice résultant de cette amputation ;

Considérant qu'il résulte de l'instruction qu'après la première opération du 1er juillet 1994 nécessitée par l'accident, M. X a dû subir l'intervention chirurgicale d'amputation le 7 juillet 1994 puis une nouvelle opération pour la reprise du moignon d'amputation le 27 septembre 1994 ; qu'il est resté hospitalisé jusqu'au 29 novembre 1994 à l'hôpital Ambroise Paré puis à l'Institution nationale des Invalides et a subi une longue rééducation ; que l'appareillage a été particulièrement difficile, M. X n'ayant encore qu'une prothèse provisoire lors de son examen par l'expert le 23 janvier 1998 ; que dans ces circonstances, doivent être considérés comme imputables au retard d'intervention les deux-tiers des frais médicaux, pharmaceutiques et d'hospitalisation exposés par la caisse primaire d'assurance maladie pour un montant total de 59 505, 53 euros et les deux tiers des frais médicaux restés à la charge de M. X pour un montant total de 37 866, 41 euros, soit au total 64 914, 62 euros, ainsi que la totalité des frais d'appareillage exposés par la caisse pour un montant de 30 824, 62 euros ; que s'agissant des frais futurs d'appareillage, il y a lieu compte tenu de l'age de la victime de mettre à la charge de l'Assistance publique - Hôpitaux de Paris le coût de cinq prothèses, dont la dernière coûtait 9 559 euros, soit au total 47 795 euros ; que l'indemnisation due au titre de ces chefs de préjudice par l'Assistance publique - Hôpitaux de Paris s'élève ainsi au total à la somme de 143 534, 24 euros ;

Considérant qu'en l'absence d'amputation, M. X n'aurait pas eu à supporter le coût d'acquisition et de renouvellement d'un véhicule à embrayage automatique ; qu'alors même qu'une somme supérieure « acceptée par les parties » a été retenue par le jugement judiciaire auquel l'Assistance publique - Hôpitaux de Paris n'était pas partie, ce chef de préjudice sera justement réparé par l'attribution d'une indemnité de 15 000 euros ;

Considérant qu'il résulte de l'instruction que M. X aurait subi, si les conséquences dommageables de l'accident initial n'avaient pas été aggravées par la faute de l'Assistance publique - Hôpitaux de Paris, une incapacité temporaire totale de six mois, suivie d'une incapacité temporaire partielle de 33 % pendant six mois supplémentaires et, après consolidation au bout d'un an, une incapacité permanente partielle de 20 % due aux séquelles d'atteinte du nerf sciatique poplité droit et à un enraidissement du genou gauche, ce qui aurait causé une gêne pour la pratique intensive ou en compétition de certains sports ; que du fait de la nécessité d'une amputation, il a subi un an d'incapacité temporaire totale, puis 60 % d'incapacité temporaire partielle pendant 18 mois, suivis de 3 mois d'incapacité temporaire totale du fait d'une chute avec fracture facilitée par son état et à nouveau d'une incapacité temporaire partielle de 55 % pendant 9 mois ; que la consolidation est intervenue le 23 janvier 1998, M. X conservant un taux d'incapacité permanente partielle de 50 % qui interdit une pratique sportive normale ; que M. X, qui terminait sa classe de première lors de l'accident, a réussi son baccalauréat un an plus tard après avoir suivi des cours particuliers et par correspondance et a été admis à l'université Paris-Dauphine ; qu'il n'a ainsi subi aucune perte de revenus du fait de la période d'incapacité totale ; qu'il ne résulte d'aucune pièce du dossier que l'abandon allégué de ses études supérieures serait en lien avec l'aggravation de son état dû à l'amputation ou que l'invalidité supplémentaire qui en résulte lui aurait causé, compte tenu de la nature de la profession envisagée, un préjudice professionnel ; que dans ces circonstances, il sera fait une juste appréciation de l'ensemble des troubles dans les conditions d'existence résultant de la faute de l'Assistance publique - Hôpitaux de Paris en fixant à 115 000 euros l'indemnisation due de ce chef, y compris une somme de 5 000 euros au titre des troubles subis pendant la période d'incapacité temporaire supplémentaire et une somme de 10 000 euros au titre du préjudice d'agrément lié à l'abandon de la pratique sportive habituelle ;

Considérant que du fait de la faute de l'Assistance publique - Hôpitaux de Paris,

M. X a enduré des souffrances chiffrées à 5,5 par l'expert sur une échelle de 7, alors qu'elles n'auraient été que de 4/7 en l'absence d'amputation ; que ce chef de préjudice doit être indemnisé par une somme de 8 000 euros ;

Considérant qu'en l'absence d'amputation, le préjudice esthétique aurait selon l'expert été de 2,5 sur une échelle de 7, alors qu'il est en définitive de 4/7 ; que le tribunal administratif a fait de ce chef de préjudice une estimation qui n'est ni excessive ni insuffisante en fixant à 6 000 euros l'indemnisation du dommage supplémentaire dû à la faute de l'Assistance publique - Hôpitaux de Paris ;

Considérant que le préjudice total causé par la faute de l'Assistance publique - Hôpitaux de Paris s'élève à la somme globale de 287 534, 24 euros ; que compte tenu de la provision de 45 734,71 euros que l'établissement public a versée en 1995 à M. X, la société AGF, qui a indemnisé celui-ci et la caisse primaire d'assurance maladie à hauteur d'une indemnité globale de plus de 600 000 euros et se trouve à due concurrence subrogée dans leurs droits, est fondée à demander que la somme que le tribunal administratif a condamné l'Assistance publique - Hôpitaux de Paris à lui verser par le jugement litigieux soit portée à 241 799, 53 euros ;

Considérant que par sa demande préalable reçue le 18 mai 1999 par l'Assistance publique - Hôpitaux de Paris, la société AGF n'avait demandé à celle-ci que le versement d'une provision de 30 489, 80 euros ; que les intérêts sur cette somme sont dus depuis cette demande de paiement ; que les intérêts sur le reste de la somme due par l'Assistance publique - Hôpitaux de Paris, soit 211 309, 73 euros, ne sont dus qu'à compter du 21 novembre 2006, date à laquelle a été enregistré au greffe de la cour le mémoire complémentaire précisant, après versement le 28 juillet 2006 par AGF du reliquat des sommes dues aux victimes, l'étendue exacte de sa demande ;

Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de condamner l'Assistance publique - Hôpitaux de Paris à verser à la société AGF une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; que ces dispositions font obstacle à ce que la société AGF, qui n'est pas la partie perdante, verse à l'Assistance publique - Hôpitaux de Paris la somme qu'elle demande au titre des frais de procédure qu'elle a exposés ;

D E C I D E :

Article 1er : La somme que l'Assistance publique - Hôpitaux de Paris a été condamnée à verser à la société AGF par l'article 2 du jugement du Tribunal administratif de Paris en date du 14 octobre 2003 est portée à 241 799, 53 euros. La somme de 30 489, 80 euros portera intérêts à compter du 18 mai 1999 et la somme restante de 211 309, 73 euros à compter du 21 novembre 2006.

Article 2 : Le jugement du Tribunal administratif de Paris en date du 14 octobre 2003 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 3 : L'Assistance publique - Hôpitaux de Paris versera à la société AGF une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de la société AGF et les conclusions incidentes de l'Assistance publique - Hôpitaux de Paris sont rejetés.

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N° 03PA04602


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 3ème chambre - formation a
Numéro d'arrêt : 03PA04602
Date de la décision : 15/02/2007
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme CARTAL
Rapporteur ?: Mme Sylvie PELLISSIER
Rapporteur public ?: Mme FOLSCHEID
Avocat(s) : DECHEZLEPRETRE

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2007-02-15;03pa04602 ?
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